LETTRE MENSUELLE MAI 2016 N°102 « Eclairer l’actualité économique et financière pour mieux anticiper et maîtriser les risques » L’éthique au service de la croissance Pour l’économiste de la banque d’Angleterre, la restauration de la confiance rendra aux banques leur capacité à être des accélérateurs de croissance, qualité qui fait cruellement défaut à l’équation économique d’aujourd’hui. Le 12 mai dernier, une communication de Mr Rosengren, président de la Réserve Fédérale de Boston, et colombe parmi les partisans d’une politique monétaire accommodante, relançait le débat d’un relèvement rapide des taux d’intérêts aux Etats Unis, et provoquait au passage une hausse du billet vert qui gagnait 3%. Deux semaines plus tard, les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis venaient contredire son analyse et reporter la hausse des taux qu’il appelait pourtant de ses vœux. (cf. graphique). Ces deux événements traduisent deux réalités que même Madame Janet Yellen a du mal à réconcilier : la perception générale que les vents économiques sont en train de tourner outre-Atlantique avec l’accumulation potentielle de vents contraires qui ont pour noms Europe, Chine, Pétrole et productivité américaine ; et l’idée qu’il faudrait quand même remonter les taux d’intérêt pour redonner de la valeur au temps, à l’investissement, et favoriser le redressement des résultats des banques fortement dépendants de la pente de la courbe des taux. 600 400 Création d'Emplois privés sur une chute massive de productivité à l’origine de la grande fragilité de la reprise depuis 8 ans. Cependant, c’est dans le domaine social, mesuré à l’aune de la confiance, que les banques ont perdu sans doute le plus de capital. Andy Haldane cite une enquête de 2013 auprès des professionnels de la finance qui, pour plus de la moitié d’entre eux, considéraient que leurs compétiteurs étaient engagés dans des affaires non éthiques et qui pour 24% d’entre eux considéraient que leur propre institution était engagée elle-même dans des affaires non éthiques. Si l’on s’intéresse à l’opinion du public, le déficit de confiance est encore plus grand. C’est ce que l’économiste de la banque d’Angleterre appelle « la grande division » : «la confiance dans les banques a été construite au fil des siècles grâce à leur ancrage local dans leur communauté. Depuis la globalisation (qui a commencé bien avant la crise), cet ancrage a disparu et la baisse de confiance a débuté : l’anonymat a ouvert la voie à l’ignominie ». Nuage de mots de Forums Ouverts (source BOE) I believe that financial markets are likely to become [ ] over time. 200 0 -200 -400 -600 -800 ADP National Employment (Tot. Private) BLS (Tot. Private) -1000 Source : ECB - Agata Capital L’économie américaine va moins bien et, de façon paradoxale, une raison importante en est que les taux d’intérêt sont sans doute trop bas. C’est en tout cas bien l’intention de Janet Yellen de les remonter un peu contre vents et marées. La contrepartie des taux d’intérêt négatifs est en effet que le cash devient roi. Or le cash est une denrée hautement déflationniste car c’est une perte de réserve pour le système bancaire. C’est ce que démontre très bien Andy Haldane, économiste de la banque d’Angleterre. Pour lui, les banques sont dans la majorité des cas des accélérateurs de croissance et non l’inverse. Pour Mr Haldane, les banques disposent de deux types de capital: un capital physique et financier mesurable d’un côté, et un capital social beaucoup plus difficile à évaluer de l’autre. Au sommet du cycle, les 100 plus grandes banques au monde disposaient d’une capitalisation boursière de $4.9 trillion, soit autour de 8,5% du PNB. Au creux de la crise, ce capital était tombé à $1.4 trillion. Aujourd’hui, la plupart des banques sont évaluées en dessous de leur valeur comptable : elles détruisent de la valeur pour les investisseurs. Mais le pire reste que parallèlement à cela, la crise financière a généré un retard de Production Nationale Brute globale de 32 trillion débouchant Olivier Dyer, CEO : [email protected] : 06 72 18 00 82 Pour Andy Haldane, la façon de répondre à ce challenge est de « recréer du sens dans la banque ». Et de citer la régulation, le débat académique ou le SMR (Senior Management Regime qui expose pénalement les dirigeants des sociétés financières aux Royaume Uni) comme autant d’initiatives allant dans la bonne direction. Mais il faudrait aussi explorer d’autres voies comme la communication qui devrait être moins quantitative et plus qualitative : les rapports annuels des banques sont passés de 100 à 600 pages en quelques années et le langage utilisé est très peu accessible. De même les banques pourraient-elle devenir des fleurons du digital et bénéficier de la sorte de l’excellente image dont disposent les sociétés de technologie dans l’opinion publique. Enfin il faut rompre l’anonymat des grandes institutions, qu’elles soient financières ou non d’ailleurs, à travers une meilleure gouvernance, une meilleure responsabilisation et un meilleur « ancrage local ». De ces évolutions dépend la capacité des banques en particulier, et de l’économie en général, à reconstruire du capital social « brick by brick, bank by bank, policy by policy, word by word » selon Haldane. La restauration de la confiance rendra aux banques leur capacité à être des accélérateurs de croissance, qualité qui fait cruellement défaut à l’équation économique d’aujourd’hui. Page Page11