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Le changement climatique affectera-t-il nos
hydrosystèmes ?
Le cas des bassins du Rhône et de la Seine
Should the global change affect our hydrosystems?
Case of Rhone and Seine watersheds
Jean-Michel Tanguy
Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable
Service Central d’Hydrométéorologie et d’Appui à la Prévision des Inondations
42, avenue Gaspard Coriolis, 31 057 Toulouse Cedex 1
Tél : 05 34 63 85 51
Fax : 05 34 63 85 78
E.mail : jean-michel.tanguy@environnement.gouv.fr
Maurice Müller
Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable
Direction des études économiques et de l’évaluation environnementale
20, avenue de Ségur
Tél : 01 42 19 17 52
Fax : 01 42 19 17 85
Résumé
Le changement climatique est devenu un enjeu important pour l’élaboration des politiques
publiques à partir du moment les premiers scénarios alarmistes du GIEC ont mis en
évidence une augmentation de plusieurs degrés de la température de l’air, une remontée du
niveau de la mer et des évolutions importantes du climat. Sur la base des travaux du GIEC, un
programme national, lancé par le ministère chargé de l’environnement, a mis en évidence
des conséquences spécifiques telles qu’une fonte nivale précoce, une augmentation des pics
de crues, des étiages beaucoup plus prononcés. On comprend alors que les pouvoirs publics
commencent à se soucier de près de ces évolutions…
Abstract
Global Change began a main goal for public policies when the first simulations of the GIEC
group pointed out an increase of air temperature, a sea level rise and drastic climate
evolutions. Based on the GIEC results, a national program of the ministry of environment,
focussed on the consequences on the hydrology of the main French watersheds puts on
evidence specific evolutions: early snow melting, increased flood peaks, more pronounced
lowest water levels. It is also obvious that the public institutions begin to be preoccupied by
these evolutions…
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Mots-clés : changement climatique, GIEC, GICC, hydrologie, bassins du Rhône,
bassin de la Seine
Keywords : global change, GIEC, GICC, hydrology, Rhône watershed, Seine
watershed
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INTRODUCTION
Le changement climatique est devenu un enjeu important depuis une vingtaine
d’années pour plusieurs raisons. La première vient du fait que les pays industrialisés
se préoccupent de plus en plus de qualité de vie, ce qui a diminué le seuil de
tolérance aux calamités naturelles. Par ailleurs, les progrès scientifiques et
techniques permettent de mesurer divers paramètres physiques qui mettent en
évidence des évolutions à court et moyen terme. Enfin, les premières études lancées
il y a une vingtaine d’années étaient vraiment alarmistes. Elles ont produit une forte
médiatisation du domaine.
Le premier groupe d’experts internationaux sur l’évolution du climat (GIEC) établi en
1988 par l’Organisation Météorologique Mondiale et le Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE) a posé les premiers fondements scientifiques
de cette nouvelle discipline. Le GIEC a montré que les gaz à effet de serre,
principalement le gaz carbonique, issu de la combustion du charbon et du pétrole
étaient les acteurs du réchauffement constaté sur la planète. Ce fut la première
démonstration de l’effet du comportement humain sur notre écosystème. Cette
augmentation de la température de l’air provoquerait des conséquences pouvant se
traduire par une pression sur nos ressources vivantes, sur terre comme sur mer, telle
que la remontée du niveau de la mer et la modification sensible du climat.
Cette présentation reprend les principales conclusions du GIEC ainsi que celles des
équipes de recherches qui travaillent depuis 1999 dans le cadre des projets GICC
sur les conséquences du changement climatique sur l’hydrologie des bassins du
Rhône et de la Seine.
1. MESURES ET CONSTATS
Au XX
e
siècle, la température moyenne globale à la surface de la Terre s’est accrue
de 0,6°C. Les années 1990 ont été la décennie la plus chaude, avec un pic en 1998.
Des ballons-sondes sont lancés depuis un certain nombre d’années. Ils permettent
de constater que les températures ont augmenté ces quarante dernières années
dans les huit kilomètres des couches inférieures de l’atmosphère.
Les mesures en Antarctique et ailleurs font apparaître une réduction de la couverture
neigeuse et des étendues glaciaires. La couverture neigeuse a diminué de 10 %
depuis la fin des années 1960. Les glaciers reculent, pas simplement en épaisseur
mais aussi en surface. La surface de la glace en mer a diminué de 15 %. Des
limnigraphes et des marégraphes, par exemple à Marseille et à Brest — premier site
instrumenté français — ont mesuré une élévation du niveau moyen global des mers
de 0,1 m à 0,2 m au cours du XX
e
siècle. Par ailleurs, les précipitations se sont
accrues de 0,5 % à 1 % tous les 10 ans dans l’hémisphère Nord. On constate aussi
un changement dans la fréquence et pas seulement dans l’intensité des
événements et des précipitations importantes qui a augmenté de 2 % à 4 %. Enfin,
les épisodes de réchauffement du phénomène El Nino ont été plus fréquents, plus
persistants et plus intenses depuis le milieu des années 1970. L’intensité des
sécheresses en Asie et en Afrique a augmenté également.
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À côté de ces événements globaux mesurés, des constats ont été également faits
sur les phénomènes anthropiques. Les concentrations atmosphériques de gaz à
effet de serre et leur forçage radiatif ont continué d’augmenter à cause des activités
humaines. Les concentrations de CO
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mesurées par les prélèvements dans les
calottes glaciaires se sont accrues de 31% depuis 1750. Les trois quarts des
émissions anthropiques de CO
2
au cours de 20 dernières années sont dues à la
combustion de combustibles fossiles. Il en est de même pour le méthane, le CH
4
,
l’oxyde nitreux N
2
O : terres cultivées, aliments pour bétail, émanation des
décharges, industrie chimique… La couche d’ozone stratosphérique qui produit un
forçage radiatif négatif s’appauvrit. L’ozone troposphérique, quant à elle, a diminué.
Et les aérosols produisent un forçage positif. Enfin, NO
x
, CO et COV, gaz à effet de
serre indirects, augmentent également.
Les forçages radiatifs sont de l’énergie soit positive, soit négative qui produit soit un
réchauffement, soit un refroidissement. Tous ces gaz lâchés dans l’atmosphère
produisent un bilan d’énergie positif, c’est-à-dire un réchauffement, alors que l’ozone
stratosphérique qui est beaucoup plus haute, produit un refroidissement.
Globalement, on s’aperçoit qu’il y a un pic important de l’effet de ces gaz qui sont
rejetés dans l’atmosphère de par l’activité de l’homme, et produisent un fort
réchauffement. Mais il y a aussi les effets indirects des aérosols qui, bien que très
faibles, ont des conséquences de refroidissement.
Sur la base de ces constats et compte tenu de la complexité des interactions entre
tous ces processus, il est apparu nécessaire d’appréhender les évolutions naturelles
et anthropiques par le biais de la modélisation.
2. RECOURS A LA MODELISATION
Les modèles climatiques généraux (MCG) permettent de déterminer quelles peuvent
être ces évolutions. Le meilleur moyen est d’essayer de reproduire la situation
mesurée, avec les connaissances disponibles et les mesures collectées dans le
passé, puis d’extrapoler les tendances en fonction de scénarios correspondant à des
scénarios de croissances économiques différentes. Plus d’une centaine d’experts
ont participé à ces études. Ils ont défini quatre grandes familles de scénarios
possibles, suivant la croissance économique envisageable (ils sont tous
consultables dans le rapport du GIEC) :
A1 : croissance économique très rapide, population mondiale maximale, usages
intensifs de combustibles. Cette situation entraîne le plus de pollutions ;
A2 : monde très hétérogène avec autosuffisance et préservation des identités
locales. Ce modèle prévoit une moindre mondialisation, des progrès économiques
plus lents ;
B1 : forte augmentation de la population, plus de services mais aussi plus de
technologies propres ;
B2 : population mondiale en augmentation régulière, développement économique
intermédiaire, protection de l’environnement, approche locale. C’est un scénario
moyen.
Ces scénarios sont injectés à l’intérieur de modèles de simulation que reproduisent
la physique des processus sur l’ensemble du globe en prenant en compte les
échanges océan-atmosphère.
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Par exemple, on a isolé la courbe concernant le forçage naturel de celle concernant
le forçage anthropique, entre 1860 et 2000 (figure 1). Si on garde uniquement le
forçage naturel, on s’aperçoit qu’il y a une certaine stabilisation, même jusqu’en l’an
2000.
Figure 1 : reproduction et évolution de la température de l’air (source GIEC)
En revanche, si on ne conserve que le forçage anthropique, on perçoit une forte
augmentation des températures qui est quasiment celle que l’on observe. Quand on
ajoute les deux effets, après les avoir dissociés au préalable, ils correspondent à la
situation existante.
2.1. Evolution de la température de l’air et du niveau de la mer
Les simulations correspondent aux scénarios d’évolution. Elles conduisent à des
évaluations assez différentes de l’évolution des températures qui se situe entre
1,5°C et 6°C.
De manière similaire, les simulations prévoient une élévation du niveau de la mer
compris entre 9 cm et 88 cm d’ici 2020, ce qui est considérable. Cela vient de
plusieurs phénomènes très reliés : la perte de masse des glaciers, la dilatation
thermique des océans avec l’augmentation des températures… Sur nos côtes, les
répercussions risquent d’être importantes.
2.2. Evolution des précipitations
Les projections prévoient que l’influence des activités humaines contribuera à
modifier la composition atmosphérique tout au long du XXI
e
siècle. On sait qu’une
interaction directe s’effectue à partir des gaz à effet de serre, comme le CO
2
, le N
2
O
ou le CH
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dont la concentration va augmenter. Les événements de précipitations
plus intenses devraient augmenter. Mais les modèles ne concordent pas toujours
quant à l’évolution future de l’intensité, de la fréquence et de la variabilité des
tempêtes aux latitudes moyennes.
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