1. Voir Zumthor 1972:42-3: ”Le vouloir-chanter, le vouloir-dire
procède d'un accord profond et d'une unité d'intention avec le
vouloir-entendre du groupe humain. Solidaires de la collectivité
qui les fait vivre, de sa culture et de son histoire, l'auteur et
le diseur de l'oeuvre (qu'ils soient distincts ou identiques)
participent intensément à l'idéologie commune, partagent les goûts
de ceux auxquels ils s'adressent. La nouveauté que parfois les
poètes introduisent se cache sous des aspects bien connus: c'est
le contenu qui change sous la continuité apparente des formes, ou
l'inverse.”
2. M. Zink, dans Poirion 1983:137.
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3. Vers une typologie du genre
La littérature du moyen âge est une littérature fortement conven-
tionnelle qui ne laisse que peu de place aux sentiments personnels ou aux
exigences individuelles. Les auteurs ne se lassent guère d'exploiter les
mêmes formules texte après texte dans un effort conscient de se plier aux
désirs d'une société qui ne cherche que la confirmation de ses attentes.
Grâce à ses expériences avec d'autres textes le lecteur/auditeur médiéval a
pu se construire (inconsciemment ou non) un horizon d'attente auquel il
confrontera tout texte nouveau. Un texte qui s'éloigne trop de cet horizon
ne sera pas apprécié, et, peut-être, même pas compris. L'auteur sait qu'il
doit escamoter tout élément nouveau parmi des éléments que tout le monde
connaît déjà. Ceci est bien connu. Je n'ai pas besoin d'insister.1
Le caractère clichématique de l'objet littéraire médiéval se manifes-
te avec une certaine insistance dans la lyrique où les mises en forme et/ou
la thématique sont en grande partie soumises à des conventions qui limitent
la variabilité des textes individuels. Cela se voit fort clairement dans la
cansó. Le texte-robot construit par Michel Zink en est une belle illustra-
tion. Dressant l'inventaire des éléments qui forment le prototype qu'on
reconnaîtra dans toute cansó, Zink écrit:
Au début de son poème, le troubadour déclare qu'il a envie de compo-
ser un poème et il explique pourquoi: c'est qu'il est amoureux et que
telle ou telle circonstance, généralement le renouveau printanier de
la nature, l'incite à exprimer poétiquement son amour. Puis il
justifie cet amour par les qualités de sa dame. Puis il explique
pourquoi l'amour le rend heureux, parce que sa dame lui a envoyé un
message, parce qu'elle lui a accordé une faveur, ou, plus souvent,
pourquoi il le rend triste: parce que sa dame le repousse, parce
qu'elle accepte son amour mais ne lui accorde aucune faveur tangible,
parce qu'il est séparé d'elle, parce qu'elle l'a chassé, parce qu'ils
souffrent des médisances des lauzengiers. A la fin, le poème est prié
d'aller dire à la dame l'amour de son serviteur. Et il n'est pas rare
que le poète déclare pour finir que la chanson qui précède est
excellente, que la pensée en est délicate et l'expression choisie et
qu'elle est digne des meilleurs succès si elle trouve un interprète
digne d'elle.2
Si l'on prend par exemple la chanson Li nouviauz tanz et mais et