revue Virologie 2012, 16 (5) : 315-29 Cytomégalovirus humain et cancers Quentin Lepiller1 , 2 , 3 Samira Fafi-Kremer1 , 2 , 3 Françoise Stoll-Keller1 , 2 , 3 Georges Herbein4 , 5 , 6 1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Hôpitaux universitaires de Strasbourg, laboratoire de virologie, 3, rue Koeberlé, 67000 Strasbourg, France 2 Inserm, U748, 67000 Strasbourg, France 3 Université de Strasbourg, 67000 Strasbourg, France <[email protected]> 4 CHU de Besançon, laboratoire de virologie, 25030 Besançon, France 5 Université de Franche-Comté, EA 4266 Agents pathogènes et inflammation, 25030 Besançon, France 6 SFR FED 4234, 25030 Besançon, France Résumé. Le cytomégalovirus humain (HCMV) est un virus aux multiples facettes dont la pathogénicité ne cesse d’être réévaluée. Si son implication dans la carcinogenèse est restée longtemps controversée, l’amélioration récente de la sensibilité des techniques de détection a permis de le mettre en évidence dans les tissus tumoraux de plusieurs cancers. Son influence, en tant qu’initiateur ou promoteur de l’oncogenèse, mérite d’être envisagée. Le HCMV favorise l’inflammation, pilier de la carcinogenèse, ainsi que l’échappement immunitaire. En infectant la cellule tumorale et/ou les cellules du microenvironnement tumoral et en modulant le cycle cellulaire, la survie, l’apoptose, le métabolisme cellulaire, l’angiogenèse, l’adhésion et la migration cellulaire, le HCMV pourrait fournir à la tumeur en formation des armes supplémentaires pour promouvoir son développement. Les preuves d’un tel effet oncomodulateur du HCMV n’ont cessé de s’accumuler depuis plusieurs années. Parallèlement, certains arguments continuent de plaider en faveur d’un rôle direct du HCMV sur l’initiation des tumeurs. Qu’il soit initiateur ou promoteur, le rôle potentiel du HCMV dans la carcinogenèse permet d’envisager de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement des cancers et offre un regard nouveau sur les relations complexes entre virus et cancers. Mots clés : herpesvirus, carcinogenèse, inflammation, échappement immunitaire Abstract. Human cytomegalovirus (HCMV) has been increasingly involved in carcinogenesis over the last decade. HCMV is present on the tumor site in a large proportion of several cancers and enhances both inflammation and immune escape. By acting on the tumor cells and/or the tumor microenvironment, HCMV may behave like an “oncomodulator” to influence cell cycle progression, survival, apoptosis, angiogenesis, cellular metabolism and tumor invasivity. Beside this suspected role in tumor promotion, several data continue to argue for a direct role of HCMV in tumor initiation. Whether HCMV is initiator or promoter, its potential involvement in carcinogenesis may provide new therapeutic targets in cancer treatment and offers a new perspective on the complex relationship between viruses and cancers. Key words: herpeviruses, carcinogenesis, inflammation, immune escape doi:10.1684/vir.2012.0462 Introduction La relation entre virus et cancers est une histoire complexe qui débuta il y a tout juste un siècle lorsque Peyton Rous démontra que des extraits tumoraux filtrés acellulaires préparés à partir de sarcomes de poulets pouvaient reproduire la tumeur d’origine lorsqu’ils étaient injectés à un animal Tirés à part : Q. Lepiller sain. Ces filtrats acellulaires réalisés par Rous contenaient un virus, le virus du sarcome de Rous (RSV), qui devint ainsi le premier virus oncogène découvert et qui valut à Peyton Rous de recevoir le prix Nobel en 1966. Depuis, le rôle oncogène de nombreux virus à ARN ou à ADN a été largement démontré et a permis d’envisager des cibles vaccinales et thérapeutiques efficaces dans certains cancers comme le cancer du col de l’utérus (impliquant des papillomavirus humains) ou l’hépatocarcinome (pouvant résulter d’une infection par les virus de l’hépatite B Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Pour citer cet article : Lepiller Q, Fafi-Kremer S, Stoll-Keller F, Herbein G. Cytomégalovirus humain et cancers. Virologie 2012; 16(5) : 315-29 doi:10.1684/vir.2012.0462 315 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue et de l’hépatite C) [1]. Les virus peuvent agir en tant qu’initiateurs des cancers ou en tant que promoteurs, notamment en induisant une inflammation chronique favorisant le passage de cellules prénéoplasiques vers le développement de tumeurs invasives. Il est généralement admis que plus de 20 % des cancers seraient ainsi sous-tendus par un processus inflammatoire chronique [2]. À l’échelle de la population mondiale, il a été récemment estimé que deux millions de nouveaux cas de cancers (sur un nombre total de 12,7 millions) étaient directement imputables à des agents infectieux au cours de l’année 2008 [3]. De nombreux progrès restent cependant à faire pour identifier l’ensemble des virus impliqués dans la survenue de cancers et comprendre les mécanismes moléculaires liant directement ou indirectement les infections virales et la carcinogenèse. À la différence d’autres herpesvirus comme le virus d’Epstein-Barr (EBV) ou l’herpesvirus humain 8 (HHV8), le cytomégalovirus humain (HCMV) n’est souvent pas considéré comme un virus oncogène. Le HCMV est un -herpesvirus aux multiples facettes dont la pathogénicité ne cesse d’être réévaluée. En effet, en dehors du contexte de primo-infection au cours de la grossesse, le HCMV fut considéré pendant des décennies comme un virus peu pathogène chez l’hôte immunocompétent, responsable le plus souvent d’une primo-infection asymptomatique, parfois responsable de syndromes mononucléosiques [4]. Avec l’accroissement des situations d’immunosuppression, liées au développement des transplantations de moelle osseuse et d’organes solides, à l’usage de traitements immunosuppresseurs et à l’émergence du sida, le pouvoir pathogène du HCMV apparut sous un jour nouveau. Chez les patients immunodéprimés, le HCMV est impliqué à la fois dans des complications infectieuses aiguës telles que des pneumonies, des œsophagites, des colites ou des rétinites, mais également dans des complications à long terme comme des complications vasculaires, des pathologies auto-immunes, des maladies du greffon contre l’hôte et des rejets de greffe [4, 5]. L’infection endothéliale par le HCMV est impliquée, via la libération de médiateurs de l’inflammation et de facteurs de croissance, dans le développement accéléré de pathologies vasculaires comme l’athérosclérose, associé à une inflammation chronique avec prolifération des cellules musculaires lisses [6]. Par analogie avec les complications tardives observées chez les sujets immunodéprimés, le HCMV est suspecté de participer à des processus inflammatoires similaires chez les sujets immunocompétents dont l’athérosclérose, certaines maladies inflammatoires chroniques (comme la maladie de Crohn), ou encore des cancers [5]. Les arguments en faveur de l’implication du HCMV dans la promotion des cancers n’ont cessé de s’accumuler, offrant un regard nouveau sur la complexité des relations entre virus et cancers [5, 7, 8]. 316 Nous nous proposons de présenter successivement les arguments en faveur d’une participation du HCMV aux processus tumoraux. Nous comparerons également brièvement le HCMV à un autre herpesvirus dont le pouvoir oncogène est bien établi, l’EBV, avant de nous interroger sur la place du HCMV comme cible thérapeutique dans le traitement des cancers. Le cytomégalovirus humain est présent au cœur de l’inflammation et de la tumeur Après une phase de primo-infection, le HCMV établit chez son hôte une phase de latence. Chez le sujet immunocompétent, cette phase de latence est ponctuée de réactivations régulières efficacement contrôlées par le système immunitaire [4]. Les monocytes et certaines cellules CD34+ de la lignée myéloïde constituent un site majeur de latence du HCMV [9]. La réplication virale y est abortive ou limitée à l’expression de certains gènes. En revanche, l’activation des monocytes et leur différenciation en macrophages, s’accompagnent d’une reprise du cycle de réplication virale [10]. La capacité du virus à se répliquer est donc étroitement liée à l’état de différenciation de la cellule infectée. Certains auteurs suggèrent que le HCMV serait véhiculé jusqu’au cœur du processus inflammatoire tumoral par les monocytes puis réactivé lors de la différenciation des monocytes en macrophages. Le HCMV infecterait alors les cellules permissives environnantes (dans le cas des cancers : cellules tumorales ou prétumorales, cellules stromales et cellules immunes) et agirait comme cofacteur dans l’évolution des processus cancéreux (figure 1) [5, 11]. En 2002, Cobbs et al. ont proposé des techniques sensibles d’immuno-histochimie, d’hybridation in situ et de PCR nichée capables de détecter de faibles quantités de protéines ou de génome du HCMV dans les tissus tumoraux [12]. Ces techniques ont permis de détecter le HCMV spécifiquement dans les tissus tumoraux mais non dans les tissus sains dans plusieurs cancers comme les gliomes, les cancers du côlon, de la prostate, de la peau, du sein, des glandes salivaires ou encore dans les médulloblastomes (tableau 1) [12-23]. Notre groupe a également rapporté la présence de HCMV dans les carcinomes hépatocellulaires (CHC) ainsi qu’une séroprévalence plus élevée du HCMV chez des patients cirrhotiques atteints de CHC (74 %) que chez des patients cirrhotiques indemnes de CHC (54 %) [24]. Dans les cancers étudiés, le niveau d’expression protéique ou génomique du HCMV était faible, nécessitant l’emploi de techniques suffisamment sensibles pour détecter le virus [25]. Le mode de réplication du HCMV sur le site tumoral, prolongé et à bas bruit, fut qualifié par SöderbergVirologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 revue Macrophage Différenciation Réplication du HCMV Libération des virions Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Monocytes porteurs du HCMV latent LATENCE ? Cellule immune ? Cellule tumorale Cellule stromale Inflammation G0 M G2 Survie et prolifération cellulaires G1 S Inhibition de l'apoptose Stimulation de l’angiogenèse Échappement immunitaire Instabilite génétique Invasivité FOYER INFLAMMATOIRE Figure 1. Modèle de l’effet oncomodulateur du cytomégalovirus humain (HCMV) dans les processus tumoraux. Les monocytes circulants constituent un des sites de latence du HCMV. En contexte inflammatoire, la différenciation des monocytes en macrophages s’accompagne d’une réactivation du HCMV. Le HCMV véhiculé au cœur du processus inflammatoire par les monocytes pourrait infecter les cellules permissives locales : cellules tumorales, immunitaires ou stromales. L’influence des protéines du HCMV sur l’inflammation, la survie, l’apoptose, l’angiogenèse, l’instabilité génétique, l’invasivité ou encore l’échappement immunitaire pourrait ainsi favoriser le développement tumoral. Naucler de « micro-infection » [5, 11]. Récemment, certains auteurs ont montré que le niveau d’expression du HCMV dans les cancers était en fait variable d’un individu à l’autre et pouvait parfois être corrélé à la sévérité de la maladie. Ainsi, la quantification du HCMV dans les gliomes par une technique de PCR en temps réel a révélé des charges virales faibles mais différentes selon les patients (102 106 copies/500 ng d’ADN total) [13]. De plus, le niveau d’expression des protéines du HCMV dans les gliomes était étroitement lié au grade de la tumeur [17]. En étudiant l’implication du HCMV dans les cancers des glandes salivaires, Melnick et al. ont également noté une corrélation entre le niveau d’expression des protéines du HCMV et le grade tumoral [23]. Dans cette étude, les auteurs se sont en outre attachés à montrer que : – le HCMV était présent dans une proportion élevée de tumeurs (97 %) ; Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 – le virus était absent dans les tissus non tumoraux ; – l’expression des protéines du HCMV était accompagnée d’une surexpression de voies de signalisation oncogènes dans les tissus tumoraux ; – le cytomégalovirus (CMV) induisait une transformation des cellules de glandes salivaires murines in vitro. Grâce à ces propriétés, les auteurs ont conclu que le CMV devait être considéré comme un « oncovirus » [23]. Au sein des tissus tumoraux, le HCMV a été détecté à la fois dans les cellules cancéreuses et dans les cellules du microenvironnement tumoral comme les cellules immunitaires infiltrantes et les cellules stromales (dans les cancers du sein et du côlon), et les cellules microgliales (dans les gliomes) [7, 14, 20]. L’effet du HCMV sur la tumeur ne doit donc pas être envisagé uniquement sous 317 revue Tableau 1 Détection du cytomégalovirus humain (HCMV) dans les cancers. Type de tumeur Méthodologie Nombre de tumeurs Protéines / gènes Remarques + / nombre de cibles tumeurs étudiées Référence IHC, HIS • 27/27 (100 %) • 10/10 • 10/10 • 7/9 • IE1-72 • pp65 • p52/76 kD IE/EA • UL 55 [12] Gliomes Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Glioblastomes, oligoastrocytomes grade III, astrocytomes grade II PCR nichée Absence de HCMV dans les méningiomes, Alzheimer, AVC, encéphalites et chez les patients sans pathologie du SNC Glioblastome multiforme IHC • 8/49 (16 %) • 25/49 (51 %) • IE1-72 • pp65 Glioblastome multiforme IHC, HIS • 42/45 (93 %) • 30/33 (91 %) • 21/34 (62 %) • IE1-72 • pp65 • UL 55 Absence de HCMV en zone saine, dans les méningiomes et les épendymomes [15] Glioblastomes, gliomes IHC, HIS anaplasiques, gliomes de bas grade • 44/50 (88 %) • IE1-72 Absence de HCMV en zone non tumorale Corrélation entre niveau d’expression de IE1 et grade tumoral [17] Gliomes • 16/17 (94 %) • UL 123 Quantification possible par qPCR dans 37,5 % des cas : charges faibles et variables Séquençage viral retrouvant une grande conservation des régions US et UL [13] PCR nichée PCR nichée Immunoblotting • 9/13 (75 %) [19] • IE, pp65 Cancers colorectaux • 14/17 (82 %) • 7/9 (78 %) • 1/1 • IE1-72 • pp65 • UL 55 Absence de HCMV en zone saine [14] Colocalisation de HCMV avec Cox-2 • 12/15 (80 %) • 11/12 (92 %) • 6/6 • IE1-72 • pp65 • UL 55 Absence de HCMV en zone saine [14] Colocalisation de HCMV avec Cox-2 • 20/20 (100 %) • IE1-72 Absence de HCMV en zone saine • 10/13 (77 %) • 9/10 • pp65 • UL 73 Carcinomes épidermoïdes PCR 8/24 (33 %) • UL 123 Carcinomes basocellulaires PCR 27/72 (37,5 %) • UL 123 Maladie de Bowen PCR 1/5 (20 %) • UL 123 Lésions prénéoplasiques PCR 6/8 (75 %) • UL 123 Polypes colorectaux IHC, HIS PCR nichée Adénocarcinomes IHC, HIS PCR nichée Cancers de la prostate Hyperplasie des cellules IHC, HIS basales, néoplasie intraépithéliale prostatique, carcinome prostatique PCR nichée [16] Cancers de la peau 318 [18] Absence de détection des autres virus HSV-1/2 et EBV sur le site tumoral [18] [18] [18] Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 revue Tableau 1. (Suite) Type de tumeur Méthodologie Nombre de tumeurs + / nombre de tumeurs étudiées Protéines / gènes Remarques cibles Référence IHC • 38/39 • IE1-72, pp65 Absence de HCMV en zone [23] saine Colocalisation de HCMV avec Cox-2, amphiréguline, EGFR, ERK Corrélation entre expression du HCMV et grade tumoral IHC, IFI, HIS, cytométrie de flux • 34/37 (92 %) • Protéines très précoces (IE) Corrélation entre expressions de HCMV et Cox-2 Croissance tumorale diminuée en présence de ganciclovir ou d’inhibiteur de Cox-2 • 27/37 (73 %) • Protéines tardives • IE, UL 32 (pp150) Cancers des glandes salivaires Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Carcinome muco-épidermoïde des glandes salivaires Médulloblastomes Médulloblastomes PCR • 6/6 IHC, HIS • 31/32 (97 %) • IE1/2 PCR nichée • 21/25 (84 %) • 6/8 • E, L • UL 55 PCR nichée • 18/78 (23 %) Antigène précoce [22] Cancers du sein Sein Détection dans l’épithélium [20] glandulaire non tumoral dans 63 % des cas avec des anticorps dirigés contre les antigènes IE et 21 % des cas avec des anticorps contre les antigènes E/L Cancers du poumon Poumon Absence de HCMV dans les tissus pulmonaires sains [21] IHC : immuno-histochimie ; HIS : hybridation in situ ; IFI : immunofluorescence indirecte ; PCR : réaction d’amplification génique ; qPCR : réaction de PCR quantitative ; IE : protéines très précoces ou immediate early ; E : protéines précoces ou early ; L : protéines tardives ou late ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; Cox-2 : cyclo-oxygénase 2. l’angle de la « simple » interaction entre le virus et la cellule cancéreuse, mais plutôt dans une perspective plus large d’interactions multiples entre le virus et l’ensemble des cellules présentes dans la tumeur, qu’elles soient tumorales, stromales ou immunitaires (figure 1). Nous développerons donc dans les paragraphes suivants à la fois les effets « oncomodulateurs » du HCMV sur le microenvironnement tumoral et sur le système immunitaire, et son effet protumoral sur la cellule cancéreuse ou précancéreuse. Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Action du cytomégalovirus humain sur le microenvironnement tumoral L’infection par le cytomégalovirus humain induit une inflammation L’interaction entre les cellules cancéreuses et le microenvironnement tumoral est essentielle au développement et à la croissance de la tumeur. Le microenvironnement tumoral est le siège d’une inflammation chronique qui 319 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue influence l’ensemble des étapes de la carcinogenèse via la sécrétion de cytokines, de chimiokines, de facteurs de croissance, de prostaglandines ou de radicaux libres qui favorisent l’initiation et la promotion tumorales [2]. Le microenvironnement inflammatoire tumoral est ainsi considéré comme un des piliers de la carcinogenèse, favorisant la prolifération cellulaire, l’angiogenèse, l’invasivité tumorale et l’échappement à l’immunosurveillance [2]. Le HCMV contribue à générer une inflammation chronique en augmentant l’expression de la cyclo-oxygénase 2 (Cox-2) [26, 27] et des espèces réactives de l’oxygène [28]. Or, Cox-2 est l’une des principales enzymes intervenant dans la synthèse de prostaglandines. Elle est surexprimée dans de nombreux cancers et favorise à la fois la croissance tumorale, la survie cellulaire, l’invasivité, l’angiogenèse et l’échappement immunitaire [29]. La colocalisation de Cox-2 et des protéines du HCMV dans le tissu tumoral a été démontrée dans plusieurs cancers comme les cancers du côlon, les cancers des glandes salivaires et les médulloblastomes [14, 22, 23]. Par ailleurs, Cox-2 favorise la réplication du HCMV in vitro et son inhibition par des anti-inflammatoires (comme le celecoxib) réduit à la fois l’expression des protéines du HCMV et la croissance tumorale dans les médulloblastomes in vitro et in vivo [22, 27]. Certaines cytokines pro-inflammatoires sont suspectées de jouer un rôle important dans l’initiation et la promotion des cancers. En particulier, l’interleukine-6 (IL-6) et le TNF-␣ ont été directement reliés à l’oncogenèse dans des modèles animaux [2]. L’IL-6 participe à de multiples processus biologiques comme l’inflammation, la survie et la prolifération cellulaire [2]. L’IL-6 se fixe sur le récepteur IL-6R/gp130 et entraîne l’activation de plusieurs voies de signalisation cellulaires incluant la voie JAK-STAT3, la voie MAPK-ERK et la voie PI3K-Akt [30]. Le HCMV stimule l’expression d’IL-6 dans différents modèles cellulaires dont les fibroblastes et les monocytes [24]. Une augmentation de la transcription du gène de l’IL-6 de plus de 280 fois a ainsi été observée dans les monocytes-macrophages infectés par le HCMV [31]. Dans cette même étude, une surexpression du TNF-␣ dans les monocytes infectés par le HCMV a été également mise en évidence. Il est intéressant de noter que l’infection des monocytes-macrophages par le HCMV induit également l’expression de facteurs immunosuppresseurs tels que l’IL-10 ou l’antagoniste du récepteur à l’IL-1 (IL-1Ra) [31, 32]. Le HCMV entraîne ainsi une orientation des macrophages vers un phénotype atypique, à la fois inflammatoire (phénotype appelé M1) et immunosuppresseur (phénotype appelé M2) [31, 32]. Or, cette double orientation phénotypique des macrophages (inflammation et immunosuppression) est également retrouvée chez les macrophages infiltrant les tumeurs (tumor-associated macrophages [TAM]), suspectés de jouer un rôle majeur dans la promotion tumorale [33, 34]. 320 Le rôle des monocytes-macrophages dans l’interaction HCMV-cancers semble important. D’une part, les monocytes véhiculent le virus jusqu’au site tumoral. D’autre part, le HCMV agit sur les monocytes-macrophages en favorisant la production de cytokines inflammatoires et en modulant leur phénotype vers un phénotype protumoral. Le cytomégalovirus humain favorise l’échappement immunitaire et la tolérance immunitaire Le système immunitaire est un obstacle important au développement des cancers et des infections virales. Le système immunitaire déploie de multiples moyens pour détecter et détruire les cellules infectées et les cellules cancéreuses. Pour proliférer, virus et cancers partagent deux objectifs communs : ne pas être détectés par le système immunitaire et instaurer une tolérance immunitaire qui les protège de la destruction par les effecteurs immuns. Au cours des millions d’années de coexistence avec son hôte, le HCMV a développé de multiples mécanismes d’échappement au système immunitaire [35]. Les mécanismes mis en place par le HCMV pour inhiber sa reconnaissance et sa destruction par le système immunitaire, d’une part, et pour générer un environnement tolérogène, d’autre part, présentent de grandes similitudes avec les mécanismes d’échappement tumoral à l’immunosurveillance (figure 2) [36]. Ainsi, au moins quatre protéines du HCMV (US2, US3, US6, US11) inhibent l’expression des molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH)-I nécessaires à la présentation des antigènes (viraux et/ou tumoraux) aux lymphocytes T cytotoxiques CD8+ . De même, les protéines US2, US3 et pp65 inhibent l’expression des molécules du CMH-II nécessaires à l’activation des lymphocytes T CD4+ par les cellules présentatrices d’antigènes [36]. De plus, le HCMV échappe à la reconnaissance et à la destruction par les cellules natural killer (NK) en stimulant les récepteurs inhibiteurs des NK et en inhibant la stimulation des récepteurs activateurs des NK [36]. Pour lutter contre les cellules infectées, les lymphocytes T cytotoxiques agissent en particulier en stimulant des récepteurs de mort cellulaires et en déclenchant la cascade protéolytique apoptotique. Le HCMV a là encore développé des moyens de défense contre l’activation des voies apoptotiques extrinsèques et intrinsèques (voir ci-dessous) [36]. Enfin, le HCMV a développé des mécanismes d’échappement à la cascade du complément, en stimulant l’expression de certaines protéines régulatrices du complément (CD46 et CD55) dans les cellules infectées, et en incorporant dans ses virions les protéines régulatrices CD55 et CD59 (figure 2) [36]. Parallèlement, les protéines du HCMV engendrent un environnement tolérogène favorable à la pérennisation de l’infection. Ainsi le HCMV code pour un homologue de l’IL-10, la CMV-IL-10, qui possède des effets immunosuppresseurs similaires à l’IL-10 celluVirologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 revue Lymphocyte T Ligands des récepteurs de mort Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Récepteurs de mort Échappement au système du complément Système du complément Cellule NK CAM PRC Récepteurs activateurs s Caspase 8 Récepteurs inhibiteurs FLIP APOPTOSE HCMV HCMV IE-2, UL36 Échappement aux NK Caspase 9 Bax Cytochrome c HCMV UL83, UL16, UL141, UL142, UL112, UL40, UL18 Altération de la présentation des antigènes HCMV LT Bcl-2 LT US2, US3, US6, US11 TCR Dommages mitochondriaux Antigène Inhibition de l’apoptose CMH-I Cellule tumorale Figure 2. Schéma des mécanismes pouvant favoriser l’échappement immunitaire de la cellule tumorale infectée. Les protéines du cytomégalovirus humain (HCMV) altèrent l’apprêtement et la présentation des antigènes par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Le HCMV favorise l’échappement aux cellules natural killer (NK) en stimulant leurs récepteurs inhibiteurs et en inhibant leurs récepteurs activateurs. En inhibant la cascade apoptotique, le HCMV joue un rôle protecteur contre la cytotoxicité médiée par les lymphocytes T (LT). En favorisant l’expression de protéines régulatrices du complément (PRC) (CD55, CD46, CD59, CD35), le HCMV inhibe la formation du complexe d’attaque membranaire et la lyse cellulaire induite par le complément. CAM : complexe d’attaque membranaire ; TCR : récepteur des lymphocytes T. (d’après [36] avec modifications). laire. De plus, le HCMV stimule la production d’autres cytokines immunosuppressives telles que le facteur  de transformation cellulaire (TGF-) [36]. Compte tenu de l’importance des cellules dendritiques dans l’orchestration de la réponse immunitaire, le HCMV a développé de multiples moyens de modulation phénotypique de certains sous-types de cellules dendritiques infectés et non infectés, conduisant à une inhibition de leur maturation et à un défaut d’activation et de prolifération des lymphocytes T [37]. Ainsi, en agissant sur les cellules tumorales et/ou sur le microenvironnement tumoral, le HCMV pourrait offrir à la tumeur des armes supplémentaires pour échapper à l’immunosurveillance et promouvoir un état de tolérance Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 immunitaire. En retour, le HCMV bénéficierait au sein de la tumeur d’un microenvironnement immunologiquement pauvre favorable à sa réplication et à sa diffusion. Paradoxalement, certaines études conduites in vivo après transplantation d’organes ont suggéré que le HCMV pourrait indirectement « protéger » contre la survenue de cancers via une stimulation de lymphocytes T ␥␦ capables de reconnaître à la fois les cellules infectées par le HCMV et les cellules tumorales [38]. Si des études supplémentaires semblent nécessaires pour préciser la place des lymphocytes T ␥␦ induits par le HCMV en dehors du contexte des transplantations, ces travaux soulignent l’importance et la complexité des interactions entre HCMV, cancers 321 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue et système immunitaire. De nombreuses études suggèrent également que la stimulation chronique du système immunitaire par le HCMV pourrait participer au processus d’immunosénescence, conduisant à une diminution de l’efficacité de la réponse immunitaire chez le sujet âgé [39, 40]. En particulier, des études épidémiologiques ont identifié le HCMV comme faisant partie d’un « phénotype immunitaire à risque » chez le sujet âgé (prédictif d’une diminution de la durée de vie), associant une baisse des lymphocytes T CD4+ naïfs, une augmentation des lymphocytes T CD8+ CD28- , une inversion du ratio CD4+ /CD8+ et une altération fonctionnelle des lymphocytes T [40, 41]. L’immunosénescence pourrait ainsi constituer un mécanisme indirect supplémentaire par lequel le HCMV altère l’efficacité de la réponse immunitaire lors des processus tumoraux. Action « oncomodulatrice » du cytomégalovirus humain Vers le concept d’oncomodulation Si le HCMV a été détecté dans de nombreux cancers au cours de la dernière décennie, son rôle dans la carcinogenèse avait été suspecté plusieurs années auparavant. Dès les années 1970, des arguments séro-épidémiologiques et histologiques plaidaient en faveur d’une implication du HCMV dans la survenue de cancers du côlon, du col de l’utérus, de la prostate, et de gliomes [5, 42]. Des études in vitro suggéraient également que le HCMV était capable de transformer des fibroblastes embryonnaires en culture [43]. Parallèlement, la description de lésions chromosomiques et de mutations induites par le HCMV, parfois à proximité de loci impliqués dans la survenue de tumeurs tels que le locus ADPRT (impliqué dans les phénomènes de réplication et de réparation de l’ADN, et dont la délétion a été reliée à la survenue de glioblastomes), parfois impliquant des oncogènes (activation) ou des gènes suppresseurs de tumeurs (inactivation), tels que respectivement H-ras et p53, était un argument important en faveur de son implication dans l’initiation de cancers [8, 44]. Néanmoins, à cette époque, ces études restaient controversées : d’une part, la détection d’un virus ubiquitaire ne prouvait pas à elle seule son implication dans la carcinogenèse, d’autre part, certaines études n’étaient pas parvenues à mettre en évidence le HCMV dans les tissus tumoraux [45]. De plus, même lorsque le HCMV semblait transformer des cellules en culture, son génome n’était plus détecté après des temps de culture prolongés [46]. La présence de mutations induites par le HCMV et l’absence du virus après des temps de culture prolongés ont fait suggérer que le HCMV puisse initier des cancers par un mécanisme déclenchant dit de « hit and run » 322 [47]. Il convient néanmoins de s’interroger sur la sensibilité des techniques de détection du HCMV utilisées lors de ces premières études. En effet, comme mentionné cidessus, la détection du HCMV dans les tumeurs nécessite l’utilisation de techniques sensibles, basées notamment sur la PCR nichée, l’immuno-histochimie et l’hybridation in situ. L’absence de détection histologique du HCMV dans certaines études et l’absence de détection tardive du HCMV dans les cultures cellulaires transformées pourraient être attribuées à un défaut de sensibilité des techniques utilisées lors de ces expériences. Dans le milieu des années 1990, la relation entre HCMV et cancers fut placée dans une perspective nouvelle : celle de l’oncomodulation [48]. S’écartant de la physiopathologie habituellement attribuée aux virus oncogènes alors décrits, ce concept stipule que le rôle du HCMV dans la carcinogenèse est avant tout celui d’un promoteur, amplifiant les mécanismes de la carcinogenèse sans nécessairement être lui-même inducteur de tumeur. Le support de cette idée était basé sur de nombreuses expériences montrant que des protéines du HCMV pouvaient influencer la genèse et la croissance tumorales en agissant sur le cycle cellulaire, l’apoptose, l’instabilité génétique, l’invasivité tumorale, l’angiogenèse, l’adhérence et la migration cellulaire (figure 1) [8, 49, 50]. Si à ce jour certains arguments continuent de plaider en faveur d’une implication du HCMV dans l’initiation des cancers, nous nous limiterons essentiellement dans la suite de cet article à l’étude des propriétés oncomodulatrices du HCMV. Le cytomégalovirus humain influence la progression du cycle cellulaire La dérégulation du cycle cellulaire est une des clés de la carcinogenèse. Dans la cellule, la progression du cycle cellulaire est médiée par des complexes enzymatiques formés par l’association de cyclines et de kinases cyclinedépendantes (CDK). La liaison séquentielle des cyclines à leurs CDK respectives induit la phosphorylation de substrats conduisant à la transition entre les différentes phases du cycle cellulaire. En particulier, la cycline D1 contrôle la progression du cycle cellulaire en s’associant avec les CDK 4 et 6. L’holoenzyme ainsi formée permet la phosphorylation (inactivation) de la protéine du rétinoblastome Rb et le passage de la phase G1 du cycle cellulaire à la phase S. La surexpression de la cycline D1 et l’inactivation de la protéine Rb ont été mises en évidence dans de nombreux cancers [51]. Pour assurer sa réplication, le HCMV exerce une régulation complexe sur le cycle cellulaire de la cellule hôte [49]. Dans la plupart des cellules étudiées, le HCMV induit un arrêt du cycle cellulaire dans une phase « pseudo-G1 » permettant d’inhiber la réplication de l’ADN Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue cellulaire et de maintenir un état d’activation cellulaire suffisant pour dupliquer l’ADN viral [49]. Paradoxalement, cet arrêt du cycle cellulaire s’accompagne d’une surexpression de certaines protéines physiologiquement impliquées dans la progression du cycle, comme les cyclines B et E, et d’une inactivation de la protéine Rb [49]. Des études ont noté que les modifications du cycle cellulaire induites par le HCMV sont en fait étroitement liées à l’environnement interne de la cellule infectée et diffèrent entre les cellules tumorales et non tumorales [7, 8, 49]. Par exemple, la protéine très précoce IE1, mise en évidence dans un pourcentage élevé de glioblastomes (tableau 1), peut favoriser ou au contraire inhiber la progression du cycle cellulaire selon le type de cellules de glioblastomes considéré [52]. Certaines protéines du HCMV influençant le cycle cellulaire ont été particulièrement étudiées comme la protéine du tégument pp71, les protéines très précoces IE1 et IE2 et la protéine US28. Les protéines IE1, IE2, pp71 et UL97, ont été impliquées dans l’inactivation de Rb, favorisant l’entrée de la cellule infectée en phase S [49]. En particulier, la protéine UL97 agit comme un analogue des complexes cycline-CDK pour phosphoryler la protéine Rb, mais à la différence des complexes cellulaires cycline-CDK, la protéine UL97 n’est pas inhibée par la protéine antitumorale p21 [53]. Parallèlement, la protéine US28 du HCMV favorise la progression du cycle cellulaire et la surexpression de la cycline D1 in vitro via l’activation de l’axe IL-6-JAK-STAT3 [26, 54]. En conclusion, le HCMV possède des protéines modulatrices du cycle cellulaire. Leur effet est variable selon le type de cellules infectées et selon l’environnement interne de la cellule in vitro. Leur effet in vivo reste imparfaitement connu, mais la présence de certaines de ces protéines (en particulier IE1 et IE2) a été mise en évidence dans un pourcentage élevé de cas dans certains cancers (tableau 1). L’effet oncomodulateur de ces protéines sur la tumeur in vivo mérite donc d’être exploré dans de prochaines études. Le cytomégalovirus humain inhibe l’apoptose Les cancers sont caractérisés par une perte de l’équilibre physiologique entre la division cellulaire et la mort cellulaire. La mort cellulaire programmée, ou apoptose, peut être déclenchée via des voies extrinsèque (voie des récepteurs de mort) et intrinsèque (voie mitochondriale) qui aboutissent à l’activation d’une cascade de protéases, les caspases. Les altérations des voies apoptotiques favorisent la survie cellulaire et le développement de cancers. Parallèlement, la protéine p53 est souvent mutée ou dérégulée dans les cancers [55]. La protéine p53 répond à une large variété de stress cellulaires, incluant les dommages de l’ADN qui pourraient entraîner des erreurs lors de la réplication du génome et favoriser la survenue de tumeurs. L’activation de p53 dans la cellule soumise à un stress conduit à des Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 réponses antitumorales adaptées lui valant le qualificatif de « gardien du génome » [55] : arrêt du cycle cellulaire permettant la réparation des dommages subis par l’ADN ou déclenchement de l’apoptose. Le HCMV a développé de multiples mécanismes pour échapper aux voies intrinsèques et extrinsèques de l’apoptose et promouvoir la survie de la cellule infectée [50]. D’une part, le HCMV stimule l’expression de facteurs anti-apoptotiques cellulaires tels que la protéine FLIP qui inhibe l’apoptose médiée par les récepteurs de mort (figure 2), la protéine Bcl-2 qui bloque la libération du cytochrome c par la mitochondrie ou encore la survivine, une protéine de la famille des inhibiteurs de l’apoptose, souvent surexprimée dans les cancers [36, 56, 57]. D’autre part, le HCMV inhibe l’action, le recrutement ou l’expression de protéines pro-apoptotiques, comme la pro-caspase 8 et les protéines Bax et Bak (figure 2) [36, 50]. Par ailleurs, le HCMV influence l’expression et l’action de la protéine p53. Plusieurs travaux rapportent une surexpression de la protéine p53 dans les cellules infectées par le HCMV [58, 59]. Malgré cette élévation de p53, des études ont noté une résistance accrue à l’apoptose des cellules infectées par le HCMV [58] ainsi qu’une altération fonctionnelle de p53 [59, 60]. Ainsi altérée par le HCMV, la protéine p53 ne peut plus jouer son rôle de « gardien du génome » pour lutter contre le stress cellulaire et l’instabilité chromosomique. Le HCMV favorise donc la survie cellulaire et inhibe l’apoptose des cellules infectées. L’infection de cellules prétumorales ou tumorales par le HCMV pourrait participer à la dérégulation de l’apoptose et promouvoir la croissance tumorale. Le cytomégalovirus humain stimule l’angiogenèse et influence l’adhésion et la migration cellulaires L’invasivité tumorale dépend étroitement de la capacité des cellules cancéreuses à migrer et à adhérer à l’endothélium. L’infection de cellules de neuroblastomes par le HCMV induit une augmentation de la mobilité cellulaire, de l’adhésion aux cellules endothéliales et de la migration trans-endothéliale in vitro [8, 42]. Les capacités d’adhésion à l’endothélium et à la matrice extracellulaire sont également accrues dans des cellules de gliomes et les cellules prostatiques humaines PC-3 infectées par le HCMV [8]. Parallèlement, de nombreux arguments plaident en faveur d’un rôle pro-angiogénique du HCMV, en augmentant la formation des néovaisseaux, en favorisant la migration des cellules musculaires lisses, ou encore en stimulant la survie des cellules endothéliales [7, 8, 57]. L’étude du sécrétome de cellules endothéliales infectées par le HCMV a démontré une surexpression de plus de 100 protéines impliquées dans l’angiogenèse et/ou le processus de cicatrisation [57]. Les protéines du HCMV induisent notamment 323 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue l’expression de cytokines, chimiokines et facteurs de croissances pro-angiogéniques comme IL-6, IL-8, GM-CSF, MIP-1/CCL4, MCP-3/CCL7, MIP-3␣/CCL20, et diminuent l’expression d’inhibiteurs de l’angiogenèse, comme les thrombospondines 1 et 2 [7, 57]. Une attention particulière doit être portée à la protéine US28, un récepteur de chimiokines codé par le HCMV, particulièrement étudié pour son rôle promoteur de la prolifération cellulaire, de l’inflammation et de l’angiogenèse [26]. La transfection de US28 dans des fibroblastes NIH3T3 induit une transformation cellulaire, caractérisée par une croissance cellulaire accrue, une stimulation du cycle cellulaire et une perte de l’inhibition de contact. De plus, US28 active des facteurs oncogènes, des voies de l’inflammation et de l’angiogenèse, notamment via la stimulation de l’expression du facteur de transcription NFB, de l’enzyme Cox-2 et du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire VEGF in vitro [26]. US28 stimule l’activation de l’axe IL-6-JAK-STAT3 in vitro et de l’axe Wnt-GSK3-caténine chez la souris, conduisant à la surexpression de protéines clés de la carcinogenèse telles que la cycline D1, la survivine ou encore c-myc [54, 56]. In vivo, l’expression de US28 induit la formation de tumeurs, en particulier en présence d’un environnement pro-inflammatoire [26, 56]. Soroceanu et al. ont démontré que l’expression de US28 participe à la pathogenèse des glioblastomes chez l’homme et ont suggéré que US28 pourrait constituer une cible thérapeutique de choix dans le traitement de ces cancers [61]. L’étude de biopsies de patients atteints de glioblastomes a révélé une colocalisation entre l’expression de US28 et l’expression de marqueurs de l’angiogenèse et de l’inflammation (dont le facteur de croissance vasculaire VEGF, le facteur de transcription STAT3, l’enzyme Cox-2 et l’oxyde nitrique synthétase endothéliale (e-NOS) impliquée dans la synthèse de radicaux libres) [61]. Parmi les protéines du HCMV suspectées de favoriser l’invasivité tumorale, la protéine US28 occupe donc une place de choix par la diversité de ses propriétés protumorales, à la fois dans l’initiation et dans la promotion des cancers. Le cytomégalovirus humain stimule les mécanismes cellulaires de la carcinogenèse L’environnement intracellulaire de la cellule cancéreuse est profondément modifié par rapport à la cellule saine. Des voies de signalisation, des facteurs de transcription et des protéines codées par des proto-oncogènes sont anormalement activées ou surexprimées, favorisant la survie, la croissance et la division cellulaire. Certaines voies de signalisation comme les voies MAPK-ERK [62] et PI3KAkt-mTOR [63] sont régulièrement impliquées dans la carcinogenèse. De même, la surexpression de certains fac324 teurs de transcription dans les cancers, dont NF-B et STAT3, continue de faire l’objet d’intenses recherches [2]. Le HCMV active des proto-oncogènes cellulaires, des voies de signalisation ou des facteurs de transcription impliqués dans la division cellulaire, la survie et la carcinogenèse. Dans les fibroblastes humains, le HCMV active notamment les voies MAPK-ERK et PI3K-Akt, les facteurs de transcription STAT3 et NF-B, ou encore le proto-oncogène c-myc [7]. De plus, via ses glycoprotéines de surface gB, le HCMV se lie à des récepteurs tyrosines kinases impliqués dans la croissance tumorale, dont EGFR et PDGFR␣ [64, 65], et active les voies de signalisation en aval. De manière intéressante, EGFR et PDGFR␣ ont tous deux été impliqués dans la genèse et l’invasivité des glioblastomes et constituent des cibles thérapeutiques potentielles dans ces cancers [7, 66]. Le HCMV active la voie PI3K-Akt-mTOR à la fois par liaison à des récepteurs tyrosines kinases PDGFR et EGFR [64, 65] et via l’action directe des protéines très précoces IE1 et IE2 [67]. En particulier, l’expression de IE1 entraîne une prolifération accrue des cellules de glioblastomes, associée à une modulation de l’expression de p53 et de Rb, et à une activation de la voie PI3K-Akt-mTOR [52]. Parallèlement, la protéine UL38 du HCMV dérégule le complexe mTORC1, effecteur de la voie PI3K-Akt et acteur clé de la carcinogenèse [68]. La description récente de l’activation des télomérases par le HCMV in vitro est également en faveur d’une participation du HCMV à la carcinogenèse [69]. Le maintien de la longueur des télomères par l’action des télomérases est en effet nécessaire à la division illimitée des cellules tumorales et constitue une étape cruciale dans l’immortalisation et la transformation cellulaires [69]. L’étude histologique de glioblastomes humains a révélé une co-expression des protéines très précoces du HCMV et de la sous-unité catalytique des télomérases (hTERT) [69]. De fortes similitudes sont ainsi observables entre l’environnement interne de la cellule cancéreuse et celui de la cellule infectée par le HCMV. Pour promouvoir sa réplication et sa prolifération, le HCMV active des voies de signalisation et des protéines cellulaires directement impliquée dans la survie, la division cellulaire et la genèse de cancers. Le cytomégalovirus humain induit des perturbations métaboliques comparables à celles observées dans les cellules cancéreuses Le métabolisme du glucose dans la cellule cancéreuse est particulièrement altéré par rapport à la cellule saine. La cellule saine et la cellule cancéreuse utilisent toutes deux la voie métabolique de la glycolyse pour transformer le glucose en pyruvate (figure 3). Dans la cellule saine, le pyruvate intègre le cycle de Krebs dans la mitochondrie où le catabolisme oxydatif se poursuit pour aboutir via la chaîne Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue de la biosynthèse lipidique inhibe la réplication virale, soulignant ainsi l’importance de cette orientation métabolique pour le HCMV [70]. Via sa protéine IE1, le HCMV altère également les mécanismes de transport du glucose dans les fibroblastes infectés en inhibant l’expression membranaire normale du transporteur GLUT-1 au profit d’une augmentation de l’expression de GLUT-4, un transporteur plus efficace du glucose, et favorise ainsi l’entrée du glucose dans la cellule [71]. Les effets du HCMV sur le métabolisme du glucose sont donc en partie superposables à ceux observés dans les cellules cancéreuses. La cellule cancéreuse infectée par le HCMV pourrait ainsi bénéficier de l’action du virus sur l’entrée du glucose dans la cellule et de la surexpression des enzymes impliquées dans l’utilisation métabolique du glucose et de la glutamine. respiratoire, à la production d’énergie [70]. Cependant, dans la cellule cancéreuse, le pyruvate est préférentiellement transformé en lactate au lieu d’intégrer le cycle de Krebs, sans que cela puisse être attribué à une insuffisance en oxygène (effet Warburg). Une partie du pyruvate est néanmoins transformé en citrate dans la mitochondrie, mais au lieu de poursuivre les étapes métaboliques du cycle de Krebs, ce citrate gagne le cytoplasme où il contribue à la synthèse lipidique (figure 3). Schématiquement, l’utilisation du glucose par la cellule cancéreuse est donc détournée de la fonction de production d’énergie vers une fonction de synthèse de macromolécules lipidiques [70]. Pour éviter toute carence énergétique, la cellule cancéreuse utilise la glutamine (transformée en ␣-cétoglutarate) comme source carbonée pour alimenter le cycle de Krebs et produire l’énergie qui lui est nécessaire. De récentes études ont mis en évidence des perturbations métaboliques superposables dans les cellules infectées par le HCMV, avec un détournement de l’utilisation du glucose vers la synthèse lipidique et une consommation de glutamine (médiée en particulier par une surexpression de la glutaminase et de la glutamate déshydrogénase) pour assurer la production énergétique (figure 3) [70]. L’inhibition pharmacologique Cytomégalovirus humain versus virus d’Epstein-Barr : divergences et convergences À l’inverse du HCMV, le caractère oncogène du virus d’Epstein-Barr (EBV) a été clairement établi dès sa décou- Glucose GLUT1 Glucose GLUT4 HCMV Glucose Glycolyse HCMV Synthèse lipidique Pyruvate Lactate Cytoplasme Mitochondrie Énergie (ATP) Acétyl-CoA HCMV Oxaloacétate Acétyl-CoA + oxaloacétate Citrate Chaîne respiratoire Cycle de Krebs α-cétoglutarate Intermédiaires énergétiques HCMV Glutamate Glutamate déshydrogénase Glutaminase Glutamine Figure 3. Le cytomégalovirus humain (HCMV) perturbe le métabolisme du glucose de façon similaire à la cellule tumorale. Dans la cellule tumorale et la cellule infectée par le HCMV, la synthèse du lactate est accrue et le catabolisme du glucose est préférentiellement redirigé vers la synthèse lipidique via un transport du citrate de la mitochondrie vers le cytoplasme. Afin d’éviter toute carence énergétique, la glutamine est catabolisée via le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire (d’après [70] avec modifications). Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 325 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue verte. Initialement isolé à partir de lymphomes de Burkitt, l’EBV a depuis été associé à plusieurs cancers se développant à partir de lymphocytes ou de cellules épithéliales comme des lymphomes, des cancers du nasopharynx ou des cancers des glandes salivaires [72]. L’oncogénicité de l’EBV repose sur l’expression séquentielle d’un petit nombre de protéines et de transcrits au cours de la latence virale [72], ce qui l’éloigne en apparence du HCMV dont les principales protéines suspectées de jouer un rôle « oncomodulateur », telles que IE1 ou US28, nécessitent l’initiation d’un cycle lytique de réplication. Il est d’ailleurs intéressant de noter, qu’à la différence de l’EBV, l’expression de transcrits ou de protéines au cours de la latence du HCMV reste à ce jour un sujet débattu [73]. En dépit de cette différence, de nombreux points de convergences réunissent HCMV et EBV dans leurs interactions avec l’hôte et leurs propriétés oncogènes et/ou oncomodulatrices. EBV induit une inflammation médiée en particulier par l’activation de NF-B et de STAT3 à la fois dans les tissus lymphoïdes et épithéliaux [74, 75]. Outre l’activation des facteurs de transcription NF-B et STAT3, la latent membrane protein 1 (LMP1) de l’EBV active de nombreuses voies de signalisation cellulaires comme la voie des MAPK, la voie PI3K-Akt et induit l’expression de gènes impliqués dans l’inhibition de l’apoptose, la prolifération cellulaire et la migration cellulaire [72]. Parallèlement, la protéine LMP2A active la voie PI3K-Akt et la voie de la caténine dans les cellules épithéliales, tandis que nombreux micro-ARN codés par l’EBV participent à l’inhibition de l’apoptose [72]. De plus, la protéine EBNA3C (EpsteinBarr nuclear antigen 3C) favorise la progression du cycle cellulaire en stabilisant la cycline D1 et en augmentant son activité [76]. Ces données illustrent que les protéines de l’EBV, comme les protéines du HCMV, interagissent avec l’hôte de façon proche pour promouvoir la progression du cycle cellulaire, inhiber les mécanismes apoptotiques et favoriser le développement et l’invasivité des tumeurs. En outre, l’EBV possède de multiples mécanismes d’échappement au système immunitaire, à la fois au cours du cycle lytique et durant la latence virale [77]. Comme précédemment décrit pour le HCMV, l’échappement immunitaire au cours du cycle lytique de l’EBV implique une altération de la reconnaissance des antigènes viraux par les molécules du CMH et l’instauration d’une tolérance immunitaire, médiée en particulier par la production d’un analogue viral de l’IL-10 [77, 78]. Cependant, à l’inverse du HCMV, seul un petit nombre de protéines de l’EBV est exprimé lors de la phase de latence (et donc lors des processus tumoraux), limitant ainsi le risque de reconnaissance des antigènes viraux par le système immunitaire. De plus, l’EBV a développé des stratégies visant à diminuer l’expression de ses protéines de latence ou à éviter leur détection par le système immunitaire [77, 79]. Ainsi, 326 la protéine EBNA1 possède un domaine répétitif glycinealanine (GAR) qui limite sa dégradation par le protéasome et la génération de peptides ultérieurement présentés par les molécules du CMH-I. Ce domaine GAR est également à l’origine d’une diminution de la traduction des ARNm de EBNA1 en protéine [77]. De façon similaire au HCMV, l’EBV latent contribue à l’instauration d’un microenvironnement tumoral immunosuppresseur favorable à la progression tumorale et à la persistance de l’infection [79]. Il a notamment été montré que les transcrits EBERs (Epstein-Barr virus-encoded small RNA) induisent la production d’IL-10 dans les lymphocytes B, favorisant le développement des lymphomes de Burkitt [80]. De manière intéressante, l’expression des transcrits EBERs a été récemment associée à une détection accrue de macrophages associés aux tumeurs (TAM) dans les lymphomes de Hodgkin [81]. Des études supplémentaires restent cependant à conduire pour préciser l’influence des transcrits de latence de l’EBV sur le phénotype macrophagique. Certaines divergences sont donc apparentes entre EBV et HCMV, en particulier leur tropisme cellulaire, les modalités de latence et d’expression des protéines virales ou encore leurs moyens d’échappement au système immunitaire. Cependant, de nombreux points de convergences existent entre les deux virus dans leurs interactions avec certaines voies de signalisation cellulaires (conduisant à l’activation de facteurs de transcription similaires), avec le cycle cellulaire ou avec les mécanismes apoptotiques. Certaines questions méritent alors d’être soulevées concernant ces deux herpesvirus : pourquoi l’EBV se révèle-t-il être un si puissant agent de transformation cellulaire par rapport au HCMV ? Doit-on uniquement prendre en compte la notion de transformation cellulaire pour établir un lien entre un virus et un cancer ? Quel est le poids réel de l’oncomodulation exercée par ces deux virus sur le site tumoral ? Ces découvertes sur le HCMV ouvrent de nouvelles perspectives de recherches à la fois pour mieux comprendre la physiopathologie des herpesvirus et pour préciser les rapports complexes entre virus et cancers. Le cytomégalovirus humain peut-il constituer une cible thérapeutique dans les cancers ? La détection du HCMV dans le tissu tumoral de plusieurs cancers ainsi que les multiples effets protumoraux des protéines du HCMV offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement des cancers. Le traitement antiviral par valganciclovir, administré à des souris nude greffées avec des cellules de médulloblastome positives pour le HCMV, inhibe significativement la croisVirologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. revue sance tumorale d’environ 40 %. Cette inhibition est même potentialisée à 72 % par l’ajout de celecoxib, un inhibiteur de Cox-2, agissant à la fois sur l’inflammation et l’infection à HCMV [22]. À l’inverse, le valganciclovir n’a pas démontré d’effet sur la croissance tumorale dans les modèles de souris nude greffées avec des lignées de cellules d’adénocarcinome de prostate ou de pancréas négatives pour le HCMV, suggérant que l’effet antitumoral observé dans le cas des cellules de médulloblastomes HCMVpositives était spécifique du HCMV et non lié à un éventuel effet antitumoral propre du valganciclovir. Néanmoins, si cette combinaison thérapeutique réduit significativement la détection des protéines tardives du HCMV au sein des tumeurs, elle ne parvient pas à l’éliminer totalement. Il est intéressant de noter que le celecoxib réduit également la croissance tumorale des tumeurs obtenues chez la souris greffée avec des fibroblastes transfectés avec la protéine US28 [26]. Si l’utilisation de ganciclovir dans le traitement adjuvant de certains cancers est une perspective séduisante compte tenu de la bonne tolérance de cette molécule par rapport aux chimiothérapies anticancéreuses, elle ne doit pas faire oublier le risque d’émergence de mutants résistants sous traitement prolongé et nécessite à ce jour des études complémentaires. Un essai clinique de phase II visant à évaluer l’efficacité d’un traitement adjuvant antiHCMV dans les glioblastomes est actuellement mené par l’équipe de Söderberg-Naucler (http://clinicaltrials. gov/ct2/show/study/NCT00400322). À ce jour, les résultats ne sont pas encore connus. Parallèlement, une approche d’immunothérapie ciblant l’infection par le HCMV (utilisation de cellules dendritiques autologues exprimant la protéine pp65 du HCMV) a été envisagée dans le traitement des glioblastomes et a fait l’objet d’un essai clinique de phase I/II [82]. Les résultats de cette étude étaient encourageants, avec une survie globale des patients (20,6 mois) significativement supérieure à la survie du groupe témoin (p = 0,004). Pour tenter d’établir un vaccin stimulant le système immunitaire de patients atteints de glioblastomes, Prins et al. ont exposé des cellules immunitaires de chaque patient à des protéines issues de leur tumeur puis ont réinjecté ces cellules aux patients. De manière intéressante, l’une des patientes a répondu au vaccin via le développement d’une réponse immunitaire robuste dirigée contre la protéine pp65 du HCMV et a survécu près de six ans sans développer de récurrence du cancer (survie moyenne des patients atteints de glioblastomes de 3,3 % à cinq ans). La protéine pp65 était également détectée histologiquement dans la tumeur de cette patiente [25, 83]. Si des études complémentaires restent à mener, ces récents succès dans le traitement des glioblastomes accroissent encore l’intérêt du développement de vaccins et d’approches d’immunothérapies pour lutter contre l’infection à HCMV. Virologie, Vol 16, n◦ 5, septembre-octobre 2012 Conclusion De nombreux agents infectieux participent à l’oncogenèse. Leur action peut être directe en initiant la formation de tumeur, mais aussi indirecte en favorisant les conditions intracellulaires et microenvironnementales nécessaires au développement tumoral. Si certains virus se sont rapidement révélés être de puissant inducteurs de tumeurs, nos connaissances sont en revanche très limitées sur les éventuels effets indirects exercés par les virus sur la carcinogenèse. Le HCMV a pu être détecté dans plusieurs cancers grâce à l’amélioration de la sensibilité des techniques biologiques. Les protéines du HCMV, en favorisant l’inflammation, l’échappement immunitaire, la survie, la prolifération cellulaire, l’invasivité, l’angiogenèse ou encore en induisant un métabolisme favorable à la croissance tumorale, sont autant d’armes mises à disposition de la tumeur pour assurer son développement. Cette oncomodulation pourrait s’exercer à la fois sur la cellule cancéreuse ou précancéreuse et sur le microenvironnement tumoral. Parallèlement, un effet initiateur de tumeur du HCMV via des protéines aux propriétés oncogènes comme la protéine US28, ou encore via son action sur les télomérases, ne peut être écarté. L’influence possible du HCMV sur la carcinogenèse offre un regard nouveau sur les relations complexes entre agents pathogènes et cancers et permet d’envisager de nouvelles cibles dans l’arsenal thérapeutique anticancéreux. Conflits d’intérêts : aucun. Références 1. Javier RT, Butel JS. The history of tumor virology. Cancer Res 2008 ; 68 : 7693-706. 2. 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