Journal Identification = VIR Article Identification = 0462 Date: October 19, 2012 Time: 1:45 pm
revue
et de l’hépatite C) [1]. Les virus peuvent agir en tant
qu’initiateurs des cancers ou en tant que promoteurs, notam-
ment en induisant une inflammation chronique favorisant
le passage de cellules prénéoplasiques vers le développe-
ment de tumeurs invasives. Il est généralement admis que
plus de 20 % des cancers seraient ainsi sous-tendus par un
processus inflammatoire chronique [2]. À l’échelle de la
population mondiale, il a été récemment estimé que deux
millions de nouveaux cas de cancers (sur un nombre total de
12,7 millions) étaient directement imputables à des agents
infectieux au cours de l’année 2008 [3]. De nombreux pro-
grès restent cependant à faire pour identifier l’ensemble des
virus impliqués dans la survenue de cancers et comprendre
les mécanismes moléculaires liant directement ou indirec-
tement les infections virales et la carcinogenèse.
À la différence d’autres herpesvirus comme le virus
d’Epstein-Barr (EBV) ou l’herpesvirus humain 8 (HHV8),
le cytomégalovirus humain (HCMV) n’est souvent pas
considéré comme un virus oncogène. Le HCMV est un
-herpesvirus aux multiples facettes dont la pathogénicité
ne cesse d’être réévaluée. En effet, en dehors du contexte
de primo-infection au cours de la grossesse, le HCMV
fut considéré pendant des décennies comme un virus peu
pathogène chez l’hôte immunocompétent, responsable le
plus souvent d’une primo-infection asymptomatique, par-
fois responsable de syndromes mononucléosiques [4]. Avec
l’accroissement des situations d’immunosuppression, liées
au développement des transplantations de moelle osseuse
et d’organes solides, à l’usage de traitements immunosup-
presseurs et à l’émergence du sida, le pouvoir pathogène
du HCMV apparut sous un jour nouveau. Chez les patients
immunodéprimés, le HCMV est impliqué à la fois dans
des complications infectieuses aiguës telles que des pneu-
monies, des œsophagites, des colites ou des rétinites, mais
également dans des complications à long terme comme des
complications vasculaires, des pathologies auto-immunes,
des maladies du greffon contre l’hôte et des rejets de greffe
[4, 5]. L’infection endothéliale par le HCMV est impli-
quée, via la libération de médiateurs de l’inflammation et
de facteurs de croissance, dans le développement accé-
léré de pathologies vasculaires comme l’athérosclérose,
associé à une inflammation chronique avec prolifération
des cellules musculaires lisses [6]. Par analogie avec les
complications tardives observées chez les sujets immuno-
déprimés, le HCMV est suspecté de participer à des pro-
cessus inflammatoires similaires chez les sujets immuno-
compétents dont l’athérosclérose, certaines maladies
inflammatoires chroniques (comme la maladie de Crohn),
ou encore des cancers [5]. Les arguments en faveur de
l’implication du HCMV dans la promotion des cancers
n’ont cessé de s’accumuler, offrant un regard nouveau
sur la complexité des relations entre virus et cancers
[5, 7, 8].
Nous nous proposons de présenter successivement les
arguments en faveur d’une participation du HCMV aux pro-
cessus tumoraux. Nous comparerons également brièvement
le HCMV à un autre herpesvirus dont le pouvoir oncogène
est bien établi, l’EBV, avant de nous interroger sur la place
du HCMV comme cible thérapeutique dans le traitement
des cancers.
Le cytomégalovirus humain
est présent au cœur
de l’inflammation et de la tumeur
Après une phase de primo-infection, le HCMV établit chez
son hôte une phase de latence. Chez le sujet immunocom-
pétent, cette phase de latence est ponctuée de réactivations
régulières efficacement contrôlées par le système immuni-
taire [4]. Les monocytes et certaines cellules CD34+de la
lignée myéloïde constituent un site majeur de latence du
HCMV [9]. La réplication virale y est abortive ou limitée
à l’expression de certains gènes. En revanche, l’activation
des monocytes et leur différenciation en macrophages,
s’accompagnent d’une reprise du cycle de réplication virale
[10]. La capacité du virus à se répliquer est donc étroitement
liée à l’état de différenciation de la cellule infectée. Certains
auteurs suggèrent que le HCMV serait véhiculé jusqu’au
cœur du processus inflammatoire tumoral par les monocytes
puis réactivé lors de la différenciation des monocytes en
macrophages. Le HCMV infecterait alors les cellules per-
missives environnantes (dans le cas des cancers : cellules
tumorales ou prétumorales, cellules stromales et cellules
immunes) et agirait comme cofacteur dans l’évolution des
processus cancéreux (figure 1) [5, 11].
En 2002, Cobbs et al. ont proposé des techniques sen-
sibles d’immuno-histochimie, d’hybridation in situ et de
PCR nichée capables de détecter de faibles quantités de
protéines ou de génome du HCMV dans les tissus tumo-
raux [12]. Ces techniques ont permis de détecter le HCMV
spécifiquement dans les tissus tumoraux mais non dans les
tissus sains dans plusieurs cancers comme les gliomes, les
cancers du côlon, de la prostate, de la peau, du sein, des
glandes salivaires ou encore dans les médulloblastomes
(tableau 1) [12-23]. Notre groupe a également rapporté la
présence de HCMV dans les carcinomes hépatocellulaires
(CHC) ainsi qu’une séroprévalence plus élevée du HCMV
chez des patients cirrhotiques atteints de CHC (74 %) que
chez des patients cirrhotiques indemnes de CHC (54 %)
[24]. Dans les cancers étudiés, le niveau d’expression pro-
téique ou génomique du HCMV était faible, nécessitant
l’emploi de techniques suffisamment sensibles pour détec-
ter le virus [25]. Le mode de réplication du HCMV sur le site
tumoral, prolongé et à bas bruit, fut qualifié par Söderberg-
316 Virologie, Vol 16, n◦5, septembre-octobre 2012
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