Marie-Cécile Damave-Hénard – agriculture et changement climatique, COP21 – février 2015 – saf agr’iDées
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5 mars 2015
Technologie, innovation, recherche
Changement climatique : l’agriculture comme force de solutions
RESUME
La France accueille fin 2015 la réunion des 195 pays plus l’Union européenne signataires de la
Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dite COP21. Raccrochée
récemment à ces négociations, notamment à travers l’Alliance mondiale pour l’agriculture climato-
intelligente, l’agriculture compte jouer pleinement son rôle parmi les autres secteurs impliqués.
C’est ce qu’ont voulu montrer à la fois les politiques français (jusqu’au plus haut niveau de
l’Etat) et les acteurs économiques des filières agricoles et de l’agro-industrie françaises lors d’un
forum international le 20 février, qu’accueillait le ministère des affaires étrangères. De nombreux
leviers d’atténuation et d’adaptation au changement climatique y ont été illustrés, sans être
exhaustifs. Ces nombreux témoignages de bonne volonté, s’appuyant sur des innovations
technologiques tangibles et des arguments scientifiques solides, remettent l’agriculture au cœur
des grands enjeux mondiaux du 21
e
siècle, non seulement en termes de sécurité alimentaire, mais
cette fois également pour faire face au changement climatique. Autant d’arguments positifs qui ne
peuvent que bénéficier à l’image de notre secteur auprès du grand public et des grands de ce
monde.
TABLE DES MATIERES
Résumé ............................................................................................................................ 1
Historique des négotiations internationales sur le climat................................................... 2
Du Sommet de Rio à 2014 ......................................................................................................... 2
2014-2015 : entrée de l’agriculture dans les négociations et engagements nationaux ................. 2
Forum international agriculture et changement climatique le 20 février 2015 à Paris ......... 3
Innovations technologiques en agriculture pour faire face aux défis du changement climatique . 3
Outils d’atténuation du changement climatique ........................................................................ 4
Outils d’adaptation au changement climatique .......................................................................... 5
Agriculture climato-intelligente ................................................................................................. 6
Conclusion ........................................................................................................................ 6
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HISTORIQUE DES NEGOTIATIONS INTERNATIONALES SUR LE CLIMAT
Du Sommet de Rio à 2014
En 1992, au Sommet de la Terre à Rio, un traité international intitulé la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adopté par 195 pays et l’Union
européenne, avec pour objectif d’analyser les leviers d’action pour réduire le réchauffement
climatique. Le Protocole de Kyoto, qui date de 1997 et est entré en vigueur en 2005, est un avenant
à ce traité, et contient des mesures contraignantes. Il a été ratifié par 192 pays. Le Groupe
intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) analyse depuis 1988 les données et les études
scientifiques et a un rôle consultatif auprès des gouvernements, leur fournissant des rapports et des
conseils relatifs aux questions climatiques
1
.
Depuis 1992, de nombreuses réunions des pays signataires de la Convention ont eu lieu : elles sont
appelées Conférences des parties (COP), numérotées par ordre chronologique
2
. La 21
e
se tiendra
sous présidence française, à Paris, du 20 novembre au 11 décembre 2015 : c’est la COP21
3
.
D’une conférence climatique à l’autre, la communauté internationale construit les outils qui
doivent permettre de limiter le réchauffement à 2 degrés Celsius d’ici à 2100, alors que le
réchauffement serait de 4 à 5 degrés si aucune action n’était menée (scénario dit « business as
usual »).
2014-2015 : entrée de lagriculture dans les négociations et engagements
nationaux
Le Sommet du 23 septembre 2014 au siège des Nations Unies à New York
4
a réuni une centaine de
chefs d’état et de gouvernement, et 800 décideurs du monde des affaires, de la finance, et de la
société civile. L’objectif de ce sommet était d’impulser une dynamique politique en vue d’un
accord universel sur le changement climatique lors de la COP21 à Paris. C’est à l’occasion de ce
Sommet que le volet agricole est officiellement entré dans les négociations internationales sur le
climat, avec le lancement de l’Alliance internationale pour une agriculture climato-intelligente (en
anglais, « Global Alliance for Climate-Smart Agriculture », ou CSA)
5
.
En préparation à la COP21, le Conseil européen a adopté en octobre 2014 le paquet énergie/climat
pour 2030, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % entre 1990 et
2030
6
. Ce paquet précise que les objectifs de l’UE relatifs au changement climatique doivent être
compatibles avec ceux concernant la sécurité alimentaire. De ce fait, le Conseil européen « invite
la Commission européenne à examiner les meilleurs moyens d’encourager l’intensification durable
de la production alimentaire, tout en optimisant la contribution du secteur à atténuer les émissions
et séquestrer le CO
2
, en particulier avec le reboisement ».
1
Portail d’information de la CNUCC http://unfccc.int/portal_francophone/items/3072.php
2
Site du ministère des affaires étrangères dédié à ces négociations climat : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-
etrangere-de-la-france/climat/les-negociations-internationales/
3
http://www.cop21.gouv.fr/fr
4
Organisation des Nations Unies, New York (23 septembre 2014) Sommet 2014 sur le climat – accélérer l’action
http://www.un.org/climatechange/summit/fr/
5
The Global Alliance for Climate-Smart Agriculture http://www.fao.org/climate-smart-agriculture/85725/en/
6
Paquet énergie climat sur le site du ministère des affaires étrangères : http://www.developpement-
durable.gouv.fr/Paquet-Energie-Climat-2030-Par-l.html
Paquet énergie climat sur le site du Conseil européen : European Council (23-24 October 2014) Conclusions on 2030 Climate
and Energy Policy Framework http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/en/ec/145356.pdf
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De leur té, les Etats-Unis et la Chine ont fait en novembre 2014 une annonce publique commune
de leurs objectifs de réduction de leurs émissions et de leurs engagements à coopérer pour parvenir
à cet objectif
7
. Les deux pays se sont engagés à contribuer à un accord ambitieux au COP21 de
Paris : les Etats-Unis ont pour objectif de réduire leurs émissions de 26 à 28% en 2025 par rapport à
2005, et la Chine compte atteindre un pic d’émissions en 2030 au plus tard, et cherche à atteindre
les 20% d’énergies non fossiles dans sa consommation d’énergie primaire d’ici 2030.
Les émissions de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la Chine représentant plus de la moitié
des émissions mondiales, ces engagements cents sont été considérés comme une dynamique
devant inciter tous les pays à s’engager.
FORUM INTERNATIONAL AGRICULTURE ET CHANGEMENT CLIMATIQUE LE 20 FEVRIER
2015 A PARIS
Innovations technologiques en agriculture pour faire face aux défis du
changement climatique
La veille du salon international de l’agriculture, le ministère des affaires étrangères organisait un
forum international consacré à l’agriculture et au changement climatique
8
, qui s’inscrivait comme
une des étapes menant à la COP21, réunissant non seulement de nombreux décideurs politiques
français et internationaux, mais aussi divers acteurs économiques et représentants de la société
civile, en particulier au niveau national.
A noter qu’en termes de sémantique, le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a préféré
parler de « dérèglement climatique » (en anglais, « climate disruption ») que de « changement
climatique ». Le ministre a également utilisé la langue anglaise pour souligner l’impératif de l’enjeu
en disant : « There is no Plan B because there is no Planet B » (n’en plaise aux amateurs du film
Interstellar, sorti en salle récemment).
Le fil conducteur de la journée était la posture du secteur agricole et agroindustriel comme source
de solutions face à l’enjeu mondial du changement climatique, notamment en actionnant le levier
de l’innovation. Ainsi, Laurence Tubiana, Ambassadrice Climat pour la France, a souligné la posture
participative nouvelle de l’agriculture dans ces négociations internationales, pour contribuer à
l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique, alors que ce secteur était auparavant sur
une position défensive. Financement, technologies et accompagnement des actions collectives dans
les domaines agricole et forestier ont été particulièrement mis en avant par cette intervenante.
Le président François Hollande, qui clôturait le Forum, a souligné la nécessi de réaliser une
« Révolution doublement verte », alliant productivité et environnement. Cette expression est
étonnante car rarement utilisée dans les milieux francophones. Elle vient en fait de Sir Gordon
Conway, auteur du livre « One Billion Hungry Can we feed the world ? » et qui reprend les termes
d’intensification durable («en anglais « sustainable intensification, ») de la nécessaire « Doubly
Green Revolution » utilisée dans les milieux anglo-saxons, proches du concept d’agriculture
économiquement intensive, proposé par Michel Griffon et préféré dans le monde francophone
9
.
Le Président a identifié quatre leviers permettant à l’agriculture de relever les défis climatiques :
économie circulaire (recyclage des déchets et leur utilisation comme source d’énergie en particulier
7
White House (Nov 11, 2014) U.S.-China Joint Announcement on Climate Change http://www.whitehouse.gov/the-press-
office/2014/11/11/us-china-joint-announcement-climate-change
8
http://agriculture.gouv.fr/forum-international-changement-climatique
9
Marie-Cécile Damave-Hénard (30 mai 2014). Sécurité alimentaire : vers une voie plus pragmatique ? édito lettre saf
agr’iDées http://www.agriculteursdefrance.com/fr/LaLettreInternet.asp?ThemePage=2&Rubrique=1&Num=471
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grâce à la méthanisation), bonne gestion des sols (comme matière vivante ayant pour fonction le
stockage du carbone, en particulier dans les prairies et avec l’agroforesterie), progrès technique
(révolution des robots, numérique, agriculture de précision) et amélioration génétique (animale et
végétale, pour augmenter les rendement, réduire l’emprunte carbone, lectionner des plantes
tolérantes à la sécheresse et des animaux émettant moins de méthane).
A noter que le Président a particulièrement insissur le fait que la recherche publique doit être
capable de faire son travail sans intimidation, faisant allusion aux destructions d’essais de plantes
génétiquement modifiées de l’INRA tout au long de ces dernières décennies, aboutissant à la
disparition pure et simple des essais en plein champ sur ces plantes depuis deux ans, alors que la
France avait été pionnière en ce domaine dans les années 1990 en Europe.
Le rôle essentiel de l’innovation technologique a également été souligné par le ministre des affaires
étrangères Laurent Fabius, hôte du Forum, le Directeur général de la FAO Jose Graziano da Silva,
ainsi que François Houllier, Président directeur général de l’INRA, et Xavier Beulin, président de la
FNSEA. Pour sa part, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll a préféré parler de double
performance économique et environnementale dans le cadre de l’agroécologie, qui s’appuie
davantage sur les pratiques innovantes que sur les technologies innovantes. Ce dernier a également
souligné l’entrée du volet agricole dans les négociations climat permettait de raccrocher les petits
pays dans ces négociations, alors qu’ils en étaient parfois exclus auparavant, ne disposant que d’une
industrie limitée.
En termes de technologies innovantes, le rôle de coopération internationale de la recherche
publique est déterminant, a indiqué le Directeur néral de la FAO, pour poursuivre les travaux et
les bénéfices de la Révolution Verte, fondée sur un ensemble de technologies, et qui a permis de
répondre aux enjeux de sécurité alimentaire en augmentant considérablement la production.
Outils datténuation du changement climatique
En France, la contribution de l’agriculture aux émissions de gaz à effet de serre est de 18%,
répartis entre 10% d’émissions de protoxyde d’azote (NO
2
) et 8% d’émissions de méthane (CH
4
)
10
, en
troisième place après le secteur de l’énergie (29%), des transports (27%) et à égalité avec le secteur
de la construction (18%).
C’est en réduisant ces émissions, mais aussi en stockant le carbone dans les sols et la biomasse (par
exemple dans les prairies et les forêts), et en faisant des économies d’énergies et en produisant de
l’énergie et des matériaux à partir de la biomasse (substitution à des énergies et matériaux fossiles)
que notre secteur peut contribuer à atténuer le changement climatique, d’après l’INRA
11
.
Lors du Forum international du 20 février, un certain nombre d’acteurs économiques ont illustré la
diversité des outils d’atténuation disponibles dans les filières agricoles :
- rôle des prairies pour capter le carbone dans les prairies (ce qui compenserait jusqu’à 75%
des émissions de méthane sur ces mêmes prairies par les ruminants en pâture) (Chambres
d’agriculture, Interbev),
- agriculture de précision (grâce aux outils de géolocalisation et gestion des données
numériques) pour limiter les intrants aux justes doses et ainsi réduire les sources
d’émissions de NO
2
(Organisation des producteurs britanniques National Farmers Union),
10
INRA (2015) Le climat change – la nature et l’agriculture aussi! http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Systemes-
agricoles/Tous-les-dossiers/Le-climat-change-la-nature-et-l-agriculture-aussi
11
INRA (2013) Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Potentiel
d’atténuation et coût de dix actions techniques http://inra-dam-front-resources-
cdn.brainsonic.com/ressources/afile/237957-750cb-resource-etude-reduction-des-ges-en-agriculture-resume-8-p-.html
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- valorisation des paiements pour services environnementaux
12
fournis par les agriculteurs,
des hauts niveaux de rendements pour réduire l’empreinte sur les sols (InVivo),
- économie circulaire, sur la base du principe selon lequel « nos principales ressources sont
nos déchets » (Véolia), prenant l’exemple de la thanisation, et insistant sur le rôle des
investisseurs dans ce domaine, et des assureurs (Groupama).
Il est surprenant que le secteur forestier n’ait pas été représenté parmi les intervenants de ce
forum international, tant les forêts constituent des puits de carbone notables. Des chercheurs de
l’INRA ont en effet calculé que 17% des émissions françaises seraient compensées par la filière bois.
Regrettons également que les filières biocarburants n’aient pas été représentées, et en particulier
celles valorisant la plante entière, à partir de plantes dédiées ou de déchets verts, sources de
biomasse ligno-cellulosique. C’est le cas du projet Futurol, basé à Pomacle-Bazancourt (Marne), qui
annonçait récemment passer de la phase pilote à la phase industrielle
13
.
Outils dadaptation au changement climatique
Un des leviers essentiel de l’adaptation au changement climatique illustré lors de ce forum est la
génétique, qui permet de sélectionner des plantes adaptées à de nouveaux stress hydriques, de
salinité, ou de ravageurs, ou à de nouvelles zones de cultures, suite au déplacements imposés par le
changement climatique (Fédération internationale des semences, GNIS). Le le essentiel de l’accès
aux ressources génétiques en amélioration des plantes a été souligné, dans le contexte de
l’accélération du changement climatique.
Avec la multiplication des événements climatiques extrêmes (tempêtes, ouragans, orages
convectifs, sécheresses), de nouveaux outils assurantiels deviennent indispensables selon divers
intervenants du Forum du 20 février (Crédit agricole, Groupama), nécessitant une meilleure
appréhension des risques.
Notons que peu d’importance a éaccordée aux pratiques agricoles dans cet événement, sauf par
le ministre de l’agriculture français Stéphane Le Foll, qui a mis en avant l’agro-écologie visant la
double performance économique et environnementale. Le Conseil général de l’alimentation, de
l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a listé les changements de pratiques comme leviers
d’action : réduction des émissions de méthane issues des élevages par la promotion des
méthaniseurs, stockage additionnel de carbone par le semis direct et l’agroforesterie, maîtrise de la
fertilisation et recours préférentiel à l’azote organique, développement des légumineuses pour les
cultures. Pour augmenter le rôle de la forêt, le CGAAER propose des financements du fonds
stratégique forestier, une gestion stratégique groupée et dynamique de la forêt privée, et le
développement de la substitution d’usages grâce aux filières de la bioéconomie forestière et
agricole
14
. Notons que malgré la place de l’innovation technologique dans le Forum, les mots
bioéconomie ou chimie verte n’ont pas été prononcés.
De même, il a peu été question de la gestion et de l’entretien des sols, pourtant premiers lieux des
échanges avec les plantes et substrat de leur développement, fortement dépendant de leur niveau
de qualité. Du fonctionnement des sols agricoles dépend l’évolution du cycle de l’azote, et donc de
la quantité d’émissions de NO
2
, gaz à effet de serre notoire. Le CGAAER avait souligné la réduction
du déstockage lié à la perte des prairies et à l’artificialisation des sols.
12
Carole Hernandez-Zakine (décembre 2014). Paiements pour services environnementaux en agriculture : contractualiser
pour produire de l’environnement et augmenter ses revenus, note saf agr’iDées
http://www.agriculteursdefrance.com/Upload/Travaux/Fic-1_1399.pdf
13
INRA (20 novembre 2014). Paris tenu pour le projet Futurol, prêt pour la commercialisation
http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Biomasse/Toutes-les-actualites/Futurol-pret-pour-la-commercialisation
14
CGAAER (février 2015). L’agriculture et la forêt : des solutions face au changement climatique – quelles stratégies
possibles ?
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