Préambule
Ce mémoire contient les résultats obtenus durant trois années de thèse au labora-
toire de Physique théorique de l’ENS sous la direction de Denis Bernard. Il s’appuie sur
les articles [1,2,3,4,5,6,7,8] publiés pendant ces trois ans et dont cinq sont reproduits
en annexes C,D,E,Fet Gen anglais. Ce manuscrit contient aussi quelques résul-
tats originaux notamment au chapitre 4et en appendice B. La présentation s’éloigne
quelque peu de celle des articles académiques. On a essayé autant que possible de se
concentrer sur les résultats et arguments généraux en reléguant en annexes une partie
des preuves et développements techniques. Le style se veut aussi un peu moins formel
et on espère que la lecture y gagnera en fluidité sans que la précision ne souffre trop.
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On s’intéresse dans cette thèse au problème de la mesure continue en mécanique
quantique. La mesure est quelque chose de notoirement subtile en mécanique quantique,
à la fois pour des raisons fondamentales et pour des raisons pratiques. Si l’on prend
le formalisme orthodoxe pour argent comptant, alors le fait de mesurer, d’extraire de
l’information sur quelque chose, est une opération loin d’être anodine qui obéit à des lois
différentes de celles qui régissent le reste de la Physique. C’est aussi une opération qui
est fondamentalement discrète et localisée dans le temps. Comme souvent, le problème
posé par une telle spécificité de la mesure est expliqué de manière éloquente par Bell :
“The problem of measurement and the observer is the problem of where the
measurement begins and ends, where the observer begins and ends. Consider
my spectacles, for example : if I take them off now, how far away must I
put them before they are part of the object rather than part of the oberver ?”
John S. Bell, cité dans [9]
L’idée des mesures continues est en quelque sorte d’intégrer les «lunettes» au système
étudié pour arrondir les angles du formalisme. Cela ne réduit évidemment pas l’ambi-
guïté théorique mais permet de répondre à un grand nombre de problèmes empiriques.
L’objectif de cette thèse est d’essayer de comprendre quantitativement la dynamique
induite par les mesures continues, de voir ce qu’elle contraint et ce qu’elle permet, le
tout sans perdre de vue le contexte plus général des problèmes conceptuels liés à la
mesure.
On commence par rappeler au chapitre 1la construction de la théorie des mesures
continues à partir de la méthode des interactions répétées. On profite du fait que l’on
introduit une théorie déjà connue pour en expliciter les parallèles avec les modèles de
collapse objectif et avec le problème du filtrage en théorie des probabilités classiques.
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