Avril 2014 Avril 2014 Commentaire sur les marchés 1 La Charge de la Brigade Légère « En avant, la Brigade Légère! » Un seul homme fut-il horrifié? Non, même si le soldat savait Que quelqu’un avait commis une bévue : Ils ne sont pas là pour discuter des ordres, Ils ne sont pas là pour raisonner, Ils sont là pour agir et mourir : Vers la vallée de la Mort Ils étaient six cents qui chevauchaient. Lord Alfred Tennyson (traduction de Laurent Bury) Au cours du dernier mois, l’intervention de la Russie en Crimée a monopolisé l’attention. La crise dans cette petite péninsule a été le détonateur du pire conflit diplomatique entre l’Occident et la Russie depuis la Guerre froide. Le poème de Tennyson immortalise le courage de la cavalerie britannique, qui a chargé l’armée russe lors de la bataille de Balaklava en 1854. Peu de gens se seraient doutés que la lutte pour le pouvoir entre la Russie et l’Occident se perpétuerait 160 ans plus tard. Même si la guerre de Crimée a été déclenchée par un différend religieux, le véritable enjeu, à l’époque comme aujourd’hui, est le désir de la Russie de contrôler la mer Noire. Avant la guerre de Crimée, la Russie étendait son empire vers le sud depuis plus de 200 ans, à la recherche d’un port en eau tempérée qui lui permettrait de faire du commerce toute l’année et d’établir une solide base navale stratégique. À observer ce qui se passe aujourd’hui en Crimée, on peut dire que l’histoire se répète. Pourquoi Moscou souhaiteraitelle l’annexion d’une province ukrainienne pauvre si ce n’est pour le port stratégique de Sébastopol? Les Américains ont qualifié l’intervention de maladroite. C’est sous-estimer la stratégie du Kremlin, qui semble plutôt avoir bien orchestré une manœuvre visant à gagner le territoire et les escarmouches diplomatiques, ainsi que le cœur et l’esprit des habitants de la Crimée. À l’heure où l’on redessine une fois de plus la carte de l’Europe de l’Est, il est normal de se demander si les diplomates occidentaux n’incarnent pas une version moderne de la Brigade légère. L’énergie est l’arme secrète de la Russie. Environ 30 % des réserves de gaz naturel de l’Europe, ainsi qu’une quantité importante de pétrole et de charbon, viennent de la Russie. L’économie allemande en plein essor est particulièrement sensible à tout resserrement du flux de ressources énergétiques de la Russie; d’autres pays sont aussi très vulnérables. L’issue la plus probable est donc l’application de sanctions limitées; l’Ouest ne veut pas provoquer Vladimir Poutine au point qu’il restreigne les exportations d’énergie. Il n’est pas réaliste de penser que la Russie rendra la péninsule. Les diplomates occidentaux canaliseront probablement leurs efforts sur l’érection de barrières protectrices autour du reste de l’Ukraine et d’autres pays satellites de l’ancienne Union soviétique. Entre-temps, les Européens poussent les États-Unis à exporter davantage de gaz naturel liquide (GNL), en dépit de l’obstacle majeur que représente-le manque d’infrastructures adéquates. Fait intéressant, les marchés ont généralement peu fait de cas du conflit qui a défrayé la chronique au premier trimestre de 2014. L’emploi reste le point de mire des Etats-Unis Les observateurs essaient de décoder le message délivré par la nouvelle présidente de la Réserve fédérale américaine (la « Fed »), Janet Yellen, lors de sa première conférence de presse. La confusion vient de son commentaire au sujet du moment où la Fed pourrait commencer à relever les taux d’intérêt à court terme – dès la mi-2015 selon toute vraisemblance. Mme Yellen a indiqué que tous les paramètres étaient dans les grandes lignes favorables; cependant, le taux de chômage cible de 6,5 % précédemment établi par la Fed (seuil à partir duquel elle envisagerait de hausser son taux directeur) ne constitue plus le critère le plus important. La Fed estime qu’il y a beaucoup de ressources inutilisées sur le marché du travail : le nombre de chômeurs disposés à travailler demeure assez élevé pour justifier une stimulation constante de l’économie. La présentation de son « tableau de bord » du marché du travail s’est révélée beaucoup plus intéressante et utile. Avril 2014 D’abord, elle surveille l’« U6 », un vaste indicateur tenant compte des chômeurs officiels, des travailleurs contraints d’accepter un emploi à temps partiel et de ceux plus faiblement liés à la population active (ils veulent travailler, mais ne le font pas ou ne cherchent pas d’emploi à l’heure actuelle). Cet indicateur, qui s’établit à 12,6 %, accuse une baisse par rapport au sommet de 17,2 % atteint en avril 2010. Mme Yellen se préoccupe du fait que 5 % affirment occuper sans le vouloir un poste à temps partiel, un chiffre encore exceptionnellement élevé. Elle suit également le chômage à long terme, le taux d’activité, les taux d’embauche et de démission et la croissance des salaires. Elle s’est arrêtée au taux de chômage à long terme (période de chômage de plus de 27 semaines), extrêmement élevé et parfois très difficile à faire descendre. Entre-temps, la Fed a continué de réduire les achats d’obligations réalisés dans le cadre du troisième programme d’assouplissement quantitatif visant à relancer l’économie, retranchant au programme encore dix milliards de dollars en mars. Entre autres brèves économiques, on a enregistré des améliorations aux chapitres des permis de construction, de la production industrielle, des prix à la consommation et du déficit du compte courant. En revanche, les mises en chantier, les ventes de logements existants et les nouvelles demandes de prestations d’assurance chômage se sont toutes légèrement détériorées. La confiance des consommateurs américains a culminé à 82,3 en mars, du jamais vu en six ans. Cet indicateur traduit un regain d’optimisme à l’égard des perspectives d’emploi et de la conjoncture économique. Graphique 1 : Confiance des consommateurs américains selon le Conference Board 2 Davantage de signes de croissance en Europe Malgré le retard de deux données économiques importantes – les prix à la consommation et l’indicateur allemand ZEW de l’état d’esprit du milieu économique –, beaucoup de chiffres sont encourageants. Le coût de la main-d’œuvre a grimpé de 1,4 % sur 12 mois, les commandes industrielles en Italie ont progressé, le nombre de chômeurs a diminué au Royaume-Uni et la confiance des consommateurs a gagné 3,4 points dans la zone euro, passant de -12,7 en février à -9,3 en mars. Le laborieux redressement interne des marchés de l’emploi semble finalement en bonne voie. L’Espagne se démarque : on y a appliqué des réformes de l’emploi ambitieuses et radicales. Les périodes d’indemnité de départ ont été raccourcies, de nouvelles mesures législatives ont été adoptées pour faciliter les mises à pied et il est désormais plus facile de modifier les conditions d’emploi à la suite d’un revirement de la conjoncture. Bien que ces réformes aient été éprouvantes, le coût de la main-d’œuvre a reculé en Espagne par rapport au coût unitaire de la main-d’œuvre dans d’autres pays de l’Europe. Les exportations ont légèrement augmenté, ce qui laisse peut-être entrevoir une amélioration de la compétitivité de l’Espagne. La reprise de l’Europe semble s’accélérer, mais la croissance reste molle et le risque de déflation persiste. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne pourrait devoir envisager d’autres mesures de relance monétaire. Ralentissement de la croissance en Chine En mars, l’indice Markit/HSBC des directeurs d’achats de la Chine a fléchi pour un cinquième mois d’affilée, passant de 48,5 en février à 48,1. Il s’agit d’un indicateur important, car le chiffre de mars aurait dû renverser la tendance du fait de la robustesse des nouvelles données, qui n’ont pas souffert outre mesure du Nouvel an chinois. Le ralentissement est attribuable à la diminution de la demande intérieure, même si la demande externe venant des nouvelles commandes d’exportation se raffermit graduellement depuis trois mois. Comme le marché du travail affiche peu de signes de tension, il est peu probable que les décideurs de Beijing adoptent rapidement une politique de relance. La Chine compte atteindre son objectif de croissance économique de 7,5 % cette année, mais les observateurs sont en train de revoir à la baisse la croissance du PIB prévue, en raison d’une baisse marquée du volume de fret intérieur et de la production d’électricité. Cette situation risque de nuire aux prix des produits de base. Avril 2014 Graphique 2 : Indice de l’activité et production industrielle de la Chine Canada : un tableau essentiellement positif Le Canada a profité de nombreuses données économiques favorables durant le trimestre. Le commerce de gros a crû de 0,8 %, les ventes au détail, de 1,3 % et les ventes du secteur manufacturier, de 1,5 %. Les nouvelles commandes du secteur manufacturier, les ventes de logements existants et les prix des maisons sur le Service interagences (MLS) ont tous progressé. Une hausse de 0,08 % des prix à la consommation milite en faveur du maintien des taux d’intérêt à leur niveau actuel par la Banque du Canada. Le Canada a même accueilli 1,1 milliard de dollars de nouveaux capitaux provenant des investisseurs mondiaux. Le huard a malgré tout glissé, touchant un creux de cinq ans à la suite des propos conciliants du gouverneur de la Banque du Canada, M. Poloz, lors de son voyage à Halifax. Le ministre des Finances James Flaherty a démissionné en mars et Joe Oliver lui a succédé. Seul le temps nous dira si ce changement marquera le début d’une nouvelle orientation budgétaire pour le gouvernement conservateur. L’espoir d’une décision imminente ou définitive concernant le pipeline Keystone XL avant les élections de mi-mandat aux États-Unis semble s’étioler. Notre stratégie Nous continuons de suivre de très près les valorisations boursières. Bien que les actions ne soient plus si bon marché, les cours ne sont pas non plus excessivement élevés. La politique monétaire demeure très accommodante pour les marchés financiers et l’économie en général, et cela ne devrait pas changer à court terme. 3 Graphique 3 : Indice de l’activité et PIB officiel de la Chine Nous préférons toujours les actions aux titres à revenu fixe. Les nouvelles réductions des achats en vertu du programme d’assouplissement quantitatif de la Fed et la possibilité d’un relèvement plus rapproché que prévu du taux directeur nous incitent à conserver une stratégie défensive pour nos portefeuilles de titres à revenu fixe. L’exubérance caractérise souvent la dernière phase d’un marché haussier et c’est loin d’être le cas actuellement. À mesure que progressent les marchés, il devient particulièrement important d’observer une approche méthodique à l’égard de la répartition de l’actif, d’où notre récent rééquilibrage généralisé. En conclusion Dans une version moderne de La Charge de la Brigade Légère, les diplomates occidentaux pourraient être adulés en vers s’ils parvenaient à contenir la crise en Ukraine et à réintégrer la Russie dans son rôle de partenaire international plutôt que d’adversaire. Pour atteindre cet objectif, l’Ouest devra faire des concessions et permettre à Poutine de satisfaire son besoin d’affirmer son importance et son influence chez lui. Incarnation moderne et rusée de tout ce qui était peu attrayant à propos de l’impérialisme soviétique, il regrette ouvertement la dissolution du grand empire. Il faudra beaucoup de persuasion pour le dissuader de commettre d’autres agressions. Il faudra montrer à cet ancien agent du KGB que la Russie a désormais tout avantage à jouer la carte de la collaboration, une collaboration encourageant le commerce ouvert et loyal, et un respect sincère pour ses voisins. À court terme, l’énergie peut lui conférer du pouvoir, mais s’il force les clients à aller voir ailleurs, cet avantage risque de se retourner contre lui. Pour l’heure, la reprise mondiale naissante 3 Avril 2014 évolue sous la menace du risque géopolitique de l’Europe de l’Est. 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