Comparaison entre la chirurgie robotique, la chirurgie

© Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, 2012 page | 1
Aperçus technologiques de l’ACMTS
juin 2012, volume 2, numéro 2
Objectif
L’étude a pour objectif de comparer la
chirurgie robotique, la chirurgie ouverte et
la chirurgie laparoscopique sous les angles
de l’efficacité clinique et de la rentabilité.
Comparaison entre la chirurgie
robotique, la chirurgie ouverte
et la chirurgie laparoscopique
Adaptation de Ho C, Tsakonas E, Tran K, Cimon K, Severn
M, Mierzwinski-Urban M, Corcos J, Pautler. Robot-
Assisted Surgery Compared with Open Surgery and
Laparoscopic Surgery: Clinical Effectiveness and
Economic Analyses. [rapport technologique no 137].
Ottawa : Agence canadienne des médicaments et des
technologies de la santé; 2011.
Introduction
Les interventions chirurgicales assistées par la
robotique dont il est question ici sont la
prostatectomie, l’hystérectomie, la néphrectomie
et la chirurgie cardiaque, qui revêtent de l’intérêt
pour les provinces et les territoires du pays en
raison de leur importance clinique et de la place
actuelle et prévue de la chirurgie robotique.
La chirurgie robotique a vu le jour dans l’espoir
de faciliter les interventions chirurgicales à
effraction minimale (par laparoscopie) et
l’exécution d’interventions particulièrement
délicates qui seraient impensables selon les
techniques usuelles de chirurgie ouverte ou de
chirurgie laparoscopique. Au Canada,
11 hôpitaux se sont dotés de systèmes robotisés1.
Le robot chirurgical le plus répandu et le plus
étudié est le da Vinci Surgical System (Intuitive
Surgical Inc., Sunnyvale, Californie, États-
Unis)2, le seul système présent sur le marché
canadien. Le robot da Vinci est un système de
télémanipulation robotisée comportant trois ou
quatre bras que dirige le chirurgien d’une
console informatique vidéo située à proximité du
patient. En 2000, la Food and Drug
Administration aux États-Unis a autorisé la
commercialisation du robot dans des indications
urologiques, laparoscopiques générales,
laparoscopiques gynécologiques, thoraciques
générales à l’exception des indications
cardiaques et dans la cardiotomie
thoracoscopique chez l’adulte et l’enfant2. Santé
Canada a autorisé la commercialisation du robot
da Vinci Surgical System de première
génération (da Vinci Standard) en mars 2001, du
robot de deuxième génération da Vinci S
Surgical System en 2006 et du robot de
troisième génération da Vinci Si en
janvier 20103,4.
La chirurgie assistée par robot, à laide de la
machine da Vinci par exemple, peut être
avantageuse pour le patient, car elle repose sur
une technique à effraction minimale ce qui
réduit la perte de sang, la nécessité de la
transfusion sanguine, les complications et la
douleur postopératoire, et abrège le séjour
hospitalier et le délai de rétablissement. Elle
peut être avantageuse pour le chirurgien
également du point de vue de l’ergonomie
(visualisation et marge de manœuvre
tridimensionnelles, caractère intuitif de la
coordination oculomanuelle à la manipulation,
absent à la chirurgie laparoscopique) et ainsi
améliorer sa précision et son efficacité. Mais,
elle est onéreuse à l’achat, à la maintenance et à
l’exploitation.
Voici les quatre questions de recherche :
1. Comparativement à la chirurgie ouverte et à
la chirurgie laparoscopique, quelle est
l’efficacité clinique de la chirurgie robotique
dans :
a. la prostatectomie;
b. l’hystérectomie;
c. la néphrectomie (en raison de l’utilité
potentielle de la chirurgie robotique
dans l’ablation d’une partie d’un rein,
l’étude se concentre sur la néphrectomie
partielle en faisant abstraction de
l’ablation totale);
d. la chirurgie cardiaque ?
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la chirurgie ouverte et la chirurgie laparoscopique
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2. Comparativement à la chirurgie ouverte et à
la chirurgie laparoscopique, quelle est la
rentabilité de la chirurgie robotique dans :
a. la prostatectomie;
b. l’hystérectomie;
c. la néphrectomie;
d. la chirurgie cardiaque ?
3. Quelle serait l’incidence budgétaire (y
compris en matière de dotation) de
l’adoption de la chirurgie robotique par les
provinces et les territoires du pays dans
a. la prostatectomie;
b. l’hystérectomie;
c. la néphrectomie;
d. la chirurgie cardiaque ?
4. Quelles sont les questions de planification et
de mise en œuvre (y compris l’aspect du
maintien des compétences) que devront
aborder les provinces et les territoires du
pays souhaitant adopter la chirurgie
robotique dans
a. la prostatectomie;
b. l’hystérectomie;
c. la néphrectomie;
d. la chirurgie cardiaque ?
Méthode
C’est par une étude méthodique couplée à des
métaanalyses que les chercheurs comparent la
chirurgie robotique, la chirurgie ouverte et la
chirurgie laparoscopique sous l’angle de
l’efficacité clinique. La mesure de l’effet dans le
cas de données binaires, telles celles illustrant le
taux de complications ou le taux de marges
positives, est exprimée par le risque relatif
accompagné d’un intervalle de confiance (IC) à
95 %. Pour ce qui est des données continues,
telles la durée opératoire et la durée du séjour
hospitalier, la mesure de l’effet prend la forme
de la différence moyenne pondérée
accompagnée de l’IC à 95 %.
L’évaluation des données probantes
économiques sur la chirurgie robotique prend la
forme d’une étude méthodique. L’évaluation
économique primaire, quant à elle, compare la
chirurgie robotique, la chirurgie ouverte et la
chirurgie laparoscopique dans l’exécution de la
prostatectomie radicale, intervention
chirurgicale robotisée la plus fréquente au
Canada. Comme les données issues de l’examen
clinique ne permettent pas de déceler des
différences d’effet remarquables (en fonction de
paramètres telles la mortalité, la morbidité, la
qualité de vie en général et la récurrence de la
maladie) entre les techniques, l’analyse de
minimisation des coûts les compare sous l’angle
des coûts exclusivement.
L’analyse s’inscrit dans la perspective du
système de santé public, et le calcul des coûts
s’étend sur la durée de l’hospitalisation.
L’analyse du retentissement sur la population
estime le nombre d’hôpitaux canadiens
admissibles à un programme de chirurgie
robotique et le nombre de patients qui seraient
traités ainsi. Enfin, l’analyse de l’incidence
budgétaire évalue les coûts nets du programme
du point de vue de l’établissement.
Résultats
Efficacité clinique
La recherche documentaire a débouché sur la
recension de 2 031 mentions. Après examen des
articles et rejet des études dont le plan, la
population, les interventions ou les paramètres
sont sans intérêt pour les besoins de la présente
étude, la sélection conforme aux critères
d’inclusion comprend 95 études : 51 sur la
prostatectomie, 26 sur l’hystérectomie, 10 sur la
néphrectomie et 8 sur la chirurgie cardiaque.
L’examen des études retenues se solde par deux
constatations. D’abord, il n’y a pas de données
provenant d’essais cliniques comparatifs et
randomisés et les données sur la néphrectomie et
la chirurgie cardiaque sont limitées. En second
lieu, les métaanalyses primaires des études
observationnelles choisies révèlent que la
chirurgie robotique est avantageuse dans une
mesure statistiquement significative du point de
vue de plusieurs paramètres cliniques.
De façon générale, nombre destimations
globales coiffant la comparaison entre les
techniques dans les indications en question sont
teintées de l’hétérogénéité statistiquement
significative qui caractérise les études. Des
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la chirurgie ouverte et la chirurgie laparoscopique
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analyses de sous-groupes de résultats d’étude
ayant trait à la qualité de l’étude, au plan d’étude
ou faisant abstraction des valeurs aberrantes ne
détectent pas de tendances systématiques.
Plus le chirurgien est expérimenté, plus la durée
opératoire, la durée du séjour hospitalier,
l’incidence de complications et le taux de
marges positives diminuent. La circonspection
est de mise avant de tirer une conclusion ferme
de la métaanalyse au vu de l’absence d’essais
cliniques randomisés et de la présence
d’hétérogénéité inexpliquée dans certaines
estimations globales et de quelques études dont
les résultats sont contradictoires. La chirurgie est
avantageuse dans une mesure statistiquement
significative sur plusieurs plans, mais
l’importance clinique de ces avantages demeure
incertaine.
Examen et analyse économique
L’étude méthodique de l’information
économique, de nature descriptive, a pour but
d’évaluer les données probantes économiques
sur la chirurgie robotique des points de vue de la
qualité des études, de la méthodologie, des
résultats et de la pertinence dans un contexte
canadien. Elle couvre 30 analyses économiques
de la chirurgie robotique : 15 sur la
prostatectomie, 4 sur la chirurgie cardiaque,
2 sur la néphrectomie radicale, 8 sur
l’hystérectomie et 1 sur plusieurs indications.
Les études ne s’entendent pas sur les coûts et la
rentabilité de la chirurgie robotique, ni sur la
prise en compte et le mode d’analyse des coûts.
La plupart des études sont avares d’information
sur leurs méthodes; une étude sur
l’hystérectomie s’avère pertinente dans le
contexte canadien.
L’analyse de minimisation des coûts illustre que
la prostatectomie radicale assistée par robot fait
baisser les coûts hospitaliers en abrégeant le
séjour par rapport à la chirurgie ouverte et à la
chirurgie laparoscopique. Toutefois, en raison
des coûts d’acquisition, de fonctionnement et de
maintenance du robot, le coût global par patient
de la technique de robotique est supérieur à celui
des deux autres techniques. En augmentant le
nombre de cas, le coût supplémentaire de la
chirurgie robotique peut diminuer; ainsi, le coût
supplémentaire moyen chute pour la peine après
200 interventions. L’analyse de sensibilité
probabiliste constate que la chirurgie robotique
est plus coûteuse que la chirurgie ouverte et la
chirurgie laparoscopique dans 75 % des cas
environ et que, s’il y a des économies de coût
dans la chirurgie robotique, elles tiennent à la
baisse des coûts hospitaliers.
Retentissement sur les services
de santé
L’analyse de l’impact sur la population conclut
que 31 établissements canadiens pourraient
adopter la technologique robotique en supposant
qu’ils ont les mêmes caractéristiques que les
établissements qui l’ont déjà adoptée. En posant
l’hypothèse que leur volume de cas est le même
que celui des établissements opérationnels,
4 030 interventions chirurgicales assistées par
robot pourraient être exécutées chaque année au
Canada. Si des hôpitaux non universitaires de
même envergure (nombre de lits) et des hôpitaux
plus petits venaient s’ajouter au nombre
d’établissements recourant à cette technologie,
le nombre de patients traités chaque année
pourrait grimper à 11 050.
En tenant compte des caractéristiques générales
des patients qui subissent une intervention
chirurgicale robotisée et des schémas
d’utilisation dans les établissements ayant
adopté la technologie, le coût net pour
l’établissement du fonctionnement du
programme de chirurgie robotisée faisant appel
au nouveau da Vinci Si Surgical System pendant
sept ans est estimé à 2,9 millions de dollars. La
chirurgie cardiaque représente l’intervention
robotisée la moins coûteuse, le coût net de ce
programme étalé sur sept ans étant évalué à
900 000 dollars, alors que la prostatectomie est
l’intervention la plus coûteuse avec un coût net
de 3,5 millions durant la même période.
Limites
Les limites de l’examen clinique tiennent à
l’absence d’essais cliniques comparatifs,
randomisés et prospectifs comparant la chirurgie
robotique à la chirurgie laparoscopique ou à la
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la chirurgie ouverte et la chirurgie laparoscopique
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chirurgie ouverte5. L’examen se fonde
principalement sur des études observationnelles
se déroulant dans un seul établissement, de sorte
que le degré de certitude des données probantes
n’est pas aussi grand que celui des données
issues d’ECR. Nombre de paramètres laissent
entrevoir l’hétérogénéité qui marque les études,
sans qu’il soit possible d’en déceler la cause
apparente qualité de l’étude, plan d’étude,
taille de l’échantillon, définition des paramètres
d’intérêt et expérience du chirurgien qui
expliquerait cette disparité.
Dans la présente évaluation technologique, les
données cliniques ne proviennent pas
d’établissements canadiens; il faut donc savoir
qu’elles peuvent être la source de biais (biais de
publication, biais de sélection).
L’étude méthodique de l’information
économique est rigoureuse. Pour la plupart, les
données qui font l’objet de l’évaluation
économique et de l’analyse de l’incidence sur les
services de santé proviennent de sources
canadiennes.
La chirurgie robotique et la chirurgie
laparoscopique sont des techniques
chirurgicales que l’on maîtrise après une
certaine période d’apprentissage dans le cadre
d’un programme de formation et de mentorat
spécialisé; des coûts sont associés à un tel
programme, mais ils sont difficiles à estimer et
ne sont pas pris en compte ici.
Au moment de la présente évaluation, l’Institut
canadien d’information sur la santé n’avait pas
encore collecté de données fiables sur la durée
du séjour hospitalier du patient qui subit l’une
ou l’autre des interventions chirurgicales
robotisées dont il est question ici. Les coûts
hospitaliers calculés d’après les données de
l’Institut englobent habituellement le coût du
matériel chirurgical jetable. Comme la catégorie
de la chirurgie robotique n’a fait son apparition
que récemment dans la base de données sur les
congés des patients de l’Institut, le
dénombrement et la détermination du coût des
interventions robotisées demeurent inexacts, et
l’on ne sait pas vraiment si le coût du matériel
robotique jetable est compris dans les coûts
hospitaliers.
Dans l’analyse de l’impact sur la population, le
nombre de lits devient l’un des critères de
détermination des établissements susceptibles
dadopter la technologie. Le volume de cas
chirurgicaux aurait sans doute été mieux comme
indicateur, mais nous ne disposions pas de cette
information.
Enfin, la chirurgie robotique peut être
avantageuse sur certains plans difficiles à
évaluer, qui ne sont pas pris en compte dans
l’analyse économique, tels les aspects
ergonomiques de la technique et les questions de
fatigue et d’efficacité du chirurgien.
Conclusion
Les données probantes examinées dans le cadre
de la présente évaluation technologique laissent
entrevoir que la chirurgie robotique peut être
avantageuse du point de vue de nombreux
paramètres cliniques dans la prostatectomie, la
néphrectomie partielle et l’hystérectomie, dans
une mesure variable selon l’indication. Les faits
probants quant à la chirurgie cardiaque robotisée
sont rares, mais ils tendent à être favorables à la
chirurgie robotique, notamment les données à
propos de la durée du séjour hospitalier.
En raison de la rareté des données probantes, la
comparaison entre les trois techniques sous
l’angle d’issues à long terme comme la survie ou
le délai de reprise du travail s’avère non
concluante. Il reste donc que l’adoption de la
chirurgie robotique est une décision difficile,
qu’il importe d’en soupeser les avantages et les
désavantages avec le plus grand soin d’autant
que les données probantes se font rares et que
l’importance clinique des avantages de la
technique demeure incertaine.
Comparativement aux deux autres techniques, la
chirurgie assistée par robot est coûteuse et elle
nécessite un investissement de taille; les
établissements qui adoptent cette pratique ont
intérêt à en surveiller les coûts et les résultats
afin d’en optimiser l’utilisation. Pour réduire les
coûts, il serait avisé de répandre la technique,
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la chirurgie ouverte et la chirurgie laparoscopique
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d’allonger la période d’utilisation du robot
chirurgical et de l’utiliser dans diverses
interventions, particulièrement celles qui ont le
meilleur potentiel sur le plan de l’état de santé
du patient et des économies d’échelle pour
l’établissement.
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