Faire entrer l`art dans la thérapie (PDF, 1.5 Mo)

14 | Mercredi 12 septembre 2012 | Le Quotidien Jurassien
ment de physiothérapie, ce qui est le
cas depuis longtemps à l’UHP.
PEGGY FREY
*prénom d’emprunt.
la thérapie passe aussi par le sport.
Un autre moyen encore de se tourner
vers des soins alternatifs. Dans ce
sens, à l’UHMP de l’Hôpital du Jura,
les patients bénéficient nouvelle-
un pianiste vers la musicothérapie,
par exemple, aurait peu d’intérêt
pour développer sa créativité…», dé-
veloppe Patricia Mbumaston. La per-
sonne doit être surprise par ce qu’elle
produit, s’en étonner, critiquer, expli-
quer son cheminement. Ce sont ces
aspects de l’œuvre qui intéressent
l’art-thérapeute dans son accompa-
gnement.
Lâcher prise, s’exprimer
et s’accepter
Lorsque le patient n’est pas en me-
sure d’être actif, il peut par contre se
montrer réceptif. «Pour diverses rai-
sons d’ordres physiques ou psycholo-
giques, certaines personnes ne peu-
vent pas peindre, chanter ou jouer
d’un instrument. Cela ne veut pas
dire que la musique ne peut avoir un
effet bénéfique sur elles: la simple
écoute peut aussi être apaisante pour
certains.»
De manière individuelle ou en pe-
tits groupes, les patients rencontrent
l’art-thérapeute ou la musicothéra-
peute plusieurs fois pendant leur sé-
jour. «Certains poursuivent même le
traitement en ambulatoire, une fois
sortis de l’hôpital», se réjouit Patricia
Mbumaston. C’est le cas de Berna-
dette* qui, par l’art-thérapie «voulait
se donner la chance de sortir des
émotions trop fortes pour être sup-
portables, extérioriser et dépasser
(son) problème». Avec l’aide de l’art-
thérapeute Lise Poupon (voir article
ci-dessous) et d’une ergothérapeute,
Bernadette a pu réveiller ses sens, se
déculpabiliser de «vieux démons
l’ayant conduite à l’alcool et à la dro-
gue».
Dans d’autres établissements, à la
Clinique Le Noirmont, par exemple,
une «thérapie occupationnelle»
vouée à distraire les malades par le
dessin, la musique ou autres matiè-
res artistiques. C’est bien plus ré-
cemment que l’art est devenu réelle-
ment un accompagnement thérapeu-
tique gagnant peu à peu sa place dans
les soins actuels. «Aujourd’hui, l’art-
thérapie et la musicothérapie font
partie du concept de prise en charge.
Dans les unités psychiatriques de
l’H-JU, les thérapeutes de ces deux
disciplines participent aux colloques
au même titre que les autres mem-
bres de l’équipe pluridisciplinaire et
font part de leurs observations à
l’égard des malades, note Patricia
Mbumaston. Pour moi, leurs obser-
vations sont très importantes parce
que souvent différentes de celles du
reste de l’équipe soignante. Il n’est
pas rare de voir un patient lâcher pri-
se pendant une séance d’art-thérapie,
alors qu’il reste complètement fermé
face à un médecin, par exemple.»
Confidentielle dans les années
1950, très en vogue depuis les années
1990, l’art-thérapie peut s’inclure
dans différentes pratiques médicales,
que ce soit la psychiatrie, la gériatrie,
la pédiatrie ou l’accompagnement de
personnes en fin de vie. Par le biais
de l’art (musique, dessin, théâtre,
danse, etc.), une personne ayant du
mal à s’exprimer verbalement peut
mobiliser un autre langage et évo-
quer son existant par la créativité,
plutôt que par des mots. L’œuvre de-
vient alors l’expression émotionnelle
d’un vécu, surtout par son processus
de création, plus que par l’objet fini.
«C’est pour cette raison que le pa-
tient est plutôt orienté vers un style
artistique qui l’attire, mais qu’il ne
maîtrise pas forcément. Car orienter
Faire entrer l’art dans une
thérapie par le biais de la
musique, la peinture, le
théâtre, la danse, la photo-
graphie ou toute autre forme artisti-
que, est une pratique assez récente
en milieu hospitalier. Pour les prises
en charges psychiatriques à l’Hôpital
du Jura, une art-thérapeute et une
musicothérapeute, en étroite collabo-
ration avec les ergothérapeutes et
l’ensemble des soignants, assurent
l’accompagnement des malades en
plus des soins infirmiers et médi-
caux. «Il nous semblait important
d’étoffer l’offre de soins et de propo-
ser aussi des thérapies alternatives»,
renseigne la Dresse Patricia Mbumas-
ton, médecin-cheffe de l’unité médi-
co-psychologique (UHMP) de l’Hô-
pital du Jura (H-JU), à Delémont, et
de l’unité de psychogériatrie (UHP),
à Porrentruy.
A l’UHMP, qui accueille à la fois
des personnes dépendantes l’al-
cool ou à d’autres drogues), des ma-
lades présentant des troubles psy-
chotiques ou souffrant de dépres-
sion, la possibilité de se tourner vers
des thérapies différentes est très im-
portante. «La crise aiguë passée,
nous proposons un accompagne-
ment thérapeutique complémentai-
re par le biais de l’art, de la musique
et de l’ergothérapie. Ces moyens de
soins différents aident les person-
nes à se sentir mieux, à retrouver
des centres d’intérêts, une certaine
estime de soi et à s’exprimer», expli-
que la doctoresse.
Une reconnaissance médicale
Dans les établissements d’autre-
fois, l’art thérapie n’existait pas en
tant que discipline. Elle se limitait à
Quand la thérapie choisit lalternative
V
SOINS L’accompagnement thérapeutique prenant appui sur l’art occupe une place singulière dans le monde
médical. Pourtant, la discipline fait ses preuves en ambulatoire comme en milieu hospitalier
La peinture ou toutes autres formes d’expression artistiques peuvent entrer dans une séance
d’art thérapie.
Se sentir mieux grâce à la musique
peut être bénéfique dans certains cas. Cette thérapie
ne se veut surtout pas intrusive pour le patient. La mu-
sique doit l’aider à libérer l’émotion du moment, à ex-
primer ses sentiments ou à les retrouver, ou simple-
ment lui amener un moment de mieux-être.» Parfois,
la réaction et très minime. «C’est pour cela que la mu-
sicothérapeute observe beaucoup son patient, surtout
celui qui ne dispose pas de la parole pour exprimer un
ressenti. Un regard, l’ébauche d’un sourire, un mouve-
ment, chaque signe peut être celui d’une émotion que
l’on cherche juste à créer sans l’interpréter.»
Pratiquée depuis les années 1950, de manière indivi-
duelle ou en groupe, la musicothérapie amène de bons
résultats dans diverses branches de la médecine, que ce
soit pour améliorer la santé mentale, physique ou émo-
tionnelle des patients.
PF
Musicothérapeute formée à l’école de Genève, Josette
Lovis intervient à l’unité de psychogériatrie de l’H-JU, à
Porrentruy, et au foyer Les Fontenattes, à Boncourt. Ses
instruments de travail sont, à juste titre, des instru-
ments… de musique! Cymbales, piano, bâton de pluie,
tambourin, xylophone, guitare et enregistrements pren-
nent place dans la mallette de soins de la thérapeute.
«Lorsque je rencontre un patient pour la première fois, je
cherche par quel son je vais pouvoir provoquer chez lui
une émotion, explique la praticienne. Certaines person-
nes réagissent à la voix, d’autres à un instrument. L’im-
portant est de créer une interaction entre la musique, la
personne en souffrance et la thérapeute.»
Apaiser le physique et l’intellect
Ses patients sont handicapés physiques, déficients
intellectuels, déments, dépressifs, souffrant d’addic-
tions ou encore en fin de
vie. Pour chacun d’eux,
la musicothérapeute
trouve «la porte d’entrée
musicale» qui permettra
de les apaiser physique-
ment et intellectuelle-
ment, de leur faire lâ-
cher prise, voire de les
soigner. «D’un patient à
l’autre, selon leur patho-
logie, la thérapie et le ni-
veau de participation du
malade peuvent être très
différents.» Si avec cer-
tains, Josette Lovis peut
aller jusqu’à chanter ou
jouer sur un tambourin,
d’autres lui font com-
prendre qu’ils ont juste
besoin de silence. «Ce-
lui-ci fait aussi partie de
la musicothérapie et
MAGAZINE santé } Cette page Magazine santé
est réalisée en collaboration
avec l’Hôpital du Jura et le
Service cantonal de la santé
publique.
Retrouver sa créativité
pour mieux s’accepter
prétation. Si on prend le cas d’un dessin,
je ne cherche pas à expliquer le problème
de la personne en commentant sa créa-
tion. Mon but serait plutôt le développe-
ment du processus créatif, l’émergence
de surprises, la découverte de libertés et
l’aventure vers l’inconnu en se racontant
par le dessin. L’important dans mon ate-
lier n’est pas la valeur esthétique de l’œu-
vre, mais ce qu’elle évoque pour le pa-
tient, la restauration de certains souve-
nirs enfouis, par exemple.»
Moment de légèreté, d’oubli parfois, le
patient peut se laisser aller à sa créativité
dans l’atelier de Lise Poupon. «Contraire-
ment aux enfants, les adultes négligent
leur inventivité et se confinent dans une
certaine normalité. Jouer avec leurs sens,
imaginer, sont des attitudes assez margi-
nales dans notre société, alors qu’elles
procurent une certaine stabilité, un lais-
ser-aller agréable.»
Dans les institutions psychiatriques,
s’exprimer par l’art lorsqu’on ne peut le
faire verbalement, n’est pas chose nou-
velle. Certains patients ou patientes, com-
me l’artiste Aloïse Corbaz*, internée à
l’asile de la Rosière à Gimel, en 1920,
pour troubles psychologiques, sont
même reconnus. Ce dernier aspect n’est
pas le but de l’art-thérapie, qui vise plutôt
le développement de symboles que la
production artistique. PF
*Les œuvres d’Aloïse Corbaz sont ex-
posées à la Collection de l’art brut de Lau-
sanne, jusqu’au 28 octobre,
www.artbrut.ch
Art-thérapeute diplômée, Lise Poupon
travaille au sein de l’unité médico-psy-
chologique de l’Hôpital du Jura, à Delé-
mont, depuis octobre 2011. «L’hôpital
souhaitait enrichir son éventail de soins
vis-à-vis des patients de ce service, qui
viennent me voir s’ils le souhaitent. Dans
le cadre de leur traitement, je leur propo-
se un accompagnement thérapeutique
par le biais des arts. Créer peut les aider à
se ressourcer, à éveiller leurs sens, à se re-
valoriser en se servant de leurs mains.»
Pinceaux, feuilles, craies, tissus, une ma-
chine à coudre, des papiers de collage, la
salle de travail de l’art-thérapeute ressem-
ble plus à une pièce de bricolage qu’à un
cabinet de consultation. «La créativité est
souvent négligée chez les personnes
souffrant de maladies psychiques, de
toxicomanie ou de dépression. Pourtant,
elle est un moyen d’expression pour ces
personnes souvent isolées.»
S’exprimer par l’art
Lors d’une première séance, par le
biais d’une discussion, le patient pose
son problème, ses attentes, ses question-
nements et ses désirs. «La personne ne
souhaite pas toujours parler, ou n’arrive
pas à mettre le doigt sur son problème.
Ce n’est pas grave du moment qu’elle ac-
cepte de s’ouvrir à la création», explique
la thérapeute. Par le son, le mouvement,
la lecture, les arts plastiques ou la scène,
Lise Poupon trouve une passerelle pour
sortir le patient de son isolement et l’aider
à s’exprimer. «Je ne suis pas dans l’inter-
La musique peut apaiser un patient physiquement et intellectuellement.
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