Les plantations d’eucalyptus du sud-ouest de la
France sont des plantations de petites
dimensions (dizaine d’ha) et majoritairement
installées en terrain agricole, sur des friches.
Les peuplements sont conduits en Taillis à Courte
Rotation (TCR), avec des rotations comprises
entre 10 et 15 ans. Les rémanents d’exploitation
sont laissés sur place et l’écorçage est
maintenant couramment pratiqué, ce qui permet
de limiter de manière significative les exportations
minérales. Cette sylviculture intensive n’en reste
pas moins une culture très extensive.
Dans ce contexte, les plantations d’eucalyptus
ont actuellement un impact très modéré sur le
milieu, et sans doute insignifiant par rapport à
celui des cultures agricoles intensives.
Au niveau du sol, l’azote pourrait devenir à terme
un facteur limitant de la croissance. Un apport
serait alors requis pour maintenir les niveaux de
production au maximum des potentialités. Au
niveau de l’eau, les impacts à craindre sont
seulement des effets de bordure avec des
cultures adjacentes. En contexte de déficit,
l’eucalyptus régule sa croissance et son système
racinaire superficiel n’est pas à même d’avoir un
impact sur les nappes phréatiques. Au niveau
de la biodiversité, l’installation d’une plantation
sur une friche agricole permet de limiter les pertes
inévitables de biodiversité liées au passage d’un
milieu naturel vers un système de culture. Un
diagnostic préalable permettrait en tout cas de
détecter des zones à valeur patrimoniale
particulière sur laquelle une plantation ne serait
pas indiquée ou pour laquelle une adaptation de
l’itinéraire technique serait nécessaire.
Parallèlement, l’installation d’un boisement a
aussi des effets positifs sur le milieu, que ce soit
sur la structure des sols, l’apport de matière
organique ou la qualité de l’eau, surtout en
contexte agricole.
Réaliser une plantation ou une culture, et plus
généralement, changer l’occupation du sol
provoque inévitablement des changements sur
le milieu environnant. Ils peuvent s’exprimer au
travers du milieu physique ou biologique mais
aussi au travers de la perception qu’en ont les
différents acteurs du territoire.
Quelle est la valeur réelle d’un changement ?
Il est important de sortir d’une logique "d’impact
environnemental" avec une connotation négative
pour envisager de manière plus large les atouts
et faiblesses de cette culture en relation avec
les objectifs poursuivis et les retombées d’un
point de vue économique et social.
INFORMATIONS - FORÊT INFORMATIONS - FORÊT INFORMATIONS - FORÊT
AFOCEL EUCALYPTUS ET ENVIRONNEMENT
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AFOCEL
Nicolas NGUYEN THE
Benoit CHASTE
AFOCEL Station Sud
Domaine de St Clément
34980 St Clément de Rivière
Tél. : 04.67.66.74.74
Fax : 04.67.66.74.60
ISSN : 0336-0261
Il est régulièrement démontré que le passage
d’une forêt constituée d’essences indigènes à
une plantation entraîne une baisse dans la
biodiversité. Ce phénomène est encore accentué
dans le cas de plantations d’essences introduites,
ces dernières étant implantées loin de leur aire
d’origine et donc, loin du cortège floristique et
faunistique qui a évolué avec elles.
!Quelle biodiversité ?
Au demeurant, caractériser la biodiversité et, a
fortiori, évaluer sur elle l’impact d’une perturbation
reste complexe.
Les espèces d’un biotope sont très nombreuses
et il est difficile de les analyser toutes. Le nombre
des espèces doit aussi être modulé par leur
valeur patrimoniale (la présence de nombreuses
espèces banales n’ayant pas la même valeur
que la présence de quelques espèces rares ou
sensibles aux perturbations).
La biodiversité est également liée à l’histoire
de la parcelle. Ainsi, la microfaune du sol héritée
d’un ancien taillis de chêne sera probablement
très différente de celle héritée d’une ancienne
terre agricole.
La biodiversité doit aussi être analysée dans le
temps car elle évolue en fonction des
perturbations, qu’elles soient d’origine humaine
ou naturelle (climat, chablis).
!L’anthropisation, facteur de perte de
biodiversité
L’ensemble des articles traitant de biodiversité
et d’eucalyptus conclut d’une façon ou d’une
autre à une baisse de la biodiversité dès lors que
les auteurs s’attachent à comparer une plantation
avec un milieu climacique (telle que peut l’être
une forêt mélangée de feuillus, une forêt naturelle
ou encore une lande).
Cela s’explique en tout premier lieu par
l’artificialisation du milieu et ensuite par le fait de
comparer des écosystèmes qui n’ont pas le
même âge (plantations jeunes comparées à des
peuplements climaciques âgés), c’est-à-dire dans
lesquels la biodiversité n’a pas évolué sur la
même durée et n’est donc pas arrivée au même
stade.
Le véritable enjeu de la biodiversité repose
finalement sur la valeur de l’antécédent cultural.
Installer un TCR sur d’anciennes parcelles
agricoles à faible biodiversité a moins d’impact
que reboiser un vieux taillis de feuillus disposant
d’un cortège floristique riche. L’attention ici est
portée sur l’impact de la succession et non sur la
richesse spécifique intrinsèque à chaque plantation.
L’un des moyens de diminuer l’impact du
boisement consiste ainsi à privilégier les plantations
sur terrain agricole, ce qui est maintenant fait de
manière quasi systématique en Midi-Pyrénées.
Dans certaines friches anciennes qui peuvent
avoir atteint un niveau important de biodiversité,
un diagnostic préalable permettrait également
de s’assurer de l’absence d’espèces à valeur
patrimoniale élevée dont l’existence pourrait être
remise en cause par cette artificialisation.
!A propos d’allélopathie
Les effets allélopathiques de l’eucalyptus
(influence sur le développement d’autres
végétaux) ont parfois été mentionnés. La
bibliographie ne rapporte cependant que peu
de cas d’effets allélopathiques avérés.
L’eucalyptus présente par ailleurs un houppier peu
dense qui relativise la concurrence pour la lumière
avec d’autres espèces. En revanche, la sécheresse
superficielle des sols observée dans les plantations
est sans doute l’un des facteurs de concurrence
avec d’autres espèces les plus significatifs.
Définir la perception sociale de plantations
d’eucalyptus revient à s’interroger sur l’impact
global engendré par ces plantations sur la qualité
du territoire et sur les porteurs d’enjeux
potentiellement concernés.
!Des plantations à objectif
La réalisation d’une plantation ne se fait pas sans
des objectifs bien définis.
Dans certains cas, les plantations d’eucalyptus
ont pour vocation de se substituer aux
prélèvements de bois réalisés dans les forêts
naturelles6. Dans d’autres cas, elles ont une
vocation économique7ou de diversification des
revenus agricoles8.
Dans chacun de ces articles qui traitent de la
perception des plantations d’eucalyptus et malgré
le fait que tous les contextes décrits dans les
articles soient fortement différents, on arrive à
un constat simple : les plantations d’eucalyptus
(comme toutes les plantations) ne sont que des
outils, pour certains économiques (production
de bois d’œuvre, de bois de trituration, de
biomasse énergie,…), pour d’autres, aména-
gements au sens large (du territoire, paysager,
agricole, préservation,…) ou encore, (assainis-
sement de marais, substitution aux prélèvements
faits sur de la forêt native,…).
Les plantations d’eucalyptus ou de toute autre
essence ont un but bien précis. C’est donc sur
la nature de cet objectif (sa légitimité pour le
mandant et les acteurs potentiellement
concernés) ainsi que sur l’incidence des actions
qui ont été engagées pour l’atteindre (analysées
en terme d’impact sur l’intérêt commun) que
se fonde la construction de la perception sociale
des plantations d’eucalyptus. C’est également
la nature de l’objectif qui va permettre de définir
la ou les personnes potentiellement concernées
qu’il faudra consulter avant de s’engager dans
la démarche de plantation.
!Le contexte français
Un audit réalisé par l’AFOCEL en 2004 a porté
sur la perception des plantations d’eucalyptus
françaises par les acteurs en Midi-Pyrénées
(Chaste, 2004).
Les résultats des études menées sur la per-
ception sociale des plantations d’eucalyptus dans
d’autres pays que la France sont difficilement
transférables tels quels à la situation française.
- Les caractéristiques physiques des plantations
françaises sont particulières. Il s’agit en général
de plantations de petite dimension, dispersées,
et généralement situées sur d’anciennes terres
agricoles alors que l’essentiel des analyses
repose sur des études effectuées en zone
tropicale, sur des plantations à grande échelle
(dizaine de milliers d’ha) et installées dans des
espaces sauvages et anciennement boisés.
- Les pays concernés par ces études sont bien
souvent des pays en développement qui ne
présentent donc absolument pas les mêmes
déterminants sociaux-économiques que la
France. Ces déterminants sont pourtant bien
souvent à l’origine de la construction de la
perception des plantations d’eucalyptus des
acteurs locaux.
Ainsi, par exemple en Midi-Pyrénées, les
eucalyptus sont considérés comme pouvant venir
concurrencer les pratiques agricoles sur leurs
meilleures terres car il est possible de les planter
sur les jachères.
!Poursuivre la recherche …
L’audit de 2004 a été une première esquisse
pour déterminer l’acceptabilité sociale des
plantations d’eucalyptus en Midi-Pyrénées.
D’autres travaux sont actuellement en cours
en collaboration avec des centres de recherche
publique et des universités.
Il est important d’appréhender les relations des
plantations avec leur environnement, en intégrant
la dimension sociétale. Nos recherches doivent
sortir du cadre d’une balance à deux plateaux
opposant l’eucalyptus et l’environnement pour
permettre de prendre en compte les objectifs
assignés à la plantation et les valeurs défendues
par les porteurs d’enjeux dans une nouvelle
perspective : la Valorisation Patrimoniale.
Pour en savoir plus
CHASTE, (2004).
Définition d’indicateurs de gestion durable des
plantations d’eucalyptus en Midi-Pyrénées.
Rapport AFOCEL 36 p.
BURGER-LEENHARDT, (1997).
Impact environnemental des plantations d’eucalyptus.
Synthèse bibliographique replacée dans le contexte
français.
Rapport AFOCEL 14 p.
FAO, (1993).
Proceedings of the regional consultation on
eucalyptus. volume i. 4-8 octobre 1993, fao regional
office for asia and the pacific, bangkok. 196 p.
POORE M.E.D. et FRIES C., (1986).
Les effets écologiques de l’eucalyptus.
Etude FAO Forêts n°59 188 pp.
Ed FAO ISBN 92-5-202286-4.
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Plantations en 2ème rotation (Lauragais).
A gauche, les conditions du site et les caractéristiques du
peuplement ont conduit à un sous-bois pauvre. A droite,
un sous bois abondant a pu se développer avec quelques
essences forestières précieuses.
(6) Harjsen, 1993. Bird fauna and vegetation in natural woodlands and
eucalyptus plantations in the High Andes in Bolivia - Implications for
development of sustainable agro-forestry techniques. In proceedings of the
regional expert consultation on eucalyptus. Bangkok, 4-8 october 1993.
Volume 1, pp 89-93
(7) Saiz de Omenaca, 1993. Analisis sociologico de la opinion entre la poblacion
rural de Cantabria sobre el impacto de las plantaciones de eucalipto. Invest.
Agrar., Sist. Recur. For. 1993 Vol. 2 (1) pp 71-88
(8) Sohail et Suleman, 1999. Impact assessment of eucalyptus planting on Brani
farmlands. The Pakistan Journal of Forestry. 1999 Vol. 49(1-4), pp 75-87
La biodiversité La perception sociale