Les expériences politiques françaises de 1795 à 1848

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> Les expériences
politiques françaises
de 1795 à 1848
Séquence 8-HG20
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Chapitre 1
> L’ère d’un général : Napoléon Bonaparte
1795-1815
Chapitre 2
.................................................................................................................................
A
Le Directoire, 1795-1799, marchepied vers le pouvoir de Bonaparte
B
Consulat (1800-1804) et Empire (1804-1815), l’ordre dictatorial
217
> La France entre monarchies et révolutions
1814-1848
.................................................................................................................................
A
La Restauration de la monarchie 1814-1830
B
Une révolution parisienne, les Trois Glorieuses de juillet 1830
C
La monarchie de Juillet 1830-1848
D
1848, enfin la République !
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235
215
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L’ère d’un général :
Napoléon Bonaparte 1795-1815
Problématique : Napoléon Bonaparte a-t-il rompu avec la Révolution ou, au contraire,
l’a-t-il continuée ?
PLAN : traitement de la problématique
Notions Clés
A - Le Directoire, 1795-1799, marchepied
vers le pouvoir de Bonaparte
Réaction – Convention thermidorienne – Plaine
– disette – famines – journées révolution1. Le Directoire, un régime faible
naires – Constitution de l’An III – Directoire
– collégial – Directeurs – monocaméralisme
– Conseil des Cinq Cents – Conseil des Anciens
– suffrage censitaire – Conservateur.
Repères
Étudier un texte programme : « Le gouvernement des meilleurs » de Boissy
d’Anglas.
Expliquer un organigramme institutionnel : « La Constitution de l’An III ».
2. Des contestations de toute part
Chouannerie – coups d’État – Babeuf – Étudier un manifeste politique : « La
Conjuration des Égaux – collectivisme – com- Conjuration des Égaux ».
munisme agraire – épuration – Loi Jourdan
Voir comment Bonaparte entre dans le
– Conscription
jeu politique ; texte : « L’armée de la
République ».
3. L’ascension d’un général : Bonaparte
Stratège – campagne d’Italie – Rivoli
– Campoformio – « Républiques sœurs » Expédition d’Égypte – homme providentiel
– Coup d’État des 18 et 19 brumaire an VIII.
B - Consulat (1800-1804) et Empire (1804- Constitution de l’an VIII – Consulat – fiction
1815), l’ordre dictatorial
– listes de notables – plébiscite – référendum – initiative législative – magistrature
– autocratie – Paix d’Amiens – Napoléon 1er
1. Du pouvoir personnel à l’autocratie
– dynastie – sacre – sceptre – pourpre – main
de justice – glaive – couronne – Légion d’honneur – Aigle – préfets – noblesse d’Empire
– népotisme – politique matrimoniale.
2. Réorganiser la société et l’État
Centralisation – préfet – Cour des Comptes
– « masses de granit » - Banque de France –
Banque centrale – franc germinal – Concordat
de 1801 – religion d’État – liberté de culte
– serment – biens nationaux – traitement –
fonctionnaires – lycées – Université impériale
– baccalauréat – Code civil – laïcisation
3. Surveiller et punir, ou le règne d’une Dictature – autoritarisme – esclavage –
police toute puissante
Toussaint Louverture – livret ouvrier – censure
– police – Fouché – propagande – art officiel – endoctrinement – catéchisme impérial
– culte impérial – droit divin.
Comprendre la répartition des pouvoirs
par des articles et un organigramme institutionnels : « Constitution de l’An VIII ».
Décrypter une œuvre d’art de propagande officielle : « Napoléon 1er sur le
trône impérial » d’Ingres.
Lire un plan de ville, Paris, pour apprécier
l’inscription dans l’espace d’un pouvoir.
Expliquer un document de compromis :
« Concordat de 1801 ».
Apprécier de manière critique un événement : « La fondation des lycées ».
Saisir la portée idéologique de textes de
lois : « Code civil et famille ».
Saisir la portée politique et sociale de
textes législatifs : « La législation napoléonienne du travail ».
Constater l’action politique personnelle
d’un homme : « Napoléon et le contrôle
de la presse ».
Saisir la portée idéologique d’une décision : « le catéchisme impérial ».
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Ces vingt années, 1795 - 1815, sont marquées de l’empreinte d’un homme, Bonaparte, d’abord
comme chef de guerre brillant puis comme homme d’État. On peut distinguer trois phases dans sa trajectoire : le Directoire ou la fin de la République (1795-1799) dans lequel s’illustre Bonaparte comme recours
possible pour mettre de l’ordre, le Consulat (1800-1804) qui met officiellement fin à la Révolution et où
Bonaparte entretient encore l’illusion de la continuité républicaine ; enfin, l’Empire (1804-1814/1815),
où Bonaparte devenu empereur, relance, mais avec plus de démesure encore, les fastes monarchiques
d’Ancien Régime.
A
Le Directoire, 1795-1799, marchepied
vers le pouvoir de Bonaparte
!
Le Directoire, un régime faible
Entre la chute de Robespierre (le 9 thermidor ou 27 juillet 1794) et la mise en place du Directoire (le 27
octobre 1795) s’écoule une année décisive en réaction contre la Terreur. Le gouvernement révolutionnaire
ainsi que l’essentiel de la législation d’exception mis en place par les Montagnards sont démantelés
comme la loi du Maximum par exemple. La Convention, dite thermidorienne, reprend ses pouvoirs ;
ce sont les députés de la « Plaine » qui la dominent maintenant. Ils renouent avec une politique plus
traditionnelle de liberté économique, or cela eut pour eux d’assez fâcheuses conséquences.
Les difficultés économiques qui marquèrent les précédentes années révolutionnaires, de 1789 à 1794,
ne sont pas résolues. Au contraire, elles ne font que s’aggraver. L’hiver 94-95 est particulièrement
rude ; la monnaie papier instituée en 1789, les assignats, finit par ne plus rien valoir du tout, l’inflation
ronge le pouvoir d’achat des catégories populaires, la disette menace, voire la famine.
À Paris, les sans-culottes organisent de nouvelles journées révolutionnaires et envahissent la
Convention, les 1er avril et 20 mai 1795 avec comme mot d’ordre : « du pain et la Constitution de
1793 » [Constitution montagnarde jamais appliquée et suspendue par le gouvernement révolutionnaire],
or le pouvoir réussit, cette fois, à les désarmer.
Les Conventionnels en retirent une profonde méfiance, voire, de la haine à l’égard de ce « peuple » parisien des ouvriers, artisans et boutiquiers, qui prétend exagérément représenter toute la
population française.
Le 21 septembre 1795, le projet de débarquement des émigrés échoue lamentablement à Quiberon mais
à la même époque sévit la « Terreur blanche » dans le Sud-Est de la France (une revanche sanglante
des royalistes contre les Jacobins, principaux soutiens des Montagnards). Pour les Conventionnels, il y
a urgence à construire un autre projet politique.
C’est une tout autre philosophie qui inspire les Conventionnels, où l’on s’éloigne très nettement
des principes de 1789 comme de ceux affichés par la Convention dès septembre 1792 :
Document 1 : Le gouvernement idéal selon Boissy d’Anglas
« Nous devons être gouvernés par les meilleurs, les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au
maintien des lois. Or, a bien peu d’exceptions près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux
qui possèdent une propriété, sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protègent, à la tranquillité
qui la conserve, et qui doivent à cette propriété et à l’aisance qu’elle donne, l’éducation qui les a rendus
propres à discuter, avec sagacité et justesse, les avantages et les inconvénients des lois qui fixent le sort de
la patrie … Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social … »
« Boissy d’Anglas, Discours à la Convention du 29 juin 1795 ».
Questions :
1. À quoi Boissy d’Anglas lie-t-il le vote ?
2. À quel type de suffrage cela conduit-il nécessairement ?
3. Par opposition, et sous-entendu ici, qui doit être exclu de la vie politique ?
4. Ce discours est-il en réaction ? Contre quelle période de l’histoire révolutionnaire ?
5. Les propositions de Boissy d’Anglas sont-elles conformes aux grands principes révolutionnaires ?
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Réponses :
1. Boissy d’Anglas lie le droit d’expression politique, le vote, à la propriété : « vous ne trouverez de
pareils hommes que parmi ceux qui possèdent une propriété ».
2. Cela conduit nécessairement à trier parmi les citoyens ceux qui auront la possibilité de voter ; on
aboutit donc au suffrage censitaire.
3. Doivent être exclus de la vie politique, évidemment, les sans-culottes et tout ce qui ressemble au
« peuple ».
4. Ce discours se comprend en réaction à la période du gouvernement révolutionnaire et de la
Terreur.
5. Non, l’égalité entre citoyens (des hommes uniquement !) face au vote n’est pas respectée.
C’est donc avec tous ces préjugés que les Conventionnels vont élaborer la Constitution de l’An III,
celle qui permettra la naissance du Directoire.
Auparavant, les Conventionnels thermidoriens imposent que les 2/3 des sièges aux assemblées soient
réservés aux députés sortants, manière de se maintenir au pouvoir.
Le nouveau régime tranche nettement dans l’histoire révolutionnaire :
Document 2 : La Constitution de l’An III (juillet-août 1795)
Pouvoir législatif
Conseil des
Cinq Cents
(il propose les lois)
500 membres
Pouvoir exécutif
Conseil des
Anciens
(il vote les lois)
5 DIRECTEURS
nomme
250 membres, mariés
ou veufs, âgés d’au moins
40 ans.
élit
élit
20 000 électeurs
Des propriétaires âgés de plus de 25 ans
6 MINISTRES
Citoyens actifs eux seuls votent
Ceux payant un impôt minimal, le cens, et âgés de plus de 21 ans
Questions :
1. Comment se présente le pouvoir exécutif ?
2. Comment se présente le pouvoir législatif ?
3. Pourquoi a-t-on insisté sur la fragmentation des pouvoirs ?
4. Quels risques comporte une telle organisation des pouvoirs ?
5. Quelles régressions quant au respect de la démocratie cette Constitution comporte-t-elle ?
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Réponses :
1. Le pouvoir exécutif est collégial c’est-à-dire qu’il est partagé entre 5 directeurs, qui ont pour tâche
notamment de nommer les ministres. Pour une bonne « gouvernance », cela suppose qu’ils s’entendent
entre eux !
2. Le pouvoir législatif rompt avec le monocaméralisme (une seule assemblée législative) révolutionnaire ; il est ici divisé en 2 assemblées : le Conseil des Cinq Cents qui propose les lois et le Conseil
des Anciens (tous des hommes de plus 40 ans, et mariés ou veufs) qui vote ou refuse les lois.
3. Le Directoire a été conçu en réaction à la dictature montagnarde ; on veut à tout prix éviter le
gouvernement d’un seul homme ou d’un groupe, comme sous Robespierre, ou la trop grande puissance
d’une seule Assemblée.
4. Les pouvoirs sont nettement séparés, ce qui serait conforme à une conception démocratique des
pouvoirs si l’on n’avait pas oublié de les équilibrer ; ici les liens entre exécutif et législatif sont réduits
à la seule nomination des directeurs. S’il y a désaccord entre exécutif et législatif, le système est
complètement bloqué !
5. On remarquera, en application de la croyance au « gouvernement des meilleurs », l’abolition du
suffrage universel masculin et le retour du suffrage censitaire masculin.
De fait, le Directoire a été pensé comme un régime qui doit être capable de stabiliser la Révolution
voire d’en déclarer la fin ! Il est à la fois opposé à tout retour de la monarchie et contre une république
sous la coupe de la population parisienne. Cette république des « propriétaires » ou des « meilleurs »
est très nettement conservatrice et pas plus que la Convention ou la monarchie constitutionnelle, elle
ne résout les difficultés économiques et sociales. Les inégalités sociales se creusent, la corruption
gangrène le pouvoir, l’État connaît même la banqueroute, et la misère des populations urbaines
est indéniable : ainsi, le pain est rationné. L’échec social est aussi politique ; les pouvoirs se
paralysent mutuellement alors même que les contestations se multiplient au point de menacer le
Directoire dans son existence même !
Dans ce tableau bien noir, retenons, au crédit du Directoire, un début de réorganisation de l’enseignement avec la fondation des grandes écoles comme l’École nationale supérieure, Polytechnique,
l’école Centrale, mais cela ne concerne qu’une infime minorité de Français très aisés.
"
Des contestations de toute part
Directoire et Convention thermidorienne ont dû faire face à de multiples oppositions. Les désordres intérieurs sont la norme : des émeutes récurrentes dans les villes contre la misère, de la
chouannerie dans l’Ouest, et des brigands dont le nombre se multiplie dans les campagnes. Plus
graves furent les coups de force, de véritables tentatives de coup d’État, contre le régime en
place ; ainsi dès le 5 octobre 1795 (on est encore sous la Convention), une tentative royaliste est
déjouée. À l’opposé sur l’échiquier politique, à gauche, Gracchus Babeuf organise la Conspiration des
Egaux, un soulèvement contre le Directoire, pour instaurer un régime collectiviste paysan qui supprimerait la propriété privée.
Document 3 : Extrait du Manifeste des Égaux
« Législateurs, gouvernants, riches, propriétaires, écoutez-nous :
Nous prétendons désormais vivre et mourir égaux, comme nous sommes nés. Nous voulons l’égalité réelle
ou la mort. La révolution française n’est que l’avant-courrière d’une autre révolution, bien plus grande, bien
plus solennelle, et qui sera la dernière. C’est que nous ne voulons pas seulement l’égalité écrite dans les
droits de l’Homme, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons … Nous demandons,
quelque chose de plus sublime et de plus équitable le bien commun ou la communauté des biens. Plus de
propriété individuelle de la terre, la terre n’est à personne, les fruits sont à tout le monde … Disparaissez,
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révoltantes distinctions de riches et de pauvres, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés …
Peuple de France ouvre les yeux et le cœur à la plénitude du bonheur ; reconnais et proclame avec nous la
République des Égaux. »
Gracchus Babeuf, novembre 1795.
Questions :
1. Le manifeste fait allusion à la DDHC : retrouvez l’article correspondant à cette revendication.
2. À quel système économique peuvent s’apparenter les vœux exprimés dans le passage
suivant : « … Nous demandons quelque chose de plus sublime … Les fruits sont à tout le
monde » ?
3. Quelles sont les dispositions de la Constitution de 1795 (An III) contestées par le passage
suivant : « Révoltantes distinctions … de gouvernants et de gouvernés » ?
Réponses :
1. C’est l’article 1 de la DDHC qui proclame : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en
droits ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
2. Ce passage annonce en partie le système de propriété collective, le communisme agraire ou un partage
égalitaire des terres, idée qui sera généralisée et reprise par Karl Marx, au XIXe siècle.
3. Babeuf conteste l’application du régime censitaire qui réserve la participation aux élections et au
gouvernement aux plus riches.
En mai 1797, le Directoire clôt l’affaire en faisant guillotiner Babeuf.
Le Directoire renverse la situation en reprenant à son compte la stratégie du coup de force
contre ses opposants, ainsi contre les monarchistes qui réussissent, en 1797, à gagner les élections.
On épure les assemblées des royalistes. La manière importe autant, sinon plus, que le résultat
obtenu :
Document 4 : L’armée de la République
Contacté en mai 1797 par l’un des Directeurs pour savoir s’il prêterait main-forte au Directoire contre la
nouvelle majorité royaliste aux Conseils, Bonaparte prend position.
« Soldats, c’est aujourd’hui l’anniversaire du 14 juillet. Vous voyez devant vous les noms de nos compagnons
d’armes morts au champ d’honneur pour la liberté et la patrie : ils vous ont donné l’exemple. Vous vous
devez tout entiers à la République ; vous vous devez tout entiers au bonheur de trente millions de Français ;
vous vous devez tout entiers à la gloire de ce nom qui a reçu un nouvel éclat par vos victoires.
Soldats, je sais que vous êtes profondément affectés des malheurs qui menacent la patrie ; mais la patrie
ne peut courir de dangers réels. Les mêmes hommes qui l’ont fait triompher de l’Europe coalisée sont là.
Des montagnes nous séparent de la France ; vous les franchiriez avec la rapidité de l’aigle, s’il le fallait, pour
maintenir la Constitution, défendre la liberté, protéger le gouvernement et les Républicains.
Soldats, le gouvernement veille sur le dépôt des lois qui lui est confié. Les royalistes, dès l’instant qu’ils se
montreront, auront vécu. Soyez sans inquiétude, et jurons par les mânes [les restes] des héros qui sont morts
à côté de nous pour la liberté, jurons sur nos nouveaux drapeaux : GUERRE IMPLACABLE AUX ENNEMIS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DE LA CONSTITUTION DE L’AN III ! »
« Proclamation de Bonaparte à l’armée d’Italie, 26 messidor an V (17 juillet 1797) »
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Questions :
1. Quel rôle est attribué à l’armée par Bonaparte ?
2. À quelle culture politique révolutionnaire cela ressemble-t-il ?
3. Que peut en retirer personnellement Bonaparte ?
Réponses :
1. L’armée est présentée comme la gardienne du régime : « pour maintenir la Constitution … républicains » ; elle est de fait l’arbitre des conflits politiques. On lui demande d’intervenir dans la vie
politique.
2. « Guerre implacable … An III » ; cette rhétorique rappelle les outrances verbales de la Convention
montagnarde et du gouvernement révolutionnaire avec « La liberté ou la Mort », où l’on repère quelques
permanences dans la Révolution.
3. Bonaparte apparaît dès lors comme un recours, comme l’homme capable de rétablir l’ordre républicain ; c’est dangereux car cela permettrait le pouvoir des militaires et celui d’un seul homme, ce qui
ruinerait l’héritage politique révolutionnaire.
L’armée devient donc de plus en plus un acteur primordial dans la vie politique, on lui demande
d’intervenir, d’être le bras armé du Directoire. Cela permet d’écarter les royalistes en 1797, de
reprendre la politique de persécutions et de déportation à l’égard des prêtres réfractaires et
de légitimer les restrictions aux libertés : censures, purges dans l’administration, surveillance des
opposants politiques et des diverses publications. Le même procédé est utilisé contre les Jacobins en
mai 1798.
Ce rôle croissant de l’armée s’explique aussi par la politique de conquêtes du Directoire qui prolonge avec parfois plus de succès les guerres de la Convention ; de plus, à partir de 1798 et de la Loi
Jourdan, la conscription est établie : « Tout Français est soldat, et se doit à la défense de la Patrie » ;
tout homme doit servir le pays par les armes !
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L’ascension d’un général : Bonaparte
Napoléon Bonaparte doit tout de son ascension politique et militaire à la Révolution. En effet,
son origine relativement modeste le prédestinait à une carrière subalterne. Né en août 1769, issu
d’une famille nombreuse de petite noblesse corse, il a pu étudier dans des collèges militaires grâce
aux mesures restrictives prises à la fin de l’Ancien Régime réservant l’accès à l’enseignement militaire
à des enfants de la noblesse. Jusqu’en 1793, c’est un officier de second rang. C’est pendant la
Convention montagnarde qu’il s’illustre, lors du siège de Toulon qu’il reprend brillamment aux
Anglais. Assimilé aux hommes de Robespierre, il est proscrit après thermidor et revient au premier plan,
on l’a vu, lors de la répression de l’insurrection royaliste, le 5 octobre 1795.
Dès lors, la carrière de Bonaparte devient fulgurante. Il se révèle un meneur d’hommes et un
stratège exceptionnel mais aussi comme un redoutable politique opportuniste.
Il s’illustre d’abord dans la campagne d’Italie (1796-1797) en remportant de nombreuses victoires
aux pieds des Alpes à Lodi, Arcole, Bassano … puis Rivoli. Au traité de Campoformio, les Autrichiens
doivent négocier leur défaite. Lors de cette campagne, la geste de Bonaparte comme général victorieux
est déjà fixée ; ses contemporains prennent conscience de son talent mais sans oser voir ses ambitions.
Pour le Directoire, Bonaparte apparaît comme un allié indispensable. Il lui assure un prestige
extérieur que le régime cherche vainement à obtenir en France. Bonaparte vit sur les territoires qu’il
conquiert, à coup de pillages, réquisitions … De nombreuses œuvres d’arts sont envoyées de
force en France garnir les musées. Bonaparte va même jusqu’à renflouer les caisses du Directoire sur
les tributs qu’il a saisis. Son épopée italienne permet aussi la création des « Républiques sœurs »
italiennes, Transpadane et Cispadane.
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La seconde campagne qui fit la gloire de Bonaparte est l’expédition d’Égypte en 1798-1799. Ses
objectifs sont confus : faire de l’Égypte une colonie ? Une base militaire ? Quoiqu’il en soit, Bonaparte
embarque avec 32 000 hommes, de Toulon, en mai 1798. En Égypte, il débarque à Alexandrie, dès
juillet, et vainc les Mameluks, entre au Caire puis remonte vers le Nord et la Palestine pour combattre
les Turcs qui sont alors la puissance dominante de cette région. L’aventure militaire échoue à Saint
Jean d’Acre. Sur le court terme, face aux Turcs, c’est un échec, échec redoublé par la destruction de
la flotte française à Aboukir par la marine britannique de l’amiral Nelson. Pourtant, cette aventure
exotique est restée dans les mémoires comme une épopée. Dans cette aventure, Bonaparte avait
su s’entourer de scientifiques, de savants qui dressèrent un inventaire très complet des vestiges
de l’Égypte pharaonique …
Bonaparte sait partir à temps, revient d’Égypte et débarque à Fréjus le 9 octobre 1799. Or,
autour de 2 directeurs, Sieyès et Ducos, se trame un complot contre les institutions de l’An
III. Sieyès voudrait réviser cette constitution mais cela ne peut réussir sans le soutien de l’armée.
Bonaparte apparaît donc comme l’homme providentiel, celui qu’il fait convaincre de faire un coup
d’État pour forcer les Conseils à accepter une autre constitution.
Le Coup d’État a lieu les 18 et 19 brumaire an VIII (ou 9 et 10 novembre 1799). Les Conseils (des
Cinq Cents et des Anciens) sont réunis à St Cloud près de Paris sous prétexte qu’il y aurait un complot contre la République. Là, malgré l’opposition de nombreux parlementaires, Bonaparte, entouré
de ses soldats, prend le pouvoir, disperse le Conseil des Cinq Cents, trop rebelle, tandis que le
Conseil des Anciens accepte le transfert du pouvoir des 5 directeurs à 3 consuls provisoires :
Bonaparte, Sieyès et Ducos.
C’en est fini du Directoire ! Et par là même de la République … et du même coup de la Révolution
française !
B
Consulat (1800-1804) et Empire (1804-1815),
l’ordre dictatorial
!
Du pouvoir personnel à l’autocratie
Après le 18 Brumaire, le pouvoir est transféré à 3 consuls provisoires dont Bonaparte. L’objectif de la
conjuration était de réviser la Constitution de l’An III ce qui est fait aussitôt par la Constitution
de l’An VIII qui instaure le Consulat. Bonaparte affiche le programme : « La Révolution est fixée
aux principes qui l’ont commencée : ELLE EST FINIE ! ».
Pour Bonaparte, l’essentiel est la préservation des acquis révolutionnaires, ainsi (mais provisoirement) le calendrier révolutionnaire est-il maintenu, d’où la nécessité d’adopter cette nouvelle
Constitution.
Document 5 : Extraits de la Constitution de l’An VIII
« Article 25 : Il ne sera promulgué de lois nouvelles que lorsque le projet en aura été proposé par le
gouvernement, communiqué au tribunat et décrété par le corps législatif …
Article 41 : Le premier consul promulgue* les lois, il nomme et révoque les membres du Conseil
d’État, les ministres, les ambassadeurs et autres agents extérieurs en chef, les officiers de l’armée de terre et
de mer, les membres des administrations locales et les commissaires du gouvernement près les tribunaux. Il
nomme tous les juges criminels et civils autres que les juges de paix et les juges de cassation, sans pouvoir
les révoquer.
Article 42 : Dans les autres actes du gouvernement, le second et le troisième consuls ont voix consultative. Ils signent le registre de ces actes, pour constater leur présence ; et s’ils le veulent, ils y consignent
leurs opinions ; après quoi la décision du premier consul suffit. »
PROMULGUER : (Encyclopédie Larousse) : « mettre une loi en vigueur avec les formes requises … Le chef de l’État constate officiellement l’existence d’une loi et donne l’ordre de l’exécuter. »
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Questions :
1. Montrez que Bonaparte s’approprie tous les pouvoirs et précisez les modalités pour chaque
type de pouvoir.
2. Les principes de la DDHC sont-ils respectés ?
¡!!Servez-vous de l’organigramme de la Constitution de l’An VIII pour développer la première
réponse.
Organigramme de la Constitution de l’an VIII
PREMIER CONSUL
- initiative des lois
- dirige la politique
SÉNAT
choisit les membres du Tribunal
et Corps Législatif
Plébiscite*
Tribunal de cassation
Juges choisis par le premier
consul
et nommés par le Sénat
CONSEIL D’ÉTAT
prépare la loi
NOTABLES
Listes établies par les électeurs
TRIBUNAT
discute les lois
Suffrage universel masculin
CORPS LÉGISLATIF
vote les lois
* les électeurs sont consultés directement sur une question précise, à laquelle ils doivent répondre par « oui » ou par « non ».
Réponses :
1. Bonaparte possède déjà le pouvoir exécutif, il s’approprie le pouvoir législatif et une partie du
pouvoir judiciaire.
Les modalités :
- La Constitution attribue le pouvoir exécutif aux consuls (surtout au premier puisque les autres ont
seulement « une voix consultative »).
- Il (le Premier Consul) nomme les membres des assemblées du pouvoir législatif.
- Il propose une liste pour les juges du tribunal de Cassation (organe supérieur du pouvoir judiciaire
en France) et nomme les juges des autres tribunaux, sauf à l’échelon inférieur.
2. La souveraineté de la Nation prévue à l’article III de la DDHC est réduite à sa plus simple expression par le système du plébiscite (4 consultations ont été organisées en 16 ans).
La séparation des pouvoirs, indissociable selon les termes de l’article XVI de l’existence même d’une
Constitution, est annulée par les dispositions de celle-ci élaborée d’après les directives de Bonaparte.
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La fiction républicaine est maintenue mais il ne s’agit que d’apparence. Le 1er Consul monopolise
les pouvoirs qui sont eux-mêmes gravement déséquilibrés. Le pouvoir législatif est éclaté en 4
assemblées ; des assemblées de fait sans réels pouvoirs. Le suffrage universel masculin est maintenu au sens strict mais il est vidé de sa substance puisque le pouvoir impose ses listes de notables.
Le principe de souveraineté nationale serait creux si Bonaparte n’avait pas mis en place la consultation
du corps électoral par plébiscite.
[Un plébiscite est une question fermée (réponse OUI-NON) posée par le pouvoir exécutif directement aux citoyens et cette question
doit porter sur le statut d’une personne, ce qui ici différencie le plébiscite du référendum où il s’agit de la même procédure mais la
question porte sur un thème plus général et ne doit pas être personnalisée]
Cet échafaudage institutionnel ne doit pas faire oublier la concentration des pouvoirs entre les
mains de Bonaparte. Les deux autres consuls, Sieyès et Ducos, ne sont là que pour le décorum et
n’ont de fonctions que consultatives.
Le 1er Consul est élu pour 10 ans et est rééligible ;
- il propose les lois c’est-à-dire qu’il monopolise l’initiative législative ;
- il dirige la politique extérieure et surtout commande l’armée ;
- il désigne les juges (auparavant élus) ; et si la justice reste indépendante selon la Constitution, la
magistrature lui obéit car elle lui doit sa position ;
- il nomme et révoque (renvoie) les hauts fonctionnaires ;
- il nomme les ministres, ce qui est traditionnel, mais nomme aussi une partie des députés, ce
qui l’est beaucoup moins !
En moins de quatre ans, le pouvoir personnel de Bonaparte se transforme en autocratie (le
pouvoir autoritaire d’un seul). Après la « Paix d’Amiens » en 1802 qui met fin très provisoirement
aux guerres révolutionnaires, Bonaparte se fait nommer consul à vie par plébiscite et a le droit
de choisir son successeur. Le régime poursuit sa transformation vers la monarchie.
En 1804, pour écarter l’éventualité d’un retour des Bourbons (la famille royale de Louis XVI, en l’occurrence ses frères), Bonaparte prend les devants et, en mars, le Sénat le proclame empereur des
Français sous le nom de Napoléon 1er. Une nouvelle dynastie s’installe officiellement :« le gouvernement de la République est confié à un empereur héréditaire ».
En décembre 1804 a lieu la célèbre cérémonie du sacre de l’empereur, peinte plus tard par le peintre officiel David. Comme sous l’Ancien Régime, la cérémonie est scrupuleusement codifiée ; elle se
tient à Notre-Dame de Paris (et non à Reims comme autrefois) en présence du pape que l’empereur
a fait enlever pour être sûr qu’il serait là pour bénir sa Couronne et ses nouvelles fonctions. L’empereur
Napoléon 1er prend garde de se saisir lui-même de la Couronne pour bien montrer qu’il tient son
pouvoir de la Nation et non de Dieu ou de toute autre origine divine.
Séquence 8-HG20
225
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Document 6 :
Napoléon 1er sur le trône impérial
Huile sur toile de Jean Auguste Dominique
Ingres peinte en 1806, 2,60 X 1,63 m.
Paris, musée de l’armée.
© Bridgeman/giraudon.
Question :
Décrivez le tableau et essayez de trouver la (les) signification(s) de ce qu’il expose.
Réponse :
Napoléon a pris la pose dans ce tableau réaliste de style néoclassique ; le tableau d’Ingres a été
peint près de deux ans après son sacre.
Ici, l’empereur vêtu d’un imposant manteau de pourpre doublé d’hermine, assis sur son trône, porte
les instruments symboliques du pouvoir.
Aux symboles de l’Ancien Régime, il emprunte le sceptre (à gauche) qui rappelle son droit de
commander, la main de justice (à droite) pour rappeler qu’il est suprême justicier et que toute justice
découle d’une délégation personnelle de ses pouvoirs.
Ce qu’il ajoute est le glaive impérial doré incrusté de pierres précieuses pour rappeler le grand chef
de guerre qu’il fut et est encore, la couronne d’olivier remplace la couronne [la couronne d’olivier
est un emprunt au répertoire symbolique antique, elle signifiait l’élection par les dieux, le triomphe et
distinguait le héros du simple mortel], et autour du cou, un collier (en soi, ce n’est pas nouveau) de
grand commandeur de la Légion d’honneur. Enfin, on repérera au premier plan, le motif du tapis
sur lequel est placé le trône, un aigle, animal emblème de l’empereur.
La dérive monarchique et autocratique de Napoléon ne cesse de s’accuser après 1804.
L’Administration et la vie politique sont complètement verrouillées ; l’empereur désigne tous les
préfets et sous-préfets tandis que les maires sont nommés par les préfets.
Les institutions sont même vidées de leur déjà maigre substance : plus aucun plébiscite après
le sacre, le Tribunat est supprimé en 1807 et le Corps Législatif n’est même plus réuni.
L’empereur s’entoure de fidèles comme Sieyès, Talleyrand, Fouché …
Ce qui incarne le plus cette dérive est, à partir de 1808, la reconstitution d’une cour. En effet, à
l’ancienne noblesse – les émigrés reviennent partiellement – s’agrège une nouvelle noblesse héréditaire d’Empire créée de toute pièce par Napoléon 1er. Le népotisme (ou favoritisme au profit
226
Séquence 8-HG20
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de sa famille ou de ses parents) est la règle. Les fastes de la monarchie sont de retour, même les
vieilles pratiques matrimoniales d’alliance entre dynasties. Ainsi l’empereur divorce-t-il de sa
bien-aimée Joséphine de Beauharnais, coupable de ne pas lui avoir offert d’héritier, pour se marier à
Marie-Louise, la fille de l’empereur d’Autriche, qui lui donne en 1811 ce qu’il attendait, un héritier, le
« Roi de Rome ». Pour célébrer sa personne et marquer son époque, comme tant d’autres monarques,
Napoléon 1er entreprend de transformer Paris (c’est d’une importance historique majeure car
Napoléon 1er servit de modèle à son neveu devenu Napoléon III qui, sous le 2nd Empire (1852-1870),
modifia de fond en comble la capitale française) :
Document 7 : Les grands travaux de Paris (prévus ou achevés) sous le Consulat et l’Empire
N
1
5
4
14
13
2
7
6
10
8
3
12
11
15
2 km
Légende :
1 : Arc de Triomphe
2 : place et colonne Vendôme
3 : rue de Rivoli
4 : église de la Madeleine
5 : Bourse
6 : Hôtel de Beauharnais
7 : Arc du Carrousel (Tuileries)
8 : ponts des Arts
9 : place de la Concorde (ancienne place de la Révolution)
De 10 à 14 : autres places et monuments
15 : travaux sur Notre-Dame de Paris
Déjà, pour satisfaire aux vanités de ses sujets, Bonaparte instaure en 1802 la Légion d’Honneur.
Par la remise de ces insignes, le 1er Consul puis l’Empereur peut récompenser les meilleurs services
civils ou militaires donnés à la Nation.
"
Réorganiser la société et l’État
L’ordre napoléonien en dépit ou grâce à son autoritarisme a su être réformateur ; d’ailleurs
son activité réformatrice est impressionnante.
Une première caractéristique de la réorganisation de l’État est la centralisation, en rupture avec la
tradition révolutionnaire jusqu’à 1793. Une fonction incarne cette nouvelle orientation, le préfet, à la
tête de chaque département et ayant sous ses ordres des sous-préfets comme lui nommés par Bonaparte.
Selon Lucien Bonaparte, frère du 1er Consul, ministre de l’Intérieur en 1800, un préfet sert d’abord à
surveiller la bonne rentrée des impôts : « à la tête des mesures qui vous sont confiées, je place la prompte
rentrée des contributions », à stimuler autant qu’il peut les activités économiques : « Que l’agriculture,
que le commerce, que les arts reprennent le rang qui leur convient », « Protégez le commerce, sa liberté
ne peut jamais avoir d’autres bornes que l’intérêt de l’État » ; « Visitez les manufactures … ». Moins
avouables sont les missions d’enquêtes, de surveillance politique.
Séquence 8-HG20
227
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Toujours dans cette optique de réformation de l’État est la Cour des Comptes créée en 1807, pour
veiller à la bonne utilisation des ressources publiques.
Plus encore que la réorganisation de l’État, ce qu’on retient surtout, ce sont les diverses mesures de
réorganisation sociale que Napoléon appelait : « les masses de granit ». L’essentiel est réalisé
après 1802 et la Paix d’Amiens.
Les premières mesures sont d’ordre économique et ont comme objectif de faciliter les échanges,
de dynamiser l’économie par la confiance en la sortant de sa léthargie décennale. Ainsi, dès 1800
est créée la Banque de France comme Banque centrale ; elle seule a le monopole d’émission de la
monnaie papier, ceci afin d’éviter la mésaventure advenue autrefois aux assignats ; en 1803 est créé
le franc germinal, une monnaie métallique à valeur garantie par sa teneur en argent fin. Le franc
Germinal s’est avéré être une monnaie particulièrement stable, et ce jusqu’en 1914.
L’autre urgence est le retour à la paix religieuse. Il fallait résorber la déchirure consécutive à la division
du clergé entre réfractaires et constitutionnels ou jureurs. Pour atteindre cette paix, le nouveau pouvoir
consulaire signe avec la papauté un accord, le Concordat, en 1801 :
Document 8 : Le Concordat
Convention entre le Gouvernement français et Sa
Sainteté Pie VII
Le Gouvernement de la République reconnaît que
la religion catholique, apostolique et romaine est
la religion de la grande majorité des citoyens français. […]
Article 1 : La religion catholique, apostolique et
romaine sera librement exercée en France. Son culte
sera public, en se conformant aux règlements de
police, que le Gouvernement jugera nécessaires
pour la tranquillité publique. […]
Article 3 : Sa Sainteté déclare aux titulaires des
évêchés français qu’elle attend d’eux avec une
ferme confiance, pour le bien de la paix et de
l’unité, toute espèce de sacrifice, même celui de
leurs sièges. […]
Article 5 : Les nominations aux évêchés […]
seront faites par le Premier Consul, et l’institution
canonique sera donnée par le Saint-Siège […].
Article 6 : Les évêques […] prêteront directement,
entre les mains du Premier Consul, le serment de
fidélité […] exprimé dans les termes suivants : « Je
jure et promets à Dieu, sur les Saints Évangiles, de
garder obéissance et fidélité au Gouvernement établi par la Constitution de la République française.
Je promets aussi de n’avoir aucune intelligence
[ou complicité], de n’assister à aucun conseil, de
n’entretenir aucune ligue, soit au-dedans soit audehors, qui soit contraire à la tranquillité publique ;
et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j’apprends qu’il
se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le
ferai savoir au Gouvernement. » […]
Article 13 : Sa Sainteté, pour le bien de la paix et
l’heureux établissement de la religion catholique,
déclare que ni elle ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens
ecclésiastiques aliénés […].
Article 14 : Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés […].
Article 17 : Il est convenu […] que, dans le cas
où quelqu’un des successeurs du Premier Consul
actuel ne serait pas catholique, les droits et les prérogatives mentionnés dans l’article ci-dessus, et la
nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport
à lui, par une nouvelle convention. […]
Fait à Paris, le 26 Messidor de l’an IX de la
République française (15 juillet 1801).
Questions :
1- Dans le préambule, en quoi le statut de la religion catholique est-il modifié ?
2- Quelle liberté est garantie par l’article 1 et avec quelle limite ? En vous référant à la DDHC,
à quel article cela fait-il référence ?
3- Montrez, à l’aide des articles 5 et 6, que le pouvoir bonapartiste contrôle encore l’Église
catholique.
4- Néanmoins, quelle est la garantie laissée aux catholiques et sur laquelle ils ne pouvaient
pas transiger (art. 3 et 5) ?
5- Que reconnaît l’Église à travers l’article 13 ?
6- Par l’article 14, que devient le clergé ?
228
Séquence 8-HG20
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Réponses :
1- La religion catholique voit son statut de religion d’État définitivement perdu mais est simplement
reconnue comme « religion de la grande majorité des citoyens français ».
2- L’article 1 garantit la liberté de culte : « La religion catholique, apostolique et romaine sera librement
exercée en France » mais dans les limites de la « tranquillité publique » et des « règlements de police ».
C’est la reprise de l’article X appliqué aux catholiques : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions,
même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
3- Le 1er Consul nomme les évêques (article 5) qui, de plus, doivent lui prêter un serment de fidélité :
« Je jure et promets à Dieu, sur les Saints Évangiles, de garder obéissance et fidélité au Gouvernement
établi par la Constitution de la République française ».
4- Les catholiques se définissent notamment par leur organisation et par la reconnaissance de l’autorité
suprême du pape ; son rôle est ici réaffirmé : « Sa sainteté déclare aux évêques … » (art. 3), « l’institution canonique [des évêques] sera donnée par le Saint-Siège ».
5- L’Église reconnaît la vente des biens nationaux et ne les réclamera plus : « ni elle ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés » ;
il est vrai que ce sujet était source de troubles pour leurs propriétaires, farouches défenseurs de la
Révolution …
6- L’article 14 change radicalement le statut du clergé comparé à celui d’Ancien Régime mais cela
est proche du statut des jureurs ; il est désormais un corps de fonctionnaires et comme tel reçoit « un
traitement ».
Le Concordat de 1801 clôt les divisions religieuses nées de la Révolution et atteint son objectif
de rétablissement de la paix. Cependant il rétablit des liens très étroits entre Église et pouvoir
ce qui posera ultérieurement la question de leur séparation. Les protestants et les juifs de France ont
droit à un statut équivalent ; pasteurs et rabbins reçoivent eux aussi un traitement.
Bonaparte s’attelle également à réorganiser l’enseignement mais dans une optique socialement
très sélective :
Document 9 : La fondation des lycées
« Chaque lycée, limité au chiffre de 200 élèves en moyenne, n’aura que 6 professeurs : trois pour les lettres
françaises et latines ; 3 pour les mathématiques …
Passé douze ans, les élèves apprennent l’exercice militaire, sous la direction d’un adjudant qui commande
tous les mouvements effectués dans la journée.
Les élèves sont divisés en compagnie de 25 ; chaque compagnie a un sergent et quatre caporaux, choisis
parmi les meilleurs sujets …
Les punitions consistent en prison, table de pénitence et arrêts.
Chaque lycée aura une bibliothèque de 1500 volumes, le catalogue de ces bibliothèques sera identique partout ; aucun livre nouveau ne devra être introduit sans l’autorisation spéciale du ministre de l’Intérieur. »
« Loi du 11 Floréal an X » ; 1er mai 1802.
Questions :
1- Sur quel modèle est calquée l’organisation des lycées ? Sélectionnez les expressions qui
le prouvent.
2- Comment s’exerce la censure à l’intérieur des lycées ?
Réponses :
1- Les lycées sont organisés sur le modèle militaire. Les expressions qui le rappellent sont « exercice
militaire », « adjudant », « compagnies », « sergents », « caporaux », « arrêts ».
2- La censure s’exerce par le choix des livres, les mêmes dans tous les lycées. La liste est établie par le
ministère de l’Intérieur.
Séquence 8-HG20
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C’est le 1er mai 1802 que sont fondés les lycées. Pour Bonaparte, l’objectif est très secondairement
l’instruction et est d’abord politique : former des élites fidèles et les cadres de la Nation. Cette
réforme est complétée par la constitution de l’Université impériale en 1808, Université qui a
désormais le monopole des grades et diplômes de l’enseignement supérieur. En 1809 est créé un autre
monument, le baccalauréat …
Des « masses de granit », la plus essentielle reste la rédaction du Code civil, débutée sous la
Révolution mais achevée en 1804. Le Code civil est un recueil de 2281 articles de loi ; ils portent
sur différents domaines de la vie sociale. Le Code est ainsi vanté dans un discours préliminaire de 1801 :
« de bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir ; elles sont
la source des mœurs … et la garantie de toute paix publique et particulière ». Le Code civil réalise
l’unification du droit français en mars 1804 et entérine nombre d’acquis révolutionnaires :
la liberté (essentiellement économique, celle d’entreprendre !), l’égalité face à la loi, l’impôt, dans
l’accès aux charges publiques, dans les successions …. Le Code civil fait de la propriété une valeur
cardinale, il confirme la laïcisation de l’état-civil et surtout réorganise la famille d’une manière
bien curieuse et si peu révolutionnaire :
Document 10 : De la puissance paternelle (titre IX du Code civil)
371. L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect
à ses père et mère.
372. Il reste sous leur autorité jusqu’à sa majorité
ou son émancipation.
373. Le père seul exerce cette autorité durant le
mariage.
374. L’enfant ne peut quitter la maison paternelle
sans la permission de son père, si ce n’est pour
enrôlement volontaire, après l’âge de dix-huit ans
révolus.
377. Depuis l’âge de seize ans commencés jusqu’à
la majorité ou l’émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant six mois
au plus ; il adressera au président du dit tribunal,
qui, après en avoir conféré avec le procureur impérial, délivrera l’ordre d’arrestation, ou le refusera,
et pourra dans le premier cas, abréger le temps de
la détention requis par le père.
375. Le père qui aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant, aura
les moyens de correction suivants.
378. Il n’y aura, dans l’un et l’autre cas, aucune écriture ni formalité judiciaire, si ce n’est l’ordre même
d’arrestation, dans lequel les motifs ne seront pas
énoncés. Le père sera seulement tenu de souscrire
une soumission de payer tous les frais, et de fournir
les aliments convenables.
376. Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un
temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet,
le président du tribunal d’arrondissement devra, sur
sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation.
379. Le père est toujours maître d’abréger la durée
de la détention par lui ordonnée ou requise. Si après
sa sortie l’enfant tombe dans de nouveaux écarts,
la détention pourra être de nouveau ordonnée de
la manière prescrite aux articles précédents.
Questions :
1- Que doit l’enfant à ses parents ?
2- Comment le père peut-il contraindre son enfant ?
3- Quelle conception de l’enfance est ici présentée ?
4- Quelle est la place des femmes ?
Réponses :
1- L’enfant doit stricte obéissance à ses parents : « L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses
père et mère ».
2- Le père peut contraindre son enfant à l’obéissance par diverses mesures d’emprisonnement : « Le
père qui aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens
de correction suivants ».
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Séquence 8-HG20
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3- La conception de l’enfance ici exposée est celle d’un être à dresser, qui est spontanément asocial et
ne devient un être responsable que par la contrainte.
4- La place laissée aux femmes est dérisoire ; elles sont subordonnées à leur mari et n’ont même pas
l’autorité parentale : « Le père seul exerce cette autorité durant le mariage ».
La position infériorisée des femmes est ainsi codifiée dans l’article 213 : « le mari doit protection
à sa femme [sous-entendu, c’est un être faible], la femme doit obéissance à son mari ». Cette
conception rigide de la famille est une régression non seulement par rapport à l’héritage révolutionnaire mais aussi par rapport à celui de l’Ancien Régime, en tout cas pour les catégories populaires.
La famille est une « petite patrie » conçue sur le modèle de l’État avec un chef qui commande seul et
des sujets qui obéissent : « les bons fils … font les bons citoyens ».
#
Surveiller et punir, ou le règne d’une police toute
puissante
Le Consulat comme l’Empire étaient des dictatures plaçant les Français sous étroite surveillance. On peut
en partie l’expliquer, sans rien excuser cependant, par le maintien de l’opposition royaliste qui prend
des formes très violentes, notamment celle des attentats contre l’empereur, ce qui légitima l’élimination
d’un de leurs chefs, Cadoudal, par le pouvoir. Bonaparte va au-delà en faisant exécuter, en 1804,
le duc d’Enghien, un prince Bourbon, sous prétexte de complot, alors qu’il l’avait fait enlever et que
celui-ci était complètement innocent des accusations portées contre lui. Comme chez les Montagnards,
la peur du complot, chez Bonaparte, n’a cessé de le guider dans ses accès dictatoriaux.
L’autoritarisme de Bonaparte se marque d’abord par le rétablissement de l’esclavage dans les colonies, en 1802, alors que la Convention montagnarde l’avait aboli en 1794. Ce rétablissement provoque
une insurrection à Haïti ; le leader antiesclavagiste de cette résistance, Toussaint Louverture est
arrêté, déporté en France et interné dans les terres froides du Jura où il meurt en 1803.
Les ouvriers sont aussi les grands perdants du régime. Le Code civil interdit les droits de grève et d’association ; la surveillance des ouvriers est plutôt stricte avec l’adoption, en 1803 du livret ouvrier.
Document 11 : Extraits d’arrêtés de 1803 sur la législation du travail
- Arrêté du 22 Germinal an XI (12 avril 1803)
« Toute coalition de la part des ouvriers pour cesser en même temps de travailler, interdire le travail
dans certains ateliers, empêcher de s’y rendre et d’y
rester avant ou après certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux,
sera punie, s’il y a tentative ou commencement
d’exécution, d’un emprisonnement qui ne pourra
excéder trois mois. »
- Arrêté du 9 Frimaire an XII (1 er décembre
1803)
« Article I. À compter de la publication du présent
arrêté, tout ouvrier travaillant en qualité de compagnon ou garçon devra se pourvoir d’un livret.
Article II. Ce livret sera … quoté et paraphé sans
frais savoir : à Paris, Lyon et Marseille, par un commissaire de police, et dans les autres villes par le
maire …
Le premier feuillet … contiendra le nom et prénom
de l’ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son
signalement, la désignation de sa profession et le
nom du maître chez qui il travaille.
Article III … Tout ouvrier qui voyagera sans livret
sera réputé vagabond et pourra être arrêté et puni
comme tel.
Article V. L’ouvrier sera tenu de faire inscrire le jour
de son entrée sur le livret, par le maître chez lequel
il se propose de travailler … et de déposer le livret
entre les mains de son maître s’il l’exige.
Article VII. L’ouvrier qui aura reçu des avances sur
son salaire … ne pourra exiger la remise de son
livret et la délivrance de son congé qu’après avoir
acquitté sa dette par son travail … si son maître
l’exige.
Article VIII. Si l’ouvrier n’a pas remboursé les avances qui lui sont faites, le créancier aura le droit de
mentionner la dette sur le livret.
Article 1781 : Le maître est cru sur son affirmation »
Séquence 8-HG20
231
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Questions :
1- Précisez ce qu’interdit l’arrêté du 22 germinal.
2- Montrez que le livret permet de surveiller les ouvriers.
3- Que pensez-vous des rapports entre ouvriers et patrons ?
Réponses :
1- L’arrêté du 22 Germinal établit l’interdiction de la grève et les sanctions applicables aux contrevenants.
2- C’est un moyen de surveillance pour les patrons (les ouvriers doivent leur remettre le livret) et
pour la police ou les autorités administratives.
Ce système peut donner des raisons pour refuser un engagement et c’est un outil pour contrôler les
déplacements. En tout cas, cela révèle bien la crainte du vagabondage.
3- Ce sont des rapports d’inégalité, le « maître » est considéré comme supérieur à l’ouvrier, et des
rapports d’injustice puisque la parole du maître a valeur de vérité.
Pour surveiller, Bonaparte, puis Napoléon 1er, utilise tous les moyens à sa disposition :
- la censure.
On l’a vu, dans les lycées, les bibliothèques étaient toutes identiques avec une liste limitée d’ouvrages
autorisés ; cela se vérifie à l’échelle départementale où un seul journal est autorisé à partir
de 1810. La presse est contrôlée de même que l’imprimerie, le théâtre … C’est le temps des
espions :
Document 12 : Napoléon réclame le contrôle de la presse
« Réprimez un peu les journaux, faites-y mettre de bons articles, faites comprendre aux rédacteurs […] que
le temps n’est pas éloigné, où, m’apercevant qu’ils ne me sont pas utiles, je les supprimerai avec tous les
autres et je n’en conserverai qu’un seul. […] Mon intention est donc que vous fassiez appeler les rédacteurs
[…] pour leur déclarer que, s’ils continuent à […] alarmer sans cesse l’opinion […], leur durée ne sera pas
longue ; que le temps de la Révolution est fini, et qu’il n’y a plus en France qu’un parti ; que je ne souffrirai
jamais que des journaux disent ni ne fassent rien contre mes intérêts ».
« Lettre de Napoléon à Fouché », ministre de la Police, 22 avril 1804.
Questions :
1- Comment Napoléon espère-t-il contrôler l’information ?
2- Quelle menace brandit-il contre les récalcitrants ?
Réponses :
1- Napoléon espère contrôler l’information en imposant des articles officiels : « faites-y mettre de bons
articles » et en recourant aux pressions et menaces : « Réprimez un peu les journaux ».
2- La menace est claire, la suppression pure et simple de tout journal exprimant des critiques ou réserves
à l’égard de l’action gouvernementale : « je ne souffrirai jamais que des journaux disent ni fassent rien
contre mes intérêts » … « s’ils continuent … leur durée ne sera pas longue ».
- la police
Le contrôle des opposants par la police, voire leur arrestation arbitraire. Fouché, de 1800 à 1809,
a mis en place une redoutable administration. Après son départ en 1810, l’empereur autorise la
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détention sans procès d’opposants, par simple décision des ministres de la Justice et de la Police :
« il est un certain nombre de nos sujets détenus dans les prisons de l’État, sans qu’il soit convenable
ni de les faire traduire devant les tribunaux, ni de les faire mettre en liberté ».
- la propagande
Elle revêt plusieurs formes.
D’abord séduire par un art officiel, comme le font les peintures de David (sacre de 1804, notamment)
ou les constructions monumentales célébrant la gloire de Napoléon (arcs de triomphe de Paris, aux
Tuileries et Place de l’Étoile) ou encore la fameuse colonne Vendôme, réplique d’une œuvre antique
romaine impériale, la colonne Trajane.
Puis, endoctriner, en visant les plus jeunes et en utilisant, avec beaucoup de cynisme, la religion
comme instrument de contrôle social. Napoléon ne cachait pas son athéisme mais il a compris très
vite l’usage politique conservateur qu’il pouvait faire de la religion : « Dans la religion, je ne vois pas
le mystère de l’incarnation, mais celui de l’ordre social ». Ainsi, en 1806, impose-t-il à tous les écoliers
la connaissance du « catéchisme impérial » :
Document 13 : L’endoctrinement des esprits
Question. – Quels sont les devoirs des chrétiens envers les princes qui les gouvernent et quels sont en
particulier nos devoirs envers Napoléon 1er, notre empereur ?
Réponse. – Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons en particulier à Napoléon
1er, notre empereur, l’amour, le respect, l’obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour
la conservation et la défense de l’Empire et de son trône ; nous lui devons encore des prières ferventes pour
son salut et la prospérité spirituelle et temporelle de l’État.
Question. – Pourquoi sommes-nous tenus à tous ces devoirs envers notre empereur ?
Réponse. – C’est, premièrement, parce que Dieu, qui crée les empires et les distribue selon sa volonté, en
comblant notre empereur de dons, soit dans la paix, soit dans la guerre, l’a établi notre souverain, l’a rendu
le ministre de sa puissance et son image sur la terre. Honorer et servir notre empereur est donc honorer et
servir Dieu lui-même.
Extrait du « Cathéchisme impérial », 1806.
Questions :
1. Comment Napoléon détourne-t-il la religion à son profit ?
2. Qu’attend-il en retour des jeunes Français ?
3. En quoi est-ce contraire à l’héritage révolutionnaire ?
Réponses :
1. Napoléon détourne la piété des jeunes chrétiens à son profit en mettant en place, sans le dire, un
véritable culte impérial : « nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et la prospérité
spirituelle et temporelle de l’État ».
2. En retour, il attend des enfants : « amour, respect, obéissance, fidélité, service militaire et tributs
(impôts) ».
3. Napoléon réintroduit le droit divin : « Dieu, qui crée les empires … l’a établi notre souverain » ruinant
le principe révolutionnaire de la souveraineté nationale. Napoléon se place aussi en opposition radicale
avec la culture chrétienne occidentale, en réclamant un culte impérial et en assimilant l’empire d’ici-bas
avec le royaume de l’au-delà …
Séquence 8-HG20
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Épilogue
On pourra s’étonner qu’un tel régime ait pu tenir si longtemps. Napoléon a su s’appuyer sur une
France de notables, de paysans propriétaires et de bourgeois qui avaient besoin de son ordre pour
faire des affaires. Cependant, ses bases sociales étant précaires la durée du régime napoléonien
tient surtout à sa nature militaire et guerrière.
Par sa gloire, ses victoires éclatantes, son génie stratégique, Napoléon a flatté le nationalisme
français et la soif de grandeur de la population. Ce régime glorieux permettait l’ascension sociale
avec la possibilité pour tout anonyme de faire carrière dans la Grande Armée.
Dès lors, l’Empire ne pouvait tenir qu’autant que duraient les victoires militaires. Jusqu’à
1810-11, l’Empire multiplie les réussites militaires avec Austerlitz en 1805 contre les Austro-Russes,
Iéna en 1806, Wagram en 1809. L’apogée est atteint en 1810-1811 quand l’Empire couvre 130
départements dont des territoires actuellement belges, néerlandais, italiens, allemands …
Les revers et les maladresses vont ensuite précipiter la chute. En 1809, Napoléon 1er envahit les États
du pape, en Italie et ce dernier excommunie l’empereur. En 1812, Napoléon fait arrêter le pape Pie
VII. En France, l’empereur perd le soutien de nombreux catholiques, qui sont alors l’essentiel de la
population française.
Dès 1808, en Espagne, c’est l’enlisement face à la guérilla des patriotes espagnols.
Le plus spectaculaire advient en Russie avec une très grave défaite, en 1812, qui affaiblit considérablement la Grande Armée.
Les défaites s’accumulent : Leipzig en 1813 et en 1814 Napoléon est contraint d’abdiquer (de
renoncer à ses fonctions) est placé en exil à l’île d’Elbe (île bien proche de sa Corse natale et au
large du littoral italien).
L’exil ne lui sied guère et dès le 1er mars 1815, il débarque à nouveau à Fréjus comme en 1799
pour tout recommencer ; cet épisode est « le vol de l’Aigle ». En 3 semaines Napoléon est à Paris
porté par une population enthousiaste. L’empire est rétabli mais pour « Cent jours » seulement.
Une nouvelle coalition européenne se noue contre l’empereur en qui l’on voit une menace
mortelle pour l’ordre et la paix en Europe ; la défaite de Waterloo (Belgique) le 18 juin 1815 clôt
définitivement l’aventure napoléonienne.
Napoléon 1er abdique le 22 juin et est ensuite interné par les Anglais en plein Atlantique sud, reclus
sur l’île forteresse de Sainte-Hélène.
234
Séquence 8-HG20
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La France entre monarchies
et révolutions 1814-1848
Problématique : Pourquoi l’instabilité politique a-t-elle marqué la 1re moitié
du XIXe siècle français ?
PLAN : traitement de la problématique
A - La Restauration de la monarchie
1814 - 1830
1. Un régime de compromis
2. Une vie politique agitée
3. La tentation de la réaction
B - Une révolution parisienne, les Trois
Glorieuses de juillet 1830
1. Ses origines
2. L’événement
Notions Clés
Repères
Abdication – Restauration – Charte Comprendre la Charte à travers son texte
– monarchie constitutionnelle – suffrage constitutionnel (extraits) et son organicensitaire – pouvoirs exécutif, judiciaire et gramme.
législatif – promulgation – bicaméral – pays
légal – pays réel –conservatisme.
ultras – « assemblée introuvable » - constitutionnels – libéraux – bonapartistes – républicains.
« Cent Jours » - Terreur Blanche – autorisation
préalable – censure – délit d’opinion – clérical
– double vote – Charles X – réactionnaire –
émigré – anachronisme – sacre – « milliard des
émigrés » - Polignac – droit de dissolution.
Saisir les origines politiques de la révolution à travers l’action royale (4 ordonCrise économique – Adresse des 221 – 4 nances) et l’opposition parlementaire
ordonnances – cens – insurrection populaire. (adresse des 221).
Barricades – Trois Glorieuses – monarchistes/ Comprendre la récupération de la révolution : « Affiche de Thiers ».
républicains – Orléans – dynastie – Bourbons.
C - La monarchie de Juillet 1830 – 1848
Monarchie de Juillet – libéral – Charte révisée Analyser un texte d’autojustification
– droit d’amendement – droit d’interpellation (Guizot) sur les fondements sociaux du
1. La Charte révisée ou la tentative monar– symboles et emblèmes – « classes moyen- régime.
chique d’une modernisation politique
nes » ou bourgeoises.
2. Un régime conservateur et immobile
Conservatisme – mouvement ouvrier – révolte Connaître des documents patrimoniaux :
des Canuts – « classes laborieuses, classes Louis Philippe en poire ou les caricatures
dangereuses » - légitimistes – « Mouvement » de Philippon.
- « Résistance » - « politique de sûreté de
l’État » - Guizot – école communale.
3. La crise finale qui emporte le régime
Villermé – socialisme – crise économique de Connaître la position des Républicains :
1846-48 – disette – campagne de banquets. « Odilon Barrot ».
D - 1848, enfin la République !
1. La République fraternelle, entre réfor- Gouvernement provisoire – Fraternité – « illu- Connaître une décision historique
mes et illusions
sion lyrique » - « esprit de 1848 » - suffrage majeure : « l’abolition de l’esclavage ».
universel masculin – abolition de l’esclavage.
2. Le virage conservateur dès juin 1848
Constituante – Constitution – ateliers natio- Analyser un texte classique et interprénaux – droit au travail – journées de juin tatif des « journées de juin » par Karl
– Parti de l’Ordre – restriction au suffrage Marx.
universel – cléricalisme.
3. Un président … si peu républicain !
Louis Napoléon Bonaparte – populisme – coup Saisir ce qu’est un coup d’État par son
d’État – plébiscite.
annonce officielle (2 décembre 1851).
Séquence 8-HG20
235
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L’épopée révolutionnaire et impériale est définitivement close après la 2nde abdication de Napoléon
en 1815 ; il s’ensuit une assez longue instabilité politique qui caractérise presque tout le XIXe siècle.
Les régimes se succèdent rapidement et les révolutions parisiennes réussissent par deux fois, en 1830
comme en 1848, à renverser les monarchies que l’on avait voulu restaurer.
A
La Restauration de la monarchie : 1814-1830
!
Un régime de compromis
Le 3 mai 1814 correspond à la 1re abdication de Napoléon. Pour la France, cela ne signifie pas la
vacance ou le vide du pouvoir car la monarchie est aussitôt restaurée. C’est un frère de Louis XVI,
le comte de Provence, émigré depuis le 20 juin 1791 autrement dit depuis la fuite manquée de son frère
aîné à Varennes. Il prend le titre de Louis XVIII, en hommage à son frère et au fils défunt de Louis XVI,
un enfant qui pourtant n’a jamais régné.
Louis XVIII comprend qu’il doit tenir compte de la Révolution ; celle-ci a durablement transformé
les mentalités désormais acquises aux principes de liberté et d’égalité entre citoyens. Pour autant, ce
n’est pas un souverain très ouvert aux idées nouvelles, d’où un régime politique, la Restauration,
particulièrement ambigu, coincé entre son idéal passéiste de la grandeur monarchique et les nécessaires
concessions à accorder aux Français.
D’emblée, par ses symboles, Louis XVIII donne la tonalité. Le drapeau blanc est rétabli (c’est la couleur
traditionnelle de la monarchie) et non le tricolore révolutionnaire ; la « Marseillaise », comme chant
patriotique, est interdite. Le régime est donc profondément conservateur.
Cependant, ce n’est pas le retour de l’Ancien Régime, en effet Louis XVIII octroie une Charte
ou Constitution aux Français :
Document 1 : La Charte de 1814
« Nous avons volontairement et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait
concession et octroi, à nos sujets […] la Charte constitutionnelle qui suit :
1. Les Français sont égaux devant la loi quels que soient d’ailleurs leurs titres et leur rangs.
2. Ils contribuent indistinctement dans la proportion de leur fortune aux charges de l’État.
4. Leur liberté individuelle est également garantie […]
5. Chacun professe sa religion avec une égale liberté […]
6. Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État.
8. Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui
doivent réprimer les abus de cette liberté.
9. Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu’on appelle nationales.
13. La personne du roi est inviolable et sacrée […] Au roi seul appartient la puissance exécutive.
16. Le Roi propose la Loi
18. Toute loi doit être discutée et votée librement par chacune des deux chambres.
40. Les électeurs […] ne peuvent avoir droit de suffrage s’ils ne payent une contribution directe de trois
cent francs et s’ils ont moins de trente ans […]. »
Donné en l’an de grâce 1814 et de notre règne le dix neuvième. Louis.
Questions :
1. Que comprenez-vous par la formule finale précédant la signature : « Donné en l’an de grâce
1814 et de notre règne le dix neuvième » ?
2. Par la formule introductive : « Nous … la Charte », que rappelle Louis XVIII aux
Français ?
3. Quels sont les grands principes révolutionnaires que la Charte garantit ?
4. Quel est, a priori, le personnage clé du nouveau régime ?
5. Que reprend l’article 40 ?
236
Séquence 8-HG20
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Réponses :
1. La formule rappelle l’année 1814, et surtout l’année du règne : « dix neuvième ». Selon Louis XVIII, il
est donc roi depuis 1795 comme successeur de Louis XVI (mort en 1793) et de son fils Louis XVII. C’est
une manière de dire que les régimes républicains et impériaux entre 1793 et 1814 étaient illégitimes.
Louis XVIII ne reconnaît donc pas officiellement la période révolutionnaire et impériale.
2. Louis XVIII rappelle que si les Français ont une monarchie constitutionnelle, c’est par son seul bon
vouloir, par sa seule générosité et que les Français ne la lui ont pas imposée. La source légitime de
pouvoir, c’est le roi et non la Charte qui lui restera toujours secondaire.
3. La Charte garantit nombre d’acquis révolutionnaires entérinés par le Code civil qui demeure en
application :
- l’égalité civile et face à la loi entre tous les citoyens (art.1)
- l’égalité face à l’impôt (art.2)
- les libertés individuelles (art.4)
- la liberté religieuse (art.5)
- la liberté d’expression (art.8)
- le caractère sacré et inviolable de la propriété (art.9) dont les « biens nationaux ».
4. Le personnage clé du nouveau régime est bien sûr le roi. Déjà, on dégage les principes d’un pouvoir
monarchique fort : « le roi propose la loi » (art.16), « la personne du roi est inviolable et sacrée […]
Au roi seul appartient la puissance exécutive » (art.13). Ces 2 articles rappellent le cumul par le roi
des pouvoirs exécutif et législatif ; cela se rapproche singulièrement de l’absolutisme dans la mesure
où le roi est « inviolable et sacré » et n’a de compte à rendre à personne.
5. L’article 40 réinstaure le suffrage censitaire avec 2 conditions, un cens de « 300 francs » et une
barrière d’âge : « 30 ans ». C’est un mode de suffrage particulièrement restrictif.
Document 2 : L’organisation des pouvoirs selon la Charte de 1814
CHAMBRE
DES PAIRS
nommés à vie
ou héréditaires
ROI
LOI
JUGES
CHAMBRE
DES DÉPUTÉS
hommes de
plus de 40 ans
(cens = 1000
francs)
MINISTRES
NATION
Électeurs : hommes de plus de 30 ans (cens = 300 francs)
Séquence 8-HG20
237
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Questions :
1- Quels sont les pouvoirs du roi ?
2- Comment est organisé le pouvoir législatif ? Montrez qu’il est subordonné au pouvoir
royal.
3- Décrivez le suffrage utilisé pour élire les députés. Dès lors, quels seront les appuis politiques du régime ?
4- « La Charte crée un régime parlementaire et démocratique ». Discutez cette affirmation
et montrez, à partir de l’organigramme, en quoi elle est vraie ou fausse.
Réponses :
1- D’après cet organigramme, le roi dispose de pouvoirs exorbitants ; il cumule les 3 pouvoirs :
- le pouvoir judiciaire dans la mesure où il nomme juges et magistrats dont on peut supposer qu’ils ne
le contrediront pas puisqu’ils lui doivent tout !
- le pouvoir législatif car il dispose de l’initiative des lois ; c’est lui qui les propose et lui aussi qui les
promulgue, une fois celles-ci votées. De plus, il nomme tous les membres d’une des assemblées, la
Chambre des Pairs.
- le pouvoir exécutif, lui seul nomme ses ministres. En théorie, il n’a pas à tenir compte de la majorité
à la Chambre des Députés.
2- Le pouvoir législatif est bicaméral, il comporte deux assemblées :
- la Chambre des Députés élue au suffrage censitaire pour 5 ans avec des députés d’au moins 40 ans ;
cette chambre est toujours sous la menace d’une dissolution par le roi.
- la Chambre des Pairs, composée de « nobles » nommés à vie par le roi seul, donc « à sa botte ».
Ces deux assemblées votent les lois proposées par le roi et son gouvernement.
3- Le suffrage utilisé pour élire les députés peut être qualifié de surcensitaire dans la mesure où pour
voter il faut être âgé de 30 ans au moins et payer un cens minimal de 300 francs soit environ 90 000
électeurs seulement dans toute la France ! Ils composent le pays LÉGAL (ceux qui votent) en fort
décalage avec le pays RÉEL (les hommes majeurs, susceptibles de voter dans le cadre d’un suffrage
universel masculin). Seules 15 000 personnes sont éligibles au poste de députés, celles payant au
moins 1000 francs d’impôt et âgées de plus de 40 ans. Or le cens repose sur l’impôt foncier ; les appuis
politiques de la Restauration seront donc des notables traditionnels, de grands propriétaires ruraux et
non les couches bourgeoises montantes à cette époque.
4- L’affirmation selon laquelle la Charte crée un régime parlementaire et démocratique est doublement
fausse. La Restauration n’est pas démocratique parce que la grande majorité des citoyens est écartée du
droit de vote et de la vie politique ; elle ne crée pas non plus un régime parlementaire car les ministres,
le gouvernement, ne sont pas responsables devant les assemblées qui ne peuvent donc les contrôler.
La Restauration est donc un compromis entre la tradition monarchique d’Ancien Régime et
les nouvelles idées issues de la Révolution ; certes, le régime est en partie représentatif mais il
reste fondamentalement ambigu. Le slogan de Louis XVIII : « Paix, repos, oubli » [de la Révolution
s’entend] en témoigne ; le conservatisme domine et, de plus, seule la légitimité monarchique est
affirmée : « Louis, par la grâce de Dieu » ; la souveraineté nationale disparaît une fois de plus et
les pouvoirs ne sont pas séparés.
"
Une vie politique agitée
À ses débuts, Louis XVIII mène une politique plutôt conciliante et souhaite s’en tenir au strict
respect de la Charte.
Il a fort à faire dans la mesure où les élections législatives de 1815 amènent une victoire écrasante
des « ultras », des monarchistes partisans d’un retour pur et simple à l’Ancien Régime. Le risque
politique est trop grand pour Louis XVIII qui décide de dissoudre cette « assemblée ou chambre
introuvable » ; et temporairement Louis XVIII réussit à stabiliser la Restauration par la victoire
238
Séquence 8-HG20
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des « Constitutionnels », et ce jusqu’à 1820. Il peut même entreprendre une certaine libéralisation
de la presse, conduite par le gouvernement Decazes.
Le paysage politique de la Restauration est déjà fixé ; on repère, de droite à gauche, 3 grandes
forces politiques :
• Les « ultras », particulièrement intransigeants, partisans de l’Ancien Régime et de l’absolutisme ;
ils souhaitent une société dominée et organisée par ses élites traditionnelles à savoir l’ancienne
aristocratie et l’Église catholique. Les ultras sont organisés en parti politique avec leur emblème, le
drapeau blanc et leur presse, avec des journaux comme le « Conservateur » dans lequel écrit l’écrivain
Chateaubriand. Ce courant a ses penseurs, comme Joseph de Maistre …
• Les « constitutionnels » désirent s’en tenir à une application stricte de la Charte. Comme Louis
XVIII, ils veulent en finir avec les « désordres révolutionnaires » …
• Enfin, les « libéraux », un groupe remuant, novateur mais très hétérogène. Ils rassemblent des individus qui réclament plus de liberté de manière générale ; ils veulent aboutir à un véritable régime
parlementaire, ce que n’est pas la Restauration, et aussi contrer l’influence retrouvée de l’Église
catholique. Ce qui les unit serait l’attachement aux grands principes de 1789. Parmi les libéraux, on
compte quelques figures de premier plan comme La Fayette ou l’écrivain Benjamin Constant qui leur
fournit ses idées.
Les trois forces politiques ci-dessus évoquées ne résument pas toute la vie politique ; on
n’oubliera pas 2 courants importants non représentés à la Chambre : les bonapartistes et
les républicains.
La Restauration, jusqu’à 1820, présente une évolution de plus en plus parlementaire ; les
députés peuvent désormais disposer d’un droit d’adresse au roi par lequel ils lui font connaître leurs
remontrances ou leurs désaccords sans pour autant que cela ne le contraigne à en tenir compte.
#
La tentation de la réaction
Dès 1815 et ses débuts, la tentation d’un retour en arrière est présente sous la Restauration,
et au fil de son histoire, cela ne cessera de se vérifier.
Après l’épisode des « Cent Jours » et du bref retour de Napoléon 1er, une vague de « Terreur
blanche » secoue le pays. Les royalistes conduisent une véritable politique de revanche allant localement jusqu’à des exécutions sommaires. Cela n’est pas sans conséquence sur les formations politiques non reconnues sous la Restauration, comme les bonapartistes et les républicains qui
vont multiplier les sociétés secrètes pour s’organiser et survivre.
Après l’intermède constitutionnel de 1816 à 1820, la réaction finit par s’imposer et définir la Restauration.
Le tournant a lieu en 1820 avec l’assassinat du duc de Berry, le neveu de Louis XVIII et qui
portait les espoirs de pérenniser la dynastie. Dès lors, les ultras entrent en grâce. Villèle compose un
gouvernement et multiplie les lois répressives : la presse est de nouveau censurée, l’autorisation
préalable (accordée par le pouvoir) de publication pour un journal redevient obligatoire comme sous
Napoléon ; est défini un « délit d’opinion » ; l’Université est étroitement surveillée …
Le gouvernement Villèle développe une politique cléricale et antidémocratique ce qui ne peut que
mécontenter l’opposition libérale :
• Par la loi de 1820 est mis en place un système de double vote : les plus riches peuvent voter
deux fois !
• Villèle redonne à l’Église catholique et à ses évêques un rôle prépondérant dans l’enseignement, et le pouvoir ne cache plus son soutien aux missions de rechristianisation dans les campagnes
symbolisées par la plantation de grandes croix.
Un autre tournant intervient en 1824. Louis XVIII meurt et est remplacé par son dernier frère
cadet, le comte d’Artois qui prend le titre de Charles X. Si Louis XVIII était conservateur, Charles X est
franchement et maladivement réactionnaire. Il a émigré dès juillet 1789, n’a donc vécu que de très
loin le tourbillon révolutionnaire et ne l’a jamais compris. Son idéal est simple : la monarchie absolue
de droit divin telle qu’elle existait jusqu’en 1789.
Séquence 8-HG20
239
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Charles X gouverne avec les ultras, et ce qui frappe c’est l’anachronisme de sa politique. La
plupart des Français ne peuvent le suivre et même s’en moquent :
- par la « loi du sacrilège » est instaurée la peine de mort pour ceux qui auraient profané des objets
du culte catholique. Le trône (le roi) et l’autel (l’Église) se réunissent ;
- pire, en 1825, Charles X se fait sacrer dans la cathédrale de Reims. Il reprend à la lettre le rite
symbolique de l’ancienne monarchie absolue. Cette cérémonie est une réaffirmation du droit divin
comme origine du pouvoir royal ; pour l’opinion publique, l’étalage somptuaire des fastes monarchiques
est un scandale et une provocation.
On comprend dès lors l’opposition résolue des libéraux à Charles X, mais même des ultras comme
Chateaubriand s’insurgent contre la politique de censure de la presse. Le pouvoir en revient à des
recettes répressives traditionnelles comme l’arrestation des opposants.
Charles X pratique, un peu comme Louis XVI en 1791-1792, la politique du pire ou la fuite en
avant ; il fait voter, toujours en 1825, la loi du « milliard des émigrés » qui indemnise les nobles et
le clergé lésés par la nationalisation de leurs biens. Charles X n’hésite pas à contredire les principes
fondamentaux de la Charte et fragilise ainsi son pouvoir.
Après la démission forcée du gouvernement ultra de Villèle, Charles X nomme un de ses protégés
Polignac, en 1829, à la tête du gouvernement, or celui-ci est, comme lui, un ancien émigré intransigeant. Il décide de dissoudre la Chambre des députés parce qu’elle ne soutient pas Polignac or
les Libéraux gagnent les Législatives. En 1830, l’impasse politique est complète et ne peut se
résoudre que par la victoire d’un des deux camps : le roi Charles X ou les députés libéraux. La Révolution
des Trois Glorieuses va trancher …
B
Une révolution parisienne,
les Trois Glorieuses de juillet 1830
!
Ses origines
Le soulèvement des Parisiens contre Charles X a de nombreuses explications ; certaines sont immédiates et répondent à la politique autoritaire de Charles X, d’autres sont la manifestation d’un
mécontentement plus latent face à la crise économique, aux difficultés de la vie quotidienne et
à la montée du chômage.
Comme en 89, la rébellion commence chez les députés. 221 députés font connaître à Charles X
leur inquiétude et leur opposition à l’attitude réactionnaire de leur roi dans une adresse
solennelle, le 18 mars 1830 :
Document 3 : L’Adresse des 221
Adressée au Roi par 221 députés après l’ouverture de la session parlementaire lors de laquelle le Roi menace
la Chambre de dissolution.
« Sire, la Charte que nous devons à la sagesse de votre auguste prédécesseur, et dont Votre majesté a la ferme
volonté de consolider le bienfait, consacre, comme un droit, l’intervention du pays dans la délibération des
intérêts publics. Cette intervention devait être, elle est en effet indirecte, sagement mesurée, circonscrite dans
des limites exactement tracées, et que nous ne souffrirons jamais qu’on ose tenter de franchir ; mais elle est
positive dans son résultat ; car elle fait du concours permanent des vues politiques de votre Gouvernement
avec les vœux de votre peuple la condition indispensable de la marche régulière des affaires publiques. Sire,
notre loyauté, notre dévouement nous condamnent à vous dire que ce concours n’existe pas. »
18 mars 1830.
240
Séquence 8-HG20
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Questions :
1- Que dénoncent les députés ?
2- Qui en est rendu responsable ?
3- À quoi se réfèrent les députés pour soutenir leur argumentaire ?
4- De quel régime politique prennent-ils la défense ? Était-ce la nature de la Restauration ?
Réponses :
1- Les députés dénoncent le fait que le roi ne tienne pas compte des avis des députés qui se présentent
comme les représentants de la Nation : « vœux de votre peuple » et qui théoriquement auraient « un
droit, l’intervention du pays dans la délibération des intérêts publics ».
2- Charles X est rendu responsable de cette situation ; les députés font d’abord une référence élogieuse
à son défunt frère Louis XVIII : « sagesse de votre auguste prédécesseur » et concluent sèchement :
« Sire, notre loyauté … ce concours n’existe pas ».
3- Les députés se réfèrent au texte constitutionnel qu’est la Charte (ligne 1).
4- Les députés prennent la défense du régime parlementaire par lequel les députés contrôlent l’action
du gouvernement or ils reconnaissent péniblement que la Restauration n’est pas un régime parlementaire : « Cette intervention devait être … indirecte, sagement mesurée, circonscrite … ». Ils sont piégés
dans les contradictions du régime.
Sourcilleux quant à son autorité, Charles X dissout la Chambre, on l’a vu, et perd son pari. Les libéraux
gagnent les élections, or Charles X n’entend pas régner sous la surveillance de ces derniers. Il entame
une épreuve de force en publiant 4 ordonnances le 25 juillet 1830, ordonnances qui contredisent délibérément les principes de la Charte de 1814 :
- la Chambre des députés est dissoute,
- le cens est fixé à un seuil plus élevé, ce qui restreint encore plus le pays légal à quelques propriétaires fonciers,
- la liberté de la presse est purement et simplement supprimée :
Document 4 : Les ordonnances royales sur la presse de 1830
« Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art.1er – La liberté de la presse périodique est suspendue.
Art.2 – En conséquence, nul journal et écrit périodique ou semi-périodique, établi ou à établir, sans distinction
des matières qui y sont ou seront traitées, ne pourra paraître qu’en vertu de l’autorisation qu’en auront
obtenue de nous les auteurs et l’imprimeur. (…)
Art.4 – Les journaux écrits en contravention à l’article 2 seront immédiatement saisis. »
Question : Comment le pouvoir entend-il bâillonner la presse ?
Réponse : Le pouvoir cherche à bâillonner la presse en rétablissant l’autorisation préalable (art.2) ou
en faisant peser la menace d’une cessation de parution de tout journal désobligeant (art.4).
Charles X tente un coup de force, obsédé par l’expérience malheureuse de son frère Louis XVI
qui pour avoir cédé avait fini par le payer de sa vie. Or classiquement, l’effet provoqué par les 4
ordonnances est inverse à celui attendu. L’ordre royal n’est plus audible et une insurrection populaire se déclenche …
Séquence 8-HG20
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"
L’événement
Dès leur publication, les 4 ordonnances provoquent la colère. Ce sont, dès le 26 juillet, des journalistes
qui protestent parlant de « lois violées », « coup d’État », « le régime légal est donc interrompu, celui
de la force est commencé ».
Le basculement révolutionnaire intervient le lendemain quand la population parisienne, échauffée
par ses difficultés, dresse les premières barricades. Charles X n’entend pas céder et décide d’envoyer l’armée pour réprimer les émeutiers. Au soir du 27 juillet, la politique autoritaire de Charles X
semble atteindre son but, mais très vite la situation devient incontrôlable. Des barricades sont à nouveau
dressées, l’entourage de Charles X l’avertit de la gravité de la situation ; celui-ci se refuse à l’admettre. Les premiers lieux emblématiques de la ville tombent aux mains des révolutionnaires le 28
juillet : Notre-Dame et l’Hôtel de ville ; on y érige le drapeau tricolore et l’on attend la proclamation
de la République. Le 29, le basculement est définitif : le Palais Royal, le Louvre, tombent aux mains
des insurgés ; les députés nomment une « Commission municipale provisoire » et place La Fayette à
la tête de la Garde nationale. Charles X préfère partir en exil le 29 juillet.
En trois jours, les 27,28 et 29 juillet 1830 appelés les « Trois [journées] Glorieuses », la
Restauration est balayée. Charles X parti, le pouvoir semble vacant. On s’attend à un rétablissement
de la République car les insurgés parisiens sont essentiellement républicains or ce ne sera pas le cas.
Voyons maintenant comment la révolution des Trois Glorieuses a été confisquée.
Parmi les leaders du soulèvement de 1830, nombre d’entre eux restent des monarchistes comme Thiers
ou La Fayette mais leur conception de la monarchie est précise ; ils n’acceptent qu’une monarchie
constitutionnelle. Ils tiennent en horreur la République qu’ils associent toujours à l’épisode sanglant
et dictatorial de la Terreur. Il leur faut donc construire une alternative politique en promouvant un
nouveau candidat pour une monarchie rénovée. Ils pensent l’avoir trouvé dans la branche cadette
des Bourbons, les Orléans (descendants du frère cadet de Louis XIV).
La Fayette et Thiers manoeuvrent donc pour affaiblir et prendre de vitesse le camp républicain.
Ainsi, dès le 30 juillet 1830, Thiers fait placarder dans les rues de Paris cette affiche qu’il a lui-même
rédigée :
Document 5 : Affiche placardée à Paris, le matin du 30 juillet 1830
Charles X ne peut plus rentrer à Paris : il a fait couler le sang du peuple.
La République nous exposerait à d’affreuses divisions : elle nous brouillerait avec l’Europe.
Le duc d’Orléans est un roi dévoué à la cause de la Révolution.
Le duc d’Orléans était à Jemmapes.
Le duc d’Orléans est un roi-citoyen.
Le duc d’Orléans a porté au feu les couleurs tricolores, il peut seul les porter encore. Nous n’en voulons
point d’autres.
Le duc d’Orléans […] attend notre vœu, et il acceptera la Charte.
C’est du peuple français qu’il tiendra sa couronne.
Affiche rédigée par Thiers, journaliste au National.
Questions :
1- Pourquoi Thiers refuse-t-il la République ?
2- Quels sont les bénéfices à prendre le duc d’Orléans comme roi selon Thiers ?
Réponses :
1- Thiers craint qu’une proclamation de la République ne ramène la guerre entre Français et contre les
autres pays européens, que ne se constitue une coalition des armées étrangères contre la France : « La
République nous exposerait à d’affreuses divisions, elle nous brouillerait avec l’Europe ».
242
Séquence 8-HG20
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2- Pour Thiers, le duc d’Orléans ne remettra pas en cause les acquis de la Révolution puisqu’il en a été
un acteur : « dévoué à la cause de la Révolution » ; il a combattu dans les armées révolutionnaires :
« à Jemmapes », et auparavant à Valmy, avant d’émigrer ; il est simple, un « roi citoyen », et accepte
les symboles de la nouvelle France : « les couleurs tricolores », « la Charte », c’est-à-dire la monarchie
constitutionnelle ou parlementaire.
De fait, le duc d’Orléans apparaît au premier abord comme un candidat crédible ; il s’est engagé dans
les armées révolutionnaires. Sa famille ne peut être confondue avec celle des Bourbons tant
le contentieux entre les deux est lourd. En effet le père du duc d’Orléans, Philippe-Égalité, comme
conventionnel, avait voté la mort de Louis XVI en 1793. Les Bourbons et les Orléans ne peuvent
se supporter. Par ses manières bourgeoises, le duc d’Orléans plaît aux libéraux.
Les Chambres approuvent la candidature du duc à la fonction royale. Le 31 juillet 1830, la
foule l’acclame à l’Hôtel de ville de Paris. Une monarchie (la monarchie de Juillet) succède à
une autre monarchie (la Restauration) ; voilà comment les révolutionnaires de 1830 accouchent
d’un régime qu’ils n’ont pas voulu.
C
La monarchie de Juillet, 1830-1848
!
La Charte révisée ou la tentative monarchique
d’une modernisation politique
Incontestablement, Louis-Philippe, le nouveau roi, infléchit la monarchie dans une direction
nettement plus libérale et parlementaire.
La Charte de 1814 est révisée en 1830, l’organisation générale des pouvoirs n’est guère modifiée
mais le Parlement acquiert deux nouveaux droits :
- le droit d’amendement, c’est-à-dire de modifier un texte de loi proposé par le roi ou le gouvernement,
- le droit d’interpellation, c’est-à-dire d’interroger le gouvernement sur la politique qu’il conduit ou
tel ou tel sujet à l’ordre du jour.
La démocratisation des institutions, bien que limitée, ne saurait être niée ; le roi perd la prérogative de
suspendre les lois qui lui déplaisent ; l’initiative des lois est partagée entre le roi et les deux assemblées.
C’est surtout dans les symboles que l’on repère la nouvelle tonalité parlementaire. Dès août 1830,
Louis-Philippe 1er est « roi des Français par la Grâce de Dieu et la volonté nationale » ; le roi
prête serment sur la Charte (il s’oblige à la respecter) devant les Chambres ; la Charte s’impose à
tous et même à lui. Elle n’est donc plus octroyée par le bon vouloir royal, comme sous Louis XVIII. En
conséquence, le préambule de la Charte de 1814 est supprimé, le catholicisme perd à nouveau son
statut de religion d’État (depuis 1814) pour n’être plus que la religion de la majorité des Français. LouisPhilippe adopte le drapeau tricolore comme emblème national français ; la garde nationale dissoute
par Charles X en 1827, est rétablie, la censure est abolie … théoriquement …
Louis-Philippe ne remet pas en cause le caractère censitaire du suffrage. Par une loi de 1831,
le cens est abaissé à 200 francs et le nombre d’électeurs passe de 90 000 à 200 000. Les conseillers
municipaux et généraux (départementaux) sont désormais élus.
La monarchie de Juillet cherche donc à élargir ses bases électorales vers « les classes moyennes ».
Dans les faits, son principal soutien, et déjà non avoué, est la bourgeoisie.
Document 6
« Le droit universel des hommes au pouvoir politique ; le droit universel des hommes au bien-être social ;
l’unité et la souveraineté démocratiques substituées à l’unité et au gouvernement monarchiques ; […] C’est
contre ces forces ennemies que, malgré l’ordre matériel établi, nous avions encore à défendre, en 1840, la
société et le gouvernement. […]
Séquence 8-HG20
243
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Les classes moyennes, sans aucun privilège ni limite dans l’ordre civil, et incessamment ouvertes, dans l’ordre
politique, au mouvement ascendant de la nation tout entière, étaient à nos yeux, les meilleurs organes et
les meilleurs gardiens des principes de 1789, de l’ordre social comme du gouvernement constitutionnel, de
la liberté politique, du progrès comme de la stabilité. […] L’influence prépondérante des classes moyennes
avait amené, dans les Chambres et dans le pays, la formation d’une majorité qui approuvait la politique
dont je viens de rappeler les caractères. Selon la pente naturelle du gouvernement représentatif et libre, elle
était devenue le parti conservateur de la politique antirévolutionnaire et libérale […]. »
Guizot, « Mémoires pour servir à l’histoire de notre temps » (1858-1867).
Questions :
1- En quoi l’argumentaire de Guizot peut-il être considéré comme conservateur ?
2- Sur quelles catégories veut-il asseoir la « monarchie de Juillet » ?
Réponses :
1- Guizot insiste sur la valeur d’ordre : « ordre matériel établi » ; « ordre politique » ; « ordre social »
…
2- Guizot assoit le régime sur « les classes moyennes, sans aucun privilège ni limite dans l’ordre civil, et
incessamment ouvertes … » ; cette périphrase masque la définition de nouvelle bourgeoisie industrielle
qui s’affirme progressivement.
"
Un régime conservateur et immobile
La modeste libéralisation politique de la monarchie de Juillet n’a pas été suivie d’effets sociaux, au
contraire ce fut un régime très conservateur sur ce point.
Face aux mouvements ouvriers et populaires, le pouvoir s’est montré inflexible. Les élites bourgeoises du XIXe craignent l’agitation ouvrière et assimilent « les classes laborieuses aux classes
dangereuses » et pour maintenir l’ordre, elles n’hésitent pas à recourir à la force. Ainsi, le
soulèvement des canuts (les ouvriers de la soie) à Lyon en 1831 est impitoyablement réprimé,
de même que des révoltes républicaines et populaires en 1834 à Paris et à Lyon. L’armée est
mobilisée pour contenir les oppositions, ainsi la répression des manifestations républicaines de
1832 s’est soldée par près de 800 victimes ! Le vieux réflexe d’organisation en sociétés secrètes
des républicains en est renforcé pour simplement contourner la répression.
Le paysage politique sous la monarchie de Juillet ressemble beaucoup à celui de la Restauration. Les
oppositions sont nombreuses et d’inégale importance :
- les légitimistes (pour Charles X) ont été discrédités et sont en perte de vitesse. Ils n’ont que mépris
pour Louis-Philippe, ce « roi des barricades » ;
- les bonapartistes sont peu audibles ; le neveu de l’empereur Louis Napoléon Bonaparte tente bien
un soulèvement armé contre le pouvoir, c’est un échec lamentable et il écope de 6 ans de détention
… mais ce n’est que partie remise ;
- les républicains, organisés en sociétés secrètes, forment la principale opposition. Ils se structurent
en associations, disposent d’une presse. Leur grande revendication, portée par François Arago, est
le suffrage universel (masculin !).
Quant aux orléanistes, ils se divisent en 2 grandes tendances :
- le « Mouvement » incarné par La Fayette ou le banquier Laffitte. Ils veulent poursuivre la démocratisation des institutions mais dès 1831 ils perdent le pouvoir …
- la « Résistance » incarnée par Thiers, Guizot, Casimir Perrier ; ce sont des conservateurs qui
refusent tout changement.
Le conservatisme devient la ligne officielle du régime dès 1835 après un attentat manqué
contre le Roi. Cet événement est un prétexte pour le pouvoir qui met en place une « politique de
sûreté de l’État » : des lois répressives sont votées et bien sûr les libertés fondamentales
sont restreintes, liberté de presse, de réunion, d’association …
La presse ne se tait pas pour autant, et sait être caustique :
244
Séquence 8-HG20
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Document 7 : Caricatures exécutées par Charles Philippon durant son procès en 1835
« Les Poires », Musée Carnavalet, Paris.
© Bridgeman/giraudon.
Questions :
1- Quel est le personnage caricaturé et comment ?
2- En quoi cette caricature est-elle particulièrement subversive ?
Réponses :
1- C’est bien sûr Louis-Philippe qui est caricaturé en poire au moyen de 4 croquis successifs.
2- Philippon s’en prend à l’allure « pépère » du roi, à son physique et à son embonpoint. Il ridiculise
sa mollesse. C’est une « bonne poire ». Il affiche clairement son mépris pour un personnage jugé
insignifiant.
La monarchie de Juillet reste bloquée face aux revendications politiques ou sociales. La situation est même figée quand Guizot, de 1840 à 1848, devient principal ministre ou chef du gouvernement de Louis-Philippe. Il est le chef de la « Résistance ». Ce dernier n’entend pas revenir sur le
cens et écarte l’idée du suffrage universel. Le pouvoir ne répond pas aux enjeux de la nouvelle
société industrielle, comme la multiplication d’une population ouvrière démunie et aux conditions de
travail et de vie catastrophiques. La seule réponse du chef du gouvernement : « Enrichissez-vous par
le travail et l’épargne », sous-entend ainsi vous pourrez payer le cens et donc voter !
Séquence 8-HG20
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Concrètement, Guizot mène une politique économique libérale.
Si la monarchie de Juillet fut un régime conservateur, il ne faut pas pour autant caricaturer et laisser
croire que ce régime n’a rien apporté, ainsi :
- en 1833, Guizot (alors ministre de l’Instruction) impose la création d’une école primaire par
commune. Cette décision prépare grandement l’œuvre scolaire de la IIIe République ;
- en 1841, le gouvernement fait interdire le travail des enfants de moins de 8 ans dans les
mines ;
- en 1842, est lancée, par une loi de programme, la construction des voies ferrées françaises.
Pour se maintenir, Louis-Philippe sait aussi utiliser la stratégie de diversion en jouant sur les symboles
et la fibre nationaliste. Pour vanter la gloire militaire du régime, on poursuit la conquête de l’Algérie, officiellement entamée depuis 1830, et surtout, en 1840, en grande pompe, Louis-Philippe,
lors d’une cérémonie grandiose, fait ramener les cendres de Napoléon 1er aux Invalides.
#
La crise finale qui emporte le régime
Faute de vouloir entendre les diverses oppositions sociales et politiques qui se font jour, Louis-Philippe
et la monarchie de Juillet s’enferment dans une profonde impopularité.
La raison de fond de cet échec est sociale. Ce régime, et il ne s’en cachait plus, était trop proche
des intérêts d’une seule catégorie de Français, bien minoritaire, la bourgeoisie. Or la 1re moitié du XIXe
siècle signifie en France l’entrée de plain-pied dans l’âge industriel et, conséquemment, des bouleversements sociaux. Ceux-ci à leur tour font irruption dans la vie politique. Les inégalités sociales n’ont
cessé de se creuser. Diverses enquêtes sont conduites, comme celle du médecin Villermé, et dressent
un inventaire accablant des conditions de vie et de travail des ouvriers.
Sur le plan politique, de nouveaux courants apparaissent comme le socialisme, très éclaté à l’époque, et qui prétend à l’exemple de Louis Blanc défendre les intérêts du monde ouvrier. Et, bien sûr,
le rapprochement entre monde ouvrier et courant républicain s’opère ainsi, par opposition à
l’immobilisme de la monarchie de Juillet.
À ce mécontentement structurel s’ajoute le retournement de la conjoncture économique. Les années
1846-1848 sont particulièrement difficiles. Deux mauvaises récoltes successives provoquent
une situation de disette : ce qui ne peut qu’aiguiser le mécontentement social. Cette crise, à l’origine
agricole, devient également industrielle : les faillites se multiplient et le chômage repart à la hausse
le prix du blé flambe. La moindre étincelle suffit à éveiller une population parisienne précarisée.
Or le pouvoir, comme en 1830, se raidit. Il interdit les réunions politiques alors que les républicains mènent une campagne de banquets depuis juillet 1847. En février 1848, un de ces banquets
est interdit. C’en est trop, la confiance dans le gouvernement est réduite à néant, ce qu’exprimait dès
septembre 1847 Odilon Barrot :
Document 8 : « Le respect s’en va »
« Veut-on que le peuple se découvre et s’incline devant ces législateurs qui restent sourds au cri de ses
misères et qui repoussent ses pétitions d’un pied insolent ? Veut-on que les salariés en guenilles jonchent
de palmes la route qui mène les spéculateurs à la caisse des monopoles ? Et qui donc, grand Dieu, la France
pourrait-elle honorer, en ces jours de bassesse et de cupidités immondes ?
Oui, le respect s’en va ; mais la faute en est à vous qui sacrifiez les principes à vos intrigues ; la faute en est
à vous qui avez laissé démanteler la Révolution française et qui poussez aujourd’hui des cris impuissants ;
la faute en est à vous, et non au peuple, qui depuis 17 ans assiste impassible et triste à vos querelles d’antichambre. Le respect s’en va … et le mépris arrive ! »
Discours d’Odilon Barrot (1791-1873), opposant à la monarchie de juillet, un des organisateurs de la
campagne des banquets, au banquet de Soissons.
« La Réforme », 19 septembre 1847.
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Séquence 8-HG20
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Questions :
1- Que reproche l’auteur et à qui ?
2- Que suggère Odilon Barrot à travers sa formule finale : « le respect s’en va … et le mépris
arrive ! » ?
Réponses :
1- L’auteur reproche au pouvoir, à Guizot et à la « Résistance » leur indifférence face à la question
sociale : « législateurs qui restent sourds au cri de ses misères » … « salariés en guenilles ».
2- La formule finale rappelle que le régime a perdu sa crédibilité : « le respect s’en va » mais aussi
qu’il na plus la moindre légitimité (si jamais il en a eu une) pour durer ; la population est en droit de
le remplacer : « le mépris arrive ». Ce n’est pas un appel à l’insurrection républicaine mais un constat,
Barrot rappelle le contexte qui la permettra finalement.
La corruption électorale gangrène le pouvoir, le fossé entre bourgeoisie et catégories populaires
est à son comble. L’explosion intervient dès le 22 février : une manifestation de protestation
tourne à l’insurrection parisienne. Guizot démissionne le jour même. Pourtant le 23, les soldats tirent
sur la foule près de la résidence de celui-ci. Du 23 au 24 février 1848, la situation devient révolutionnaire car la garde nationale se rallie aux émeutiers (le pouvoir perd son outil de répression)
et les ouvriers, artisans et autres Parisiens dressent des barricades.
La tournure des événements rend la position de Louis-Philippe intenable et il préfère abdiquer. Le 24
février, la République est proclamée. Les révolutionnaires veulent éviter la confiscation de 1830. De
plus, les monarchistes, dans leurs versions absolutiste (Légitimistes) ou constitutionnelle (Orléanistes)
ont épuisé toute crédibilité.
D
1848, enfin la République !
!
La République fraternelle, entre réformes et
illusions
Aussitôt la République proclamée, un gouvernement provisoire est constitué réunissant le
républicain Ledru Rollin, Arago un savant lui aussi républicain, l’écrivain et poète Lamartine, le socialiste Louis Blanc et un ouvrier Albert. Cela montre les préoccupations politiques (fonder une véritable
démocratie) et sociales (répondre à la crise et à la montée du chômage) du nouveau régime.
Les valeurs mises en avant par la IIe République sont bien sûr l’égalité et la liberté mais elle y ajoute
la fraternité. Le climat de cette Révolution tranche nettement d’avec 1793 ; une véritable euphorie
autrement nommée « illusion lyrique » ou « esprit de 1848 » saisit les contemporains.
1848 se veut l’annonce d’une République ouverte et généreuse ; on assiste à des scènes insolites
comme les curés bénissant les arbres de la liberté. Rien à voir avec la 1re République ! Ce climat singulier
est à replacer dans les nouvelles sensibilités romantiques qui imprègnent les jeunes générations de
cette époque.
Le Gouvernement provisoire, en plus d’incarner la République, prend des mesures fondamentales :
- il décide de l’élection d’une Assemblée constituante qui sera élue au suffrage universel masculin par les hommes de plus de 21 ans ;
- il abolit la peine de mort mais seulement pour les délits dits politiques ;
- il proclame les grandes libertés, de réunion, de presse ainsi que le droit au travail. En application de ces proclamations, la presse connaît une vraie ébullition, comme en 1789, de nombreux
journaux se créent ainsi que des clubs contribuant à l’euphorique « esprit de 1848 ». Pour appliquer
le droit au travail sont créés les ateliers nationaux chargés de donner du travail aux chômeurs. Déjà,
près de 100 000 personnes sont inscrites ;
- enfin, sur l’insistante demande de Victor Schoelcher, l’esclavage est aboli dans les colonies .
Séquence 8-HG20
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Document 9 : 1848, l’abolition de l’esclavage
« Le Gouvernement provisoire,
Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; qu’en détruisant le libre arbitre de
l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; qu’il est une violation flagrante du dogme
républicain : Liberté, Égalité, Fraternité.
Considérant que si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la proclamation déjà faite du principe
de l’abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres,
Décrète :
Art.1er – L’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois
après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. À partir de la promulgation du présent
décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront absolument
interdites. (…)
Art.5 – L’assemblée nationale réglera la quotité de l’indemnité qui devra être accordée aux colons. (…)
Art.8 – À l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d’acheter ou de vendre
des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou exploitation de ce genre.
Toute infraction à ces dispositions entraînera la perte de la qualité de citoyen français.
Décret du 27 avril 1848.
"
Le virage conservateur, dès juin 1848
Le processus électoral suit son cours et des élections législatives se tiennent les 23 et 24 avril 1848.
C’est un événement majeur, les 1res élections au suffrage universel masculin (celles de 1792 à
la Convention avec une participation de 10 % ne saurait être retenue !) or les résultats surprennent.
Sur près de 900 députés, une large majorité de républicains modérés est élue (environ 500)
et en plus 300 monarchistes. Les républicains les plus radicaux expliquent ces résultats décevants par
l’influence des notables dans les campagnes, comprenez l’aristocratie et le clergé des curés.
Avant même l’ébauche d’une Constitution, l’assemblée est confrontée à l’une des promesses de
février : la reconnaissance du droit au travail. Le pouvoir est confronté au coût exorbitant des
ateliers nationaux. Pour les payer, le gouvernement augmente fortement les impôts ce qui exaspère
l’opinion paysanne soit la grande majorité des Français. De plus, les ateliers nationaux sont de plus
en plus perçus comme des foyers d’agitation politique, voire de subversion, aussi est décidée
la fermeture des ateliers nationaux le 21 juin 1848.
Aussitôt les quartiers populaires s’insurgent ; l’Est parisien se couvre de barricades mais cette
fois le pouvoir n’est pas décidé à ce que la rue lui dicte sa conduite car il procède du suffrage universel. L’opposition est frontale, violente et impitoyable. Le gouvernement charge l’armée et
Cavaignac d’écraser cette rébellion :
Document 10 : Les journées de juin 1848
« Les ouvriers n’avaient plus le choix (après la fermeture des ateliers nationaux) : il leur fallait ou mourir de
faim ou engager la lutte. Engager la lutte. Ils répondirent, le 22 juin, par la formidable insurrection où fut
livrée la première grande bataille entre les deux classes qui divisent la société moderne. C’était une lutte
pour le maintien ou l’anéantissement de l’ordre bourgeois. Le voile qui cachait la République se déchirait.
On sait que les ouvriers avec un courage et un génie sans exemple, sans chef, sans plan, sans ressources, pour
la plupart manquant d’armes, tinrent en échec cinq jours durant l’armée, la garde mobile, la garde nationale
de Paris ainsi que la garde nationale qui afflua de la province. On sait que la bourgeoisie se dédommagea
de ses transes mortelles par une brutalité inouïe et massacra plus de 3000 prisonniers.
Les représentants officiels de la démocratie française étaient tellement prisonniers de l’idéologie républicaine
qu’il leur fallut plusieurs semaines pour commencer à soupçonner le sens du combat de juin. »
Karl Marx, Les Luttes de classes en France (1848-1850), Éditions sociales, 1946.
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Séquence 8-HG20
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Questions :
1- Quelle lecture Marx fait-il des journées de juin ?
2- De quel côté penche sa sympathie ?
Réponses :
1- Marx fait une lecture simpliste et binaire de l’événement ; c’est un épisode de la lutte des classes
entre prolétariat ou ouvriers d’un côté et bourgeoisie de l’autre : « engager la lutte » ; « grande bataille
entre les deux classes qui divisent la société moderne ».
2- La sympathie de Marx va, bien sûr, aux ouvriers parisiens. Selon lui : « les ouvriers n’avaient plus le
choix » ; il leur attribue des qualités dans la lutte : « un courage et un génie sans exemple » ; à l’inverse
il dénonce la cruauté des bourgeois : « transes mortelles par une brutalité inouïe et massacra plus de
3000 prisonniers ».
Les journées de Juin offrent le spectacle d’une vraie guerre civile parisienne ; on voit s’opposer le
« drapeau tricolore » républicain et le « drapeau rouge » du mouvement ouvrier. Cavaignac avait fait
envoyer plus de 50 000 soldats et près de 100 000 gardes nationaux ; l’affrontement est inégal et
laisse plusieurs milliers de morts, 25 000 personnes sont arrêtées, 12 000 emprisonnées et
4 000 déportées. Pour la République, c’est un épisode malheureux qui la fragilise à terme car elle se
prive de ses soutiens populaires urbains.
L’Assemblée réussit à proposer une nouvelle constitution le 4 novembre 1848, Constitution
assez audacieuse où le pouvoir est partagé entre une assemblée unique élue pour 3 ans et un
président de la République élu au suffrage universel masculin direct pour 4 ans non renouvelables. Aucune référence n’est faite désormais au droit au travail. Les pouvoirs sont séparés ; ce n’est
ni un régime présidentiel ni un régime parlementaire.
Dès la Constitution promulguée, la Constituante est révoquée et de nouvelles élections législatives
programmées ; or c’est le « parti de l’Ordre » qui gagne les législatives de 1849, confirmant le
virage conservateur de la IIe République.
Mais celui-ci se déconsidère doublement :
- par son cléricalisme. En mars 1850, avec la Loi Falloux, le pouvoir redonne à l’Église catholique
un rôle clef dans l’enseignement ;
- et surtout, en mai 1850, il restreint le suffrage universel en imposant la condition des 3 ans de
résidence, ce qui exclut un tiers du corps électoral et notamment nombre d’ouvriers qui bougent
en fonction de l’offre de travail qui leur est faite.
#
Un président… si peu républicain !
Comme on l’a vu, les institutions prévoient l’élection d’un président au suffrage universel direct
masculin ; celle-ci a lieu le 10 décembre 1848. Plusieurs candidats s’affrontent dont Lamartine,
Cavaignac et un certain Louis Napoléon Bonaparte, candidat soutenu par le Parti de l’Ordre sans y
appartenir ; le parti de l’Ordre pense pouvoir le manipuler à sa guise.
Les résultats sont sans appel. Par le prestige de son nom, le neveu de l’empereur a rassemblé
74,2% des voix … Les autres candidats sont balayés. Le vote paysan s’est massivement reporté sur
lui.
Louis Napoléon Bonaparte comme son soutien initial, le Parti de l’Ordre, est un conservateur sur
le plan politique. L’ordre est pour lui la valeur cardinale, en revanche, sur le plan social, il est plus
ouvert. Il cache de moins en moins son opposition et son agacement devant la législation
réactionnaire de l’Assemblée, qui notamment restreint le suffrage universel masculin. Il se construit
alors une posture populiste de recours, se place au-dessus de l’Assemblée et la laisse s’enfoncer face
aux mécontentements populaires.
Il souhaiterait être réélu or la Constitution ne le permet pas. Une tentative de révision de la Constitution
échoue à rendre le président rééligible.
Séquence 8-HG20
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Pour compter et durer, il renoue avec la pratique bonapartiste du coup d’État. Son 18 Brumaire
a lieu le 2 décembre 1851, jour anniversaire de la victoire d’Austerlitz et du couronnement de
Napoléon 1er..
Il organise son coup d’État qu’il fait ratifier par plébiscite le 20 décembre 1851 où son mandat
de président est prolongé pour 10 ans.
Document 11 : L’annonce du coup d’État du 2 décembre 1851
Au nom du peuple français
Le président de la République décrète :
Art.1 L’Assemblée nationale est dissoute.
Art.2 Le Suffrage universel est rétabli. La loi du 31 mai est abrogée.
Art.3 Le Peuple français est convoqué dans ses comices à partir du 14 décembre jusqu’au 21 décembre
suivant.
Art.4 L’état de siège est décrété dans l’étendue de la 1re division militaire.
Art.5 Le conseil d’État est dissous.
Art.6 Le ministre de l’Intérieur est chargé de l’exécution du présent décret.
Fait au Palais de l’Élysée, le 2 décembre 1851.
LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE
Le ministre de l’Intérieur
De MORNY
Un an plus tard, le 2 décembre 1852, il se proclame empereur sous le nom de Napoléon III.
La IIe République est morte. Elle l’était déjà dans les faits depuis le 2 décembre 1851 …■
250
Séquence 8-HG20
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