phénomène de criminalisation de l'économie que la Russie a connu depuis 1993. Si ce
dernier résulte pour une part d'une absence de règles et de normes dans la vie économique,
il correspond aussi aux effets de la collusion avérée entre certains acteurs économiques et
le pouvoir politique dans la période 1994-1998.
Cette situation très délétère a été largement aggravée par les conditions de la privatisation
et par les pressions des organisations internationales pour l'ouverture la plus rapide
possible de l'économie russe. En ce sens, en s'opposant aux mesures de contrôle des
changes qui auraient été nécessaires, le FMI s'est fait indirectement le complice de cette
criminalisation de l'économie russe, dont il a été par la suite lui-même la victime.
On peut alors comprendre que la question de la fuite des capitaux revête aujourd'hui en
Russie une importance considérable.
Dans son intervention introductive à une conférence organisée en novembre 1999 à
Moscou sur cette question, Leonid Abalkine l'avait clairement désignée comme relevant
désormais d'une logique de sécurité nationale. Mais, si la sécurité de l'économie russe est
ainsi directement en cause, celle de ces partenaires occidentaux pourrait l'être rapidement
par contagion. Le scandale de la Bank of New York le montre à l'évidence. Il est à craindre
que l'on ne s'aperçoive qu'il n'est nullement isolé. Des institutions financières européennes
pourraient fort bien être touchées.
La situation actuelle résulte largement du processus d'ouverture financière et de
globalisation des économies, appliqué brutalement sur une économie en transition.
L'ouverture financière réduit les marges de politique monétaire des pays qui s'y engagent,
et ceci peut avoir des conséquences dramatiques pour les pays dont les institutions
financières sont fragiles.
Dans ce contexte, les fuites de capitaux hors de Russie sont pour partie liées à la
criminalisation de l'économie (trafic d'armes, de drogue et prostitution) mais aussi ont pour
partie comme origine la nature criminelle du mode d'accès à la propriété d'activités qui
sont, par ailleurs, parfaitement légales. Les politiques mises en oeuvre sur les conseils du
FMI ont accentué le problème en rendant non-profitables de nombreuses activités
(poussant ainsi les agents vers des activités criminelles) ou simplement en créant un
contexte institutionnel favorable aux pratiques bancaires et financières les plus douteuses
en liaison avec la privatisation.
Cependant, si les résultats globaux de l'économie russe ont ainsi été relativement
bons en 1999, il n'est pas sur que cette embellie soit durable. La croissance de la
production ralentit depuis novembre 1999, et l'investissement n'a pas réagi aussi
favorablement que la production (+1,5%). Le mouvement de réanimation de l'économie
semble s'épuiser et un retard important a été pris dans le domaine de la reconstruction du
système bancaire et financier. La gestion de la politique monétaire est rendue de plus en
plus difficile par l'absence d'instruments appropriés, en particulier en raison du retour en
Russie des recettes d'exportations. Le recyclage des devises récupérées par la Banque
Centrale s'avère soulever de nouveaux problèmes.
Le rebond de 1999 a été largement le produit de la dévaluation, d'une politique de
remonétisation prudente de l'économie, et enfin d'une politique des prix de l'énergie et des
transports, qui a facilité l'activité de l'industrie. Néanmoins, il a été limité par une
contraction importante de la demande solvable, mais si cette dernière s'est manifestée en
grande partie dans les couches les plus aisées de la population. Avec la faiblesse du
système bancaire et financier, l'état de la demande, publique et privée, reste le principal
obstacle à la croissance.