1 PROBLEMES ET PERSPECTIVES DE L'ECONOMIE RUSSE AU DEBUT DE 2000 JACQUES SAPIR DIRECTEUR D'ÉTUDES A L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES Fin 1998, les perspectives de l'économie russe s'annonçaient sombres. Survenant après plusieurs années de dépression continue, le krach financier semblait devoir présager une exacerbation de la crise. Il faut rappeler ici que l'économie russe a connu en août 1998 une crise financière et bancaire de très grande ampleur. Elle s'est manifestée par une crise de change, un défaut sur la dette interne et une crise bancaire d'une grande violence. La dévaluation, en termes réels, fut de l'ordre de 50%, ramenant le taux de change réel à son niveau de 1994. Les grandes banques russes, lourdement engagées dans des opérations sur les titres de dette interne (les GKO) et qui avaient souscrit d'importants emprunts en devises étrangères (près de 25 milliards de dollars, pour une valeur agrégée des actifs de l'ordre de 2 milliards seulement), sont techniquement mortes depuis cette crise (Sapir, 1998). Dans ce contexte, on pouvait craindre le pire. En fin de compte, les résultats de 1999 ont fait mentir les pessimistes et montré la preuve d'une réelle vitalité de l'économie russe. Ces résultats éclairent, à contrario, certaines des causes de la dépression des années précédentes. 1/ L'économie russe a traversé avec succès les conséquences de la très grave crise financière d'août 1998. Les mesures prises dans le sillage de cette crise semblent avoir cependant épuisé leurs effets. Des pronostics très sombres avaient donc été émis à la suite de cette crise. Ils ont cependant été déjoués par la politique mise en oeuvre de septembre 1998 à août 1999. Contrairement aux prévisions de certains des experts occidentaux et russes, ainsi qu'à l'opinion de certaines organisations internationales (le FMI en particulier), la Russie n'a connu ni explosion hyperinflationniste, ni brutale contraction de la production. Il faut ici rappeler que, pour critiquer le gouvernement Primakov (septembre 1998 - mai 1999), le FMI n'hésitait pas au mois de mars 1999 d'afficher comme prévision officielle le chiffre d'une baisse de -7% du PIB. Cette estimation était très officiellement reprise par la diplomatie américaine, qui en faisait encore officiellement état en mai 1999. Ce pessimisme venait appuyer un discours sur la nécessaire reprise des "réformes" libérales, que l'on accusait Primakov de ne pas soutenir. Quant aux prévisions sur l'inflation, elles étaient ouvertement apocalyptiques. La crise financière devait entraîner la Russie vers l'hyperinflation, et seul l'instauration d'un "Currency Board" pouvait l'en préserver, comme le défendaient R. Barro (1998) aux États-Unis et J. Sgard (1998) en France. 2 Pourtant, après un choc initial violent, l'inflation s'est stabilisée autour de 35% par an. Quant aux prédictions excessivement pessimistes que certaines organisations, comme le FMI, ont maintenues jusqu'au printemps 1999, elles montrent uniquement à quel point les soi-disant experts se sont fourvoyés. En réalité, la crise avait commencé dès avant le krach financier, soldant ainsi les illusions quant à la "croissance" de 1997. Quant à la dévaluation qui accompagna ce dernier, elle devait s'avérer très salutaire pour l'économie russe, démontrant que l'une des causes de la dépression des années précédentes résidait dans un taux de change artificiellement élevé, lui-même fruit des politiques de stabilisation inspirée par le FMI. Une analyse plus réaliste et moins idéologiquement biaisée des réalités économiques russes avant août 1998 aurait certainement permis de ne pas tomber dans les outrances et les excès que l'on a connus l'hiver 1998-99. Il était possible de voir, au sein même de la crise financière, les éléments d'espoir pour le futur (Sapir, 1998b, 1999). A l'encontre de ce qui avait été annoncé à Washington, le PIB a cru de +2,5% en 1999. L'erreur de prévision, s'il s'agit bien d'une erreur, faite par le FMI porte donc sur plus de 9 points! La croissance a été portée pour l'essentiel par la croissance de la production industrielle (+8%). La hausse des prix du pétrole n'a joué qu'un faible rôle, et d'ailleurs la branche des hydrocarbures a cru largement moins que la moyenne. Dans un pays où nombre de transactions se font en troc, la forte hausse du volume du fret ferroviaire donne une indication robuste sur les tendances réelles de l'économie. 11 Évolution des recettes fiscales du budget fédéral russe (en % du PIB) 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 1997 Autres impôts 1998 1999 (loi de finances) 1999 (exécution) Taxes aux exportations Taxes aux importations Taxes sur l'utilisation des ressources naturelles Accises TVA Impôt sur le revenu des personnes physyques Impôt sur les bénéfices des entreprises et organisations Source: données communiquées par l'IPEN-RAN et par la Banque Centrale de Russie Au sein de la production industrielle, les branches engagées dans la substitution aux importations ainsi que les branches exportatrices sont celles qui ont le plus bénéficié de la dévaluation. Ainsi l'industrie textile a cru de 24%, et dans son ensemble les industries légères ont progressé de 19%. Les industries alimentaires ont été limitées par la très mauvaise récolte de 1998 et celle, médiocre, de 1999. Elles ont néanmoins connu une croissance de 10%. Parmi les branches exportatrices, la chimie a cru de 22%, la branche bois et papiers de 18%, la métallurgie ferreuse de 14,5%. 3 Les ressources fiscales se sont accrues de manière significative, et la discipline de paiement des acteurs économiques s'est améliorée. Le budget a enregistré un surplus net de ressources fiscales de près de 4 milliards de dollars, soit près de 10% des ressources fédérales prévues. Cet excédent correspond pour partie à l'inflation, mais surtout au niveau d'activité de l'économie (la TVA a rapporté 4,6% du PIB contre 3,6% prévus, l'impôt sur les profits des entreprises s'est proportionnellement accru de 50%) et à une baisse significative des non-paiements fiscaux. Globalement, les recettes fédérales ont représenté 12,3% du PIB contre 11,8% dans la loi de finance. Le chiffre de l'impôt collecté est encore plus significatif quand on le compare à celui de 1998, soit 10,3% du PIB. Le déficit budgétaire s'est ainsi réduit de 2,5% selon les prévisions de la loi de finances à 1,2%, alors qu'il avait atteint 4,1% en 1998 et 7,2% en 1997. La Russie a dégagé un fort excédent commercial, en grande partie lié à la contraction des importations et à la substitution de produits nationaux aux produits importés, grâce à une forte dévaluation. La hausse des prix du pétrole n'a pas fondamentalement joué dans l'amélioration des résultats. En effet, le volume des exportations a légèrement baissé en 1999. Mais ceci a plus qu'été compensé par la chute des importations, qui sont retombées à 42 milliards de dollars alors qu'elles atteignaient 90 milliards en 1997. L'excédent commercial global devrait s'élever à 31,5 milliards de dollars pour 1999, contre 14,1 milliards en 1998 et 12,5 milliards en 1997. Quant au solde des paiements courants, il s'établit à 20 milliards de dollars en 1999, soit 10,4% du PIB, contre 2,5 milliards en 1998. Rappelons qu'en 1997, il était déficitaire. Les résultats du commerce extérieur montrent très nettement les effets dévastateurs de la sur-évaluation du rouble qui s'est produite entre 1994 et 1996. En ce sens la dévaluation à laquelle on a assisté en 1998, si elle a été trop brutale et incontrôlée, n'en était pas moins clairement nécessaire. L'évasion des capitaux, plaie du pays depuis le début des années 90, s'est substantiellement ralentie par la mise en oeuvre de mesures de contrôle. Il convient néanmoins de rappeler qu'elle continue de concerner des montants considérables. Solde commercial et fuite des capitaux 1995 1996 1997 1998 1er semestre 1999 Solde de la balance commerciale, en milliards de dollars 11,173 17,209 12,571 14,096 13,685 Estimation de la fuite des capitaux en milliards de dollars 12,879 18,689 19,273 18,702 Fuite des capitaux en pourcentage du solde de la balance commerciale 115,3% 108,6% 153,3% 132,7% 6,048 44,2% Source: données de la Banque Centrale de Russie, département des changes. L'évasion des capitaux, dans une large mesure part des méthodes illégales et criminelles, est à l'origine du paradoxe suivant: Si la Russie en tant qu'État est débitrice nette sur le reste du monde, depuis 1990, la Russie en tant qu'économie est créditrice nette du reste du monde. L'évasion des capitaux n'est pas assimilable à un simple mouvement de défiance des opérateurs économiques vis-à-vis de la politique économique du gouvernement russe. Concentrée sur un nombre restreint d'opérateurs et de secteurs d'activités, elle renvoie au 4 phénomène de criminalisation de l'économie que la Russie a connu depuis 1993. Si ce dernier résulte pour une part d'une absence de règles et de normes dans la vie économique, il correspond aussi aux effets de la collusion avérée entre certains acteurs économiques et le pouvoir politique dans la période 1994-1998. Cette situation très délétère a été largement aggravée par les conditions de la privatisation et par les pressions des organisations internationales pour l'ouverture la plus rapide possible de l'économie russe. En ce sens, en s'opposant aux mesures de contrôle des changes qui auraient été nécessaires, le FMI s'est fait indirectement le complice de cette criminalisation de l'économie russe, dont il a été par la suite lui-même la victime. On peut alors comprendre que la question de la fuite des capitaux revête aujourd'hui en Russie une importance considérable. Dans son intervention introductive à une conférence organisée en novembre 1999 à Moscou sur cette question, Leonid Abalkine l'avait clairement désignée comme relevant désormais d'une logique de sécurité nationale. Mais, si la sécurité de l'économie russe est ainsi directement en cause, celle de ces partenaires occidentaux pourrait l'être rapidement par contagion. Le scandale de la Bank of New York le montre à l'évidence. Il est à craindre que l'on ne s'aperçoive qu'il n'est nullement isolé. Des institutions financières européennes pourraient fort bien être touchées. La situation actuelle résulte largement du processus d'ouverture financière et de globalisation des économies, appliqué brutalement sur une économie en transition. L'ouverture financière réduit les marges de politique monétaire des pays qui s'y engagent, et ceci peut avoir des conséquences dramatiques pour les pays dont les institutions financières sont fragiles. Dans ce contexte, les fuites de capitaux hors de Russie sont pour partie liées à la criminalisation de l'économie (trafic d'armes, de drogue et prostitution) mais aussi ont pour partie comme origine la nature criminelle du mode d'accès à la propriété d'activités qui sont, par ailleurs, parfaitement légales. Les politiques mises en oeuvre sur les conseils du FMI ont accentué le problème en rendant non-profitables de nombreuses activités (poussant ainsi les agents vers des activités criminelles) ou simplement en créant un contexte institutionnel favorable aux pratiques bancaires et financières les plus douteuses en liaison avec la privatisation. Cependant, si les résultats globaux de l'économie russe ont ainsi été relativement bons en 1999, il n'est pas sur que cette embellie soit durable. La croissance de la production ralentit depuis novembre 1999, et l'investissement n'a pas réagi aussi favorablement que la production (+1,5%). Le mouvement de réanimation de l'économie semble s'épuiser et un retard important a été pris dans le domaine de la reconstruction du système bancaire et financier. La gestion de la politique monétaire est rendue de plus en plus difficile par l'absence d'instruments appropriés, en particulier en raison du retour en Russie des recettes d'exportations. Le recyclage des devises récupérées par la Banque Centrale s'avère soulever de nouveaux problèmes. Le rebond de 1999 a été largement le produit de la dévaluation, d'une politique de remonétisation prudente de l'économie, et enfin d'une politique des prix de l'énergie et des transports, qui a facilité l'activité de l'industrie. Néanmoins, il a été limité par une contraction importante de la demande solvable, mais si cette dernière s'est manifestée en grande partie dans les couches les plus aisées de la population. Avec la faiblesse du système bancaire et financier, l'état de la demande, publique et privée, reste le principal obstacle à la croissance. 5 La question des mesures économiques susceptibles d'enraciner dans le temps le redémarrage de l'économie enregistré en 1999 sera certainement une question prioritaire après les élections présidentielles. 2/ L'économie russe, alors que de nombreuses entreprises ont fait des efforts substantiels, est aujourd'hui contrainte par la faiblesse voire même l'inexistence de son système financier et bancaire. Les entreprises russes ont mis à profit la dévaluation pour accélérer leur ajustement aux conditions de marché. Le rythme de renouvellement de la gamme de la production s'est accéléré en 1999, et la gestion des entreprises s'est qualitativement améliorée. La dévaluation n'a donc pas été une bouffée d'oxygène sans lendemain. Le secteur industriel poursuit une restructuration difficile et douloureuse. Il est à cet égard significatif que la part du troc dans les échanges interentreprises, qui s'était régulièrement accrue depuis 1993, ait commencé à baisser. Si ce mouvement est encore de faible ampleur, et ne préjuge nullement de l'avenir, il indique pour la première fois une inversion de la tendance à la démonétisation que connaissait l'économie russe depuis 1993 (Rozanova, 1998; Rodionov et alii, 1998). Une enquête auprès d'un panel d'environ 150 entreprises opérant dans la plupart des branches de l'industrie, et réalisée par les chercheurs de l'IPEN-RAN (Moscou), témoigne des efforts d'ajustement entrepris. Depuis août 1998, 26% des entreprises estimaient avoir amélioré la qualité de l'ensemble de l'inventaire de la production, et 42% d'une partie de cet inventaire. Près de 15% des entreprises ont renouvelé l'ensemble de leur production, et 38% se sont livrées à un renouvellement partiel. Enfin, 40% des entreprises du panel ont étendu leurs relations commerciales avec des clients dans des régions avec lesquelles elles n'avaient pas encore commercé. Il est donc faux de prétendre que les entreprises se sont contentées d'encaisser les dividendes de la dévaluation sans chercher à poursuivre leur restructuration. Néanmoins, on ne peut compter sur une poursuite mécanique de la croissance enregistrée en 1999, en raison de la contrainte financière qui s'exerce sur les entreprises russes. Le simple financement du cycle de production, et du cycle commercial, reste aujourd'hui très difficile en raison: (a) De l'absence de circuits de financement adaptés (pas de réel système de l'escompte et du réescompte des effets de commerce). (b) De taux d'intérêts qui restent encore trop élevés et d'une politique de la Banque Centrale qui ne favorise pas la circulation de la liquidité. (c) De l'absence des mécanismes les plus simples du crédit, que ce soit pour les entreprises ou pour les consommateurs, en raison de la faiblesse mais aussi des pratiques du système bancaire. Les relations entre les banques et les entreprises peuvent être appréhendées par les réponses données à l'enquête IPEN-RAN. 71% des entreprises concernées déclaraient n'avoir pas d'autre relation avec les banques que la gestion de leur compte courant, et 31% se plaignaient de retards de paiements de la faute des banques. Il est donc clair, dans ce contexte, que l'économie russe fonctionne aujourd'hui largement en dessous de son potentiel. Compte tenu du taux de change réel et des coûts salariaux réels, l'industrie dispose d'une marge de croissance hors investissement de renouvellement de l'appareil productif, qui peut être estimée à 25%-35% du niveau de fin 6 1999. Faute d'un système de financement adapté, ce potentiel ne peut pas être mobilisé. Le développement de circuits financiers adaptés permettant d'injecter de manière contrôlable de la liquidité dans une économie qui reste encore largement illiquide est aujourd'hui la priorité des mesures à prendre pour appuyer la croissance. Des mesures structurelles dans la sphère financière s'imposent à l'évidence, qui redonneraient à la Banque Centrale un rôle bien plus actif dans le pilotage de l'activité macro-économique. La contrainte financière pèse en particulier sur l'investissement. Indirectement dans la mesure où, en contraignant le volume d'activité, elles découragent des investisseurs potentiels. Mais directement aussi, par l'absence de circuits adaptés au financement de l'investissement. Toujours dans le cadre de l'enquête IPEN-RAN, on obtient les réponses suivantes à la question sur les sources de financement de l'investissement: Sources de financement des entreprises russes en 1999 Question: Quelles ont été les sources de financement de l'investissement dans votre entreprise pour 1999 (plus d'une réponse possible): Réponses Autofinancement Subventions du budget fédéral Subvention d'un budget régional Crédit d'une banque russe Crédit accordé par une entreprise non financière Crédit d'un agent non résident Source: enquête IPEN-RAN Total 82% 18% 7% 16% 19% 15% Industrie alimentaire 73% 9% 0% 27% 0% 18% Chimie 88% 25% 0% 50% 38% 12% Constructions mécaniques 84% 24% 16% 8% 16% 8% Trois éléments sont ici à noter. Tout d'abord, il faut remarquer l'importance de l'autofinancement, rendu possible par l'amélioration de la situation financière des entreprises du fait de la dévaluation. Compte tenu de la faiblesse du rôle des banques, l'investissement est donc bien plus sensible en Russie aux conditions de formation du chiffre d'affaires et du profit qu'aux taux d'intérêt. Ceci indique le rôle potentiel d'une politique des prix et des revenus sur la dynamique de l'investissement. La manipulation par l'État du prix de certaines consommations intermédiaires (énergie, transport), mais aussi le maintien d'une inflation assez forte et d'un taux de change réel largement sous-évalué constituent alors des instruments importants d'une relance de l'investissement, et ceci bien plus qu'une baisse des taux d'intérêts, du moins à court terme. Un second élément digne d'attention ici est le rôle toujours présent de la puissance publique (fédérale ou locale) dans le financement de l'investissement. Le fait est patent dans les constructions mécaniques, en raison des industries militaires. Il est cependant significatif aussi dans la chimie. Une rationalisation de ces aides publiques est donc incontestablement à l'ordre du jour. Enfin, le rôle du crédit provenant d'entreprises non-financières est à souligner. Autant ce crédit est normal dans le cadre des relations commerciales, autant il semble plus étrange comme source de l'investissement. Ceci indique incontestablement l'existence de liens privilégiés entre certaines entreprises, du fait de chaînes technologiques et de fortes complémentarités. Il serait logique que ce phénomène s'organise sous la forme de liens de propriété. 7 Les résultats de l'enquête menée par les chercheurs de l'IPEN-RAN sont fortement convergents avec ceux obtenus par leurs collègues français, en particulier au CEMIEHESS. Exploitant les résultats d'un panel de 1500 entreprises géré par le Russian Economic Barometer un des intervenants français (J. Sapir) a montré l'évolution de la dynamique d'investissement depuis le début de la transition. Pourcentage d'entreprises n'ayant pas investi depuis au moins 2 mois Corrélation entre l'état moyen du carnet de commandes dans l'industrie et le pourcentage d'entreprises n'ayant pas fait d'investissements Période: janvier 1993 - août 1999 75% 70% 65% 60% 55% 50% 45% 55% y = -0,6247x + 1,0492 R2 = 0,5601 60% 65% 70% 75% 80% 85% État du carnet de commandes dans l'industrie (100% = normal) Entreprises n'investissant pas, ajusté aux conditions financières Sources: Idem graphique précédent Décision d'investir et taux de change 48 Période: juin 1995 - novembre 1996 46 y = 9,3113x - 9,6021 R2 = 0,6732 44 42 40 38 36 34 32 30 450% 470% 490% 510% 530% 550% Taux de change réel, janvier 1993 = base 100 Source: Idem 570% 590% 8 De 1993 à la fin de 1995, c'est bien la contraction du carnet de commandes qui a l'impact le plus fort et le plus négatif sur la décision d'investir. A partir de fin 1996, et jusqu'à la crise financière d'août 1998, la situation financière des entreprises devient la variable pertinente. L'inflation, en niveau ou en anticipation, n'est jamais un facteur susceptible d'expliquer la contraction des investissements. Au contraire, on peut même soutenir que la chute trop rapide du taux d'inflation a été un facteur négatif quant à l'investissement. Le taux de change réel est, lui aussi, un facteur pouvant expliquer la chute de l'investissement de juin 1995 à novembre 1996. Il combine cependant ses effets avec la contraction du carnet de commandes, les producteurs internes étant en partie évincés du marché par les importations. A l'inverse, la dévaluation de 1998 a des effets très largement positifs. A partir de la crise financière de 1998, le lien entre la décision d'investir et l'état du carnet de commandes s'affaiblit. La variable financière devient largement déterminante. Après avoir été contrainte par la demande, l'activité est aujourd'hui largement contrainte par les conditions de financement. Or, la situation de la Russie est clairement alarmante en ce qui concerne l'investissement, si on la compare aux quatre pays en transition de l'Europe Centrale les plus proches de l'adhésion à l'Union Européenne. Si une restructuration du processus d'investissement était indiscutablement nécessaire, la chute du taux d'investissement à laquelle on a assisté compromet dangereusement les efforts de restructuration. 160% Comparaison des taux d'investissement (Inv/PIB) dans les pays en transition 150% 140% 130% 120% 110% 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 République Tchèque Slovaquie Hongrie Pologne 1997 1998 Russie Source: Données BERD et Banque Mondiale Si la politique macroéconomique a joué un rôle néfaste, l'importance des facteurs institutionnels dans la chute des investissements est indéniable. L'incertitude entourant les transactions ainsi que la valorisation du capital, les défauts du système financier et bancaire, sont autant de facteurs décourageant l'investissement. Il faut cependant souligner que la séparation entre facteurs macroéconomiques et facteurs institutionnels, ou structurels, relève largement de la facilité rhétorique. La source de nombreux facteurs 9 institutionnels, qu'il s'agisse du comportement des banques ou de la difficulté à faire respecter les contrats, n'est autre que la politique macroéconomique. Les effets des politiques monétaires restrictives sur les banques et les systèmes de financement en général, étaient bien connus théoriquement dès le début des années quatre-vingts (Stiglitz & Weiss, 1981). Il est clair que les politiques macroéconomiques qui ont été appliquées en Russie, souvent à la suite de conseils pressants d'experts et d'organisations internationales, n'ont tenu aucun compte des connaissances existantes. Ainsi, il y a eu une idéologisation des politiques macroéconomiques, processus dont les conséquences, comme on peut aujourd'hui le mesurer, ont été désastreuses (Stiglitz, 1999). Si aujourd'hui tout le monde s'accorde à considérer que la reconstruction du système monétaire et financier de la Russie est une des conditions de la croissance (Panfilov, 1999), il faut alors avoir le courage d'en tirer les conséquences quant à la politique macroéconomique qui doit être conduite. La lutte contre l'inflation, une fois cette dernière contenue dans des limites raisonnables, que l'on peut estimer à 35%-45% par an, ne peut plus être la priorité ni même l'axe de la politique macroéconomique. 3/ La politique macroéconomique, faute de mesures appropriées, risque de devenir l'otage d'une gestion du change qui restera aléatoire tant que des mécanismes nouveaux de régulation n'auront pas été mis en oeuvre. Les mesures de contrôle des capitaux préconisées par la Banque Centrale, et dont certaines ont pu être appliquées en 1999 en dépit de l'opposition de Eltsine, restent encore aujourd'hui bien plus laxistes que ce que des pays à économie de marché comme la France ou l'Italie ont connu avant les années quatre-vingts. Dans ces conditions, la Banque Centrale semble ne pas pouvoir sortir d'une logique de défense au jour le jour de la parité par des mesures de restriction de la liquidité bancaire, dont un nouvel exemple a été donné le 26 janvier par une forte augmentation du coefficient de réserves obligatoires. Plus globalement, alors que la crise d'août 1998 et ses conséquences ont fortement changé le contexte économique et financier, les autorités monétaires restent prisonnières d'une vision parcellaire de la politique à mener. La Russie a besoin d'une vraie stratégie économique qui ne peut se résumer aux ajustements à très court terme auxquels les autorités ont procédé en 1999. Plusieurs points sont ici à noter. La politique de restructuration du système bancaire est certainement une des priorités les plus importantes pour le gouvernement russe. Elle est cependant restée à l'état embryonnaire en 1999. L'absence d'un contrôle effectif sur les banques renvoie à deux problèmes distincts. Tant que Boris Eltsine était Président, la BCR n'a pu mettre en place l'ensemble des mesures prudentielles et réglementaires qui auraient été nécessaires. On touche ici un des effets directs sur la politique du pays des pratiques de collusion évoquées ci-dessus. Ceci a conduit aux comportements hautement spéculatifs du printemps 1998. Aujourd'hui encore, sur les 1360 banques russes, il conviendrait probablement d'en fermer entre 300 et 500, pour l'essentiel des banques des grandes agglomérations. Les banques régionales, au contraire, ont souvent eu un comportement plus sain, mais n'ont pas disposé des liquidités nécessaires pour faire leur métier. Le second problème structurel de la politique bancaire de la BCR se manifeste ici. Ainsi que l'a souligné un des intervenants français, cette question est décisive pour l'avenir de la Russie. En effet, le gouvernement russe a interdit à la BCR de mettre en oeuvre les réseaux de circulation de titres (open-market, réescompte...) qui auraient permis à cette institution de peser sur la liquidité des banques de manière progressive et de diriger un marché interbancaire. Ce dernier ne s'est d'ailleurs jamais relevé de sa crise de 1995 et n'existe que 10 sous une forme extrêmement fragmentaire. Or, rien ne justifie, dans les travaux théoriques récents, la priorité quasi exclusive donnée aux marchés financiers dans les logiques de financement, et ce au détriment de l'intermédiation bancaire (Stiglitz, 1982). Dans une économie dont le cadre institutionnel est faible et fragile, cette dernière, dûment encadrée par la banque Centrale, peut avoir une robustesse bien plus grande que les marchés financiers. Ici encore force est de constater que les conseils et prescriptions occidentales n'ont guère tenu compte de l'état actuel des recherches théoriques et en économie appliquée (Pitiot et Scialom, 1993). Le parti-pris en faveur des marchés financiers dans le cas de la Russie relève plus du choix idéologique que d'une analyse concrète de la situation du pays. Il en résulte que, dans ces conditions, la Banque Centrale n'a eu et ne peut avoir qu'un impact limité sur le système bancaire et le financement de l'économie. Quant à son activité prudentielle, il est notoire et avéré que cette dernière fut limitée par les connivences existant entre certaines banques et banquiers et les cercles proches du Président Eltsine. On rappellera, pour mémoire, le blocage de la mise en place du circuit financier du Trésor russe au profit de l'affermage de ses fonctions à une grande banque privée, en 1997-1998. Cette situation était d'autant plus scandaleuse que des membres du gouvernement avaient perçu des sommes non négligeables de la part d'une société d'édition liée à la dite banque, et ce pour un ouvrage qui n'avait pas été encore publié. Un second problème qui doit être aujourd'hui rapidement abordé concerne la répartition des activités économiques sur le territoire russe, et les phénomènes d'asymétrie régionale que l'on constate depuis 1993. Dans l'économie financiarisée et à taux de change réel surévalué qui prévalait jusqu'en août 1998, les régions d'extraction des matières premières commercialisables sur le marché mondial avaient acquis un rôle prépondérant. La désindustrialisation qui a frappé la Russie touchait durement non seulement les grandes régions de l'industrie lourde de l'Oural (Sapir, 1994), mais aussi et peut-être surtout les régions spécialisées dans les industries de consommation, dans la partie ouest du pays. Au contraire Moscou, et dans une moindre mesure Saint Petersbourg, ont connu dans cette période un développement extravagant lié à la bulle financière spéculative. Rappelons que, en 1997, près de 80% des comptes bancaires (en valeur) étaient concentrés sur Moscou. Les formes prises par l'ouverture de l'économie russe avaient brutalement transformé la géographie économique du pays, alors que le gouvernement fédéral voyait ses moyens budgétaires et fiscaux se réduire, l'empêchant de prendre les mesures d'accompagnement nécessaires. Le risque de désintégration politique et économique était réel (Sapir, 1996). La crise financière a abouti à une nouvelle distribution des cartes. Il faut d'abord saluer ici l'habileté et l'intelligence de la gestion de cette crise entre septembre et novembre 1998 par le gouvernement de E. Primakov. La crise, dans sa phase aiguë, aurait pu accélérer les tendances à la désintégration du pays. Travaillant de concert avec la Banque Centrale, le gouvernement russe a su maîtriser les éléments les plus dangereux de cette crise, contenir les tendances centrifuges, et amorcer un mouvement de recentralisation nécessaire pour assurer la coordination des diverses initiatives régionales. La crise financière a aussi profondément modifié la géographie économique du pays. Le réveil de l'industrie, via le processus de substitution aux importations, s'est traduit par le réveil de certaines régions que l'on croyait à jamais économiquement dévastées. C'est en particulier le cas des "Terres Noires" et des régions entourant Moscou. Les éléments d'un rééquilibrage tant entre les régions que dans les relations entre le Centre fédéral et les régions sont aujourd'hui incontestablement présents en Russie. Mais, ces éléments ne seront réellement pertinents que s'ils s'intègrent dans une politique d'ensemble. Cette dernière, qui doit impérativement combiner des dimensions monétaires, budgétaires et de 11 politique des prix, implique la mise en oeuvre d'une vision d'ensemble, et d'institutions de coordination. Or, c'est justement ici que le bat blesse. Les autorités politiques et monétaires russes semblent, jusqu'à maintenant, incapables de dégager cette vision d'ensemble. Ceci tient largement au fait que la politique économique reste tributaire d'une gestion de la question du taux de change qui fait encore la part trop belle aux possibilités de spéculation, mais aussi au fait que, comme on l'a indiqué antérieurement, les institutions financières permettant de se dégager de la pression du court terme n'ont pas été mises en place. Dans ce contexte, la BCR n'a pas eu d'autre politique que la réduction de l'inflation, et elle a mené celle-ci avec des instruments qui se sont montrés très destructeurs tant pour la stabilité du système financier russe que pour celle de l'économie. Or, dans la mesure où la gestion du change n'est pas régulée, sous la forme par exemple d'un contrôle des changes analogue à celui mis en place en France dans les années 50 à 70, la baisse rapide de l'inflation, avec ses implications destructrices, est la seule manière d'éviter une réévaluation rapide du taux de change réel. Telle est la raison de l'objectif visé par la BCR pour 2000, soit une inflation ramenée à 15%. Un tel objectif est irréaliste en ce sens qu'il ne peut être atteint qu'au prix de nouvelles contractions de la liquidité de l'économie russe. Le taux "naturel" d'inflation dans les conditions de restructuration de l'économie russe devrait aujourd'hui se situer entre 35% et 45%. Il faut ici rappeler qu'une politique fortement restrictive de la part de la Banque Centrale engendre des effets particulièrement pervers sur le système bancaire. Ce dernier est incité à prendre des positions de plus en plus spéculatives, et donc dangereuses à terme, quand il est brutalement sevré de liquidité. De même, une politique monétaire fortement restrictive, dans un pays où les institutions nécessaires au respect des contrats sont faibles, tend à engendrer la démonétisation que la Russie a connue de 1993 à 1998. A la veille de la crise financière le coefficient de liquidité de l'économie russe (M2/PIB) avait atteint la valeur extraordinairement basse de 13%. On mesure, dans ces conditions, que les autorités monétaires perdent les moyens et la vision de ce que devrait être une politique macroéconomique de moyen et long terme adaptée à la situation de la Russie. On aboutit alors à l'incohérence du maintien de mesures très libérales dans l'activité des banques sur le marché des changes et de mesures administratives quant au rapatriement des devises des exportateurs. La réintermédiation du système bancaire et financier russe est une priorité évidente. Elle semble malheureusement incompatible avec les options actuelles du FMI. Plus généralement, ainsi que l'a montré un des intervenants français, l'ouverture financière de l'économie russe active le paradoxe de la crédibilité face aux marchés financiers internationaux. les opérateurs sur ceux-ci auront toujours tendance à exiger des autorités économiques et monétaires russes des conditions contradictoires à la situation de son économie. La construction d'une crédibilité financière passe alors par l'adoption de mesure qui, parce qu'elle affaiblisse la situation réelle du pays, détruise en réalité les fondements réels de la crédibilité. Pris dans ce piège, les gouvernements n'ont en général pas d'autre choix qu'une surenchère de mesures de plus en plus contraignantes pour l'économie et favorisant de plus en plus la spéculation, et ce jusqu'à la crise financière inéluctable qui vient solder une telle politique. Seule la déconnexion partielle et provisoire de l'économie russe des marchés financiers internationaux, par le biais d'un contrôle des changes et des capitaux, est susceptible de redonner au gouvernement russe les marges de manoeuvre nécessaires pour la mise en place d'une politique visant à une croissance rapide et de longue durée. 12 4/ Les difficultés actuelles ne devraient pas trouver de solution avant l'élection présidentielle du 26 mars 2000. La consolidation du pouvoir de Vladimir Poutine pourrait être l'occasion de l'émergence de nouvelles orientations en matière de politique économique. Il ne faut pas s'attendre à des changements spectaculaires d'ici le 26 mars 2000. L'objectif actuel de Vladimir Poutine semble être de rogner le pouvoir des oligarques et de constituer une large alliance autour de lui. Cependant, ceci ne signifie pas qu'il n'y ait pas une réelle réflexion parmi les conseillers les plus proches de Poutine quant à ce que devrait être une nouvelle orientation de la politique économique. Des signaux répétés ont été émis par l'entourage immédiat du Président par intérim indiquant sa volonté de mettre en oeuvre une politique conduisant à une forte croissance pour les années à venir. Les objectifs visés, entre 6% et 8% par an, impliquent nécessairement de porter remèdes aux problèmes du secteur bancaire et financier. Quant à la maîtrise de la base fiscale russe, elle implique que la lutte contre les fuites de capitaux soit poursuivie avec une vigueur renouvelée. La politique économique de la Russie, dans ces conditions, ne peut être ni ce qu'elle fut avant août 1998, ni la simple continuation de ce qu'elle a été depuis septembre 1998. Rappelons ici que la politique économique, telle qu'elle fut menée par les gouvernements qui se sont succédés en Russie avant la crise de 1998 est profondément rejetée par la population. Dans des sondages faits récemment, on obtient les réponses suivantes aux questions portant sur les grandes lignes de la politique économique: Le rôle de l'État dans l'économie Sondage ROMIR janvier 2000 Oui L'État doit s'ingérer dans l'économie L'État doit assurer à chacun le minimum vital Les secteurs stratégiques de l'économie doivent appartenir à l'État Il faut revoir le résultat des privatisations 62,8% 92,9% Oui et non 12,1% 3,4% Non 12,2% 0,0% Ne se prononce pas 12,9% 2,0% 84,3% 65,0% 4,0% 0,0% 0,0% 18,0% 9,0% 17,0% L'image des préférences de la société que renvoie ce sondage est convergente avec de nombreuses autres études menées ces dernières années. Les nouveaux gouvernants russes devront en tenir compte. L'un des messages les plus clairs envoyé par l'entourage de Poutine est son souhait de trouver des mesures pragmatiques et rapidement applicables. Il semble fortement opposé à des approches idéologiques ainsi qu'à la fétichisation des "réformes". On peut donc penser que, dans ces conditions, un débat important sur les orientations économiques de la Russie aura lieu entre avril et juillet 2000. Il devrait voir se préciser certaines orientations, mais aussi s'affirmer l'autonomie intellectuelle de Poutine et de son entourage par rapport à certains de ses soutiens actuels. La gestion du change, le système bancaire et financier, la création d'institutions permettant la reprise de l'investissement, enfin l'approfondissement de la coopération économique au sein de la CEI pourraient être les priorités dans les orientations qui s'affirmeraient à l'été 2000. Les conditions économiques et institutionnelles russes sont aujourd'hui telles que des systèmes de financement fondés sur les marchés sont très largement inadaptés. Par contre, des systèmes fondés sur le crédit et l'intermédiation bancaire, par leur robustesse 13 intrinsèque et par les instruments qu'ils ouvrent à une politique économique tournée vers la croissance, sont bien plus adéquats. les autorités monétaires russes (la BCR) et l'entourage de Poutine semblent en prendre conscience. 5/ L'émergence de ces nouvelles orientations pourrait favoriser une étroite coopération entre la France et la Russie et renforcer le tropisme pro-européen de Poutine et de son entourage. Les orientations qui semblent aujourd'hui se dessiner en Russie se rapprochent plus du modèle européen de gestion mixte de l'économie, tel qu'il fut pratiqué au sortir de la seconde guerre mondiale, que du modèle américain ou anglo-saxon. L'expérience française des années 1945-1975 occupe désormais une place importante dans la réflexion économique de groupes ayant un dialogue permanent avec l'entourage proche de Poutine. La participation de la France et d'autres pays européens à la reconstruction du système financier et bancaire russe est explicitement souhaitée. Les autorités russes sont très intéressées par l'expérience de certaines banques françaises et européennes dans le financement de certains secteurs de l'économie. Les banques coopératives, dans l'agriculture mais aussi le travail avec les PME/PMI, soulèvent un grand intérêt. Il faut y ajouter l'expérience française en matière d'organisation des systèmes de crédit et de relation entre les autorités publiques et le système bancaire. Des organisations comme la Caisse des Dépôts et Consignations, la CAECL, le Conseil National du Crédit, intéressent vivement les autorités russes. De même, l'expérience européenne de coordination des politiques monétaires et commerciales dans les années 50, à travers l'Union Européenne des Paiements intéresse aussi beaucoup les autorités russes. Ces dernières y voient un instrument plus réaliste que des "unions monétaires" pour redonner une certaine vigueur à la CEI. Cette dernière est de moins en moins vue comme une perpétuation de l'URSS que comme un cadre qui permettrait aux pays membres de construire des relations privilégiées avec l'Union Européenne sans tomber dans une logique immédiate d'adhésion. Les autorités russes semblent conscientes de l'irréalisme des formules d'adhésion, mais souhaitent sortir du statu-quo actuel et trouver des formules spécifiques d'association à l'UE. Sur ce dossier là, aussi, les attentes vis-à-vis de la France sont très fortes. Sources: Ce texte a été rédigé à partir des notes de la XVIIIème session du séminaire Franco-Russe sur les problèmes monétaires et financiers (Moscou, 24-26 janvier 2000), ainsi qu'en exploitant les bases de données du CEMI-EHESS, de l'IPEN-RAN et de la BCR. Ce texte n'engage que son auteur. Notes R. Barro, (1998), What Might Save Russia: Tying the Ruble to the Dollar”, Business Week, September 28, p. 24. V.S. Panfilov, (1999), Finansovyj krizis : trebovanija k reformirovaniju nalogovoj systemy (La crise financière : l'exigence d'une réforme du système fiscal), Problemy Prognozirovanija, n° 1, pp. 3-16. H. Pitiot et L. Scialom, (1993), “Système bancaire et dérapage monétaire”, Économie Internationale, n° 54, 2ème trimestre, pp. 137-156. P.I. Rodionov., Grjaznov L. E. & Terent'ev B. G. (1998), Spektr plateznykh sredstv pri deneznom deficite (Le spectre des moyens de paiement dans une situation de déficit monétaire), Problemy Prognozirovanija, n° 6, pp. 82-89 14 I.M. Rozanova, (1998), Al’ternativnye formy finansovykh rascetov mezdu predprijatijami (Les formes alternatives de règlements financiers entre les entreprises), Problemy Prognozirovanija, n° 6, pp. 96-103. J. Sapir, (1994), "Conversion of Russian Defense Industries: A Macroeconomic and Regional Perspective", in M.McFaul & T. Perlmutter, (edits.), Privatization, Conversion and Enterprise Reform in Russia, CISAC, Stanford University Press, Stanford, Ca. J. Sapir, (1996), "Désintégration économique, transition et politiques publiques" in R. Delorme (ed.) A l'Est du nouveau. Changement institutionnel et transformations économiques , L'Harmattan, Paris, pp. 303-335. J. Sapir (1998), Le Krach Russe, La Découverte, Paris. J. Sapir, (1998b), "Avgustovskij krizis 1998g.: ocenka situacii v Rossii i programma vyhoda iz krizisa" (la crise d'août 1998: bilan de la situation et programme de sortie de la crise), in Problemy Prognozirovanija, n°6, pp. 19-30. J. 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