NFJ1_Lundi_17_juin : Le Nouvelliste : 2 : Page 02-03

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LUNDI 17 JUIN 2013 LE NOUVELLISTE
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2 GRAND ANGLE
SANTÉ Les maladies cardiaques ne sont pas réservées qu’aux hommes. La gent féminine
Quatre femmes sur dix
CHRISTINE SAVIOZ
«Aujourd’hui, il y a comme une
urgence de vivre», souligne Sonia
Rey Carrupt. Cette Chamosarde
de 49 ans savoure chaque seconde de l’existence, depuis son
infarctus en novembre dernier.
Elle raconte avoir vécu cet événement comme une «aventure».
«C’était lancinant, puis j’ai à nouveau senti un poids sur la poitrine,
alors j’ai tenu mes promesses et j’ai
été à l’hôpital», ajoute-t-elle.
Arrivée aux urgences à 6 heures, Sonia Rey Carrupt est immédiatement prise en charge
par le personnel médical. Son
infarctus n’est cependant pas
clairement établi, même après
Je voyais que les symptômes
«étaient
ceux de l’infarctus, mais
je me disais que cela ne pouvait
pas m’arriver, à moi!»
SONIA REY CARRUPT 49 ANS, DE CHAMOSON
Tout commence un samedi
soir. Sonia Rey Carrupt est chez
elle avec son mari. «J’ai soudain
ressenti un poids sur la poitrine et
une douleur dans le bras. C’était
les symptômes d’un infarctus, je le
sais; pourtant, je me disais que
cela ne pouvait pas m’arriver à
moi. C’était juste impossible.» Elle
décide donc de ne pas y prêter
attention, malgré les inquiétudes de son mari. «Il a même appelé une amie médecin qui lui a dit
qu’avec ces symptômes, je devrais
tout de suite aller aux urgences.»
«J’ai cru à une indigestion»
Sonia Rey Carrupt persiste
pourtant. Elle veut croire à une
simple indigestion. «J’ai pris un
bain, regardé la télévision, puis j’ai
été me coucher, en promettant à
mon mari de me rendre à l’hôpital
si les symptômes réapparaissaient.
De minuit à 5 heures, j’ai bien dormi.» C’est une douleur au bras
qui la réveille. La quadragénaire
souffre au niveau des articulations, au poignet et au coude.
des analyses de sang et un électrocardiogramme. «On m’a alors
installée en chambre pour observation.» Alors qu’elle parle avec
un médecin, Sonia Rey Carrupt
fait soudain une première
fibrillation ventriculaire. «Je ne
me suis plus aperçue de rien; je
suis tombée dans les vapes.»
Une coronographie montre
que le caillot de sang est mal placé, donc impossible à extraire.
«On m’a donné des médicaments
pour le dissoudre. Le caillot était à
la pointe du cœur. Depuis lors, je
ne dis plus aux gens que je les aime
du fond du cœur; je dis juste que je
les aime profondément!», sourit
Sonia Rey Carrupt qui a refusé
dès le début de noircir le tableau. «Pour moi, tout ce qui m’est
arrivé est une aventure qui m’a fait
grandir et évoluer.»
A l’hôpital, la quadragénaire
doit faire face à une deuxième fibrillation, en présence d’un médecin. «Là, je n’ai rien senti venir,
je me suis mise sur le côté et j’ai
perdu connaissance. Cela a été
Sept mois après son infarctus, Sonia Rey Carrupt respire la joie de vivre. «Je savoure chaque minute.» LE NOUVELLISTE
plus stressant pour moi, car je me
suis rendu compte que cela peut
venir n’importe quand.»
Adepte du sport
Après plusieurs jours d’hospitalisation, Sonia Rey Carrupt peut
rentrer chez elle mais reste au repos pendant un mois. Elle suit ensuite, sur dix semaines, le programme de rééducation à la clinique de la SUVA à Sion pour les
personnesayantsubiuninfarctus.
«Nous étions une bonne équipe; on
faisait quatre heures de sport trois
fois par semaine. On pouvait partager nos expériences. J’ai adoré.»
Pour cette mère de deux enfants de 25 et 22 ans, le sport est
devenu encore plus vital, après
son infarctus. «Je me suis aperçue
que dès que je lâche l’exercice, je
sens une petite oppression sur la
poitrine. Le sport m’apporte un
bien-être physique et psychique»,
lance-t-elle en avouant «avoir
attaqué le roller».
Plus indépendante que jamais,
Sonia Rey Carrupt a également
dû rassurer ses proches à son
retour à la maison. «Ils voulaient
me protéger de tout, mais j’ai vite
mis les points sur les i. Je sais ce que
je sens en moi. Il ne faut pas s’in-
quiéter pour moi.» Cet épisode a
aussi été l’occasion pour Sonia
Rey Carrupt de parler de sa mort
avec ses proches. «Je leur ai dit ce
que je voudrais qu’ils fassent
quand je mourrai. Cela nous a permis d’aborder le sujet.»
Aujourd’hui, la Chamosarde se
dit libérée des peurs en général.
«Avant l’infarctus, j’avais peur de
tout et, entre autres, de mourir.
Désormais, je n’ai plus de craintes.»
La quadragénaire projette même
de faire de grandes marches
seule. «Plus que jamais, j’écoute
mes envies. Je veux aller au bout de
moi sans me prendre la tête.» EN CHIFFRES
40% de femmes subiront un
infarctus dans leur vie
95% de réussite des
angioplasties pratiquées à
l’hôpital de Sion
20% des patients développent
une dépression sévère après
l’infarctus
300 grammes, c’est le poids du
cœur chez l’adulte
36 millions de battements de
cœur en une année.
«Le sport diminue de 30% le risque de mortalité»
Quatre femmes
sur dix seront
touchées, tôt ou
tard dans leur vie,
par un infarctus.
La gent féminine
n’est donc pas
épargnée par ce
mal, même si,
dans l’univers collectif, l’infarctus est davantage connu
pour les hommes dès 45 ans. Interview
avec le Dr Grégoire Girod, chef du service de cardiologie du Centre hospitalier du centre du Valais.
Les femmes risquent un infarctus à
partir de 55 ans tandis que chez les
hommes, ces risques sont déjà présents à 45 ans. Pourquoi?
Les femmes sont protégées par leurs
hormones jusqu’à la ménopause. Les
hormones leur permettent de diminuer
le taux de lipides dans le sang et d’avoir
une pression plus basse, deux facteurs
de risque de l’infarctus. Cependant,
après la ménopause, la maladie pro-
gresse plus rapidement chez la femme
que chez l’homme. Ainsi, vers 60-70
ans, il y a autant d’hommes que de femmes qui font un infarctus.
Les facteurs de risque sont-ils les
mêmes pour la femme et pour
l’homme?
Oui, ce sont les mêmes. Il s’agit principalement de l’hypertension artérielle, du diabète, du tabagisme – les
femmes commencent malheureusement à fumer de plus en plus tôt – du
cholestérol, du stress, de la sédentarité
et de l’excès de poids. Par contre, l’incidence de certains facteurs est plus importante chez la femme. Par exemple,
une femme diabétique aura plus de risques de faire un infarctus qu’un
homme diabétique.
Il existe des femmes qui font un infarctus alors qu’elles ne fument pas,
font du sport et ont un poids correct.
Comment l’expliquer?
Un terrain génétique défavorable peut
expliquer ces situations rares.
Quand une femme doit-elle s’inquiéter? Quelles sont les douleurs
qui doivent alerter?
Pour un homme, les symptômes sont
clairs: il ressent une oppression et
éprouve des douleurs thoraciques, ainsi
qu’au bras. Chez la femme, les symptômes peuvent être divers. Elle peut avoir
soudain de la peine à souffler, éprouve
des douleurs dans le dos, a des symptômes digestifs (nausée, douleurs abdominales). Si la douleur subsiste, qu’elle est
inhabituelle, soudaine et importante, il
faut immédiatement appeler le 144.
Plus la personne attend, plus elle
aura des séquelles…
Après deux heures, 20% du muscle a
déjà souffert; un chiffre qui passe à 80%
après douze heures. Il ne faut donc pas
hésiter à appeler très vite à l’aide. La
prise en charge à l’hôpital du Valais, 24
h sur 24 et 7 jours sur 7, consiste à déboucher l’artère responsable de l’infarctus. Dans 95% des situations, on peut le
faire. On met alors un stent. Il faut ensuite quatre à six semaines pour que la
cicatrisation de la région qui subit l’infarctus soit complète.
Des statistiques démontrent que de
nombreux patients font une dépression ensuite...
Entre 20 et 50% des patients font une
déprime réactionnelle, chose normale
après un traumatisme. Par contre, 20%
des patients vivent un épisode dépressif
sévère. Lors de la réadaptation du patient, un psychologue peut dépister ces
patients pour leur offrir une prise en
charge adéquate en collaboration avec
le médecin traitant.
Une personne sur sept fait une récidive dans l’année. Les patients vivent-ils dans l’angoisse de la rechute?
Cela dépend des personnes. En tant
que médecin, je souhaiterais que tous
les patients prennent conscience de
leur maladie et fassent attention à leur
santé après un infarctus. Comme l’intervention est de moins en moins invasive, elle est moins traumatisante pour
le patient qui peut minimiser ce qui lui
est arrivé. Il faut savoir que le risque de
récidive baisse nettement si la personne
fait une réadaptation cardiovasculaire.
Le sport est ainsi l’un des meilleurs
moyens de ne pas récidiver...
C’est le meilleur remède; le sport diminue de 30% le risque de mortalité sur
le long terme. La plupart des patients
prennent l’habitude de refaire de l’exercice après avoir suivi le programme de
rééducation que nous proposons à Sion
(dix semaines de rééducation, en collaboration avec la SUVA).
Après un infarctus, les patients devront aussi prendre des médicaments à vie…
Ils devront en effet prendre toute leur
vie de l’aspirine, et plusieurs autres médicaments. Notamment un anti-plaquétaire, un médicament pour baisser
le taux de cholestérol, des bêtabloquants et des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion pour améliorer la cicatrisation du muscle. CSA
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