
PORTRAIT cabinet du mois
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I
Février 2014
Ne plus être employeur
En 2009, le Dr Fratocchi trouve une consœur avec la-
quelle elle s’associe directement, sans passer par la « case
collaboration », le Dr Virginie Rollot. Dans le même
temps, elle choisit de se séparer de ses assistantes, l’une
d’entre elle, sa toute première assistante ayant 26 ans
d’ancienneté. Avant d’opter définitivement pour une
organisation en solo, notre praticien du mois s’offre les
services d’une personne en reconversion professionnelle
qui suivait la formation d’assistante dentaire : « Je ne l’ai
pas gardée. J’avais 58 ans, je me trouvais peu trop âgée pour
signer un CDI. Je commençais nettement à me fatiguer et
durant la période où j’avais cette personne en contrat CDD
de professionnalisation, j’ai donc commencé à réfléchir à la
façon de m’organiser pour travailler seule. Il faut ajouter
qu’aucun contrat de travail en vigueur ne me convenait !
C’est pourquoi j’ai décidée de ne plus être employeur. » En
l’espace de 3 mois, elle ne l’était plus : « Je reconnais que
j’étais très soulagée une fois les ruptures conventionnelles
signées. Chacune de mes assistantes a poursuivi des projets
personnels, l’une est partie en retraite anticipée, l’autre a choisi
la reconversion. Quant à moi, je me suis alors sentie légère
comme une libellule ! » La salle de soin du Dr Fratocchi fait
20 m2 avec un coin fauteuil et un coin bureau. Le patient
lorsqu’il descend du fauteuil (ou avant d’y monter) n’a
pas à changer de salle. « Dans mon organisation précédente,
les deux assistantes préparaient la salle de soin et s’occupaient
de recevoir et de prendre congé des patients… Je ne faisais
toute la journée que du travail en bouche. C’était idéal pour
le chiffre d’affaires, mais c’est un exercice très exigeant qui
demande une grande concentration. Je ne voudrais plus le
faire aujourd’hui. Mon chiffre a donc beaucoup baissé, mais
c’est assumé et tout le temps de préparation de la salle, la
conversation avec les patients ou l’administratif représentent
pour moi du repos entre deux soins. »
Une nouvelle aventure commence
Tous les jours, pendant 8 mois, le Dr Fratocchi réfléchit
de près à son organisation. Elle met tout au point, noir
sur blanc. Tout d’abord elle met en place un télé-secréta-
riat pour l’ensemble du cabinet (à savoir à l’époque deux
praticiens, aujourd’hui trois) ; l’achat d’un système de
stérilisation efficace, le Clean One, qui diminue considé-
rablement le temps et les contraintes de la stérilisation,
associé à l’utilisation « massive » de matériel jetable. « Mon
associée, le Dr Rollot, a choisi de s’orienter vers l’orthopédie et
l’orthodontie ainsi que vers la pédodontie, que je ne pratique
pas. Très rapidement, au lieu de prendre mes patients, elle
a donc généré une nouvelle clientèle. Nous avons décidé de
rechercher un autre praticien pour l’omnipratique ; c’est
comme ça que le Dr Anda Oniga, notre nouvelle collabora-
trice roumaine est arrivée au cabinet en octobre 2012. » Une
nouvelle aventure commence : « Nous avons eu la chance
de rencontrer une consœur motivée, avec du caractère et de
la détermination, résume Madeleine Fratocchi. Elle est
décidée à s’installer à son tour, et à intégrer la SCM. » Cette
collaboratrice qui lui rachètera dans quelques mois ses
parts a été accompagnée par les deux associées pour établir
un calendrier de formation. Se former est une attitude
indispensable pour notre praticien du mois, qui n’a cessé
de suivre des formations, toute sa carrière : « Lorsque je
suis sortie de la fac, nos professeurs ne nous parlaient pas
de formation continue. Je ressentais néanmoins le besoin et
l’envie de me former davantage. N’ayant pas de conseils, ni
de guide, à tout hasard, j’ai dès la première année préparée
un CES (assez décevant) de technologie des matériaux, puis
de prothèse fixe. » Une expérience pour le moins mitigée :
« Nous sommes entre 1978 et 1980. Ces CES m’ont beaucoup
déçue, tranche-t-elle. Professeurs absents sans nous avertir
(alors qu’il me fallait 3 heures aller et 3 heures retour en train
pour chaque journée de formation), les cours étaient unique-
ment théoriques, l’investissement des formateurs proche du
néant. J’ai fini par abandonner les cours, me concentrant
sur les bouquins, et je me suis présentée aux examens et j’ai
été reçue ! J’en ai conclu que les titres ne signifiaient rien, en
effet, j’avais des diplômes, mais aucune compétence. J’étais
sur une mauvaise voie. »
Internet pour être connectée
aux autres praticiens
Même si quelques formations avaient lieu sur Limoges,
aucune n’avait grâce aux yeux de Madeleine qui commen-
çait alors à se sentir isolée dans son cabinet. « Je considère
que j’ai perdu 15 ans au début de ma carrière… mais le
salut est arrivé par Internet. Cela a représenté une grande
découverte pour moi, vers l’année 1995 environ. Je n’étais
plus seule. Je me suis inscrite sur plusieurs forums de prati-
ciens, et chaque jour j’étais en contact avec des confrères :
c’était fantastique ! Grâce à cela j’ai fait beaucoup de progrès
concernant les soins, la prothèse, la chirurgie, etc. Bref, tous
les domaines de l’omnipratique. Nous nous motivions les
uns les autres, et c’était vraiment enthousiasmant ! ». Pas de
diplômes ou d’attestations de présence, mais du concret
pour cette praticienne pragmatique et déterminée, qui
poussera à nouveau la porte des formations « officielles »
lorsque les Drs Mark Bonner, Jacques Charon, Patrick
Darmon ou encore l’ADF ou la SOP proposeront des
programmes à la hauteur de ses attentes. Après une for-
mation de gestion du temps et de l’argent avec Pierre
Brassard, elle révolutionne son cabinet : en deux ans, son
chiffre d’affaires augmente de 80 %, uniquement en se
concentrant sur l’organisation (notamment en travaillant
sur deux fauteuils avec deux assistantes).
Une organisation millimétrée
Aujourd’hui notre praticien solo reçoit entre 8 et 13 pa-
tients par jour en moyenne, sur environ 6,5 heures fauteuil
auxquelles il faut ajouter 1h15 pour préparer et finir la
journée en laissant un cabinet rangé pour la collabora-
trice. Il arrive aussi à Madeleine de revenir quand elle ne
travaille pas pour tranquillement faire sa stérilisation et
régler l’administratif, passer des commandes. Notre pra-
ticien du mois travaille avec cinq prothésistes différents,
en fonction du travail à réaliser, avec une même exigence :
qu’ils soient professionnels, ponctuels et proches (tous
sont de la région). « Nous avons l’habitude de travailler
ensemble depuis des années, je leur téléphone et ils passent le
soir récupérer les empreintes. Je me charge de vérifier tous les
matins que j’ai toutes les prothèses nécessaires pour la journée.
J’ai des codes couleurs qui me facilitent la vie : si dans la
feuille de journée que j’imprime le nom du patient est vert,
Le Dr Fratocchi
reçoit trois jours
par semaine
(les lundi, mardi
et jeudi)
une dizaine
de patients.
La salle de soins du Dr Fratocchi est suffisamment grande (20 m
2
) pour accueillir un espace soins,
un espace communication avec terminal de paiement par carte et lecteur de carte vitale.
Concernée par
l’asepsie et la
traçabilité, Madeleine
Fratocchi a suivi
une formation
très exigeante
en qualité…
“Travailler sur deux fauteuils,
avec deux assistantes : exercice
idéal pour le chiffre d’affaires,
mais très exigeant…”
Une route vers la qualité
parsemée d’embûches
En 2003, avec un groupe de praticiens, elle entreprend une
formation en qualité de service, un référentiel mis en place par
Laurent Allouche, avec des engagements concernant l’organisation,
l’hygiène, le respect de la règlementation, etc. «Nous étions une
vingtaine de praticiens à nous lancer dans l’aventure. C’était très
motivant et cela faisait vraiment progresser le cabinet dentaire.
J’ai fait une certification AFAQ, sur un cycle de trois ans que je n’ai
pas renouvelé sentant les instances nettement hostiles à toutes les
démarches de cet ordre. Peut-être par crainte que cela ne devienne
obligatoire pour toute la profession? Nous n’avions même pas
le droit de faire état de notre certification ! Le référentiel a été
abandonné et à ma connaissance plus personne n’en fait cas. Cela
a été une déception, car nous nous étions beaucoup investis dans
cette démarche… » Sur sa lancée, le Dr Fratocchi commence une
formation de 18 mois à l’ISMQ (Institut Management par la Qualité)
à Bordeaux: un mastère spécialisé en management par la qualité en
santé, et soutien une thèse en 2007 « Pourquoi et comment mettre
en place une démarche qualité au sein d’un cabinet dentaire?».
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