Les conditions d’un islam français
Le constat s’impose qu’en France il existe non pas un seul islam mais plusieurs avec des
obédiences, une histoire et des formes d’organisation très différentes. Ainsi en est-il tout
d’abord de ce que l’étude de l’Institut Montaigne désigne comme «islam consulaire », à savoir
celui inspiré et géré par les différents consulats des pays musulmans. L’étude distingue deux
modèles de cet islam: celui relevant des Etats émetteurs de population immigrée, notamment
l’Algérie, le Maroc et la Turquie et celui mis en œuvre par des Etats non émetteurs de
population, notamment l’Arabie Saoudite et le Qatar qui veulent propager une idéologie de type
wahhabite. Si cet islam consulaire participe à l’organisation du culte, son influence normative et
prescriptive s’est érodée. Une autre sphère est représentée par l’Union des organisations
islamiques en France (UOIF) qui est à l’origine proche des Frères musulmans et dont le
discours islamiste a évolué avec le temps. Ceci surtout du fait que cette organisation s’est
institutionnalisée avec la création en 2003 du Conseil français du culte musulman (CFCM), ce
qui en a fait un interlocuteur principal des autorités. Mais, depuis 2011, elle s’est retirée du
CFCM, paralysant ce dernier, et sa représentativité est en déclin, seuls 12% des personnes
touchées par l’enquête se déclarant proches de cette organisation alors que plus des 2/3 en
ignorent l’existence. Depuis 1989, l’Etat s’est impliqué dans l’organisation d’un islam français
mais les politiques successives en ce sens, si elles ont mis en place un processus, n’ont pas
permis d’aboutir à un islam représentatif et structuré de façon adéquate. C’est dans ce contexte
que les courants fondamentalistes ont pu, compte tenu des failles existantes, propager leur
idéologie et ont pris sur ce plan une avance considérable. D’où l’urgence d’un combat à mener
de façon concertée sur les plans idéologique et culturel pour y faire face et enrayer les dérives
dangereuses auxquelles on assiste.
Un double défi
L’étude de l’Institut Montaigne présentée par Hakim El Karoui préconise une orientation
cohérente et un ensemble de mesures décisives pour que l’islam en France devienne un
véritable islam français, ce qu’il n’est pas encore. Il s’agit d’un double défi: sortir de la tutelle
des Etats étrangers et mettre en place une organisation centralisée centrée sur le seul intérêt
général des musulmans français. Pour cela, cet islam doit être financé seulement avec des
ressources françaises, produire et diffuser une connaissance religieuse et une orientation
théologique en harmonie avec les valeurs de la société française et être porté par des hommes
et des femmes issus de la majorité silencieuse des musulmans français. Ce qui implique de
faire émerger des cadres nouveaux, religieux et laïcs, nés en France et de les associer à
l’action de nouvelles institutions, comme la Fondation pour l’islam de France et l’Association
musulmane pour un islam de France. Des propositions précises sont présentées selon cette
optique dans le rapport de l’Institut Montaigne.
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