‘ ‘ éditorial Sacrés virus ! Editorial T. Calandra D. P. Lew Articles publiés sous la direction des professeurs Thierry Calandra Service des maladies infectieuses CHUV, Lausanne Daniel P. Lew Service des maladies infectieuses HUG, Genève T el le colonel Zangra de la chanson de Jacques Brel – commandant du fort de Belonzio qui domine la plaine d’où l’ennemi viendra – nous attendions ce jour depuis longtemps et nous ne sommes pas héros pour autant ! Fort de l’histoire récente du virus influenza aviaire H5N1, nous aurions pu penser que le redoutable ennemi viendrait de l’Est. Toutefois, comme ce fut le cas pour le virus d’immunodéficience humaine (VIH), le virus West Nile, le virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ou de celui de la maladie de Chikungunya, il nous faut une fois en­ core constater, en toute humilité, que la prédiction de l’apparition de nouvelles maladies infectieuses émergentes reste un exercice hasardeux, tenant plus de la cartomancie ou de la lecture de la boule de cristal que «… la prédiction de l’appadémarche scientifique ration­ rition de nouvelles maladies d’une nelle. Même si une étude récente sur infectieuses émergentes reste la survenue des maladies infectieu­ ses émergentes a révélé l’existence un exercice hasardeux …» de multiples «hot spots» en Asie du Sud-Est, en Afrique tropicale et en Amérique latine,1 rendons-nous à l’évi­ dence, nous n’avons actuellement pas les moyens de prédire le type ou le lieu de survenue des prochaines maladies infectieuses émergentes. Corollaire de cette constatation, il est donc crucial de pouvoir disposer, à l’échelle mondiale, de réseaux de surveillance épidémiologiques perfor­ mants nous permettant de donner rapidement l’alerte comme ce fut le cas en 2009 au Mexique pour le virus de la pandémie influenza A(H1N1). Un article de ce numéro nous offre une série de réflexions et tire sereinement quelques leçons sur cette pandémie touchant à la biologie des virus, aux mesures préventives de santé publique et aux incertitudes qui existaient au moment où des décisions importantes devaient être prises dans le do­ maine de la prévention (prophylaxie et vaccin). Certes les enseignements tirés des menaces du SRAS et du virus influenza aviaire H5N1 ont été uti­ les, mais nous avons aussi eu la chance d’avoir affaire à un virus peu pa­ thogénique. Il nous reste de nombreux défis technologiques et prati­ques à résoudre, afin de pouvoir par exemple disposer à l’avenir plus rapi­de­ment de vaccins. Emblématique d’une maladie infectieuse émergente planétaire, la pan­ démie liée au virus d’immunodéficience humaine (VIH) a régulièrement défrayé la chronique des journaux médicaux ou de la presse mondiale de­ puis plus de 25 ans. Grâce aux remarquables travaux effectués par l’étude suisse de cohorte VIH, notre pays a toujours été à l’avant-garde de la re­ cherche sur l’épidémiologie, le diagnostic, la prévention et le traitement de l’infection VIH et du sida. Il y a deux ans, la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida lançait un pavé dans la marre en annonçant que les personnes séropositives, sans maladie sexuellement transmissible et dont les charges virales VIH sanguines sont indétectables depuis plus de six mois grâce à un traitement antirétroviral efficace, ne transmettent pas le VIH par voie sexuelle. Fruit d’une analyse des données épidémiologi­ ques robustes, cette prise de position courageuse a eu le mérite de dé­ Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 avril 2010 03_04.indd 1 699 01.04.10 09:16 ‘ ‘ clencher une controverse au sujet d’une maladie infectieuse au potentiel émotionnel élevé. Même si le débat n’est pas encore clos, un article re­ vient après deux années de recul sur le fondement et l’impact de cette «déclaration suisse». Loin d’une simple provocation prématurée et irré­ fléchie, cette annonce a eu le mérite de contribuer à faire avancer le dé­ bat et la réflexion sur la stigmatisation et la discrimination des personnes infectées par le virus VIH, la prophylaxie postexpositionnelle, le désir de procréer ainsi que sur la dépénalisation de la transmission du virus VIH. Avec l’allongement de l’espérance de vie, ce sont plus de 16 000 prothè­ses de hanches «… "La déclaration suisse" et 10 000 prothèses de genous qui sont im­ était loin d’être une simple plantées chaque année en Suisse pour aug­ provocation prématurée et menter la mobilité et diminuer les douleurs liées à l’arthrose de nos aînés. Survenant irréfléchie …» dans 1% à 2% des cas, l’infection est une des complications redoutées par les chirurgiens orthopédistes et les trauma­ tologues après la mise en place de prothèses ou de matériel d’ostéosyn­ thèse. Résultant d’une inoculation directe dans le champ opératoire ou d’une colonisation secondaire de la prothèse lors d’une bactériémie ou à partir d’un foyer infectieux adjacent, ces infections vont nécessiter un trai­ tement antibiotique de longue durée et souvent un changement de pro­ thèse. Deux articles de ce numéro passent en revue les nouvelles mé­ thodes disponibles pour le diagnostic des infections d’implants orthopé­ diques et discutent de l’indication à prescrire une prophylaxie antibio­ tique avant une intervention dentaire par analogie à ce qui est pratiqué chez un porteur de valve cardiaque prothétique. La sensibilité des mé­ thodes diagnostiques microbiologiques conventionnelles d’infection est sous-optimale parce que les bactéries sont enchâssées dans une matrice extracellulaire (biofilm) qui les rend très adhérentes à la surface de l’im­ plant. Toutefois, la sonication des implants et le recours au diagnostic mo­ léculaire (PCR) ou à la spectrométrie de masse permettent d’augmenter la sensibilité et la rapidité du diagnostic. La revue de la littérature sur la prophylaxie antibiotique suggère que cette dernière ne se justifie pas en dehors de circonstances particulières comme un déficit immunitaire ou un traitement immunosuppresseur. L’abandon de la notion par trop restrictive d’infection nosocomiale, dé­ finie comme la survenue d’une infection se produisant 48 heures après admission en milieu hospitalier, au profit du concept d’infections asso­ ciées aux soins de santé, nous rappelle que ces infections peuvent aussi survenir en pratique ambulatoire même si le risque est plus faible qu’en milieu hospitalier. L’article de revue qui traite de ce sujet nous indique quelles sont les précautions à respecter au cabinet médical, y compris lors de circonstances particulières. Il est aussi fait mention de la vaccination du personnel, sans oublier le personnel d’entretien trop souvent négligé. Le dernier article de notre série annuelle, présenté sous la forme de vi­ Bibliographie gnettes cliniques, met en exergue quelques points importants touchant à 1 Jones KE, Patel NG, Levy MA, et al. Global l’épidémiologie, la clinique et le traitement d’infections causées par des trends in emerging infectious diseases. Nature spirochètes : la leptospirose, la borréliose et la grande imitatrice que reste 2008;451:990-3. la syphilis. 700 03_04.indd 2 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 avril 2010 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 7 avril 2010 0 01.04.10 09:16