Tel le colonel Zangra de la chanson de Jacques Brel commandant
du fort de Belonzio qui domine la plaine d’où l’ennemi viendra –
nous attendions ce jour depuis longtemps et nous ne sommes
pas héros pour autant ! Fort de l’histoire récente du virus influenza aviaire
H5N1, nous aurions pu penser que le redoutable ennemi viendrait de l’Est.
Toutefois, comme ce fut le cas pour le virus d’immunodéficience humaine
(VIH), le virus West Nile, le virus du syndrome respiratoire aigu vère
(SRAS) ou de celui de la maladie de Chikungunya, il nous faut une fois en-
core constater, en toute humilité, que la prédiction de l’apparition de
nouvelles maladies infectieuses émergentes reste un exercice hasardeux,
tenant plus de la cartomancie ou de
la lecture de la boule de cristal que
d’une démarche scientifique ration-
nelle. Même si une étude récente sur
la survenue des maladies infectieu-
ses émergentes a révélé l’existence
de multiples «hot spots» en Asie du
Sud-Est, en Afrique tropicale et en Amérique latine,1 rendons-nous à l’évi-
dence, nous n’avons actuellement pas les moyens de prédire le type ou
le lieu de survenue des prochaines maladies infectieuses émergentes.
Corollaire de cette constatation, il est donc crucial de pouvoir disposer, à
l’échelle mondiale, de réseaux de surveillance épidémiologiques perfor-
mants nous permettant de donner rapidement l’alerte comme ce fut le cas
en 2009 au Mexique pour le virus de la pandémie influenza A(H1N1). Un
article de ce numéro nous offre une série de réflexions et tire sereinement
quelques leçons sur cette pandémie touchant à la biologie des virus, aux
mesures préventives de santé publique et aux incertitudes qui existaient
au moment descisions importantes devaient être prises dans le do-
maine de la prévention (prophylaxie et vaccin). Certes les enseignements
tirés des menaces du SRAS et du virus influenza aviaire H5N1 ont été uti-
les, mais nous avons aussi eu la chance d’avoir affaire à un virus peu pa-
thogénique. Il nous reste de nombreux défis technologiques et prati ques à
soudre, afin de pouvoir par exemple disposer à l’avenir plus rapi de ment
de vaccins.
Emblématique d’une maladie infectieuse émergente planétaire, la pan-
démie liée au virus d’immunodéficience humaine (VIH) a régulièrement
défrayé la chronique des journaux médicaux ou de la presse mondiale de-
puis plus de 25 ans. Grâce aux remarquables travaux effectués par l’étude
suisse de cohorte VIH, notre pays a toujours été à l’avant-garde de la re-
cherche sur l’épidémiologie, le diagnostic, la prévention et le traitement
de l’infection VIH et du sida. Il y a deux ans, la Commission fédérale pour
les problèmes liés au sida lançait un padans la marre en annonçant que
les personnes séropositives, sans maladie sexuellement transmissible et
dont les charges virales VIH sanguines sont indétectables depuis plus de
six mois grâce à un traitement antirétroviral efficace, ne transmettent pas
le VIH par voie sexuelle. Fruit d’une analyse des données épidémiologi-
ques robustes, cette prise de position courageuse a eu le mérite de dé-
Sacrés virus !
«… la prédiction de l’appa-
rition de nouvelles maladies
infectieuses émergentes reste
un exercice hasardeux …»
éditorial
Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
7 avril 2010 699
Editorial
T. Calandra
D. P. Lew
Thierry Calandra
Service des maladies infectieuses
CHUV, Lausanne
Daniel P. Lew
Service des maladies infectieuses
HUG, Genève
Articles publiés
sous la direction des professeurs
03_04.indd 1 01.04.10 09:16
clencher une controverse au sujet d’une maladie infectieuse au potentiel
émotionnel élevé. Même si le débat n’est pas encore clos, un article re-
vient après deux années de recul sur le fondement et l’impact de cette
«déclaration suisse». Loin d’une simple provocation prématurée et irré-
fléchie, cette annonce a eu le mérite de contribuer à faire avancer le dé-
bat et la réflexion sur la stigmatisation et la discrimination des personnes
infectées par le virus VIH, la prophylaxie postexpositionnelle, le désir de
procréer ainsi que sur la dépénalisation de la transmission du virus VIH.
Avec l’allongement de l’espérance de vie,
ce sont plus de 16 000 prothè ses de hanches
et 10 000 prothèses de genous qui sont im-
plantées chaque année en Suisse pour aug-
menter la mobilité et diminuer les douleurs
liées à l’arthrose de nos aînés. Survenant
dans 1% à 2% des cas, l’infection est une des
complications redoutées par les chirurgiens orthopédistes et les trauma-
tologues après la mise en place de prothèses ou de matériel d’ostéosyn-
thèse. Résultant d’une inoculation directe dans le champ opératoire ou
d’une colonisation secondaire de la prothèse lors d’une bactériémie ou à
partir d’un foyer infectieux adjacent, ces infections vont nécessiter un trai-
tement antibiotique de longue durée et souvent un changement de pro-
thèse. Deux articles de ce numéro passent en revue les nouvelles mé-
thodes disponibles pour le diagnostic des infections d’implants orthopé-
diques et discutent de l’indication à prescrire une prophylaxie antibio-
tique avant une intervention dentaire par analogie à ce qui est pratiq
chez un porteur de valve cardiaque prothétique. La sensibilité des mé-
thodes diagnostiques microbiologiques conventionnelles d’infection est
sous-optimale parce que les bactéries sont enchâssées dans une matrice
extracellulaire (biofilm) qui les rend très adhérentes à la surface de l’im-
plant. Toutefois, la sonication des implants et le recours au diagnostic mo-
léculaire (PCR) ou à la spectrométrie de masse permettent d’augmenter
la sensibilité et la rapididu diagnostic. La revue de la littérature sur la
prophylaxie antibiotique suggère que cette dernière ne se justifie pas en
dehors de circonstances particulières comme un déficit immunitaire ou un
traitement immunosuppresseur.
L’abandon de la notion par trop restrictive d’infection nosocomiale, dé-
finie comme la survenue d’une infection se produisant 48 heures après
admission en milieu hospitalier, au profit du concept d’infections asso-
ciées aux soins de santé, nous rappelle que ces infections peuvent aussi
survenir en pratique ambulatoire même si le risque est plus faible qu’en
milieu hospitalier. L’article de revue qui traite de ce sujet nous indique
quelles sont les précautions à respecter au cabinet médical, y compris lors
de circonstances particulières. Il est aussi fait mention de la vaccination
du personnel, sans oublier le personnel d’entretien trop souvent négligé.
Le dernier article de notre série annuelle, présenté sous la forme de vi-
gnettes cliniques, met en exergue quelques points importants touchant à
l’épidémiologie, la clinique et le traitement d’infections causées par des
spirochètes : la leptospirose, la borréliose et la grande imitatrice que reste
la syphilis.
700 Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
7 avril 2010
«… "La déclaration suisse"
était loin d’être une simple
provocation prématurée et
irréfléchie …»
Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
7 avril 2010 0
Bibliographie
1 Jones KE, Patel NG, Levy MA, et al. Global
trends in emerging infectious diseases. Nature
2008;451:990-3.
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