De la
vulgarisation
à la communication
Un certain nombre de
conséquences
résultent de ce changement des rapports entre science,
communication et société.
1) Que faut-il entendre par communication par rapport à la vulgarisation ? Par communi-
cation, il faut moins entendre
l'idée
simple de transmission, que la gestion de logiques contra-
dictoires. Dans un univers ouvert où chacun
a
légitimité
à
s'exprimer, la communication consiste
moins à « faire passer les messages » qu'à assurer un minimum de cohésion entre des visions du
monde nécessairement hétérogènes.
Autrement dit, le
passage
de la vulgarisation à la communication signifie
la
prise en compte
d'un modèle
de
plus en plus complexe de relations entre les
sciences
et
la
société.
Hier avec la vulgarisation il
s'agissait,
pour l'essentiel, de la transmission des valeurs et de
connaissances, du domaine scientifique vers le public. Aujourd'hui avec la communication, il
s'agit
de rendre compte du passage de deux à quatre logiques
:
le milieu scientifique, la société
avec ses intérêts économiques et politiques, le monde de la médiation et les publics aux niveaux
culturels et d'exigence croissants. La communication des activités scientifiques est aujourd'hui
inséparable d'un contexte substantiellement différent de celui du siècle dernier
:
haut dévelop-
pement scientifique, omniprésence de la communication, importance des conflits politiques liés
à la science, doute sur
l'idée
de progrès...
Communiquer aujourd'hui sur la science consiste donc moins à transmettre des connais-
sances, avec plus ou moins de médiation, comme dans le cas du modèle de la vulgarisation, qu'à
organiser la cohabitation
entre des logiques plus ou moins concurrentes et conflictuelles.
C'est
en
cela que la communication est un bon lieu de lecture des tensions qui existent dans les rapports
entre la science, la culture, la politique, et la démocratie moderne.
2) La médiatisation n'est pas non plus l'équivalent de la vulgarisation en dépit de la place
des médias dans la société et de
l'idée
simple, et fausse, selon laquelle plus les médias parleraient
de science, plus il y aurait de vulgarisation ! En revanche, si la médiatisation n'est pas la solu-
tion « moderne » à la médiation, où à la vulgarisation, il est néanmoins impossible de se passer
d'une
réflexion sur le statut et le rôle de la médiatisation dans les rapports entre science et
société.
Certes la médiatisation assure une certaine visibilité,
mais
la visibilité n'est pas synonyme de
ce qui est le plus important dans la logique de la vulgarisation. Aujourd'hui, le plus important du
point de vue
d'une
logique de la connaissance concernerait moins la médiatisation que la mise en
valeur des
controverses
scientifiques.
En effet, si l'on veut être au cœur de la démarche scientifi-
que,
les controverses en sont une des voies d'accès privilégiées, et non la médiatisation qui insiste
trop sur l'événement et le spectaculaire. Mais curieusement les publics et plus largement
la société veulent peu connaître les controverses. Celles-ci semblent affaiblir la crédibilité
et la force de la science, alors que la médiatisation pour l'essentiel insiste sur les résultats
positifs.
L'idée implicite qui sous-tend encore
l'idée
de vulgarisation est celle
d'une
science peu
marquée par les conflits de valeurs entre les intérêts scientifiques et ceux de la société...
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