CONTEXTE
Au cours de ces dernières décennies, les
programmes d’accès gratuits et élargis
aux polychimiothérapies1ont permis un
recul majeur de la lèpre dans toutes les
régions du monde. Ainsi, depuis 1985,
la prévalence globale de la maladie a di-
minué de plus de 90 %2. Depuis 2000,
l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) recommande la mise en place
d’un système de surveillance de la lèpre
dans les pays endémiques afin de dis-
poser d’indicateurs de dépistage, de
prise en charge et de suivi des patients.
A partir de ces indicateurs, elle établit
chaque année un rapport officiel sur la
situation de la lèpre dans le monde3.
A la Réunion, malgré la proximité géo-
graphique de plusieurs pays endé-
miques, la situation globale de la lèpre
était jusqu’à présent mal connue, faute
de recensement des cas de manière cen-
tralisée. Pourtant, les professionnels de
santé de l’île rapportaient ponctuelle-
ment l’apparition de nouveaux cas, lais-
sant supposer que la maladie était
encore présente sur l’île.
Dans ce contexte, la Cellule de l’InVS
en région Océan Indien (Cire OI) a mis
en place un système de surveillance
spécifique de la lèpre sur l’île en colla-
boration avec les professionnels de
santé susceptibles de diagnostiquer et
traiter cette maladie. Les objectifs de ce
système sont d’estimer l’incidence de la
lèpre et de suivre son évolution, et de
caractériser les sujets atteints afin
d’orienter les actions de prévention.
MÉTHODES
Le système de surveillance repose sur la
déclaration par les professionnels de santé
participants (les centres de lutte antitu-
berculeuse (CLAT), les dermatologues et
infectiologues libéraux ou hospitaliers) de
tout nouveau cas de lèpre répondant à la
définition de l’OMS (Figure 1).
Le signalement est réalisé à l’aide d’une
fiche de recueil d’informations standar-
disée comportant des données sociodé-
mographiques (âge, pays de naissance,
etc.), et des données cliniques et micro-
biologiques (méthodes de diagnostic,
résultat des analyses biologiques, degré
d’incapacité, date de mise sous traite-
ment, évolution). Parallèlement, les la-
boratoires d’anatomo-pathologie ont été
sollicités afin de détecter des cas non
déclarés et d’améliorer l’exhaustivité
des données.
La surveillance était rétrospective pour
la période 2005-2010, puis prospective
à partir du 1er janvier 2011.
RÉSULTATS
Entre 2005 et 2011, au total, 20 per-
sonnes répondant à la définition de cas
ont été déclarées, soit en moyenne 3
nouveaux cas par an (Tableau 1). Sur
cette période, l’incidence moyenne an-
nuelle était de 3,5 cas pour 106habi-
tants. Le sexe ratio H/F était de 3, et
l’âge médian de 54 ans (étendue : 8 ans-
77 ans). Plus de la moitié des cas étaient
nés à la Réunion, cinq aux Comores,
quatre à Mayotte et un à Madagascar.
Parmi les natifs de la Réunion, sept
n’avait jamais quitté l’île, et trois ont
rapporté des voyages mais ont toujours
habité sur l’île. Par ailleurs, six cas ré-
sidaient dans la même zone géogra-
phique située au sud-ouest de l’île. Une
recherche active d’autres cas a été réa-
lisée par contact téléphonique auprès
des médecins de la zone; cependant
aucun cas suspect n’a pu être détecté.
Sur l’ensemble des patients, 19 ont été
prélevés par biopsie cutanée ou frottis.
Lèpre / Épidémiologie
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Bull. de l’ALLF n° 27, juin 2012
■LA LÈPRE : UNE PATHOLOGIE ENCORE PRÉSENTE À LA RÉUNION
P. Vilain*, S. Larrieu*, A. Gerber**, G. Camuset***, N. Pouderoux****, G. Borgherini****,
R. Dekkak*****, S. Fite******, L. Filleul*
Figure 1. Organisation du système de surveillance de la lèpre à la Réunion
Tableau 1. Nombre de nouveaux cas déclarés et incidence annuelle
de la lèpre à la Réunion, 2005-2011