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L ALSACE
I) L identité de l’Alsace est constituée de trois composantes fondamentales
a) une identité géographique
Coincée entre les Vosges et le Rhin, frontière avec le Palatinat dans le nord et et la Suisse au
sud, l’Alsace est une terre de passage et de brassage au cœur de L’Europe. LAlsace est d’abord
un paysage qui sore au regard émerveillé du visiteur. LAlsace est aussi rhénane, irriguée par
ce grand euve qui prend naissance dans les Alpes suisses et qui se perd dans la mer du Nord.
b) une identité historique
LAlsace a une identité historique, spéciquement alsacienne. Pendant des siècles elle a été
tournée naturellement vers l’Europe Centrale, en tant que membre du Saint Empire Romain
Germanique jusqu’en 1697. Son histoire est distincte à la fois de l’Histoire de France et de
l’Histoire de l’Allemagne. Rappelons simplement quentre 1870 et 1945, l’Alsace, déchirée en-
tre la France et l’Allemagne, a changé quatre fois de nationalité. Ce qui a laissé des blessures
profondes. A chaque fois une de ses langues a été refoulée, à chaque fois une génération a
été sacriée.
c) une identité linguistique :
Tout en faisant partie de la France, l’Alsace se distingue par le fait quon y parle une langue
germanique. Actuellement, sur 1,8 million d’habitants en Alsace, 600.000 environ parlent
quotidiennement l’alsacien.
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II) L Alsace : Une histoire complexe au coeur de l’Europe
L’Histoire a modelé en profondeur l’être des Alsaciens. Pays frontière, l’Alsace en a subi les
vicissitudes, elle a été ballottée entre deux grandes nations, la France et l’Allemagne, qui l’ont
à plusieurs reprises transformée en champ de bataille.
En 58 avant Jésus-Christ, Jules César combat dans le sud de l’Alsace les troupes du chef ger-
main Arioviste, sur lequel il remporte la victoire. Intégrée dans l’empire romain pendant près
de cinq siècles, l’Alsace en conserve de nombreux vestiges dans son sous-sol.
Au moment de l’eondrement de l’empire romain, au début du Vème siècle, l’Alsace est en-
vahie par les Francs et les Alamans, peuplades germaniques qui s’y installent et y implantent
leurs langues qui vont donner naissance aux dialectes alsaciens.
Le nom même d’Alsace apparaît entre 610 et 613 dans les écrits du moine bourguignon
Fredegarius. Il parle du pays compris entre les Vosges et le Rhin; in Alesacia, et les habitants
en sont nommés: Alesaciones.
De 962 à 1648, l’Alsace fait partie du Saint Empire romain germanique (Sacrum Imperium
Romanum).
A plusieurs reprises au cours du Moyen-âge, lAlsace est un des centres intellectuels et cul-
turels les plus dynamiques d’Europe, en particulier au cours des XIIème et XIIIème siècles.
Mais c’est surtout lors de la n du XVème et pendant le XVIème siècle, où, sous l’impulsion
de la Renaissance et de l’Humanisme, quelle voit s’armer de grands savants et écrivains, et
connaît une période de prospérité et de rayonnement intense à travers toute l’Europe.
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A la n de la guerre de Trente ans (1618-1648 ), qui a transformé l’Europe en champ de ba-
taille, l’Alsace ruinée et dévastée passe sous le contrôle de la couronne française. En 1648, lors
du Traité de Westphalie, qui met n à cette guerre, les possessions des Habsbourg situées
dans le sud de l’Alsace sont attribuées à Louis XIV. Strasbourg devient ville royale en 1681.
En 1697, Louis XIV est maître de l’Alsace à l’exception de Mulhouse, alliée à la confédération
helvétique et du comté de Salm. C’est l’administration française qui va petit à petit créer
l’unité alsacienne au cours du XVIIIème siècle.
Après les tumultes de la période révolutionnaire prolongée par l’épopée napoléonienne,
l’Alsace est solidement arrimée à la France. Nombreux sont les généraux originaires de lAlsace
qui ont fait partie de lentourage immédiat de Napoléon Ier: Rapp, Kléber, Lefebvre.
On prête à l’Empereur cette phrase: laissez les parler l’allemand pourvu qu’ils sabrent en
français”.
Les Alsaciens se sentent français dans leur appartenance nationale, mais en même temps
ils sont profondément liés à la culture de langue allemande, qui s’exprime selon deux
modes d’expressions complémentaires : le hochdeutsch ou allemand standard, langue de
l’administration; et le dialecte, langue orale qui tisse le quotidien des Alsaciens et exprime
leur âme.
A chaque changement de nationalité que l’Alsace a subi, la langue ocielle elle aussi a
changé.
Après la défaite de la France suite à la guerre franco-prussienne de 1870/71, l’Alsace et une
partie de la Lorraine (la Moselle) sont annexées par le nouvel empire allemand, fondé en jan-
vier 1871 dans la Galerie des Glaces du Château de Versailles. Les provinces perdues sont
transformées en « Reichsland Elsass-Lothringen », terre d’empire administrée en commun par
tous les Etats allemands et dont le maître est l’empereur. Ceux qui ne souhaitent pas devenir
citoyens allemands ont un an pour quitter l’Alsace, ce sont les « Optants ».
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Dans les années 1890, une nouvelle génération d’Alsaciens, nés allemands, va se xer pour
objectif d’armer sa diérence par rapport aux immigrés allemands et à l’administration de
l’empire et rappeler le souvenir de la France. C’est au cours de ces années que va se former ce
qu’il est convenu d’appeler l’identité alsacienne.
En 1911, le Reichsland Elsass-Lothringen obtient une plus large autonomie au sein de l’empire
allemand et sa capitale est Strasbourg. Le drapeau de l’Alsace est le rouge et le blanc.
En novembre 1918, à la n de la Première Guerre mondiale, pendant laquelle les hommes al-
saciens ont combattu dans l’armée du Kaiser (sauf ceux qui ont réussi à quitter l’Alsace avant
le début de la guerre ou ceux qui ont déserté pour porter l’uniforme français), l’Alsace rede-
vient française.
Entre 1871 et 1918, France et Alsace avaient évoluées diéremment, et l’ “Eblouissement Tri-
colore qu’a suscité l’entrée des troupes françaises en Alsace a précédé de longues années de
crise et de malaise.
Une nouvelle épreuve attend l’Alsace: la Deuxième Guerre mondiale avec l’annexion de fait
par l’Allemagne du IIIème Reich et la dictature nationale-socialiste qui constitue la période la
plus sombre de l’histoire récente.
Dès la n de juin 1940, l’Alsace est mise au pas et, tout ce qui rappelle le passé et la présence
française doit être éliminé et s’il le faut ; par la violence. La langue française est ocielle-
ment interdite. Un camp d’extermination est mis en place dans la vallée de la Bruche, celui du
Struthof, de sinistre mémoire, ainsi qu’un camp dinternement et de rééducation à Schirmeck,
prévu pour mater les récalcitrants au régime.
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A partir d’août 1942, un pas supplémentaire est franchi dans l’horreur : l’incorporation de
force de 130.000 jeunes alsaciens et alsaciennes dans l’armée allemande. Ce sont les « Malgré-
Nous ». 43.000 d’entre eux ne reviendront pas, pour l’essentiel tombés sur le front russe. Cer-
tains de ces jeunes Alsaciens faits prisonniers par l’armée soviétique sont passés par le sinistre
camp de Tambov. En 1945, la Libération mettra n à ce cauchemar. Les blessures vont mettre
longtemps à cicatriser.
Dès la n de la Deuxième Guerre mondiale, alors qu’une large partie de l’Europe est encore
en ruine, Strasbourg, ville symbole de tant de déchirements, devient le siège du Conseil de
l’Europe puis du Parlement Européen, en signe de réconciliation et de désir de paix entre les
peuples.
La réconciliation franco-allemande sera scellée le 22 Janvier 1963 à Paris, en marge du «Traité
de l’Elysée, entre général Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer.
Ainsi l’Alsace, si souvent meurtrie par les conits franco-allemands, a trouvé progressivement
sa véritable vocation, celle d’être une terre de rencontre, de dialogue et un carrefour pour
l’Europe.
« Extra Alsatiam non est vita et si est vita non est ita »
Gérard Leser
Vice-président de l’Académie des Sciences Lettres et Arts d’Alsace
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