Le Regard Libre | Avril / Mai 2015 | N° 10
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LE REGARD LIBRE
Journal d’opinionalisé par des étudiants depuis 2014
Avril / mai 2015 | N° 10
02 | Editorial et image du
mois
03 | L’entretien :
Tolérance
et philanthropie
04 | Philosophie :
Albert
Camus, ou la tragédie du
bonheur
10 | Musique :
Le métal et le
baroque, deux genres que
beaucoup rapproche
12 | Politique :
Plaidoyer
pour les libertés
14 | Economie :
Un Valais
« glocal »
15 | Citations
www.youtube.com / RTS Ration Télévision Suisse
Philippe Bender, un historien radicalement intéressant Page 12
Vos articles portant sur la philosophie, la politique, la littérature, la musique, la
spiritualité, le cinéma ou un autre domaine digne d’intérêt sont les bienvenus. Nous
nous réjouissons de vos commentaires et de vos propositions.
Contact : Jonas Follonier | Rédacteur en chef | [email protected]m
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Le Regard Libre | Avril / Mai 2015 | N° 10
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02 DIVERS
JONAS FOLLONIER Rédacteur en chef
Éditorial
Poésie théâtrale
Les spectateurs de la salle ont le souffle coupé. Jamais la scène des Creusets n’a été autant
poétique. Plus rien n’existe que la terre, le sang, le ciel, la passion. Nous nous trouvons dans
Noces de Sang
.
La pièce de Frederico Garcia Llorca laissera des marques rouges tant elle est palpitante.
L’excellence du spectacle présenté du 13 au 19 avril à l’aula du Lycée-Collège des Creusets se
mesure aux émotions du public au moment de la représentation, mais aussi au travail qu’un tel
niveau exige : si le metteur en scène Stéphane Albelda a toujours atteint les sommets qu’il s’est
fixé, je crois ne pas trop m’avancer en affirmant que cette année, la troupe du Lycée-Collège des
Creusets a présenté la meilleure précision scénique de son histoire. La gestuelle des acteurs,
jusqu’au moindre battement de cil, la pigmentation des cors et des costumes, l’intensité
tragique de la musique ou encore la justesse des chœurs resteront gravées dans les mémoires.
Audrey Mabillard dans le rôle de la mère
L’image du mois (Photo de Jean-Yves Fumeaux)
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03 L’ENTRETIEN
L’interview de CLAUDE OREILLER
Tolérance et philanthropie
Une interview réalisée par Sébastien Oreiller et Jonas Follonier
Monsieur Claude Oreiller nous a très aimablement reçus dans son bureau afin de -
pondre à nos questions relatives à son expérience en tant que président du Parti radical
démocratique valaisan et en tant que vénérable de la loge maçonnique de Bex. Il est à
présent également directeur des Transports Publics Chablais.
Pouvez-vous tout d’abord nous décrire
votre parcours ?
J’ai commencé la politique en 1988 au
niveau local en tant que conseiller muni-
cipal à Massongex. Au début des années
90, je suis entré au comité directeur du
PRD Valais, dont je suis devenu prési-
dent en 1997 jusqu’en 2001. En mai
1983, je suis entré dans la loge de Bex, à
laquelle je suis resté très fidèle. J’en suis
d’ailleurs devenu vénérable par la suite.
Pouvez-vous présenter la franc-maçon-
nerie en deux mots ?
Tout d’abord, cette organisation est do-
tée d’un mélange socio-culturel très inté-
ressant. Tous les membres peuvent
échanger librement. Seuls deux sujets
sont interdits : la religion et la politique,
afin d’éviter les discordes. Il n’y a rien
d’occulte. On trouve ce qui s’y passe dans
n’importe quelle librairie ou sur Inter-
net. Quant au fameux secret, il s’agit
plutôt d’un secret intransmissible de
l’expérience vécue lors de l’initiation. On
n’arrive pas à l’exprimer. Quant aux ré-
ticences de l’Eglise, elle viennent plutôt
d’une aile ultramontaine, à l’instar de
Mgr Lefebvre (ndrl : le fondateur d’E-
cône). En outre, il existe de nombreuses
convergences entre l’Eglise et la franc-
maçonnerie. Foi et maçonnerie sont tota-
lement conciliables. Par ailleurs, la
franc-maçonnerie a contribué à la mo-
dernisation du Valais, notamment à tra-
vers la création de l’Ecole Libre du
Châble, qui témoigne d’un courage re-
marquable au début du XXe siècle face à
l’opposition du clergé.
Que pensez-vous de la décision du Grand
Conseil que les élus et magistrats appar-
tenant à une loge doivent le signaler ?
À l’époque, j’avais sollicité Philippe Ben-
der pour préparer la réponse à cette mo-
tion de l’UDC datant de 2003. Reprise en
2014, cette motion a été acceptée par le
Grand Conseil et renvoyée à la prési-
dence du Conseil d’Etat. Le principe de
tolérance dans l’Etat est mis à mal avec
le contexte actuel. C’est dommage.
Enfin, pouvez-vous nous parler du Lions
Club ?
Il s’agit d’un club de service qui fonc-
tionne en tant que réseau d’amis. J’ai
surtout contribué au jumelage de mon
Club du Chablais avec des Clubs Lions
de la région de Rome pour la mise en
lumière de la Via Francigena dans la
région du Chablais, ceci avec le soutien
déterminant du Père Abbé de St. Mau-
rice Joseph Roduit.
Merci pour cette interview, et, comme di-
sait Matthieu Ricard, « Le sourire, c'est
la porte du cœur qui s'ouvre à l'autre. »
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04 PHILOSOPHIE
Une pensée de SOΦIAMICA
Albert Camus, ou la tragédie du bon-
heur
Le bonheur après tout, est une activité
originale aujourd’hui. La preuve est
qu’on a tendance à se cacher pour
l’exercer. Pour le bonheur aujourd’hui
c’est comme pour le crime de droit
commun : n’avouez jamais. Ne dites
pas, comme ça, sans penser à mal, in-
génument : « Je suis heureux ». Car
aussitôt, vous verriez autour de vous,
sur des lèvres retroussées, votre con-
damnation : « Ah ! vous êtes heureux,
mon garçon ? Et que faites-vous des
orphelins du Cachemire, ou des lépreux
de la Nouvelle-Zélande, qui ne sont pas
heureux, eux ? » Et aussitôt, nous voilà
tristes comme des cure-dents. Pourtant
moi, j’ai plutôt l’impression qu’il faut
être fort et heureux pour bien aider les
gens dans le malheur.
Albert Camus
La philosophie de Camus est très proche de l’existence qu’il mena. Il naît en 1913 à
Mondovi (Algérie) d’une famille pauvre et analphabète ; les siens déménagent très tôt à
Alger (suite au décès du père, à la guerre) et permettent ainsi la rencontre du petit
Camus et de l’instituteur Louis Germain, qui verra du talent en lui et convaincra sa
famille à l’inscrire au lycée malgré leur pauvreté. Sa première lutte sera celle du
langage : il s’est voulu le porte-parole de tous ceux qui, démunis ou n’ayant pas pu aller à
l’école, ne pouvaient pas parler. Il découvrira à la même période les inégalités dues à la
pauvreté, et étonnement le football pour les contrer ! Gardien de but, on le décrira
comme « solitaire dans sa cage, mais solidaire dans l’équipe ». Il se lance plus tard dans
des études de philosophie.
À 17 ans, sa vie prend un tournant majeur : on lui découvre la tuberculose. Le jeune
homme vif, amoureux du soleil, découvre la mort comme une injustice. «
Ma jeunesse me
passouline.blog.le
monde.fr
Suite p. 5
Le Regard Libre | Avril 2015 | N° 10
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05 PHILOSOPHIE
fuit, c’est cela être malade.
» S’ensuit une grande période de doutes qui ne fait au
contraire qu’aiguiser son désir de vivre. Il est frappé par une phrase d’André Gide : «
J’ai
souhaité être heureux comme si je n’avais rien d’autre à faire
». Il poursuit alors ses
études et s’engage alors dans les milieux résistants.
Orphelin de la guerre, il entre en 1935 dans le Parti communiste, mais s’aperçoit vite
qu’il représente ce qu’il essaie de combattre, soit l’endoctrinement, politique dans le cas
présent. Il le quitte deux ans plus tard et s’engage par l’intermédiaire du théâtre et du
journalisme. C’est lui-même qui dira : «
Les salles de théâtres et les terrains de football
ont été mes vraies universités
». Le journalisme, quant à lui, lui permet d’exprimer haut
et fort ce que ses romans il écrit en effet depuis qu’il a 17 ans contiennent à l’état
embryonnaire. Il veut par solidarité s’engager dans la guerre, mais son état physique ne
le permet pas : sa révolte se fera donc par les livres.
Les atrocités de la guerre, les malheurs de son pays et sa propre jeunesse mise à mal par
la maladie font naître en lui le premier pan de sa philosophie : l’absurde. Ce dernier naît
de la «
confrontation de l’appel humain avec le silence déraisonnable du monde
». En
effet, l’homme, qui ne comprend pas le monde dans lequel il vit, sent surgir au fond de
lui un profond sentiment d’absurdité, à travers trois prises de consciences : d’abord,
pourquoi l’existence est-elle si machinale, si lasse et habituelle ? Deuxièmement,
l’homme se rend compte qu’il est étranger au monde dans lequel il vit, autant qu’il l’est à
lui-même : il peine à comprendre leur sens, plus encore lorsqu’il prend conscience de sa
propre finitude, dernière condition à l’absurde. Il est important de voir que, pour Camus,
ce n’est pas le monde en soi qui est absurde, mais la relation que l’individu a avec lui.
L’un paraît immuable, éternel, alors que l’autre n’est que changement et éphémérité. Il
voit aussi que l’homme est différent, une sorte d’exception de la nature, un être dont
l’esprit n’est pas calqué sur la réalité de son cosmos. Camus se demande si le fossé entre
les deux est simplement franchissable… en d’autres termes, si la vie vaut véritablement
la peine d’être vécue, puisque tôt ou tard, nous devons mourir, et que le monde restera de
toute façon muet aux questions humaines.
Il voit alors plusieurs réactions et conséquences, certaines positives et d’autres non. Il
refuse le suicide, qui n’est que la suppression de la conscience, de la lucidité qui permet
de se révolter. Il refuse aussi les religions ou les doctrines spirituelles comme
politiques , croyances illusoires qui placent les espoirs et le sens de la vie dans un
monde autre que celui dans lequel on vit. Camus tire au contraire trois attitudes
positives de cet absurde : la révolte face au renoncement (refuser de se créer de faux
espoirs et avoir le courage de vivre l’absurde), la liberté de connaître sa condition face à
la servitude de celui qui se voile la face, et enfin la passion contre l’indifférence. «
Il n’y a
pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre
». Si pour Camus le désespoir peut s’in-
carner dans la finitude ou l’absurdité humaine, l’espoir se retrouve dans les "expériences
Suite p. 6
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