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XIVième Conférence Internationale de Management Stratégique, Pays de la Loire, Angers 2005 – http://www.strategie-
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Utiliser le théâtre « dans » et « pour » l’entreprise
Melchior SALGADO
Maître de Conférences en Sciences de Gestion
Université Claude Bernard Lyon I
IUTA / IUP Management - PETRA Management
Laboratoire SAF - ISFA
43 Bd du 11 Novembre 1918
69622 VILLEURBANNE CEDEX
Tél. : 00(33) 4 72 69 21 51 - Mail : [email protected]-lyon1.fr
Résumé :
Encore à ses débuts en Europe, le « théâtre d’entreprise » est en plein essor, et les entreprises
sont de plus en plus nombreuses à recourir à ce type d’intervention. L’objectif de ce papier
est de montrer pourquoi les entreprises ont recours à certaines pratiques couramment utilisées
dans le milieu artistique ou culturel, et la question centrale de la recherche est la suivante :
« la mobilisation des techniques théâtrales dans l’entreprise permet-elle d’améliorer
l’efficacité des managers et du personnel de l’entreprise ? ».
La première partie de la communication permet de mettre en relation les pratiques théâtrales
et le management stratégique de l’entreprise. Pour cela, nous présentons un état des pratiques
utilisées par des acteurs (formateurs, consultants, responsables des ressources humaines, etc.)
qui interviennent sur le terrain, suivi d’une revue de la littérature académique qui mobilise la
métaphore du théâtre pour analyser le fonctionnement des entreprises.
La seconde partie est consacrée à la présentation de l’objet de recherche, de la méthodologie,
et des principaux résultats obtenus. La recherche a été effectuée dans une grande entreprise
qui a fait participer tous les dirigeants (plus de 200) d’une région à des séminaires intitulés
« connaissance de soi », et co-animés par un metteur en scène et des formateurs internes à
l’entreprise. Le programme du séminaire était basé sur l’utilisation de techniques théâtrales
telles que les improvisations, la mise en scène, le travail corporel, etc.
La recherche empirique a permis d’évaluer la perception des managers sur la pertinence de
l’utilisation des techniques théâtrales dans l’entreprise. Les résultats obtenus montrent que la
quasi-totalité des dirigeants estiment que l’utilisation du théâtre comme outil de formation
en entreprise est pertinent, et que la mobilisation des techniques théâtrales (improvisations,
travail sur la voix, mise en scène, mises en situations, etc.) permet d’améliorer l’efficacité
des managers et du personnel de l’entreprise. De plus, ces deux points de vues sont
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également partagés par leurs supérieurs hiérarchiques, qui mettent en lumière les avantages et
les inconvénients de ces méthodes « actives ».
Mots clés : Management stratégique, théâtre d’entreprise, formation, métaphore, stratégie
INTRODUCTION
Importé du Canada il y une vingtaine d’années, le « théâtre d’entreprise » en est encore à ses
débuts en Europe, et le marché est en plein essor. En 1999, Bosa signalait que les entreprises,
et notamment les plus grandes (IBM, Volkswagen, Schneider ou La Poste…), étaient de plus
en plus nombreuses à recourir à ce type d’intervention, et ce mouvement continue
aujourd’hui. Une trentaine de compagnies qui mêlent des professionnels du théâtre et des
consultants se partagent le marché.
Dans le cadre de cette communication, notre objectif est de montrer pourquoi les entreprises
ont recours à ces pratiques issues du milieu artistique ou culturel1. Pour cela, nous nous
intéressons au théâtre dans sa dimension instrumentale. Nous le considérons comme un outil
qui peut-être mis au service des managers, pour accroître la performance de l’entreprise.
En d’autres termes, notre question centrale est définie comme suit : la mobilisation des
techniques théâtrales dans l’entreprise permet-elle d’améliorer l’efficacité des managers et du
personnel de l’entreprise ?
Nous nous appuierons sur une recherche effectuée dans une grande entreprise, qui a utilile
théâtre pour faciliter la mise en œuvre de son plan stratégique à quatre ans. Plus précisément,
l’entreprise a décidé de mettre en place un programme de formation, qui utilise
exclusivement les techniques théâtrales, pour plus de 200 de ses dirigeants. Les résultats
présentés dans cette communication, sont issus d’un projet de recherche2qui porte sur
l’évaluation de cette action.
La communication est structurée en deux parties. Nous commencerons par montrer les
complémentarités qui peuvent exister entre le théâtre et le management stratégique. La
seconde partie sera consacrée à la présentation de la recherche empirique et des principaux
résultats obtenus.
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1. PRATIQUE(S) THEATRALE(S) ET SCIENCES DE GESTION
Pour identifier les différents points qui permettent de mettre en relation les pratiques
théâtrales avec les sciences de gestion, nous proposons un raisonnement en trois temps. Nous
commençons par aborder le théâtre en tant que méthode de formation au management, avant
de voir comment certaines techniques couramment utilisées dans l’univers du théâtre ont été
transférées dans les entreprises, et de conclure sur une mise en relation entre le théâtre et le
management stratégique.
1.1. LE THÉÂTRE AU SERVICE DE LA FORMATION AU MANAGEMENT
Une brève analyse historique montre que le théâtre est utilisé depuis longtemps dans le
domaine de la formation. Ubersfeld A. (1996) signale que : « la tragédie grecque (et même la
comédie) avait pour mission l’éducation du citoyen d’Athènes en tant que citoyen et en tant
qu’homme privé ; les Jésuites faisaient du théâtre dans leurs collèges une distraction
moralisatrice. Dès la fin du XIX° on pense que le théâtre peut jouer un rôle d’enseignement
en matière socio-politique, qu’il peut aider à la révolution, et « contribuer à former l’homme
nouveau » (Meyerhold, in Ubersfeld, 1996) ».
Leplâtre (1996) propose la définition suivante du terme théâtre : « pour qu’il y ait théâtre, il
faut avant toute chose, un spectacle vivant ensuite, l’apparition d’un espace scénique…,
d’une fiction, d’un ou plusieurs acteurs interprétant des rôles, et des spectateurs. Autrement
dit pour qu’il y théâtre il faut qu’il y ait spectacle. Même si la représentation n’est pas
toujours une fin en soi, et qu’elle est quelquefois absente». Cette première définition propose
une conception purement artistique et culturelle du théâtre défini par rapport à la notion de
« spectacle » ou de « représentation ».
Dans une optique formation, Barthélémy-Ruiz, (1996) signale deux utilisations du théâtre :
- une finalité directement didactique : pour l’enseignement de méthodologies de
communication, expression orale, vente, négociation, langues, etc. ;
- des objectifs que l’on peut qualifier de pédagogiques dans lesquels le théâtre
intervient en appui d’un processus de formation globale : il permet de tester d’autres
manières d’être en groupe, de manager, de faciliter la communication, le théâtre est
utilisé comme « déclic », comme nouvelle porte d’entrée, etc.
Par rapport à notre problématique de recherche, nous pouvons constater que le théâtre
s’appuie sur l’utilisation de plusieurs techniques3. C’est ce dernier niveau d’analyse qu’il
nous semble important de prendre en compte, pour voir comment elles (les techniques) sont
utilisées dans les actions de formation au management. Voyons, sur le plan théorique, un bref
aperçu des techniques que nous proposons d’aborder dans le cadre de cette communication.
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L’improvisation : « technique pédagogique pour l’apprenti comédien ou préparation à une
mise en scène, l’improvisation apprend à inventer des jeux de scène et des paroles, soit libres,
soit à partir d’un canevas, qui devront illustrer une situation. L’improvisation
contemporaine vise à exalter les possibilités de l’invention créatrice des comédiens. Dans la
préparation à la représentation, l’improvisation sert d’abord à cerner les diverses possibilités
de jeux à partir du texte que l’on va représenter, ou à former les comédiens à répondre aux
situations imprévues en relation avec l’aléatoire des représentations » (Ubersfeld A., 1996).
Le travail corporel comprend le langage du corps ou langage kinésique (mimiques,
gestes…), la proxémique (distance sociale de communication entre individus), le paralangage
(bruits, borborygmes, soupirs…), ainsi que tous les stimulus olfactifs, tactiles (sensibilité au
contact, à la température…) et la présentation extérieure, notamment la tenue vestimentaire et
les accessoires (cravates, bijoux, pochettes…). La PNL s’est attachée à déchiffrer le sens des
éléments non verbaux qui interviennent dans la communication, par exemple les mouvements
des yeux qui accompagnent la parole. En expression orale, le travail corporel permet un
travail sur la « mise en scène » de la parole. Par rapport au pouvoir émotionnel du geste,
Diderot (1751, in Hubert M.C, 1998) a été le premier théoricien à soutenir que le geste peut
déclencher une réaction émotionnelle sur le spectateur, plus forte que la parole : « il est des
gestes sublimes, que toute éloquence oratoire ne rendra jamais ».
Le travail sur la voix vise à améliorer la diction mais aussi les différents éléments de la
communication non verbale (Barjou, 1996. cité par Bellenger et al., 1996). En effet, la
communication se fait également par d’autres moyens que les mots employés : les modalités
de la voix (volume, ton, rythme, tempo), la gestuelle (gestes, expressions, postures, attitudes
ou mouvements), etc.. Certains auteurs (Quesne Quiloata, 1996) considèrent que sur 100% du
pouvoir affirmatif d’un message, 20% seulement concernent les mots. Le reste, soit 80% est
lié au comportement et à l’utilisation de la voix.
Le travail sur les émotions permet d’introduire la logique émotionnelle de l’acteur. Cette
dernière a pour objet la description, l’explication et la compréhension des indicateurs internes
qui renseignent le décideur sur l’interaction entre son environnement externe et sont
environnement interne, au cours de ses processus de choix (Bourion, 2001). La logique
émotionnelle prend en compte la subjectivité de l’acteur dans la prise de décision, c’est à dire
la complexité de leurs choix qui sont faits d’intérêts contradictoires, de passions multiples, de
désirs et de comportements secrets et parfois de jalousies personnelles, voire d’inimitiés
paranoïaques (Bourion, 2001). De nombreux travaux mettent en relief l’importance de cette
dimension, par exemple, ceux des auteurs (March 1972 ; Mintzberg, 1976 ;Laborit, 1974 ;
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Hermann, 1988 ; etc.) qui ont intégré et développé le concept de « rationalité limitée »
développé par Simon (1958).
La mise en scène. Dans une acception large, le terme « mise en scène » désigne l’ensemble
des moyens d’interprétation scénique : décoration, éclairage, musique et jeu d’acteurs (…).
Dans une acception étroite, le terme « mise en scène » désigne l’activité qui consiste dans
l’agencement, en un certain temps et en un certain espace de jeu, des différents éléments
d’interprétation scénique d’une œuvre dramatique (Veinstein, 1955 ; in Pavis, 2002). Nous
développerons plus précisément les similitudes existantes entre le manager et le metteur en
scène dans le paragraphe 1.3. ci-après.
Les jeux de rôle et les simulations de situations réelles. Les mises en situation peuvent être
directement liées au poste de travail, ou porter sur des contextes non professionnels. Dans le
jeu de rôle, chacun peut toujours dire qu’il a joué la situation comme un acteur, mais que lui
n’aurait jamais agi ainsi. Le mixage avec un mise en situation réelle permet au stagiaire de
jouer spontanément comme il pense qu’il convient d’agir dans le cas présenté. Par exemple, il
sera le vendeur le plus performant, ou le manager le plus efficace ou le collaborateur le plus
habile pour faire passer son projet. En revanche, son interlocuteur pourra être en situation de
jeu de rôle et mimer le type de personnage que souhaite avoir en face de lui le stagiaire qui
pratique l’entraînement en situation réelle (Chalvin, 1999).
Voyons dans quelle mesure ces techniques, qui sont à la base de tout travail théâtral, sont
appliquées dans le domaine de la formation.
On peut tout d’abord noter que de nombreux ouvrages se sont intéressés à la pratique
théâtrale des élèves, et notamment les plus jeunes d’entre eux, à ceux que l’on considère
encore en âge de jouer4. Mais très peu analysent l’impact de cette pratique sur les adultes.
Peut-être parce que jouer, faire le clown, faire du théâtre ne saurait être considéré comme une
activité sérieuse pour les gens sérieux que sont les adultes, les employeurs ou les salariés
d’entreprise (Barthélémy-Ruiz, 1996).
On constate, cependant, que certaines filières de formation utilisent différents types de jeux
très proches des formes théâtrales dans le cursus de formation de leurs étudiants. Citons, à
titre d’exemple, la formation de futurs enseignants (IUFM), les carrières juridiques (avocats),
etc.
De même, certains programmes de formation au management développés dans les grandes
écoles et dans quelques universités, utilisent des méthodes de « formation actives » pour
former leurs étudiants, qui seront de futurs dirigeants (jeux d’entreprises, travail en groupe,
jeux de rôle -couramment utilisés dans les cours de formations commerciales de vente et dans
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