Janvier 2015
près un bref rappel des objectifs et du contenu de la loi
concernant la réforme des professions réglementées du
droit, cette che passe en revue les résultats de travaux
académiques ayant cherché à évaluer l’impact de
réformes similaires intervenues dans des pays dont le
système de droit et l’organisation des professions
étaient initialement proches de la situation française.
Plusieurs pays européens ont en eet adopté des
réformes visant elles aussi à faciliter l’installation, à abaisser
les barrières à l’entrée et à améliorer la concurrence par les prix.
Nous concentrons principalement nos développements sur la
profession de notaire, pour laquelle ces réformes ont été les
plus étudiées, de manière quantitative, par la littérature.
La section 1 présente les objectifs visés par la loi et les indica-
teurs retenus pour mesurer l’impact de la réforme. La section 2
présente le contenu et la mise en œuvre de la loi. La section 3
présente les éléments d’évaluation existants. Après un survol
de l’enjeu économique des services oerts par les professions
réglementées pour l’économie dans son ensemble (3.1), nous
présentons les principales réformes intervenues en Europe
(3.2) et l’évaluation de leurs eets sur plusieurs indicateurs
(3.3) : concurrence eective, prix, qualité des services, mobilité.
Nous mettons enn en évidence (3.4) ce qui nous apparaît
comme des conditions de réussite de la réforme et les points
sur lesquels il convient d’être particulièrement vigilant pour
préserver l’eet utile des mesures proposées.
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RÉFORMES
DES PROFESSIONS
RÉGLEMENTÉES
DU DROIT
COMMISSION D’ÉTUDE DES EFFETS DE LA LOI POUR LA CROISSANCE ET L'ACTIVITÉ
A
Dans le cadre du débat
parlementaire qui
s’ouvre en janvier 2015
sur le projet de loi pour
la croissance et l’activité,
Emmanuel Macron,
ministre de l’Économie,
de l’Industrie et du
Numérique, a sollicité
Jean Pisani-Ferry pour
que France Stratégie
assure la mise en place
et le fonctionnement
d’une commission
d’experts indépendante
chargée d’évaluer les
eets des principales
mesures prévues.
Cette commission
temporaire a retenu
cinq thèmes prioritaires,
la présente che
retraçant les conclusions
de la réexion conduite
sur la réforme des
professions réglementées
du droit.
La commission
est présidée par
Anne Perrot.
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COMMISSION D’ÉTUDE DES EFFETS DE LA LOI POUR LA CROISSANCE ET L'ACTIVITÉ
1. OBJECTIFS DE LA MESURE ET INDICATEURS D’ÉVALUATION RETENUS
1.1. OBJECTIFS
Nouveaux principes de xation et de révision des tarifs de certaines professions juridiques pour « prendre
en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable » et « diminuer les coûts
pour les particuliers et les entreprises »
« Simplier les conditions d’installation pour les professionnels du droit » pour permettre « un réajustement
automatique de l’ore de services aux besoins de la population et des entreprises »
« Assurer l’égalité des territoires dans l’accès aux services »
« Renforcer les synergies entre les professionnels sur leurs missions communes »
Favoriser « la compétitivité des entreprises françaises »
Encourager le « dynamisme des professionnels, tant en termes d’innovation que de disponibilité du
service » et améliorer l’organisation des secteurs pour accompagner le développement de l’activité,
notamment à l’international.
1.2. INDICATEURS RETENUS
Eets sur les prix des services
Eets sur la qualité et l’ore des services
Ecacité économique et innovation
2. CONTENU DE LA LOI ET MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE
Note : le projet de loi contient d'autres mesures concernant les professions réglementées qui ne sont pas
évaluées ici.
2.1. ORIENTATION DES TARIFS RÉGLEMENTÉS VERS LES COÛTS ART. 12
Les prix des prestations de certaines professions juridiques, notamment les commissaires-priseurs judi-
ciaires, greers de tribunaux de commerce, huissiers de justice, administrateurs judiciaires, mandataires
judiciaires et notaires, font l’objet d’une tarication réglementée par l’État. En pratique, les révisions tari-
faires sont rares et ces barèmes sont souvent xés à des niveaux élevés. Le projet de loi prévoit que
« les tarifs (…) prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable,
dénie sur la base de critères objectifs. Par dérogation (…), peut être prévue une péréquation des tarifs
applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment tenir à ce que
les tarifs des transactions portant sur des biens immobiliers d’une valeur supérieure à un seuil xé par
l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 soient xés proportionnellement à la valeur du bien ».
« L.444-3 : Le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement, sous la forme d’une fourchette com-
portant un maximum et un minimum, par le ministre de la Justice et le ministre chargé de l’économie. »
Un amendement adopté en commission parlementaire dispose qu’une « péréquation assure également
une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéce
d’un fonds interprofessionnel destiné à nancer notamment l’aide juridictionnelle et les maisons de justice
et du droit. » Cet amendement établit un mécanisme de péréquation nationale permettant le nance-
ment des actes réalisés à perte par les petits oces.
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PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT
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2.2. LIBERTÉ D’INSTALLATION DES NOTAIRES, HUISSIERS DE JUSTICE, COMMISSAIRES
PRISEURS JUDICIAIRES ET PRÉSENCE DE PROXIMITÉ DES OFFICES PUBLICS ET
MINISTÉRIELS ART. 14 À 17
Suppression des numerus clausus et remplacement du dispositif actuel d’autorisation préalable par
un principe de liberté d’installation encadrée : demande au ministre de la Justice, refus possible si le lieu
d’implantation souhaité ne répond pas aux recommandations émises par l’Autorité de la concurrence.
L’Autorité de la concurrence proposera une cartographie des zones où l’implantation d’oces est libre et
de celles où l’implantation d’oces supplémentaires serait de nature à porter atteinte à la continuité de
l’exploitation d’oces existants.
Un amendement en commission spéciale vise à supprimer le dispositif d’habilitation qui permet aux
clercs assermentés de recevoir certains actes notariés en lieu et place du notaire. Ce dispositif est
aujourd’hui perçu comme un des obstacles à l’accès au plein exercice de la profession, les notaires titu-
laires pouvant, grâce à cette habilitation, démultiplier leur capacité à assurer la réception des actes.
2.3. INSCRIPTION DANS LA LOI D’UN MÉCANISME D’INDEMNISATION POUR LES
TITULAIRES D’OFFICES DÉJÀ INSTALLÉS AUJOURD’HUI FIXÉ POUR LES NOTAIRES
PAR LE DÉCRET N°71942 DU 26111971  ART. 17 III.
Lorsqu’une installation nouvelle « porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un oce existant, son titulaire
est dédommagé, à sa demande, par le ou les titulaires des nouveaux oces dont la création a causé cette
perte.
2.4. SIMPLIFIER LE RECOURS AU SALARIAT DANS LES OFFICES PUBLICS ET MINISTÉRIELS
ART. 18
Le recrutement de salariés est limité actuellement en fonction du nombre de titulaires de l’oce ou impos-
sible s’agissant des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires. Le projet de loi prévoit que leur
recrutement soit désormais possible dans l’ensemble de ces oces et sans limitation de nombre.
2.5. SIMPLIFIER L’ACCÈS AUX PROFESSIONS D’ADMINISTRATEUR JUDICIAIRE
ET DE MANDATAIRE JUDICIAIRE ART. 20
Aujourd’hui l’accès à ces professions est soumis aux conditions d’examen d’entrée à un stage professionnel,
d’accomplissement de ce stage et d’examen d’aptitude. Le projet de loi prévoit d’élargir les conditions
de dispense à ces critères et l’ouverture de nouvelles voies universitaires et professionnelles d’accès à ces
professions.
2.6. CRÉATION DE LA PROFESSION DE COMMISSAIRE DE JUSTICE ART. 20  1° DU II
ET CLARIFICATION DES RÈGLES DES VENTES JUDICIAIRES DE MEUBLES 2° DU II
La profession de commissaire de justice rassemblera progressivement les trois professions actuelles de
commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice et mandataires judiciaires et sera en charge de
l’exécution des actes et décisions de justice concernant les personnes insolvables.
Pour les ventes judiciaires de meubles, plusieurs professions sont assermentées pour pouvoir y procéder
avec une répartition des compétences complexe. Le projet de loi prévoit de clarier ces règles et de les
rendre plus accessibles au public.
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COMMISSION D’ÉTUDE DES EFFETS DE LA LOI POUR LA CROISSANCE ET L'ACTIVITÉ
2.7. MODALITÉS DE NOMINATION DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE
ART. 20 III
Dans le droit actuel, les conditions de nomination dans les oces existants supposent l’exercice du droit
de présentation du successeur, ou, pour les oces créés ou vacants, un système de désignation (en pra-
tique très peu mis en œuvre). Le projet de loi instaure un concours pour la titularisation dans les oces
créés ou vacants, et pour les oces existants, lors de la cessation des fonctions du titulaire de l’oce.
2.8. RÉDUIRE LE CHAMP DES INCOMPATIBILITÉS D’EXERCICE
POUR LES EXPERTSCOMPTABLES ART. 21 2°
Actuellement diérents textes déterminent le champ des incompatibilités. Le projet de loi prévoit de
simplier les prérogatives des experts-comptables quant aux travaux d’ordre économique, administratif,
social ou scal. Néanmoins, la réalisation de consultations juridiques, scales et sociales ne reste possible
qu’à titre accessoire.
2.9. PERMERE LA CONSTITUTION DE STRUCTURES D’EXERCICE
INTERPROFESSIONNELLES
Les dispositions actuelles autorisent l’exercice en commun, au sein d’une même structure, de professions
réglementées diérentes, mais ne permettent pas la création de structures couvrant l’ensemble des
besoins des clientèles d’entreprises ou de particuliers. Le projet de loi prévoit de faciliter la création de
sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de
la profession d’expert-comptable.
2.10. FACILITER LE RECOURS À TOUTE FORME JURIDIQUE POUR L’EXERCICE DES
PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES ART. 21 4°
Les formes juridiques oertes aujourd’hui aux professionnels se limitent aux sociétés civiles profession-
nelles et sociétés d’exercice libéral. Le projet de loi permet le recours à toute forme juridique pour l’exercice
des professions de commissaire-priseur judiciaire, d’avocat, d’huissier de justice, de notaire, d’administra-
teur et de mandataire judiciaire, à l’exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés.
2.11. SIMPLIFIER LES RÈGLES RELATIVES À LA SOCIÉTÉ D’EXERCICE LIBÉRAL
ET À LA SOCIÉTÉ DE PARTICIPATION FINANCIÈRE DE PROFESSIONS LIBÉRALES
HORS PROFESSIONNELS DE SANTÉ DU DROIT ART. 22
Les dispositions actuelles relatives à la composition des sociétés d’exercice libéral dièrent selon les pro-
fessions et sont complexes. Le projet de loi prévoit de « simplier les conditions de création et de consti-
tution des SEL, des SPFPL, et d’élargir le domaine des activités que peuvent exercer les SPFPL au béné-
ce des sociétés dont elles détiennent des participations ».
3. ÉLÉMENTS D’ÉVALUATION EXISTANTS
Les dispositifs concernant les professions réglementées sont nombreux et chaque profession pourrait être
traitée comme un cas séparé.
On privilégie ici une analyse selon la nature des mesures qui sont susceptibles d’avoir des eets proches
pour chaque profession concernée. Par conséquent, la distance entre, d’une part, les analyses et les élé-
ments de preuves empiriques discutés dans cette che et, d’autre part, les mesures spéciques contenues
dans la loi est par endroits importante.
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PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES DU DROIT
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On identie trois grandes mesures : n des monopoles sur certaines activités, ouverture de l’entrée dans la
profession, modication des tarifs réglementés. On privilégie les eets potentiels de ces mesures sur l’acti-
vité, les prix et l’ecacité de l’ensemble de l’économie. Ces mesures peuvent améliorer le fonctionnement du
marché et accroître la concurrence, ce qui est susceptible de faire baisser les prix. Notamment l’anticipation
de la concurrence peut diminuer les prix ; mais certaines expériences étrangères ont montré que ces
réformes peuvent échouer à faire perdurer ces eets si les pressions concurrentielles produites initialement
par les réformes sont par la suite limitées par des barrières cachées, non tarifaires et des phénomènes de
collusion. Cela constitue autant de points de vigilance sur les évolutions en cours.
3.1 L’IMPACT ÉCONOMIQUE DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES
Si les professions réglementées – et en particulier les professions juridiques concernées par la loi – représen-
tent une part très faible de l’emploi, elles jouent néanmoins un rôle économique important dans le secteur
des services aux entreprises et dans le fonctionnement adéquat de nombreux marchés (dont celui de l’im-
mobilier en particulier). Un meilleur fonctionnement de ces secteurs aura des répercussions positives pour
l’ensemble de l’économie : un marché de l’immobilier uide facilite par exemple la mobilité résidentielle et,
par là, peut améliorer le fonctionnement du marché du travail.
Parce que ces professions concourent à la sécurité juridique nécessaire à la bonne réalisation des transac-
tions, elles sont fréquemment régulées par l’État. Il y a dans la plupart des pays de l’OCDE des limites au
nombre d’opérateurs admis dans le marché, des contraintes d’installation, des restrictions à leur liberté
d’établir les tarifs de leurs services ou des formes légales contraintes pour l’exercice de ces professions.
Les raisons de l’existence de régulations sont diverses. Dans certains secteurs, les économies d’échelle et les
barrières naturelles à l’entrée peuvent justier une intervention de l’État dans la tarication et l’instauration
d’un nombre limité de licences. Dans d’autres secteurs, l’asymétrie d’information sur le produit ou le service
justie à la fois un contrôle de la qualité des entrants et des mécanismes de régulation de certains tarifs. Cela
implique néanmoins que des sanctions dissuadent la production de services de mauvaise qualité.
En dépit de ces justications théoriques s'appliquant au sein de chaque secteur quel que soit le pays, dans les
faits le degré de régulation dière fortement entre les pays. S’il est dicile de comparer les législations
existantes pour des services très spéciques (comme par exemple les services notariaux), on dispose de
données comparatives sur l’ensemble des métiers du droit qui peuvent donner une idée de la variété des
approches (voir le tableau synthétique en annexe, qui se limite à un sous-échantillon des pays disponibles).
Sur les 34 pays membres de l’OCDE, 17 d’entre eux n’ont aucune restriction, ni sur la forme légale des socié-
tés ni sur la xation des tarifs ; 14 d’entre eux n’ont pas de restrictions sur la coopération interprofessionnelle.
Le risque de rentes liées à la régulation
La régulation des professions réglementées peut conduire, soit par manque d’évolution soit en raison d’une
conception déciente, à l’existence de « rentes économiques ». Ces situations de rentes se caractérisent par
des taux de rentabilité anormalement élevés, sans relation avec le risque ou la complexité du service rendu.
Plusieurs raisons peuvent l’expliquer : i) une régulation des tarifs déconnectée du coût du service rendu ;
ii) une régulation de l’entrée dans la profession qui organise la pénurie d’acteurs ; iii) un monopole sur une
activité dont les prix ne sont pas régulés. Inversement, en situation d’asymétrie d’information sur la qualité
des services, les consommateurs des services n’étant pas à même d’apprécier la qualité du prestataire, la
rente peut permettre de maintenir un niveau de qualité susant, par le souci des acteurs de préserver cette
rente qu’ils perdraient par le fait de mécanismes de réputation. Pour que cet argument soit valide, il faudrait
cependant constater d’une part que les réformes visant à diminuer la rente ont conduit à une baisse impor-
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