Aide à la décision
L'épidémiologie va plus loin que la simple étude des événements de santé. En tant que
discipline de santé publique, elle fournit des données permettant d'orienter les actions
de santé publique. Cependant, l'utilisation des données épidémiologiques est autant un
art qu'une science. Considérons à nouveau l'exemple cité plus haut : le traitement d'un
patient requiert de la part du clinicien expérience et créativité autant que connaissances
scientifiques. De la même manière, un épidémiologiste a recours aux méthodes
scientifiques de l'épidémiologie descriptive et analytique pour établir son "diagnostic"
sur la santé de la communauté, mais il doit également faire appel à son expérience et à
sa créativité quand il élabore des mesures de contrôle et de prévention de la maladie au
sein de la communauté.
2. Historique
Bien que la réflexion épidémiologique remonte à Hippocrate (environ 400 avant Jésus-
Christ) en passant par Graunt (1662), Farr, Snow (tous les deux au coeur du 19ème
siècle), et d'autres, cette discipline cependant ne connut pas d'essor avant la fin de la
Seconde Guerre Mondiale. Les pierres que ces penseurs plus ou moins proches de
nous ont apportées à l'édifice sont décrites ci-après.
Hippocrate (environ 400 avant Jésus-Christ) a cherché à expliquer la survenue des
maladies d'un point de vue rationnel et non pas surnaturel. Dans son essai intitulé "De
l'air, de l'eau, et des lieux ", Hippocrate suggérait que les facteurs liés à
l'environnement et à l'hôte, tels que les comportements, pouvaient influencer le
développement des maladies.
Une autre personne ayant contribué à l'épidémiologie fut John Graunt, un mercier de
Londres qui publia une analyse qui fit date sur les données de mortalité en 1662. Il fut
le premier à quantifier la distribution des naissances, des décès et des maladies, en
constatant les différences homme-femme, les taux élevés de mortalité infantile, les
différences ville-campagne ainsi que les variations saisonnières. Personne ne chercha à
s'appuyer sur les travaux de Graunt avant le milieu du 19è siècle, date à laquelle
William Farr commença à recueillir de manière systématique les statistiques de
mortalité en Grande-Bretagne pour les analyser. Farr, considéré comme le père des
statistiques démographiques modernes et de la surveillance, a élaboré bon nombre des
pratiques fondamentales utilisées de nos jours en matière de statistiques
démographiques et de classification des maladies. Il a étendu l'analyse
épidémiologique des données de morbidité et de mortalité aux effets liés au statut
matrimonial, à l'emploi et à l'altitude. Il a aussi développé de nombreux concepts et
techniques épidémiologiques qui sont encore appliqués de nos jours.
Dans le même temps, un anesthésiste du nom de John Snow conduisait à Londres une
série d'études qui lui valurent plus tard le titre de "père de l'épidémiologie de terrain".
Vingt ans avant la mise au point du microscope, Snow mena des études sur les
épidémies de choléra à la fois pour découvrir la cause de la maladie et prévenir sa
réapparition. Parce que son travail illustre bien de manière classique les enchaînements
de l'épidémiologie descriptive à son application en passant par la génération et le test
d'hypothèses (épidémiologie analytique), nous nous pencherons en détail sur deux des
études qu'il a menées.