ÉLOGE FUNÈBRE DE ROGER MAZAURIC (1893

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ÉLOGE FUNÈBRE DE ROGER MAZAURIC
(1893-1987)*
e
par M Pierre Mendel, membre titulaire
Roger Mazauric, membre titulaire depuis le 6 mai 1982 de notre
compagnie, dont il était le doyen d'âge, est décédé le 11 mars 1987 à
Montigny-lès-Metz. Il était âgé de 93 ans.
Notre confrère était né le 3 avril 1893 à Saint-Etienne (Loire).
Après avoir effectué ses études secondaires au collège de La Mure
(Isère), il fréquenta la faculté des Sciences de Grenoble et l'Institut polytechnique de cette ville dont il sortit avec le titre d'ingénieur diplômé
de cet établissement (I.E.G.).
Il exerça à Metz la profession d'ingénieur-conseil à compter de
1925, après avoir œuvré de 1919 à 1925 comme ingénieur chef de service
à l'Association alsacienne de production d'appareils à vapeur.
Roger Mazauric, dont la famille était originaire des Cévennes, était
entré à Metz le 20 novembre 1918, en tenue bleu horizon, quelques
mois avant que son père, le pasteur Jean Mazauric, ait été chargé de
diriger la communauté protestante de Courcelles-Chaussy qu'il desservit jusqu'en 1939.
Tout en exerçant sa profession, Roger Mazauric consacra une
bonne partie de son existence à l'histoire du protestantisme français
et en particulier à celle des huguenots messins et lorrains. Il s'intéressa
de bonne heure à la communauté réformée de Courcelles-Chaussy où
un ministre et un temple avaient été autorisés par le roi dès la seconde
moitié du XVIe siècle et où, au XVIIe siècle, les catholiques se trouvaient même en minorité.
* Prononcé à la séance du 4 juin 1987.
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Il publie en 1933 son étude sur « U n e Eglise huguenote lorraine»
(Metz, imprimerie du « Républicain Lorrain », in 8°, 47 p., ill.). Il expose dans cette brochure l'histoire de la communauté protestante de
Courcelles-Chaussy qui, malgré la Révocation de l'Edit de Nantes, survécut à la persécution, au point qu'elle subsistait encore et s'était même
développée à la fin du XVIIIe siècle. Cette communauté réformée fut
la seule qui se maintint dans la campagne messine et lorraine jusqu'à
nos jours.
Roger Mazauric qui, au cours des années, avait publié de nombreux articles dans «Le Bulletin de la Société d'histoire du protestantisme français», dans «Réforme» et dans «Vie Nouvelle», publia en
1961 un travail sur «Le protestantisme en pays messin».
Son importante biographie sur « L e pasteur Paul Ferry, Messin,
interlocuteur de Bossuet et historien», parue en 1964 chez Mutelet, à
Metz, avec une préface du professeur E.-G. Léonard, lui valut la même
année un prix d'histoire de 750 F et une médaille d'argent, attribués
par l'Académie nationale de Metz.
Roger Mazauric fut admis le 6 juin 1968 dans notre compagnie
comme membre associé libre. Au même moment, il publia un travail
important sur « Claude Antoine de Vienne, sieur de Clervant (15341588) » (Annuaire de la Société d'histoire et d'archéologie de la
Lorraine, t. LXVII-LXVIII, p. 83-152). Ce personnage, devenu seigneur
de Montoy, en pays messin, avait adhéré dès 1557 à la Réforme et
devait faire figure de chef des huguenots messins après la mort de Gaspard de Heu dont il avait épousé la fille Catherine. Comme l'écrivait
E.-G. Léonard, l'auteur joint à l'ampleur de la documentation, à la
précision du style, « le sens de l'histoire, le pouvoir de recréer, de quelques mots, en quelques détails, toute une atmosphère... ».
Membre de notre compagnie, M. Roger Mazauric nous fit plusieurs communications qui furent publiées dans nos mémoires.
Ce sont :
1 ) « Au sujet de deux vestiges historiques messins en voie de disparition »
(Mémoires de l'Académie nationale de Metz, t. XIII, 1971, p. 154163), concernant la maison forte de la Horgne, ancien rendez-vous
des protestants messins au XVIle siècle, et l'ancienne église voisine
de Saint-Privat à Montigny.
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2) « Un pseudo-massacre de protestants à Metz en 1790 » (Mémoires,
t. XIV, 1972, p. 79-85), concernant un libelle, paru à Paris, relatant
des faits purement imaginaires qui se seraient déroulés dans notre
cité.
Le tragique destin d'un praticien messin, Gaspard de Heu, seigneur
de Buy» (Mémoires, série VI, t. III, 1978, p. 118-139). Gaspard de
Heu, le dernier maître-échevin de Metz avant 1552, appartenait, on
le sait à une des anciennes familles des paraiges de la cité. Ayant
adhéré à la Réforme, il fut déposé par la majorité catholique du
Conseil, mais il fut de nouveau maître-échevin ultérieurement. Il
avait fait venir le réformateur Guillaume Farel, de Neuchâtel à
Metz, en vue d'y prêcher la Réforma. On sait qu'emprisonné sur
l'ordre du cardinal de Lorraine, abandonné par Antoine de Bourbon,
roi de Navarre, au service duquel il s'était engagé en 1555, il fut
exécuté secrètement, sans jugement préalable, au château du bois de
Vincennes, près de Paris, le 14 septembre 1558.
Il faut ajouter de nombreuses publications, en particulier dans
le Bulletin de la Société d'histoire du protestantisme français.
Après avoir étudié la vie de Jacques Couet de Vivier, petit-fils
du pasteur Paul Ferry, pasteur de Courcelles-Chaussy, à partir de
1656, il y publia les lettres de ce personnage à son grand-père.
On y trouve encore « Etudes sur les conséquences de la révocation
de l'Edit de Nantes en pays messin : un siècle de résonances dans le
village de Courcelles-Chaussy» (1974, p. 257-287) et «Metz, cité refuge des protestants lorrains au temps de Coligny » (1976, p. 14-29).
Roger Mazauric publia encore une nouvelle étude sur Courcelles-Chaussy qui résume le travail approfondi de 1933 sur la Réforme
dans cette localité. Il s'agit de « Courcelles-Chaussy, l'originale histoire d'un village du Haut-Chemin», (1974, 91 p., ill.), dont notre
confrère Charles Hiegel a rendu compte dans les Cahiers lorrains
de 1975, p. 55.
Dans le cadre de l'histoire de la Réforme dans le pays messin,
Roger Mazauric avait encore publié en 1970 sous le titre « A Metz
en 1542 », le récit par Jean de Niedbrùck ou de Pont de Nied (Pontigny), traduit de l'allemand, des événements qui s'étaient produits
à Metz lors de la venue du réformateur Guillaume Farel (Cahiers
lorrains, 1970, p. 73-79), et encore, la même année, les éphémérides
d'un assiégé, le pasteur Othon Cuvier, sous le titre « A propos du
siège de Metz en 1870-1871 » (Cahiers lorrains, 1970, p. 102-117).
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Encore en 1983, notre confrère Mazauric rappelait le rôle décisif
de Guillaume Farel dans la naissance de l'Eglise réformée de Metz
(article intitulé « Guillaume Farel plante l'Eglise réformée de Metz »,
dans Renouveau, bulletin des paroisses réformées de la Moselle, octobre 1983, p. 13-14).
En résumé, comme Ta écrit Gilbert Cahen dans son rapport
à l'Académie de 1982, relatif à l'élévation de Roger Mazauric au
rang de membre titulaire, « Notre confrère - dont il relevait l'assiduité à nos séances mensuelles - n'a pas été long à s'apercevoir que
l'histoire de la Réforme dans le pays messin n'était pas moins glorieuse ou tragique que dans les Cévennes et qu'elle méritait d'être
mieux connue. Toute sa vie, il s'est attaché à combler cette lacune
et la notoriété de ses travaux lui a permis d'accéder, il y a plus de
trente ans, au comité de la Société d'histoire du protestantisme français ».
On ne saurait mieux dire l'importance de celui qui s'était fait
l'historien des réformés de Metz et du pays messin.
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