Bien qu’ils semblent à l’épreu-
ve de tout, bien au chaud dans
le ventre de leur mère, les
fœtus demeurent vulnérables
à une foule d’agents infectieux.
Parmi les plus connus se trou-
vent évidemment le sida ou
l’influenza. Une tout autre sé-
rie de virus et bactéries, moins
connus, plus pernicieux et fort
dévastateurs, les guettent éga-
lement : ceux qui s’attaquent
au système nerveux. Ceux-là
sont responsables de maladies
comme les méningites ou les
encéphalites Et bientôt, une
autre affection pourrait s’ajou-
ter à la liste : la paralysie céré-
brale.
« Jusqu’à récemment, on
croyait que la paralysie céré-
brale survenait principalement,
voire exclusivement, lorsqu’un
nouveau-né manquait d’oxy-
gène au moment de l’accou-
chement , explique Guillaume
Sébire, neuropédiatre au Cen-
tre hospitalier de l’Université
de Sherbrooke. Or, cette hypo-
thèse ne tient plus la route, ou
ne semble jouer qu’un rôle se-
condaire. En effet, on a utilisé
toutes sortes de moyens pour
favoriser l’oxygénation fœtale
durant la naissance, mais les
cas de paralysie cérébrale n’ont
pas diminué. Au contraire, on
note une hausse importante et
régulière au cours des dix der-
nières années. »
Le D
r
Sébire est de ceux qui
pensent que la paralysie céré-
brale est en grande partie im-
putable à des bactéries qui
infectent la future mère en fin
de grossesse. Il pourrait s’agir
de banales infections urinaires
ou placentaires, qui sont diffi-
ciles à repérer parce qu’elles
ne produisent presque aucun
symptôme, tout juste une
petite fatigue ou un peu de
fièvre.
Le neuropédiatre, qui a reçu
une bourse du Fonds de recher-
che en santé du Québec pour
ses travaux dans ce domaine,
croit plus spécifiquement que
les cytokines induiraient la pa-
ralysie cérébrale chez les bébés
à naître. « Les cytokines sont les
principales protéines inflam-
matoires produites par le systè-
me immunitaire en réponse à
la présence de certaines bac-
téries dans l’environnement
fœtal, dit-il. On sait notam-
ment qu’elles sont fabriquées
en grande quantité lorsqu’une
bactérie infecte le placenta et
qu’elles diffusent abondam-
ment dans le sang fœtal. »
Dans son laboratoire, le
chercheur a mis des bactéries
en contact avec des cellules cé-
rébrales. Comme il s’y atten-
dait, les premières ont attaqué
les secondes. « J’ai observé
dans les neurones exposés à
des extraits bactériens des lé-
sions similaires à celles qu’on
voit chez les patients atteints
de paralysie cérébrale », pour-
suit-il. Le D
r
Sébire a aussi réa-
lisé des expériences in vivo
chez des rates en gestation.
Aux derniers jours de gros-
sesse, il a injecté aux femelles
des fragments de bactéries. Les
futures mères se sont bel et
bien mises à produire des cy-
tokines. Après l’accouchement,
le chercheur a suivi la santé et
l’activité cérébrale des ratons.
Ces derniers présentaient des
symptômes et des dommages
cérébraux similaires à ceux de
la paralysie cérébrale.
Le D
r
Sébire cherche main-
tenant à déterminer précisé-
ment quelles sont les cytokines
impliquées (il en existe des
centaines). Il travaillera ensuite
à vérifier quelles molécules
anti-inflammatoires, ou plus
précisément anti-cytokines,
pourraient aider à combattre
leurs effets. « À plus court ter-
me, si nos hypothèses se con-
firment, il faudrait sensibiliser
les futures mères et leurs mé-
decins à l’importance de trai-
ter rapidement les infections »,
propose-t-il.
DOMINIQUE FORGET
science clips
Aux sources de la paralysie cérébrale
SOURCE : GÉRARD CHEVRIER
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DÉCOUVRIR | MARS-AVRIL 2006
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