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Infectiologie clinique hors VIH
Épidémie d’oreillons dans
une population bien vaccinée :
l’importance de l’intensité
des contacts !
Contexte
Pierre Tattevin
(Service des maladies
infectieuses, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes)
Plusieurs maladies infantiles ont récemment émergé dans les
pays développés, le plus souvent imputées à un relâchement des
efforts sur la couverture vaccinale, et/ou à une diminution de
la protection des sujets vaccinés au cours du temps. Cependant, l’épidémie d’oreillons qui
a sévi aux États-Unis en 2009-2010 semble relever d’un autre mécanisme (diapositive 1).
Deux injections de vaccin vivant atténué anti-oreillons (souche Jeryl Lynn) sont recommandées
aux États-Unis, sous forme combinée aux vaccins vivants anti-rougeole et anti-rubéole, avec
une première injection après l’âge de 12 mois et une seconde entre 4 et 6 ans (en France,
la 2e dose est recommandée entre 13 et 24 mois). La couverture vaccinale est très satisfaisante
aux États-Unis : entre 87 % et 91 % des adolescents ont reçu les 2 doses recommandées,
selon les enquêtes réalisées sur la période 2006-2011. Cependant, une importante épidémie
d’oreillons a sévi dans plusieurs communautés juives orthodoxes en 2009 et 2010, malgré
une couverture vaccinale comparable aux données nationales dans ces communautés sans
opposition particulière aux vaccins. L’investigation de cette épidémie apporte des données
particulièrement bien documentées sur les modalités de transmission des oreillons, les
complications et l’effet de la protection vaccinale.
Enquête
Pour ces investigations, un cas clinique d’oreillons était défini par une tuméfaction parotidienne
aiguë, sensible, uni- ou bilatérale, durant au moins 2 jours, sans autre étiologie envisagée.
Les cas étaient rapportés au système de santé de l’État, qui transmettait au Center for
Disease Control and prevention (CDC). Un cas clinique était considéré comme “probable”
s’il était épidémiologiquement lié à un autre cas probable, et “confirmé” en cas de preuve
microbiologique (IgM, PCR ou culture virale) chez le patient ou chez un contact. De juin
2009 à juin 2010, 3 502 cas ont été rapportés (3 381 confirmés, 121 probables). Le cas
index probable était celui d’un garçon de 11 ans, correctement vacciné, qui a développé la
maladie au cours d’un séjour au Royaume-Uni (où sévissait alors une épidémie). Il a développé la parotidite alors qu’il participait, par la suite, à un camp d’été à Sullivan County,
New York, où étaient réunis 400 jeunes garçons juifs orthodoxes. L’épidémie s’est ensuite
répandue à grande vitesse lorsque ces garçons sont retournés dans leurs régions d’origine
(la ville de New York City et les comtés de Rockland, d’Ocean et d’Orange) [diapositive 2].
Les caractéristiques des 3 502 cas (diapositive 3) sont notables par :
➤➤ la prédominance de patients de la communauté juive orthodoxe (97 %) ;
➤➤ le sex-ratio (71 % d’hommes) ;
➤➤ la surreprésentation de la classe d’âge 13-17 ans (33 % des cas) ;
➤➤ la bonne couverture vaccinale des cas atteints (dans la classe d’âge 13-17 ans, la plus
touchée, 89 % avaient reçu les 2 doses et seuls 3 % des cas n’avaient jamais reçu le vaccin).
Résultats et commentaire
L’enquête a identifié comme principal catalyseur les
contacts très étroits entre les élèves du camp d’où
est partie l’épidémie : une journée “typique” au sein
de ce camp comportait jusqu’à 15 heures de lecture
de textes religieux en petits groupes, face à face,
avec échanges parfois animés et rotation des élèves.
Au décours de ce camp, les élèves ont réintégré leur
famille, souvent nombreuse (médiane, 7 personnes
par foyer), et l’on observe à ce moment-là une modification des populations touchées (rééquilibre vers
un sex-ratio et une pyramide des âges plus proches
de la population générale). Le virus responsable de
l’épidémie (génotype G) ne semble pas avoir de
virulence particulière, et est couvert par la vaccination. Cette épidémie s’est éteinte d’elle-même,
sans intervention spécifique.
Les oreillons sont de transmission respiratoire,
sur le mode “gouttelettes”, ce qui nécessite des
contacts plus étroits pour sa dissémination que
d’autres viroses infantiles, comme la rougeole
(transmission aérienne). De fait, cette épidémie est
clairement le produit de contacts étroits, prolongés
et multiples, qui ont permis au virus de se répandre
“comme une traînée de poudre”, malgré la très
bonne protection vaccinale de cette population.
En cas de contact très étroit et répété, il semble
que le vaccin protège des formes graves, mais
n’empêche pas la maladie (diapositive 4).
Référence bibliographique
• Barskey AE, Schulte C, Rosen JB et al. Mumps outbreak
in Orthodox Jewish communities in the United States.
N Engl J Med 2012;367:1704-13.
Les principales complications (diapositive 4) ont été les orchites (n = 120, soit 7 % des garçons
âgés de plus de 12 ans) et de rares cas de méningite (n = 6), d’ovarite (n = 5), de pancréatite
(n = 4) et de surdité (n = 3), en l’absence de cas d’encéphalite ou de décès. Les garçons ayant
reçu 2 doses de vaccin ont développé moins d’orchite (4 % versus 11 %; p = 0,04).
II
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À retrouver sur le site www.edimark.fr
Épidémie d’oreillons dans une population
bien vaccinée : l’importance de l’intensité
des contacts !
Diapositive 2.
Diapositive 1.
Diapositive 4.
Diapositive 3.
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - n° 1 - janvier-février 2013 | 25
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