« PROTOCOLE MAASTRICHT III » : Faisabilité et questionnement éthique des prélèvements
d’organes sur les donneurs catégorie III de Maastricht. Etude prospective monocentrique en
réanimation.
Intro : L’augmentation du nombre de patients en attente d’une transplantation d’organe solide
nécessite le recours aux donneurs décédés après arrêt cardiaque (DDAC). La catégorie III de
Maastricht des donneurs DDAC (« donneurs MIII ») correspond à un arrêt cardiaque consécutif à un
arrêt des thérapeutiques actives de réanimation (AT). Le prélèvement des organes (PO) chez de tels
patients, non permis en France à l’heure actuelle, est envisageable si l’arrêt cardiaque survient dans un
délai raisonnable, compatible avec une bonne fonctionnalité des organes transplantés. Notre étude a
voulu évaluer le délai entre AT et arrêt cardiaque, appelé temps d’ischémie chaude (TIC), et le ressenti
des familles et/ou proches des hypothétiques donneurs MIII vis-à-vis d’un tel prélèvement.
Matériels et méthodes : Toutes les décisions de limitation et/ou AT du service de animation
médicale du CHU de Nantes ont été colligées prospectivement pendant un an. Les patients majeurs,
cérébro-lésés graves, sans contre-indication au PO, et dont l’AT comportait une extubation, étaient
considérés comme potentiels donneurs MIII et incluables dans notre protocole pour une surveillance
rapprochée après la mise en œuvre de l’AT et la détermination du TIC. Les familles et/ou proches des
patients incluables dans le volet médical étaient incluables dans le volet éthique, consistant en un
entretien avec les membres de la consultation d’éthique clinique du CHU. Les objectifs principaux
étaient : pour le volet médical, de déterminer le TIC pour évaluer le nombre de prélèvements
supplémentaires envisageables chez les donneurs MIII en cas de TIC inférieur à 120 minutes ; pour le
volet éthique, de connaitre la position des familles de donneurs MIII concernant ce type de PO.
Résultats : Entre juillet 2012 et juillet 2013, sur 969 admissions dans le service de réanimation
médicale du CHU de Nantes, une AT avec extubation a concerné 49 patients, dont 29 cérébro-lésés
graves sans contre-indication au PO, correspondant au groupe MIII. Seules 11 familles de ces 29
patients se sont vues proposer l’entretien éthique, et 6 d’entre elles l’ont accepté. L’âge médian des
patients du groupe MIII était 66 ans. L’AT avait lieu 4 jours après l’admission, et le TIC médian était
de 4 heures. 12 patients avaient un TIC inférieur à 120 minutes. Leurs caractéristiques à l’admission et
au moment de l’AT étaient comparables à celles des patients avec un TIC supérieur à 120 minutes,
sauf pour le score IGS II, significativement plus élevé dans le groupe avec un TIC inférieur à 120
minutes (62.5 vs 54 ; p=0.008). Pour le volet éthique, une vingtaine de personne ont été interrogées. Il
en ressort un profond sentiment de confiance envers l’équipe soignante, sans soupçon de double
intentionnalité ni de modification des pratiques afin de permettre l’éventuel PO, ressenti comme un
geste altruiste. Toutes les personnes interrogées mettaient l’accent sur l’importance de respecter la
volonté du défunt. Une personne notait le risque d’accélérer l’arrêt cardiaque pour raccourcir le TIC et
permettre le PO, et le risque de frustration si le PO était avorté en cas de TIC trop long.
Discussion : Notre étude met en évidence la faisabilité médicale du don MIII. En un an, 29 patients
auraient été éligibles à un tel don, et 12 auraient eu un TIC compatible avec le PO, alors que sur cette
même période, 17 patients ont été prélevés en état de mort cérébrale, sur 24 recensés. Notre étude n’a
pas permis de mettre en évidence de facteur prédictif d’un TIC court, mais propose une piste avec un
IGS II statistiquement plus élevé chez les patients avec le TIC le plus court. Le volet éthique, unique
dans la littérature, met l’accent sur la confiance des familles envers l’équipe soignante, probablement
en rapport avec un délai de 4 jours entre l’admission et l’AT. Les proches n’ont pas de soupçon de
double intentionnalité ni de modification des pratiques, mais certains s’inquiètent de leur sentiment en
cas de don avorté, ou s’ils ne peuvent pas être auprès de leur proche lors de ses derniers instants.
Conclusion : Notre étude va dans le sens d’une faisabilité médicale et éthique des PO selon MIII.
Toutefois, il ne semble pas possible de déterminer le TIC avant la mise en œuvre de l’AT.
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