Fentes d’Young PCSI
passé par une fente ou par l’autre. »
On verra par la suite que c’est l’ensemble du raisonnement quiestincorrect:lorsquelesdeuxfentessontouvertes,
l’arrivée en un point xde l’écran est calculable en additionnant non des probabilités mais des amplitudes de pro-
babilités (définies en temps utile par la suite), chacune étant associéeàun«chemin»possible-lesguillemetsétant
justifiés par le fait que ce chemin n’est pas une trajectoire au sens classique. Par ailleurs, onaessayédecorrélerun
événement (le passage par une fente) à un événement ultérieur(l’arrivéesurl’écran);lacorrélationstricten’estpos-
sible que dans la mesure où l’événement intermédiaire est unique :c’estbienlecaslorsqu’uneseulefenteestouverte
et alors la distribution P1ou P2reflète bien le seul événement intermédiaire possible. Au contraire, lorsque les deux
fentes sont ouvertes, la figure globale caractérisée par P(x)ne permet pas de remonter à un événement intermédiaire :
tous jouent un rôle d’importance comparable. Quand les deux fentes sont ouvertes, on ne peut pas dire si l’électron est
passé par (1) ou par (2) au vu de la distribution P(x).Nepaspouvoirlediren’estpasprendrepositionsurlaréalité
d’un tel événement ; cependant, on imagine mal, si la trajectoire existe, qu’elle puisse dépendre de l’état respectif des
fentes : si la trajectoire existe au sens commun, si donc l’électron passe par une fente, le même sens commun ne saurait
accepter l’idée que cette trajectoire est sensible au fait que l’autre fente est ouverte ou fermée.
La conclusion à ce stade se résume par la non-égalité suivante. Les deux fentes étant ouvertes, la distribution des
impacts définie ci-dessus - identique à celle obtenue avec unelumièredemêmelongueurd’onde-n’estpaségaleàla
somme P1+P
2:
P(x)̸=P
1(x)+P
2(x)
non-égalité qui doit être acceptée comme un fait d’expérience, donc indiscutable ; seule son interprétation peut éven-
tuellement être l’objet d’un débat. Il est important de noterquel’égalitéP=P
1+P
2(qui est fausse !) a un coté
quelque peu hybride : elle relie la probabilité P(x)qui correspond à une situation expérimentale donnée (les deux
fentes ouvertes) aux probabilités P1et P2qui correspondent à une autre situation expérimentale (une fente est fermée,
l’autre est ouverte). Cette hybridité n’est nullement suspecte s’il est possible de suivre pas à pas l’évolution spatio-
temporelle d’une particule. Elle ne l’est pas non plus si certains détails du protocole expérimental n’affectent pas les
phénomènes eux-mêmes, c’est-à-dire si la mesure (l’observation) ne perturbe pas le système étudié. Tout ceci est vrai
dans le cadre classique, ou plus précisément y produit des effets indécelables. Manifestement, s’agissant d’électrons,ces
affirmations ne tiennent plus. À ce stade, la seule issue possible est de renoncer à l’image presque automatique que l’on
se faisait jusqu’à présent d’une particule par inertie ou extrapolation intellectuelle. L’impossibilité de dire « l’électron
est passé par 1 ou 2 »déboucheinéluctablementsurladisparitiondelanotionmême de trajectoire au sens classique.
La conclusion spectaculaire de l’expérience de Young est donc qu’il n’est pas (plus) possible d’attribuer une trajec-
toire à l’électron, sauf à sombrer dans l’absurdité logique ou à violenter le bon sens élémentaire (la trajectoire existe,
l’électron passe par 1 et dépend de l’état de la figure 2 : auto-contradictoire) : présupposer que celle-ci existe revenait
àprojeterpourlareprésentationdumondemicroscopiqueuneimagequis’estimposéeàuneautreéchelle-projec-
tion qui n’est pas à rejeter dans l’absolu en l’absence d’éléments contradictoires - mais qui se révèle ici précisément
incompatible avec l’observation. Une particule n’est pas untrèspetitpetitobjetquirelèvedesconceptsclassiques:
il existe bel et bien une spécificité quantique (on ne doit pas non plus croire que la trajectoire continue à exister et
que le problème se réduit à l’impossibilité de l’observer en pratique) à prendre au sérieux. Comme la trajectoire au
sens classique suppose la donnée simultanée de la coordonnéeetdelavitesse-quifixentàtoutinstantlepointetla
tangente, donc la courbe décrite -, la négation de son existence contient en essence la relation de Heisenberg qui sera
formulé plus précisément par la suite.
Ce qui précède montre aussi que le mouvement d’une particule possède un aspect aléatoire intrinsèque, cequ’il
n’est pas possible de réduire à une simple indétermination sur l’état initial de chaque particule prise une à une. Cet
aspect probabiliste a donc une nature fondamentale différente de celui que l’on retrouve dans une théorie statistique
classique, qu’il s’agisse de Théorie cinétique des gaz ou de l’étude statistique d’une population d’individus.
Classiquement, il est possible de faire une statistique à propos d’une grandeur quelconque (à condition de raisonner
sur un échantillon représentatif...). Par exemple, on peut ainsi déterminer la proportion de personnes d’un âge donné
vivant en un lieu donné à un instant donné : la statistique résultera d’une connaissance accumulée des cas individuels ;
pour chaque individu pris un à un, la réponse à chaque question est sans ambiguïté. Il n’y a pas la moindre in-
détermination : avant même que la question est ne lui soit posée, chaque individu aun certain âge, bien défini. En
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