Wegner, de l'Allemagne. Tous ne sont donc pas égaux dans la chasse au savoir, qui n'est abordable
que pour des acteurs du secteur privé qui y voient un intérêt économique. Il faut mettre en place un
système d'accès ouvert et un partage des connaissances, a-t-elle suggéré.
Susan Avery de l'Institut de Woods Hole a appuyé fortement cette idée. "Nous ne pouvons élaborer
des solutions sans une base de connaissances. Nous ne disposons même pas d'une bathymétrie
digne de ce nom," a-t-elle lamenté. Et Wendy Watson Wright de la Commission Océanographique de
l'UNESCO d'ajouter, "Nous ne pouvons gérer ce que nous ne pouvons mesurer."
Il en va aussi d'une certaine solidarité entre les peuples, ont souligné plusieurs intervenants. "C'est
cher et techniquement complexe à explorer - dix pays sont peut-être en mesure de le faire. Mais
cette nouvelle frontière doit être exploitée équitablement," a insisté Philippe Valette, Co-Président
du World Ocean Network (WON). "C'est une des zones les plus prometteuses de l'océan, et un des
grands défis du 21è siècle. Il ne faut pas exclure les pays en voie de développement une fois de plus,"
a-t-il déclaré.
Comme l'a exprimé Dessima Williams, Présidente de l'Alliance des Petits Etats Insulaires, "Nous
devons répondre à la question: si exploitation il y a, alors par qui, avec qui, et pour qui? Oui au
principe de précaution, mais oui au principe d'équité aussi."
Une représentante de l'industrie, la Vice-Présidente de La Prairie Nadia Miller penche elle aussi en
faveur d'un moratoire provisoire sur l'exploitation des grands fonds, malgré le vif intérêt de son
entreprise pour les richesses potentielles qu'ils recèlent pour l'industrie de la cosmétique. "Sinon, ce
sera la ruée vers l'or," a-t-elle averti. "Est-ce que nous voulons vraiment répéter ce schéma?
Attendons que la science ait rattrapé son retard, et décidons-nous d'un partage équitable de cette
ressource."
Comme pour les grands prédateurs marins, les grands fonds nécessitent une gestion intégrée qui
prenne en compte l'écosystème dans son ensemble, a souligné Julia Marton Lefèvre, directrice de
l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN). C'est ce constat qui a motivé la création
en 2008 par l'UICN de la Global Ocean Biodiversity Initiative, qui se focalise sur les grands fonds, a-t-
elle expliqué.
Robert Calcagno, Président de L'Institut Océanographique, Fondation Albert Ier, a proposé qu'une
conférence sur les grands fonds ait lieu l'année prochaine à Paris. La déclaration de janvier 2009 suite
au symposium de Monaco sur l'acidification des océans a réussi à mettre le sujet sur la table au
sommet climatique de Copenhague, alors, "faisons de même pour les grands fonds marins," a-t-il
suggéré.
Pour donner une idée des interactions complexes entre les activités humaines et les profondeurs
marines, et pour souligner leur fragilité, le Président de l'Institut Shirshov Robert Nigmatulin a fait
part d'une étude récente démontrant que rien que l'effet acoustique des plateformes pétrolières
près de l'Ile Sakhaline nuit fortement à la biodiversité marine. Il faut communiquer cela aux
gouvernements et à l'industrie, a-t-il déclaré.
Il y a un autre moyen d'attirer leur attention, a suggéré Joshua Reichert: parler d'argent. "Nous
passons beaucoup de temps à étudier la biologie des océans mais non pas leur économie," a-t-il
constaté. "Nous manquons singulièrement d'études qui traduiraient les ressources océaniques en