Des inégalités écologiques parmi les hommes

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"Des inégalités écologiques parmi les hommes"
Extrait du La Cliothèque
http://clio-cr.clionautes.org/des-inegalites-ecologiques-parmi-les-hommes.html
Sous la direction de Jean-Paul Deléage
"Des inégalités écologiques
parmi les hommes"
- Service de presse - Géographie - Environnement et Développement Durable -
Date de mise en ligne : samedi 23 août 2008
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"Des inégalités écologiques parmi les hommes"
Emmanuel Maugard est professeur d'histoire-géographie à Clisson.
Les problèmes d'environnement sont actuellement au coeur des préoccupations françaises et mondiales. Le dossier n° 35 de la
revue Ecologie & politique rappelle l'enjeu planétaire que constitue l'écologie.
A travers son éditorial, Jean-Paul Deléage fait un point sur le Grenelle de l'environnement. Il fait un réquisitoire contre le
sarkozysme qui a voulu faire sien l'écologie politique et qui a contribué à son affaissement. Il fait un plaidoyer pour la
repolitisation de l'écologie en critiquant l'archaïsme du capitalisme mondialisé : il prône une philosophie politique conciliant
impératifs écologiques et justice sociale.
Le dossier
Le dossier de la revue aborde les inégalités écologiques. En introduction, J-P Deléage, indique que les problèmes
d'environnement menacent l'ensemble de la planète et que les sociétés « sont sous la menace d'activités humaines strictement
enchaînées aux servitudes de la technoscience et à la toute puissance du marché ». Il souligne que la crise écologique touche de
façon très différenciée le Nord et le Sud, les classes et groupes sociaux. Il est important de réfléchir aux limites physiques de
toute forme de croissance et de développement économiques. Il indique la convergence actuelle entre la lutte pour la défense de
l'environnement et les luttes sociales. Il précise le sens des concepts qui marquent le champ de son analyse :
Le concept d'inégalités écologiques qui est la confrontation inégale et mesurable entre d'une part, les individus et groupes
sociaux et d'autres part, divers éléments réputés naturels (air, eau, biodiversité) et interconnectés.
Celui d'inégalités environnementales élargit la confrontation avec la surnature concrète et imaginaire, profondément travaillée
par l'emprise technique de l'humanité sur l'écosystème mondial.
Son objectif est d'élucider les mécanismes sociaux et les raisons politiques de ces inégalités écologiques et environnementales
parmi les hommes.
Cyria Emelianof dans une problématique sociale des inégalités écologiques précise que les destructions de l'environnement
génèrent des dommages subis par les populations humaines et qu'ils existent des différenciations sociales dans l'exposition aux
nuisances, aux risques et dans l'accès aux ressources environnementales. L'idée de dette écologique signifie qu'une minorité
s'approprie les avantages du milieu tout en exposant la majorité à la dégradation de l'écosystème terrestre. Exemple en France, la
moitié des zones urbaines sensibles sont affectées par un point noir de bruit lié aux grandes infrastructures. Cette concentration
exploite les différences de capacités de défense selon les groupes sociaux. Il faut prendre les moyens d'évaluer les passifs
environnementaux et les processus en cours de ségrégations socio-écologiques. La notion d'inégalité écologique montre une
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distribution inégale des biens, de maux environnementaux et de droits à polluer. La question du droit à polluer pose le problème
des compensations. La dette écologique a cinq composantes : le pillage des ressources naturelles, l'utilisation des milieux les plus
fertiles, l'exportation vers les pays du Sud des déchets toxiques, d'activités à risque et polluantes, l'appropriation de l'espace
environnemental planétaire et des capacités d'auto-épuration de la planète et enfin la biopiraterie par l'agro-industrie
pharmaceutique, la brevetisation de savoirs traditionnels. Il ne faut pas oublier la dette carbone des pays industrialisés. La dette
extérieure des pays pauvres et la dette écologique sont liées : pour rembourser leur dette, ces pays bradent leurs ressources
naturelles et s'appauvrissent un peu plus. Les populations des pays pauvres sont plus vulnérables face aux dégradations et aux
risques écologiques. La dette écologique implique aussi la question de la légitimité des modes de vie occidentaux.
Les obstacles de fond à l'articulation des questions sociale et écologique sont ensuite abordés. L'activité scientifique ignore
également largement les questions écologiques pour différentes raisons évoquées par l'auteur.
Mei Mei Evans pose le problème de justice environnementale, propre à la culture anglo-saxonne avec sa représentation de la
nature comme un lieu d'invention de soi-même. A travers la mise en scène de la nature dans trois romans américains, le concept
hégémonique de nature en Amérique du Nord est une construction sociale masculinisée, hétérosexuelle et raciste. Donc selon ce
concept, certains groupes de personnes méritent moins que les autres d'accéder à la nature, mais aussi d'habiter, de travailler dans
un environnement sans pollution. Dans un essai autobiographique, White met l'accent sur l'exclusion des noirs et surtout des
femmes afro-américaines des espaces naturels. Eddy Harris suit le même chemin dans son livre pour les hommes noirs. Harris et
White insistent sur leur droit légitime de résider dans le wilderness au sein des Etats-Unis même dans une zone où les droits et
les libertés des hommes de couleur ne sont pas encore respectés. William Haywood Henderson, dans Native, montre que les
homosexuels des milieux ruraux du Wyoming, peuvent être victimes de violence et d'exclusion sociale.
Lionel Charles tente une interprétation interculturelle des inégalités écologiques : la question écologique est marquée par le
partage inégal des ressources et des dispositifs aux mains des Etats et des sociétés pour y faire face : le mouvement pour la
justice environnementale est né aux Etats-Unis suite au constat des inégalités environnementales subies par communautés
ethniques défavorisées. En France, cette question a été introduite il y a seulement quelques années. La France est caractérisée par
l'omniprésence du poids institutionnel de l'Etat et par un processus de rééfication avec la mise en vedette d'un homme (Nicolas
Hulot), qui apparaît comme son chevalier blanc. L'Etat ne peut assumer seul la charge multiforme et pluriscalaire de
l'environnement. En 2002 est institué le ministère de l'écologie et du développement durable devenu avec le gouvernement Fillon
le ministère de l'Ecologie, de l'Aménagement et du développement durable. Il y a un enjeu de communication derrière le choix
d'utiliser le terme écologie plutôt qu'environnement. Celui-ci tend à mettre de côté la dimension anthropique qui est au coeur de
l'environnement. La notion de développement durable a été élaborée pour répondre à la question des inégalités
environnementales avec le partage inégal des ressources, des risques ou des moyens économiques, scientifiques, techniques et
sanitaires dont disposent les Etats et les sociétés pour y faire face. Aujourd'hui le changement climatique est un impératif plus
contraignant que le développement durable. La question de l'effort qui doit être envisagé par les différents pays ne peut se faire
sans l'analyse de leur part historique dans les émissions. Un autre aspect du développement durable est la mise en oeuvre de
techniques ou de produits éco-favorables, mais loin d'être accessibles à tous comme les produits bios plus chers ne pouvant être
achetés que par une clientèle aisée.
Jacklyn Cock discute les articulations entre nature, pouvoir et justice en Afrique du Sud. Il présente le mouvement pour la justice
environnementale encore embryonnaire dans ce pays. Il est disparate et s'est investi dans le Forum social mondial et s'inscrit dans
les dynamiques mondiales d'un mouvement pour la justice globale. La justice environnementale implique une transformation
sociale générale prenant en compte les besoins et les droits élémentaires des personnes. Les pauvres sont la force la plus
pertinente de ce mouvement de justice environnementale. Beaucoup de militants sont des jeunes et des femmes. Leur
militantisme vient de leur fonction sociale traditionnelle d'administratrice du foyer. La principale stratégie de mobilisation est de
transformer des besoins en droits.
Bernard Gagnon, Nathalie Lewis et Sylvie Ferrari tentent de recentrer et de redéfinir le concept de justice pour lui conférer une
portée écologique. Le premier problème est l'écart entre la justice et l'idéal. Assurer la survie de la biosphère peut impliquer de
violer certaines règles de justice. S'il faut faire un rapprochement entre justice et éthique environnementale, il ne faut pas sacrifier
l'un à l'autre. Au nom de l'égalité des chances, chaque individu devrait bénéficier des conditions suffisantes pour entreprendre des
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projets de vie. Ceux-ci nous montrent qu'ils existent des contradictions dans ces deux volontés : l'augmentation du niveau de vie
des plus démunis peut-elle se faire sans pression supplémentaire sur la planète ? Les populations des pays riches et leur
gouvernement accepteront-ils de baisser leurs ponctions sur la planète au nom d'une meilleure distribution des richesses ? Dans
sa définition classique, l'éthique concerne le vouloir vivre ensemble des êtres humains. On doit l'élargir au rapport avec la nature.
La justice indique de donner à tout homme et toute femme des droits et des ressources nécessaires à l'exercice de sa liberté. Il
faut également ajouter les générations futures dans la justice distributive. Il y a une injustice socio-économique si les populations
pauvres n'en retirent aucun bénéfice. Les questions actuelles de pauvreté doivent être pensées dans le cadre de ressources limitées
dans le temps long (exemple de l'eau). Ethique et justice environnementales doivent être rapprochées. Les travaux d'Amartya
Sen relient ses deux notions montrant qu'une plus grande liberté et une plus grande justice permettent d'atteindre des objectifs de
développement (alimentation, alphabétisation) avec des retombées sur l'environnement (gestion alimentaire, réduction de la
natalité). Dans un contexte où l'acquisition des ressources menace l'autoconservation de soi et la conservation des hommes, le
droit de propriété sur les choses doit être limité par un droit égal des personnes sur les choses nécessaires à la vie (et pas
seulement à la survie) et également par le devoir commun de la survie de l'espèce.
Dans la pensée économique, seule l'économie écologique tient compte de la croissance des flux matériels et d'énergie et aussi à la
production de résidus nous dit Joan Martinez Alier. Le marché ne garantit pas un accord écologique car il met en face des acteurs
socialement inégaux. L'auteur en donne de nombreux exemples comme celui de la disparition des mangliers en Equateur pour
planter des eucalyptus destinés à l'exportation. La comptabilité des entreprises ne tient pas compte de la dette écologique.
L'Union européenne importe 4 fois plus de marchandises qu'elle en exporte, c'est pourquoi elle importe à bas prix et exporte
chers alors que beaucoup de pays du sud, vendent à bas prix et achètent chers. Dans certains pays comme en Inde, le commerce
est d'ailleurs écologiquement inégal entre les régions. L'idée est d'établir des éco-impôts sur effets négatifs de l'exploitation des
ressources et aussi des impôts sur l'épuisement du « capital naturel ». Tout ceci pourrait conduire à une meilleure répartition
intemporelle des ressources donc une prise en compte des générations futures, car en augmentant le prix on obtient une
diminution des consommations actuelles.
Deuxième partie : Variations
Une deuxième partie présente différents articles. Elle comporte plusieurs hommages posthumes :
Celui à Jean Chesneaux, Elle est suivie par une critique réalisée par ce dernier de l'ouvrage dirigée par Mgr M. Stenger, la
Planète vie, planète mort, l'heure des choix, Editions du Cerf, Paris, 2005. Jean Chesneaux indique à la fin de sa critique que si la
théologie catholique marque son intérêt pour les problèmes écologiques, la pensée musulmane reste muette à cet égard.
Celui à Jean-Jacques Salomon
Celui à Gonzague Pillet.
Ensuite apparaissent, des extraits d'un entretien entre François Gollain, membre de la revue et André Gortz. Il y décrit le
travail entre écologie et politique (une approche intéressante mais complexe).
Un article de Andréa Zhouri et Raquel Oliveira sur le « Développement et violence socials dans le Brésil rural : le cas des
barrages hydroélectrique » nous donne des exemples de délocalisations des risques et des effets produits par les activités
productives vers les pays pauvres dans le cadre de la mondialisation.
Alain Tondeur attaque le nouveau concept de « plafond photosynthétique dans un article nommé : « Le plafond photosynthétique
» n'est pas prêt de nous tomber sur la tête ». Ce concept désigne le fait que « l'humanité s'approprierait une fraction de plus en
plus importante et disproportionnée de la capacité photosynthétique de la Terre, au point d'en utiliser la quasi-totalité à court
terme »...« C'est-à-dire que la plupart de l'énergie fixée à partir de la lumière solaire sera utilisée pour des buts humains, et qu'une
petite partie sera laissée pour permettre la croissance des communautés végétales naturelles, telles que les forêts naturelles »
Selon Alain Tondeur, cette affirmation est complètement fantaisiste et mystificatrice. Elle détourne l'attention des véritables
menaces (le changement climatique, l'empoisonnement chimique, les risques nucléaires et génétiques) et de ceux qui en sont les
responsables. Les tenants de ce concept de plafond photosynthétique, Jared Diamond et ses amis, veulent nous faire admettre que
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toute politique environnementale est vouée à l'échec sans réduction drastique de la population imposée aux pays du Sud et sans
juguler l'immigration du Sud vers le Nord.
Troisième partie : Sources et fondements
Cet article est la traduction d'un chapitre de l'ouvrage de Georges Perkins Marsh datant de 1864, L'homme et la nature ; ou, la
géographie physique modifiée par l'action humaine, un monument de l'histoire de la pensée environnementale, écologique et
géographique. Cette traduction est précédée d'une présentation de l'ouvrage, de sa place en France et de son auteur.
Dernière partie : Repères et actualités
La revue se termine par l'analyse critique de trois livres : le Dictionnaire de l'autre économie, Histoire du méchant loup : 3 000
attaques du loup sur l'homme en France et Lucy et l'obscurantisme.
Conclusion et intérêts pour l'enseignement
Ces séries d'articles nous permettent de mieux comprendre les enjeux de l'écologie et du développement durable et certains
concepts. On pourra y trouver des exemples utilisables au niveau troisième, entre autres, pour expliquer les risques écologiques
liés à la mondialisation. Ce livre est d'une lecture stimulante, souvent complexe, mais nécessaire dans l'intégration dans les
programmes des concepts d'écologie et de développement durable. Le socle commun et les futurs programmes de collèges
donnent une large place au développement durable par exemple en cinquième. Il sera également utile aux enseignants de lycée et
aux travaux pluridisciplinaires lançant des ponts entre les disciplines.
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