ACIT
Association Cultuelle
Israélite de Toulouse
LE MAGAZINE DE LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE TOULOUSE ET DES PAYS DE LA GARONNE
HANOUKA : À CHACUN
DALLUMER LÉTINCELLE
CEMBRE 2016
210
4 €
PANORAMA DES SYNAGOGUES (SUITE)
L’INVITÉ DES JCJ
MICHAËL HIRSCH
“HEUREUX COMME
UN JUIF EN FRANCE
ET SI NOUS DISIONS CELA AUJOURD’HUI ?
HANOUKA 5777
Paresse intellectuelle ? Lâcheté morale ?
Aveuglement délibéré ? Installés dans
le confort trompeur et mortifère de cer-
titudes obsolètes, politiciens chevronnés,
doctes maîtres sondeurs, sociologues
émérites, experts auto-proclamés et pe-
tits marquis du commentaire médiatique
et télévisuel ne parvenaient pas ou se
refusaient, jusqu’ici, à prendre en juste
compte l’ampleur de la crise qui, débor-
dant les frontières et les spécificités na-
tionales, frappe aujourd’hui le système
démocratique.
Brexit en Grande-
Bretagne prenant
au dépourvu ceux-
même qui, sans
trop y croire et qui,
à coups d’amal-
games, en avaient
vanté les avantages
à des électeurs pris
au piège de leur
rhétorique menson-
re, victoire incon-
grue aux Etats-
Unis d’un Donald Trump surjouant le
candidat antisystème, résolument hostile
à tous les « sachants », échec-surprise
au duel longuement annoncé Juppé-
Sarkozy aux primaires de la droite en
France : tout se passe comme si, ici et
là, et au sein même de démocraties ré-
putées exemplaires, une majorité d’élec-
teurs ulcérés parce que se sentant dé-
possédés d’une vraie liberté de choix,
avaient décidé de « renverser la table »,
de mettre à bas un système et des struc-
tures où ils ne se reconnaissent plus.
Le logiciel de référence ne fonctionne
plus. Le modèle démocratique, héritier
de la philosophie des Lumières et de sa
foi absolue au pouvoir libérateur et infini
de la Raison – une Raison universelle et
universellement partagée se heurte
désormais à l’âpre réalité d’un monde
dont la rapidi de mutation et ses consé-
quences incontrôlées financiarisation
sauvage, sociétés fracturées, inégalités
croissantes rendent inaudibles les prin-
cipes fondateurs de nos Républiques et,
à tout le moins, ceux qui, aspirant au
pouvoir, continuent de vouloir s’en pa-
rer…
Discrédit du politique, rejet de l’institu-
tionnel, méfiance face aux magistères
déjà instaurés de la parole, du savoir, de
la pensée ou du comportement : la porte
est ainsi ouverte à toutes les dérives,
tous les excès, tous les extrémismes qui,
au terme de révoltes parfois plus san-
glantes encore, font
le lit des dictatures.
Confit dans ses
désillusions, crispé
sur ses peurs, ses
rancunes, ses ran-
cœurs, le citoyen
qui, hier, s’ouvrait
aux autres, à l’ave-
nir, et à l’espoir
d’un monde meil-
leur qu’il serait en
mesure de faire advenir, se replie désor-
mais sur soi, son présent immédiat et
son espace clos.
La boucle est alors bouclée qui ren-
ferme, rétrécit, rabougrit et renvoie
l’homme à ces « passions tristes » dé-
noncées par Spinoza.
Passions tristes destructrices d’espoir et
de lumière. Cet espoir et cette lumière
dont toute notre histoire, si tourmentée
soit –elle, et dont les bougies de nos Ha-
noukhiot nous rappellent qu’elles ne
peuvent et ne doivent jamais s’éteindre
lorsque l’on sait et que l’on veut puiser
le courage de les maintenir. Ou de les
rallumer.
Henri Amar
AVIVmag n°209 Septembre 2016
3
Le billet
d’henri
amar
Passions tristes
Sommaire
du N° 209
Automne 2016
Tichri 5777
En couverture : Heureux comme un Juif en France” : les
Journées ont réuni un public curieux et attentif et ont
donné lieu à plusieurs tables rondes et de fructueux
échanges avec des invis de marque > page 10
Le billet d’Henri Amar 3
Deux administrateurs à découvrir 4
L’œil du président 5
Actualité religieuse :
Tout savoir sur Hanouka 6
La disparition de Marcel Gotlib 11
La mémoire de Dany Rosen 12
Une synagogue : celle de l’EDJ 13
Gilbert Montagné 15
Le Journées de la Culture 16
Rencontre : Rachel Khan, noire et juive 19
La parole aux associations 20
Une visite des parlementaires polonais 28
Brèves communautaires 29
Culture 31
Découverte : Michaël Hirsh 36
Disparitions 38
Carnet communautaire 39
Aviv mag est une publication de l’ACIT
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2 place Riquet, 31000 Toulouse. Tél. 05 62 73 46 46
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Dépôt légal à parution
Ont contribué à ce numéro : Henri Amar, Jacques Asseraf, Alain Atlan,
Anny Beck, Dana Bensimon, Yves Bounan, Sophie Castiel, C. Chaput,
hama Chein, Patricia Dassa, Claude Denjean, Frédériclif, Domi-
nique Khalifa, Pierre Lasry, Maurice Lugassy, Yoseph Ytzrak
Matusof, Katia Nakache, Yaël Rueff-Salama, Marc Stzulman, Eydel
Weill, Harold Avraham Weill
Le citoyen qui, hier, s’ouvrait
aux autres, à l’avenir, et
à l’espoir d’un monde meilleur
qu’il serait en mesure de faire
advenir, se replie désormais
sur soi, son présent immédiat
et son espace clos.
Pour cette période de la fête des lumières,
Hanouka est concomitant avec les dates de
Noël, qu’est-ce que cela vous inspire ?
Hanouka tombe toujours au mois de décembre,
et c’est la période des fêtes de Noël de l’ère
chrétienne. Il y a donc souvent des coïnci-
dences au niveau de ces dates. Au-delà de la
religion, cette période d’illumination, de féérie,
contribue au bonheur des enfants et de leurs
familles. Justement, comme Hanouka est la
te des Lumières, je veux faire passer un mes-
sage d’espoir. C’est d’ailleurs celui que je ne
cesse de faire passer : un message d’espoir, de
paix, de séréni, d’amour, d’écoute, de solida-
ri les uns envers les autres.
La période qui vient de s’écouler a vu se
dérouler une quinzaine de manifestations
pendant un mois : les Journées de la Culture
Juive sont toujours un grand moment, qui
occupe l’EDJ pour les trois quarts des évé-
nements et plusieurs autres lieux dans la
ville. Quel est votre accueil de ces journées ?
Encore une fois ces Journées de la culture
Juive ont montré que la communauté était
capable de seinventer, de cer, de proposer
non seulement à notre communauté mais aussi
à l’ensemble de la cité, des manifestations, des
dîners, des spectacles, des expositions, des
conférences. Je me souviens entre autres de la
soirée de vernissage une cinquantaine de
peintres et sculpteurs sont venus exposer à l’es-
pace du Judaïsme. C’était une soirée
morable, on avait rarement accueilli autant
de monde, avec des visiteurs que l’on n’a pas
l’habitude de côtoyer dans ce bâtiment.
J’aimerais vous faire réagir à la thématique
« Heureux comme un Juif en France » qui a
créé des discussions, pour et contre et revenir
à cette soirée à laquelle vous avez participé
en temps que président de l’Acit avec d’autres
présidents d’associations toulousaines pour
débattre justement de ce bien-être ou de ce
«moins» bien-être de notre communauté en
France et à Toulouse.
« Heureux comme un Juif en France » est un
excellent postulat ! Nous Juifs, avons l’obliga-
tion d’être joyeux, c’est un commandement
écrit dans la paracha de Ki Tavo. Aujourd’hui,
en France, sommes-nous heureux ou sommes-
nous malheureux ? Nous sommes dans un pays
qui nous permet de vivre pleinement notre
judaïsme et c’est ts important. Nous connais-
sons depuis quelques anes des difficultés liées
à l’antimitisme, les nier serait se voiler la face.
Ceci dit, la question que je me pose et que je
veux soudre en tant que responsable commu-
nautaire, c’est comment faire pour mieux vivre
notre judaïsme en France, et c’est l’intérêt de
cette réflexion. Il est très important de partici-
per aux manifestations, conférences et journées
de réflexion que nous proposons, car c’est dans
ces moments là que l’on peut trouver des
réponses à nos questions. Pour moi, chaque
personne est indispensable, et nous sommes
tous responsables de ce que nous sommes, et
par conséquent solidaires les uns des autres.
Pour ce premier trimestre, quels grands ren-
dez-vous et quels projets pour notre
communauté ?
Pour commencer, je donne rendez-vous à tous
nos coreligionnaires le dimanche 25 décembre
pour célébrer la fête de Hanouka à l’Espace
du Judaïsme. Il y aura comme chaque année
une distribution des jouets, de cadeaux, de bei-
gnets. Nous allumerons ce soir-là la deuxième
bougie de Hanouka en présence de toute la
communauté et des représentants de la ville.
Autre projet : nombre de nos coreligionnaires
sont installés en Israël ou ailleurs et partagent
leur temps entre deux pays. Ils ont envie de
s’investir pour élargir l’assise du Consistoire de
Toulouse où ils sont et participer ainsi à la vie
de notre institution. Nous allons les aider, avec
l’équipe qui est à mes s et qui fait un travail
remarquable, à construire ce projet.
Notre AVIV Mag passe en revue un certain
nombre d’événements et de chroniques, quels
sont les points qui vous ont intéress dans ce
nuro 209 ?
Je sais que ce magazine est très attendu par les
membres de notre communauté. J’ai plaisir
également à le feuilleter, à lire les mots de nos
rabbins, à revivre les comptes-rendus des évé-
nements festifs ou cultuels, et il y a toujours des
choses à apprendre sur les associations…
Dans un autre registre, j’aperçois aussi de nou-
veaux partenaires au fil des pages, car nous
avons confié la gestion de la régie publicitaire à
une nouvelle société, Midi Pyrénées Communica-
tion, et je suis heureux de voir une nouvelle
dynamique de couleurs et de vie dans ce maga-
zine. Il y a aussi quelques hommages
émouvants, qui me font penser à la disparition
de trois Grands que sont Elie Wiesel, Joseph
Sitruck, et plus récemment Shimon Peres. Ces
trois hommes avaient en commun une destinée
à dimension universelle mais profondément
enracinée dans le judaïsme. Ils se sont rendus
maîtres de leur destin, ont toujours fait le choix
de l’action et de la vie. Ils sont un exemple à sui-
vre. Je formule le vœu qu’ils continuent à nous
inspirer.
Bonne fête de Hanouka à toutes et à tous !
Yves Bounan,
Président de la communau juive de Toulouse
AVIVmag n°209 Septembre 2016
5
Quelques questions
au président
“La question que je me pose
et que je veux résoudre
en tant que responsable
communautaire,
c’est comment
mieux vivre notre
judaïsme en France”
questions
à yves
bounan
4AVIV Mag n°209
Kevin Sellem,
la relève
Récent élu à l'ACIT, et jeune
entrepreneur, qu'est-ce qui t’a
motivé pour accepter cette
chargenouvelle ?
C'est pour moi la continuité
naturelle de mes engagements
dans les différents mouvements
de jeunesse.
Sous l'impulsion d'Yves
Bounan, le Conseil d'Adminis-
tration de l'ACIT s'est renou-
velé et rajeuni.
Je suis content d'y contribuer
en apportant une touche de
jeunesse à l'institution.
Est-ce que tu conçois la
communauté différemment
maintenant que tu es à ce
poste ?
Quand on est jeune, fidèle et
simple "administré" de la com-
munauté on voit les choses
d'une manière assez simplifiée.
On ne mesure pas l'importance
des dispositifs communautaires
ni la multiplicité des missions
remplies par l'ACIT.
De nombreux visages vous
sont familiers, vous les
rencontrez parfois, car ils
travaillent bénévolement à
aider la communauté sous
une forme ou une autre.
Focus sur deux d’entre eux
Je me rends compte désormais
tous les jours à quel point la
fonction de l'ACIT est com-
plexe et complète : elle nous ac-
compagne à toutes les étapes de
notre vie et assure l'animation
et la gestion de nos nombreuses
structures.
Est-il difficile de recruter de
nouveaux cadres
communautaires ?
C'est une question compliquée:
ceux qui ont toujours été impli-
qués dans leur jeunesse vont se
montrer spontanément disposés
et il sera facile de les associer.
D'autres en revanche sont diffi-
ciles à entraîner car souvent ils
ne s'imaginent même pas qu'ils
pourraient être utiles. Notre
mission est aussi de sensibiliser
chacun sur le rôle qu'il pourrait
jouer.
Alain Alter,
le permanent
providentiel
Après plusieurs fonctions
électives dans d’autres
associations, pourquoi ce
retour à l’ACIT ?
Ce n’est pas un retour, c’est une
“première fois”. Ce n’était pas
la destination vers laquelle je
m’étais tournée au part. Avec
le départ d’Aret de quelques
piliers de cette communauté en
Israël et ailleurs qui ont repré-
senté un changement impor-
tant dans le conseil
d’administration, on m’a fait
sentir qu’il était souhaitable
que je vienne consolider
l’équipe de l’ACIT qui est le pi-
lier essentiel de notre vie com-
munautaire locale pour une
transition en douceur. C’est ce
qui s’est opéré sous la prési-
dence d’Yves Bounan qui fait
un excellent travail. J’avais tra-
vaillé au Fond Social, à l’EDJ,
et aux questions de sécurité.
Cette expérience a facilité la
poursuite de bonnes relations
entre institutions.
Tu sembles plutôt satisfait de
cette équipe et de son travail.
Comment te projettes-tu sur
l’avenir ?
Avec une certaine confiance et
sérénité dans la mesure les
transitions qui pouvaient appa-
raître comme délicates sont
bien gérées. Lorsqu’il y a des
difficultés ou des manques, les
rangs se resserrent, les gens se
mobilisent. La collecte au ni-
veau de l’ACIT est plutôt à la
hausse et le bilan financier est
positif malgré le départ de do-
nateurs importants. On a des
finances équilibrées. Mais elles
ne traduisent jamais qu’une
mobilisation des cœurs et des
familles participantes. Sur
toutes les grandes manifesta-
tions, on voit que les gens ré-
pondent présent. Evidemment,
les synagogues ne sont jamais
suffisamment remplies bien
que les synagogues périphé-
riques soient très vivaces et que
les derniers constats montrent
une fréquentation en hausse.
J’ai une certaine confiance en
l’avenir, mais jamais une
confiance aveugle car l’on sait
que c’est toujours le prix d’un
effort et d’une action constante.
À quel type d’action penses-tu
justement ?
Je pense que parfois, il faut
aller chercher les gens qui nous
entourent par la main, des gens
vers qui un petit geste suffirait
pour les inviter à intégrer une
structure ou une autre, les invi-
ter à venir participer
Dans mon cas, cela s’est fait
sans que je le recherche. C’est
Jo Zrihen qui m’a attiré et un
peu forcé la main à l’époque.
Depuis, je suis resté attaché à
cette institution.
Propos recueillis
par Pierre Lasry
Vent-en-poupe
Portraits à suivre
?
1990 Naissance à Toulouse
2008 Baccalauréat à Ohr
Torah
2010 Responsable des EEIF de
Toulouse durant 3 ans
2014 Mariage à Jérusalem
avec Jessica
2015 Administrateur à l’ACIT
1959 Naissance à Toulouse
1981 Diplômé de Sup de Co
1982 Séjour aux Etats-Unis
1983 Mariage et retour à
Toulouse dans la vie active de
commerçant
2015 Administrateur à l’ACIT
4AVIV Mag n°209
Par
Avraham Weill
Un exil pas comme
les autres
Une célèbre question se pose à nous chaque année lors de la fête de
Hannouka : Comment justier la nécessité du miracle de la ole d’huile pure
(ndlr : qui brûla 8 jours au lieu d’un seul) alors que l’allumage du candélabre
pouvait se faire également, en cas de nécessité, avec de l’huile impure.
LE RAV ASHER
WEISS propose une
réponse originale en
analysant la particularité de
l’exil grec.
Il fait judicieusement
remarquer qu’étymologique-
ment parlant, qualier la
riode de domination grecque
pour les Juifs est inexact dans
le sens où, contrairement à
l’exil de Babylonie ou celui des
Perses, ils n’ont jamais été
contraints de quitter leur terre.
En réalité, et les grecs l’avaient
parfaitement compris, on peut
exiler un peuple sur sa propre
terre. Ne pas détruire sa
maison, mais détruire dans sa
maison. La technique est
pernicieuse et redoutable. Car
on ne voit pas toujours le mal
arriver.
Les grecs n’ont jamais détruit
le temple alors qu’ils avaient
techniquement les moyens de
le faire. Ils ont préféré le
souiller. Contraindre les Juifs à
allumer le candélabre avec de
l’huile impure. Le vider de
toute sa substance pour le
rendre profane. En faire un
lieu comme tous les autres.
Il en va de même en ce qui
concerne les 13 brèches
perpétrées dans les murs du
temple. Le nombre n’est bien
évidemment pas fortuit. Il avait
pour but de s’attaquer aux 13
articles de foi auxquels les
Juifs étaient si fortement
attachés et qui leur avaient
toujours permis de traverser les
vicissitudes de l’histoire.
Gommer les singularités.
Diluer la pureté candide et
innocente du peuple juif dans
un souci d’uniformité et de
d’égalité.
Rien d’étonnant que l’exil grec
soit qualié par la Torah de
‘Hoshekh, d’obscurité. Car
l’obscurantisme se pare
souvent d’habits de lumières.
Combien de millions de morts
dans l’histoire au nom de ceux
qui prétendaient incarner la
liberté et l’amour.
Voilà pourquoi le miracle de
Hannouka s’imposait.
Certes il aurait été possible
juridiquement parlant
d’allumer la ménora avec de
l’huile impure. Mais on
dépassait ici le cadre de la
stricte halakha (législation
juive). Renoncer à l’huile pure
aurait été une forme de
renoncement à notre identité, à
notre héritage. Cela aurait été
une forme de victoire pour les
grecs, qui n’en demandaient
pas plus.
Matiyahou et ses enfants
l’avaient parfaitement compris.
Nous ne leur serons jamais
assez reconnaissants.
Souvenons- nous, lorsque nous
allumerons les bougies, que
nous ne devons laisser
personne souiller la lumière qui
brûle à l’intérieur de notre âme.
Que sa pureté nous permet
d’exister et d’alimenter la er
que nous ressentons d’être les
positaires d’un héritage pluri
millénaire.
Hannouka Sameah
Avraham WEILL,
rabbin de Toulouse
Judaïsme
Nous ne devons
laisser personne
souiller la lumière
qui brûle
à l’intérieur
de notre âme
AVIVmag n°209 Septembre 2016
7
6AVIV Mag n°209
Hanouka en questionspar Nehama Chein
L’allumage des bougies
Bien que pendant les huit jours de
Hanouka, il soit défendu de
jeûner ou de prononcer un éloge
fubre, aucun travail n’y est
interdit.
Toutefois l’usage est répandu de
ne faire aucun travail pendant que
brûlent les lumières de Hanouka,
au moins pendant une demi-heure
aps la tombée de la nuit. En
particulier, les femmes
s’abstiendront de ne faire aucun
travail pendant ce temps en
souvenir du courage et du
vouement de Yehoudit, lle de
Yohanan, le grand ptre qui tua
le général grec Holopherne à cette
époque.
Les mets de Hanouka
La célébration de Hanouka ne
comporte pas de seouda
obligatoire. Cependant, nous
multiplions les mets festifs an de
remercier Dieu pour les miracles
et les prodiges et relever la joie de
la fête. On a l’habitude de manger
des mets frits dans l’huile :
beignets ou latkes en souvenir du
miracle de la ole d’huile.
L’argent de Hanouka
et les cadeaux aux
enfants
Le nom de Hanouka suggère un
rapprochement avec le mot «
HINOU’H » : éducation morale
et religieuse. D’où vient aussi la
coutume de distribuer aux enfants
de petites sommes d’argent en
guise de cadeaux, dans le but des
les encourager à l’étude.
En effet, nous donnons des pièces
aux enfants pour les habituer à
utiliser leur argent pour des
mitsvot, et, en particulier, pour la
tsédaka (charité). La tsédaka
donnée par un enfant est, par
certains aspects, supérieure à celle
que donne un adulte. Un adulte
travaille pour gagner son argent
et, s’il donne, il peut travailler
pour remplacer ce qu’il a donné.
anmoins, l’enfant ressent une
joie profonde à donner
reusement quand il voit une
personnecessiteuse ou une
institution scolaire de Torah qui
rite son attention.
Les cadeaux offerts aux enfants
contribuent à ressentir la joie de la
te et encouragent leur
participation active lors de
l’allumage des bougies.
La toupie
Le jeu de la toupie, sévivon, date
encore de l’histoire de Hanouka :
l’étude de la Torah étant interdite,
les enfants juifs se cachaient dans
des grottes pour étudier. Quand
ils étaient découverts par les
soldats grecs, ils tiraient de leurs
poches leurs toupies et
prétendaient simplement jouer.
Nous nous souvenons alors de
leur courage. Les lettres
symboliques : Noun, Guimel, Hé,
Chin des mots « Ness Gadol Haya
Cham » inscrites sur les faces de la
toupie doivent graver dans la
moire des enfants le souvenir
du miracle de Hanouka.
Louanges à Dieu
Les huit jours de Hanouka sont
xés comme jours de fête célébrés
par le chant du Hallel (louanges à
Dieu) et la récitation d’une prière,
Al Hanissim, de reconnaissance
envers l’Eternel.
Comment allumer
Le 1er soir on allume la lumre qui
se trouve la plus à droite sur la
hanoukia. Les jours suivants on
place les bougies de droite à
gauche, et on allume d’abord la
lumière de gauche qui a été
ajoutée.
On allume le soir, à la tombée de
la nuit. Vendredi soir on allume
les bougies de Hanoucca avant
celles de chabbat, elles devront
brûler au moins 1/2 heure après
la nuit tombée.
Samedi soir on allume les
bougies de Hanoucca dans les
foyers après Havdala.
Bénédictions
• Le 1er soir, la personne qui
allume dit 3 bénédictions :
1. « Léadlik ner hanoucca »
2. « Chéassa nissim »
3. « Chééhiyanou ».
• Les autres soirs on dit
seulement les deux premières
bénédictions
Judaïsme
pratique
Hanouka, faut-il le rappeler, constitue la dernière fête que nos Sages ont intégrée dans notre calendrier
hébraïque. Absente du Texte Biblique, elle partage avec Pourim, la spécificité d’avoir été instituée par
des hommes pour des hommes... Elle se distingue toutefois du récit d’Esther qui se perd dans les limbes
de l’histoire et qui a pu, chez certains, apparaitre comme un mythe. Précisément datée*, l’épopée des
Macchabis signe, en quelque sorte, l’irruption du judaïsme dans l’histoire universelle. Cette relative
proximité dans le temps historique lui confère une modernité qui emporte une large adhésion au sein
du monde juif. En attestent ses récents allumages publics dans les grandes métropoles occidentales.
Q
uand, dans les nuits de décembre, brille-
ront les petites lueurs de Hanouka, un
sentiment diffus d’une identité partagée,
gagnera probablement nombre de foyers juifs. La
conscience que, sous toutes les latitudes, des
myriades de maisons juives se soumettent simulta-
nément au même cérémonial, viendra traverser les
esprits et nous conforter dans cette ie d’une unité
d’un peuple par-de la géographie. Peu de familles
assumant leur identité se priveront délibérément de
ce rituel. D’autant qu’elles sont rares les brations
religieuses qui revêtent un caractère familial aussi
bon enfant. Délestées des contraintes rituelles et
domestiques parfois éprouvantes, les festivités de
Hanouka impriment dans les demeures juives une
atmospre empreinte d’une certaine magie. Char-
gés de leurs cadeaux, les enfants laisseront libre
cours à leur gaiebruyante auprès des adultes ravis
de cette ambiance joyeuse.
Et chacun de se souvenir parfois de sa jeunesse ; de
ses parents ou grands-parents qui, dans les terres
ensoleillées d’Afrique du Nord ou les bourgs ennei-
gés d’Europe de l’Est regardaient également
scintiller ces petites lumières alignées. Rappel
immanquable du pasqui, par délité, nous arrime
à la longue chne immémoriale qui relie les généra-
tions et dont, à notre tour, nous tentons d’assurer la
continuité.
Chez quelques uns parmi nous, surgira la vague nos-
talgie d’une terre et d’un pays abandonné voi plus
de 2000 ans. Ils se souviendront, non sans er, du
combat roïque que des irrédentistes juifs ont mené
contre l’occupant gréco-assyrien; des victoires rem-
portées malgré la disproportion des forces pour, in
ne, rétablir une souveraineté relative sur leur terri-
toire. Ils ne manqueront pas de songer à l’Israël
contemporain, également en butte à l’hostilité géné-
rale et qui a adopté, comme symbole de son état, ce
me candélabre à huit branches.
D’autres évoqueront dans leurs prières la main
providentielle du Ciel qui intervient avec succès
dans la lutte asymétrique entreprise par les Has-
monéens** pour défendre les fondements
essentiels du judsme. Ils se rappelleront de cette
ole d’huile pure retrouvée qui a pu miraculeuse-
ment alimenter les ammes de la Ménora durant
huit jours dans l’enceinte du Temple soustrait au
paganisme de la puissance d’occupation.
Ce petit peuple recroquevil sur lui-même, volon-
tairement soumis à la loi divine et jaloux de son
mode de vie, se retrouve régulièrement confron
aux grandes civilisations, à leurs cultures, à leur
pensée, à leur savoir. Il ne dédaignera pas de se fé-
rer aux valeurs qu’elles hiculent, comme la raison
ou la science. Mais ils se cabre quand on attente à sa
foi profonde et refuse obstinément la métaphysique
grecque dès lors qu’elle entend vider le Ciel de son
Dieu Un et Unique.
Sa foi ne saurait composer avec les multiples divini-
tés qui peuplent le Panthéon des Hellènes Les
innombrables sculptures qui les représentent ainsi
que le règne arrogant du Beau et de l’esthétique
qu’ils exaltent ne peut faire bon ménage avec l’esprit
du judsme tendu vers une’Présence Absentequi
proscrit l’image.
La déli à cette ligne n’a pas varié au cours des siè-
cles et aucun mirage n’a pu l’amender jusque-là.
Jacques ASSERAF
* Vers 168 avant l’ère commune
** Du nom de la famille qui, la première, a pris la direc-
tion de la révolte et de la lutte armée
AVIV Mag n°209 9
Judaïsme
Par Jacques Asseraf
Hanouka au présent
La conscience
que, sous toutes
les latitudes, des
myriades de
maisons juives
se soumettent
simultanément
au même
monial
Hanouka - Pourim
Àp r o p o s
de Ha-
nouka
nos sages n’ont
pas manqué de re-
lever que la vic-
toire célébrée pendant cette période
est celle de la lumière qui pourtant
semble presque anecdotique par rap-
port à la victoire militaire contre l’une
des armées les plus puissantes de
l’époque.
Deux grandes fêtes découlant de
l’Histoire, ont été instituées par nos
prophètes : Hanouka et Pourim.
Mais, une grande différence existe
dans leurs pratiques; Pourim est cé-
lébrée avec de grandes festivités de
repas (séouda) et boissons (Michté),
alors que Hanouka est davantage cé-
lébrée par les allumages et les récita-
tions de louanges (Hallel, Al hanis-
sim…..) sans aucune indication
particulière concernant les repas.
L’explication de cette différence est
qu’à Pourim, nous fêtons l’avènement
de la menace de notre extermination
physique alors qu’à Hanouka nous
fêtons l’avènement de la menace de
notre extermination spirituelle.
C’est pour cette raison que l’accent
est mis à Hanouka sur le miracle de
la fiole d’huile qui a brûlée miracu-
leusement 8 jours, et non sur la vic-
toire militaire car la lumière repré-
sente l’esprit et la spiritualité.
Cependant nous ne trouvons pas de
lien évident entre Hanouka et nos
lois de cacheroute alors qu’à Pourim
selon un avis du Talmud, le décret
d’Aman était une conséquence du
non-respect de la cacheroute lors du
repas royal de Assuérus.
Toutefois, en réfléchissant sur une
des raisons des lois de cacherout,
nous pouvons quand même trouver
un lien: la cacheroute touche aux ali-
ments et à leur aspect physique mais
la raison profonde de ces lois est fon-
dée sur le fait que la nourriture phy-
sique est également la nourriture qui
alimente l’esprit et se diffuse «dans
notre chair et notre sang». Pour por-
ter notre qualité de «peuple saint et
distingué» D-ieu nous a ordonné une
alimentation saine et sainte.
Hanouka nous engage à privilégier
le Spirituel et notre Esprit par rap-
port au matériel et à notre corps.
Aujourd’hui, comme à l’époque de
Hanouka, des menaces pèsent sur no-
tre spécificité et particularisme: mila
(circoncision), et cacheroute
(che’hita = abattage rituel…).
«Une petite lumière chasse les ténè-
bres, même denses» grâce à l’allu-
mage de nos lumières de Hanouka,
lumières de Torah et Mitsvot, notam-
ment par l’observance des lois de Ca-
cheroute, nous pourrons vivre notre
spiritualité et notre judaïsme en toute
quiétude.
En attendant que se réalise la pro-
phétie de David «Là, je ferai grandir
la fierté de David, je préparerai la
flamme de mon Machia’h» (Psaume
132.17).
Hanouka saméa’h.
Rav YY Matusof
8AVIV Mag n°209
Judaïsme
Par Yossef Matusof
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