
2
Cette thèse porte sur la relation entre soins et recherche dans le cas des essais cliniques
précoces en cancérologie. L’objectif principal est d’identifier les mécanismes sociaux qui
permettent aux patients d’être orientés vers une unité de recherche puis d’être inclus dans un
protocole d’essai. Ce travail s’inscrit dans le champ de la sociologie de la santé (Carricaburu
& Ménoret, 2004) et plus particulièrement dans le cadre des travaux qui portent sur la
cancérologie (Castel, 2005; Baszanger, 1986; Bataille, 2003; Ménoret, 2007) et la recherche
clinique (Keating & Cambrosio, 2012; Dalgalarrondo, 2004; Rabeharisoa & Callon, 1999;
Löwy, 2002; Fox, 1998). Il emprunte également des éléments de réflexion à la sociologie
économique, notamment avec la notion d’appariement (Steiner, A venir; Roth, 2010), ainsi
qu’aux études développées dans la lignée des analyses structurales (Simmel, 1999; Elias,
1991; Grossetti, 2006; White, 2011).
Les essais cliniques occupent depuis longtemps une place importante dans la prise en
charge des patients atteints de cancer. Cependant depuis une dizaine d’années, les liens
unissant traitements standards et recherche se sont largement complexifiés, notamment avec
l’arrivée des thérapies « ciblées » dont le fonctionnement est basé sur l’identification des
anomalies génomiques des tumeurs. Ainsi dans certaines situations, la participation à un essai
apparait comme une ressource supplémentaire pour les patients atteints de cancers avancés –
cancer métastatique ayant reçu plusieurs lignes de traitements (chimiothérapie, radiothérapie).
Ces changements sont d’autant plus visibles au niveau des premières phases de recherche
clinique – auxquelles les essais précoces correspondent – car celles-ci n’avaient
traditionnellement pas de visées thérapeutiques. Ces changements ont également entrainé une
réorganisation des étapes de recherche nécessaires à la commercialisation de nouveaux
médicaments, généralement divisés en quatre phases (I, II, III et IV), chacune répondant à des
objectifs précis (identifier les toxicités, les doses administrables, l’efficacité). Dans ce
contexte, la question de l’inclusion dans des essais précoces se situe à la croisée d’intérêts
autant médicaux – donner accès à des nouveaux traitements à des patients en situation d’échec
thérapeutique – que scientifiques – accélérer le développement de nouveaux traitements. Mais
la participation à ces essais est un processus complexe et cela pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, le faible nombre d’essais et de places disponibles oblige les patients à se déplacer sur
de longues distances afin d’être inclus. Ensuite, les conditions de participation sont
particulièrement strictes, obligeant les unités de recherches à écarter un nombre important de