suspendu durant six mois pour des études complé-
mentaires indispensables, entraînant des surcoûts
(immobilisations…) et des retards à la livraison.» Et
ce dernier d’insister sur un point : l’argument éco-
nomique ne doit en aucun cas être brandi pour
escamoter ces études de diagnostic: «En opérant
de la sorte, on ne fait que différer le problème; l’éco-
nomie réalisée sur les études se verra annulée
ultérieurement. D’autant que des désordres de struc-
tures sur de grandes opérations peuvent atteindre
plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de
milliers d’euros. Sans compter des délais d’exécution
supplémentaires de travaux de reprise et de confor-
tement de plusieurs semaines, voire plusieurs mois.»
Les études préalables doivent également être en
mesure de garantir l’éventuel changement de
destination de l’ouvrage: la répartition de charges
au niveau des planchers ne sera pas la même au
sein d’un bâtiment à usage d’habitation que celle
au sein d’un bâtiment de stockage d’archives, par
exemple. Il est du ressort de l’équipe de concep-
tion, avec l’intervention, si nécessaire, de bureaux
d’études spécialisés, de redimensionner une struc-
ture en fonction des reports de charge inhérents à
la nouvelle destination de l’ouvrage.
Sur des projets de rénovation visant des bâtiments
relativement anciens, la maîtrise d’œuvre veillera
également à identifier les éventuelles techniques
de construction traditionnelles qui ont pu parfois
tomber dans l’oubli. C’est d’ailleurs une obligation
dans le cas des bâtiments classés, dont les Archi-
tectes des bâtiments de France (ABF) sont censés
être les garants. Plus largement, la phase de dia -
gnos tic fait fréquemment appel à des connaissances
historiques en matière de construction. Une tâche
à mi-chemin entre celle de l’historien et du médecin
de famille: «Je conseille de consacrer beaucoup de
temps à la phase d’observation, indique Thomas Le-
merre, expert conseil chez Socabat: la façade a-t-elle
connu des modifications? Comment se répartissent
les charges au sein de l’ouvrage ? Arbore-t-il des
débords de toit? Les murs présentent-ils des fis-
sures, des remontées d’humidité, des spectres? Et
effectivement, il est conseillé de se renseigner sur les
méthodes de construction en vigueur lors de la
construction de l’ouvrage afin de mieux appréhender
le squelette non visible du bâtiment.»
Techniques de construction
traditionnelles
Ce qui amène à considérer les pathologies résul-
tant directement d’une perte de savoir-faire de la
part des exécutants. Certains ouvrages anciens
requièrent une maîtrise parfaite de ces techniques
pour être restaurés, sous peine de générer des si-
nistres. Si reprendre un plancher en bois représente
une tâche anodine a priori, la donne s’avère au -
trement plus ardue dans le cas d’un plancher sur
voûte comme il s’en trouve dans les bâtiments de
la fin du XIXesiècle.
Certains types d’ouvrages peuvent quant à eux pâtir
de leur remise au goût du jour, au gré des tendances
et des modes. C’est le cas par exemple des enduits
à la chaux: de nos jours, les artisans recourent à
de la chaux conditionnée et prête à l’emploi, sans
qu’il soit besoin d’en maîtriser le dosage. Ce qui
pourtant ne préserve pas toujours de quelques
ratés –spectres, marbrures, coulées blanches –
qui nuisent à l’esthétique de la façade (même si ce
genre de désordre ne rend pas l’ouvrage impropre
à sa destination, sauf arbitrage contraire).
Cette méconnaissance peut aussi conduire un ar-
tisan à appliquer un enduit inadéquat: «En région
Bretagne, où beaucoup de constructions sont encore
constituées de murs en terre, de nombreux sinistres
surviennent suite à l’application de nouveaux enduits
en ciment, signale Thomas Lemerre. Empêchant l’hu-
midité de traverser les cloisons, ces enduits conduisent
à une liquéfaction de la terre qui constitue ces murs
et in fine à leur effondrement.» Autant de sinistres
évitables si des enduits traditionnels, n’entravant
pas la migration de la vapeur d’eau, étaient appliqués
(terre/chaux ou chaux/chanvre). Cet em pri son -
nement de l’humidité par les enduits ciment peut
également nuire à d’autres types d’ouvrage (plan-
chers bois s’insérant au niveau des cloisons).
«On voit réapparaître les murs en paille ou en pisé,
qui sont modernisés ou adaptés, mais dont la tech-
nicité s’était perdue, complète Jean-Pierre Thomas.
Il y a toutefois une volonté des professionnels promo-
teurs du renouveau de ces techniques anciennes, de
constituer un référentiel de base reconnu par la
profession, afin de limiter les mauvais retours d’expé -
rience et que l’image de ces techniques traditionnelles
ne soit pas impactée.»
Transferts d’humidité
En construction neuve, l’imperméabilisation des en-
veloppes fait partie des principes de base. Mais
transposée à l’existant, elle en devient source de pa-
thologies. Car pour rappel, l’imperméabilisation
des enveloppes en neuf va de pair avec un système
de renouvellement d’air propice à assurer du même
coup les transferts d’humidité. Transferts qui, dans
l’ancien, s’effectuent à la faveur des passages d’air
parasites (liaisons entre les parois et les dormants
de menuiserie, joints de simple vitrage…). Vouloir
rendre un ouvrage totalement étanche en occultant
les nécessaires transferts d’humidité en son sein,
c’est courir à la catastrophe: «Les bâtiments an-
ciens doivent pouvoir continuer à “respirer”, tranche
Thomas Lemerre. L’interruption des transferts de
vapeur d’eau au sein d’une paroi –en l’isolant avec
du polystyrène, un pare-vapeur et des plaques de
plâtre – risque de conduire au pourrissement des
éléments d’un bâtiment en structure bois. Il faut
savoir maîtriser la perspirance des parois. L’inertie
thermique des bâtiments anciens avec murs épais
disparaît si des doublages thermiques intérieurs trop
performants sont employés.»
D’autres types de travaux de rénovation sont sus-
ceptibles de perturber ces transferts d’humidité:
une maison avec un sous-sol en terre battue ne peut
accueillir un nouveau dallage en béton sans
conduire à des remontées capillaires au niveau
des parois. « L’humidité du sous-sol va se trouver
bloquée par le dallage puis se concentrer en pied
de murs, détaille Thomas Lemerre. Les
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QUALITÉ CONSTRUCTION
•
N° 154
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JANVIER / FÉVRIER 2016
TECHNIQUES PRÉVENTION
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“Sur des
projets de
rénovation
visant des
bâtiments
relativement
anciens,
la maîtrise
d’œuvre
veillera à
identifier les
éventuelles
techniques de
construction
traditionnelles
qui ont pu
parfois
tomber dans
l’oubli”