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17/03/2015 Mariam ENNAHOU, infirmière chef en MRS (Braine-l'Alleud) , élève cadre de santé, 2ème année.
L’outil « sécurisation de la prise en charge
médicamenteuse en Ephad » de l’ANAP voyage en
Belgique
La Belgique va tester dans les prochains mois l’outil de sécurisation de la prise
en charge médicamenteuse, en l’adaptant aux maisons de repos et de santé qui
sont les « équivalents » de nos EHPAD en France. Quelles sont les spécificités
et ou les difficultés rencontrées en Belgique ? Pourquoi cet outil suscite-t-il leur
intérêt ? En quoi pourrait-il aider les établissements belges ? Quels sont les
acteurs qui vont être associés ?
Mariam Ennahou, Infirmière en chef (cadre de santé) - Maison de repos et de
soins (MR/MRS), Villa 34 à Braine-l'Alleud - Belgique, répond à ces questions.
Quelles sont les spécificités et /ou les difficultés liées à la sécurisation de la prise en charge
médicamenteuse dans les maisons de repos et de santé en en Belgique ?
Elles sont de trois ordres : le type de structure, l’organisation de la pharmacie, la gestion des
stocks.
1. Le type de structure.
En Belgique, il existe deux types de structures d’hébergement de personnes âgées
dépendantes de plus de 60 ans : les maisons de repos pour personnes âgées (MRPA) et les
maisons de repos et de soins (MRS). Les lits MRS sont prévus pour des personnes âgées
lourdement dépendantes, qui bénéficient de soins importants et doivent satisfaire à des normes
plus strictes.
En maison de repos et de soins (MRS), la présence infirmière doit être continue (24h/24)
et les normes en personnel (infirmières, aides soignantes, kinésithérapeutes,…) sont
majorées. Les MRPA/MRS ont différents statuts : public, ASBL, privé (propriétaire unique)
ou privé commercial (groupement de MR, MRS, propriété de groupe d’actionnaires).
La population hébergée en MRPA est sensée présenter un profil moins dépendant. Dans les
faits, quand l’état du patient se dégrade, suite à une thrombose par exemple, il poursuit son
séjour dans la MR. Ses soins sont alors plus lourds, il devient totalement dépendant. Chaque
MRPA belge héberge des patients présentant de tels profils. La présence infirmière en MRPA
n’est pas continue (24h/24). La surveillance de nuit est assurée par des aides soignantes.
Une des grandes difficultés liée à la sécurisation du circuit du médicament en MRPA
réside dans le fait qu’en l’absence d’infirmière, le personnel soignant prend en charge la
distribution et l’administration des médicaments. Cet acte délégué pose problème quand il
n'est pas formalisé via une procédure communiquée à l'ensemble du personnel. Dans la
plupart des petites structures (60 à 80 patients), l’acte de délégation de l’administration
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des médicaments à l’aide soignante
1
est rarement décrit au sein d’une procédure
élaborée en concertation avec les médecins traitants. Les responsabilités ne sont alors pas
clairement établies. Il est fréquent que l'aide soignante transporte les médicaments du poste
infirmier vers le service se trouve le résident. Dans d'autres situations, l'aide soignante
transfère les médicaments du semainier aux petits pots de distribution journalière. Peu formé,
le personnel soignant broie des comprimés à enrobage gastro résistant, ouvre des gélules et les
pilonne avec d'autres dicaments, mélange plusieurs suspensions dans un seul verre... Ces
manipulations sont génératrices de risques pour le résident. Selon l'avis du CTAI, ces actes
font partie des responsabilités infirmières et ne peuvent donc être délégués. La multitude de
médecins traitants fréquentant une même MRPA/MRS complexifie la marche. Les
médecins disposent du formulaire thérapeutique MRS mais n'y ont que rarement recours. Ce
Formulaire MRS est conçu pour être un outil de référence pour la prescription de
médicaments chez les personnes âgées.
Ce choix de médicaments n’est pas limitatif et encore moins coercitif. La sélection invite à
une prescription rationnelle
2
.
2. L’organisation de la pharmacie.
La législation belge prévoit que seuls les pharmaciens d’officine ouverte au public, ou les
pharmaciens hospitaliers, sont habilités à dispenser et à délivrer des médicaments au public,
notamment celui des maisons de repos et de soins (MRS). Le recours à la PUI est
l’exception en Belgique ; ceci est au fait qu’il existe très peu de centres gériatriques
3
. À
ma connaissance, il n’existe en Belgique aucune pharmacie implantée dans une
MRPA/MRS.
Actuellement, les MRPA/MRS commandent leurs médicaments à l’officine d’un pharmacien
proche de la structure. Les médicaments peuvent leur être livrés sous deux formes
(conditionnement par boite de médicament prescrit ou par PMI
4
). Des problèmes peuvent se
poser dans le cadre de la PMI, notamment quand un médecin traitant décide de modifier le
traitement. Un risque d’erreur peut survenir suite à une manipulation supplémentaire. Des
sachets (préparés pour 7 jours) doivent être ouverts par les infirmières qui se succèdent dans
le service. Les ½ ou ¼ de comprimés ne sont pas intégrés à la PMI, ils doivent être préparés
par l’infirmière dans le service. L’expertise du pharmacien qui doit veiller à ce qu’il n’existe
pas de contre-indication entre les différentes spécialités ou compléments administrés
simultanément est alors niée.
1
Dans son avis du 22/09/2011, la commission technique de l'art infirmier (CTAI) reprécisait les termes de la loi. L'arrêté
royal du 12 janvier 2006 fixant les activités infirmières qui peuvent être effectuées par des aides soignants et les conditions
dans lesquelles ces aides soignants peuvent poser ces actes, détermine que les aides soignants peuvent aider les
patients/résidents à prendre leurs médicaments par voie orale, selon un système de distribution préparé par un praticien de
l'art infirmier ou un pharmacien
2
Buts du Formulaire MRS[en ligne], disponible sur :
http://www.formularium.be/Chapter.aspx?Lang=F&ChapterId=1979 [18/02/2015].
3
Institution regroupant (sur un même site) une MRS, un hôpital et une polyclinique. Seules de telles structures
emploient des pharmaciens salariés et répondent aux prescrits légaux.
4
La PMI (préparation de médication individuelle) rassemble sous un conditionnement unique le traitement
journalier du patient. Des sachets nominatifs divisés par période d’administration (matin, midi, soir) sont
fournis par la pharmacie dans des box sécurisés. Un robot ou le pharmacien prépare les conditionnements pour
une durée de 7 ou 14 jours.
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L’architecture des bâtiments n’est pas toujours adaptée à la sécurisation, au stockage et à la
préparation des médicaments. Certaines MRPA/MRS sont d’anciennes maisons de maîtres
transformées. Les espaces de plus de 15m² sont transformés en chambres (financièrement plus
rentables). La pharmacie
5
, parent pauvre, est confinée dans de très petits espaces. Le stockage
des médicaments n’y est pas efficient.
L’arrêté royal du 24 septembre 2012 établissant les règles relatives à la préparation de
médication individuelle (PMI) va profondément modifier le travail de préparation des
médicaments en maison de repos. En avril 2015, l’INAMI
6
impose aux pharmaciens la
facturation des médicaments à l’unité pour tous les patients hébergés en MRPA/MRS.
Ce qui imposera pour les pharmaciens une gestion actualisée des schémas
d’administration des médicaments et de valider les traitements chroniques en accord
avec chaque médecin traitant. La modification doit permettre d’éviter les interactions
indésirables et ainsi renforcer la qualité des soins. Cette profonde réforme cadre avec les
mesures d’économie du gouvernement qui vise une maîtrise des volumes de médicaments
facturés à l’assurance soins de santé.
3. La gestion des stocks.
Il est interdit de disposer d’une pharmacie d’urgence
7
en MRS. Les dépôts de médicaments
ne sont pas autorisés dans les établissements d’hébergement, seuls les établissements de
soins
8
peuvent disposer d'une pharmacie d’urgence. Certaines institutions pourraient être
tentées de stocker certains médicaments (paracétamol, diurétiques, antiémétique,…) afin
d’optimiser la mise en place d’un nouveau traitement quand l’officine est fermée. C’est ainsi
que nous disposons de médicaments de première urgence (diurétique, antalgique,
antiémétique,…) pour certains patients bénéficiant d'ordres permanents prescrits selon des
procédures déterminées par le médecin traitant. L’infirmier qui serait tenté d’utiliser les
médicaments de la pharmacie d’urgence (ordre permanent prévu pour un autre patient, même
avec une prescription) se rendrait coupable d’exercer illégalement l’art pharmaceutique, sa
responsabilité serait alors engagée. Pourtant, en cas d’urgence, ne devons-nous pas porter
assistance à une personne en danger ?
L’arrêté royal du 21 janvier 2009 impose au pharmacien de déterminer avec les personnes
mandataires les modalités de délivrance en cas d’urgence, y compris le soir et les weekends.
Pour les petites structures, cette clause technique spécifique pour la fourniture en cas
d’urgence, les soirs, les samedis et les jours non ouvrables n'est pas systématiquement
spécifiée dans le cahier des charges. Les familles doivent alors être contactées aux heures de
fermeture de l'officine pour aller chercher les médicaments dans une pharmacie de garde.
Aussi, quand un résident n'a pas de famille, l'instauration du traitement prescrit en urgence
peut être postposée.
En ce qui concerne le suivi des médicaments prescrits mais non utilisés, suite à un
changement de traitement, ces médicaments restent la propriété du patient. Il nous est souvent
difficile de les stocker dans le bac de médicaments du résident par manque de place
(majoration du stock du résident). Deux options s’offrent alors : retourner les médicaments à
5
Espace où l’on prépare, stocke et contrôle les médicaments livrés par l’officine du pharmacien.
6
Institut national d'assurance maladie-invalidité, organisme fédéral de sécurité sociale.
7
Il s’agit de médicament non nominatif et stocké dans une armoire d’urgence.
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A.R 19.10.1978 réglementant les officines et les dépôts de médicaments dans les établissements de soins.
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la pharmacie pour destruction (médicaments soumis à prescription, stupéfiants) ou restitution
des médicaments à la famille (médicaments en vente libre).
Pourquoi l’outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI© suscite-t-il votre intérêt ?
De la bonne organisation du circuit du médicament dépend la sécurité du patient et la
minimisation des risques iatrogènes liés à la thérapeutique. Au sein des MRPA/MRS
j’ai travaillé, j’ai rencontré des acteurs professionnels (médecins, infirmières, pharmacien,…)
et des résidents insatisfaits de la gestion des médicaments. Infirmière chef de service et
conseiller qualité, je suis interpellée par la complexité du circuit du médicament. En
collaboration avec le médecin coordonnateur et le pharmacien, nous analysons les erreurs
médicamenteuses enregistrées a posteriori. Nous souhaitons être plus proactifs. Nous nous
interrogeons sur la façon d’optimaliser ce circuit afin de réduire les risques pour les patients.
À ma connaissance, il n’existe aucun outil permettant un audit du circuit du médicament en
MRPA/MRS en Belgique.
Afin de promouvoir et soutenir la coordination de la qualité et la sécurité des patients dans les
hôpitaux belges, plusieurs plans pluriannuels ont vu le jour. Ce sont les contrats qualité
sécurité des patients (patient safety.be). Il n’existe rien de semblable en MRPA/MRS.
L’annexe 1ère de l'arrêté royal du 21 septembre 2004
9
fixant les normes pour l’agrément
spécial comme maison de repos et de soins, comme centre de soins de jour ou comme centre
pour lésions cérébrales acquises, inclut dans les normes fonctionnelles la présence d’un
infirmier en chef. Les normes organisationnelles précisent les missions de l’infirmier en chef.
En collaboration avec le médecin coordonnateur, l’infirmière en chef doit assurer l’évaluation,
de manière systématique, de la qualité et de l’efficacité des soins administrés aux résidents
(enregistrement des escarres, des infections, des chutes, des contentions). L’arrêté royal parle
de qualité en MRPA/MRS mais sans définir d’indicateurs de performance
10
spécifiques au
circuit du médicament.
3. Normes d'organisation.
(2) En concertation avec le ou les infirmier(s) en chef, le médecin coordinateur et conseiller
assume les tâches suivantes : organiser la prescription, la fourniture, la délivrance, la
conservation et la distribution de médicaments en concertation avec les pharmaciens.
10. Normes de qualité.
a) La maison de repos et de soins dispense, dans l'accomplissement de sa mission, des soins et
des services appropriés à chaque résident. Dans ce cadre, elle doit développer une politique de
9
21 SEPTEMBRE 2004. - Arrêté royal fixant les normes pour l'agrément spécial comme maison de repos et de
soins.
10
Qualité évoquée aussi dans le décret du 30 AVRIL 2009. Décret relatif à l’hébergement et à l’accueil des
personnes âgées (M.B. du 16/07/2009, p. 49646). Art. 5. Le Gouvernement arrête une charte relative à la
qualité des établissements pour personnes âgées centrée sur les besoins, les attentes et le respect des
résidents afin d’améliorer leur qualité de vie.
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qualité axée sur la planification, l'évaluation et l'amélioration systématiques de la qualité des
soins et services prestés, ainsi que de son fonctionnement.
b) La maison de repos et de soins dispose d'un programme de qualité qui, au minimum,
précise la politique de qualité poursuivie visée au point a), de même que les modalités et la
périodicité de l'évaluation de la qualité des soins. Au moins une fois par an, un rapport est
rédigé par le médecin coordonnateur et conseiller et par le ou les infirmier(s) en chef
concernant l'évaluation de la qualité des soins. C'est ainsi que, fin 2004, la problématique des
médicaments complète le concept de qualité en MRS. Médecins coordonnateurs et infirmières
en chef disposent depuis de tableaux de bords de gestion des escarres, des chutes, des
incontinents… mais rien qui se rapporte au circuit du médicament. Dans certaines structures,
des formations sur les médicaments sont dispensées par les médecins coordonnateurs. Depuis
le projet COME.ON
11
une réflexion s'est amorcée entre les divers prestataires de soins des
MRS belges. Quel est notre niveau de maîtrise des risques ? Comment identifier les risques
structurels de l’établissement ? Comment cartographier les axes d’améliorations ?
L’utilisation d’un outil spécifique pour l’analyse du circuit du médicament en MRPA/MRS
permet-elle de rencontrer ces attentes ? Ces questions guident notre recherche pour préparer
l'avenir.
L’outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI© permet une analyse du circuit du
médicament a priori. Les outils que nous utilisons en MRPA/MRS analysent les événements
indésirables quand ils se sont produits (analyse a posteriori). Ces deux outils nous semblent
complémentaires. Développer une vision systémique de l’organisation du circuit du
médicament et communiquer via l’outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI©
avec l’ensemble des acteurs concernés est notre projet. La simplicité d’utilisation de
l'outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI© a motivé notre choix.
En quoi cet outil pourrait aider les établissements belges ? Quels sont les acteurs que vous
allez associer dans cette démarche ?
En MRPA/MRS, la culture de la gestion qualité est récente. Chaque directeur d’établissement
préfère anticiper plutôt que d’attendre l’erreur médicamenteuse et le spot médiatique, il a
donc besoin d'outils spécifiques.
Ma recherche teste l’outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI© dans une MRS. Le
personnel, direction, médecin coordonnateur, infirmière en chef, pharmacien, infirmière, tous
sont motivés par la manière simple et visuelle proposée par l’outil pour comprendre les failles
du circuit du médicament. Au cours de réunion de coordination entre plusieurs MRPA/MRS,
j’ai présenté l’outil Inter Diag Médicaments EHPAD sans PUI© à plusieurs directeurs de
maisons de repos qui semblent intéressés par l'utilisation de l’outil.
11
COME.ON (Collaborative approach to optimise MEdication use for Older people in Nursing
homes).
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