lundi 13 juin 2016 11
Le Dr Balbir Verma, urologue à la clinique Fortis-Darné,
explique, dans un entretien accordé au Mauricien, que
le cancer de la prostate est guérissable à Maurice. La chirur-
gie est devenue une pratique courante mais pour qu’elle soit
une réussite il faut que le cancer ait été détecté dans un état
précoce. « Si on constate une infection limitée à la prostate,
on peut entreprendre une chirurgie dans le but de guérir le
patient », insiste le Dr Verma.
Dr Balbir Verma, urologue :
Propos recueillis par JEAN MARC POCHÉ
« Le cancer de la prostate
est guérissable à Maurice »
interview
Vous avez pratiqué une
série d’interventions
chirurgicales sur des ma-
lades atteints de cancer
de la prostate. Pouvez-
vous nous en parler ?
Lorsque je suis arrivé à
Maurice en 2009, la chirur-
gie n’était pas utilisée pour
traiter le cancer de la pros-
tate dans l’île. On avait alors
recours soit à la radiothéra-
pie, soit au traitement hor-
monal afin de contrôler le
cancer. L’introduction pour la
première fois de la chirurgie
n’a pas été une tâche facile.
Il a fallu faire beaucoup d’ef-
forts pour convaincre les pa-
tients que cela était possible
à Maurice. Nous avons créé
une équipe de professionnels
pour mener à bien ce projet
qui nécessite le recours à des
procédures délicates et com-
pliquées. Les premières in-
terventions ont été effectuées
vers la fin de 2009. Par la
suite, la chirurgie est deve-
nue une pratique courante.
Il faut savoir que cette in-
tervention très difficile peut
prendre plusieurs heures.
Afin de bien la réussir, il faut
que le cancer ait été détecté
dans un état précoce. Si on
constate une infection limitée
à la prostate, on peut entre-
prendre une chirurgie dans
le but de guérir le patient. À
Fortis Clinique Darné, nous
considérons qu’un bon traite-
ment passe par une approche
communautaire.
Quels sont les symptômes
du cancer de la prostate ?
Il n’y a pas de symptômes. Il
y a eu beaucoup de recherches
dans le monde. On l’attribue
à plusieurs causes. Le cancer
évolue en silence. Lorsque les
symptômes apparaissent, il
est possible que ce soit trop
tard. C’est la raison pour la-
quelle il est important que les
patients se fassent traiter le
plus tôt possible. Les symp-
tômes peuvent inclure la fati-
gue, perte de poids et d’appé-
tit, des difficultés à uriner.
Quelle en est la cause ?
Les causes exactes sont
encore inconnues. Il y a plu-
sieurs hypothèses sur les-
quelles se penchent les cher-
cheurs. Auparavant, certains
faisaient le lien entre l’ali-
mentation et le cancer de la
prostate, mais ils ont, par la
suite, établi qu’il n’y avait
aucun lien entre les deux.
D’autres études ont attribué
ce type de cancer à l’origine
ethnique. Elles ont démontré
qu’il est très répandu chez
les Américains ainsi que chez
les Sud-Africains. Les chan-
gements hormonaux seraient
également responsables du
cancer de la prostate.
Vous avez parlé d’ap-
proche communautaire.
Que comprenez-vous par
cela ?
Il y a plusieurs façons de
procéder en vue de la détec-
tion d’un cancer. En premier
lieu, Fortis Clinique Darné
offre régulièrement des pac-
kages avantageux pour en-
courager le public en général
à procéder à un examen de la
prostate, même ceux qui sont
en bonne santé et qui n’ont
aucun problème urologique.
Avez-vous constaté une
appréhension ou une
peur de se faire exami-
ner au niveau de vos pa-
tients ou du public en gé-
néral à Maurice ?
La peur doit surtout être
attribuée à une carence au
niveau de l’éducation dans la
société. Il est important que
tout un chacun soit informé et
soit éduqué sur tous les pro-
blèmes concernant sa santé.
La plus grande crainte des
patients se trouve dans le fait
qu’ils doivent porter un « co-
lostomy bag », pour la collec-
tion de l’urine. Mais la tech-
nologie avancée permet de re-
tarder cela jusqu’à une phase
avancée du cancer. De plus,
les chirurgies, laparoscopies
ou endoscopies, ne nécessitent
plus de longs séjours hospita-
liers.
Quel a été le taux de suc-
cès enregistré à la cli-
nique en ce qui concerne
le traitement du cancer
de la prostate ?
Nous avons traité 20 pa-
tients, qui sont toujours en
vie. Nous faisons un suivi de
trois mois à sept ans. Seul un
patient a eu des complications
postopératoires, mais il a été
pris en charge avec succès.
Nous n’avons pas eu de perte
de vie pendant ou après les
chirurgies.
Y a-t-il une alternative à
la chirurgie ?
Certainement. Il y a la ra-
diothérapie qui peut être uti-
lisée pour ceux qui ne sont
pas dans les conditions appro-
priées pour subir une chirur-
gie en raison de leur état de
santé ou de leur âge. Cer-
taines personnes ne souhai-
tent pas avoir recours à la
chirurgie. Nous respectons
le choix du patient. Il est de
notre devoir de dire à un pa-
tient la vérité de manière à ce
que sa famille et lui puissent
choisir en bonne intelligence
de se faire traiter à Maurice
ou à l’étranger.
Quel est le taux de ce type
de cancer à Maurice ?
À Maurice nous avons in-
troduit un registre depuis
quelque temps. Le taux a aug-
menté mais nous ne savons à
quoi l’attribuer : une meilleure
détection ou une hausse.
Avez-vous introduit de
nouvelles technologies à
Maurice ?
Sept ans de cela, quand je
suis arrivé à Maurice, j’ai
commencé la « Upper Tact
Endo Urology », qui consiste
à enlever les calculs rénaux.
J’ai aussi introduit la Lapa-
roscopic Reconstructive Uro-
logy et la Laparoscopic Uro-
Oncology. Depuis huit mois
environ nous avons lancé un
Urodynamic Laboratory. C’est
toute la différence entre une
photo et un film. Une photo re-
présente une image fixe alors
qu’un film est actif et vivant.
De la même manière, l’urody-
namic testing est, comme son
nom l’indique, dynamique et
nous permet de voir le fonc-
tionnement de tout le système
urinaire. Ce qui nous permet
de voir également les dysfonc-
tionnements qu’on n’aurait
pas observés dans des images
fixes. Nous avons aussi été les
premiers, si je ne me trompe, à
tester la dysfonction érectile.
Vous être urologue,
quels sont les principaux
troubles de la prostate
que vous avez constatés à
Maurice ?
L’hypertrophie – grossisse-
ment – bénigne de la prostate
est courante chez les Mauri-
ciens et heureusement plus
fréquente que le cancer de la
prostate. Les maladies de la
prostate sont assez répandues
à Maurice. C’est l’âge qui est
le principal facteur pour l’hy-
pertrophie de la prostate.
Le diabète peut-il être à
l’origine des maladies de
la prostate ?
Le diabète ne provoque pas
l’hypertrophie de la prostate,
mais favorise les symptômes
semblables à ceux de cette
maladie. Cela est dû au fait
qu’il affecte la vessie en la
rendant moins puissante. Vu
que le diabète est très répan-
du à Maurice, nombreux sont
les hommes qui souf rent de
troubles urinaires, mais qui
ne sont pas nécessairement
liés à la prostate. Beaucoup de
cas ne nécessitent aucun trai-
tement puisque le problème
est de nature psychologique.
L’influence négative des mé-
dias électroniques y est pour
quelque chose…
Vous êtes-vous engagés
dans la recherche médi-
cale ?
J’ai déjà publié une quin-
zaine de papiers dans des ma-
gazines médicaux spécialisés
internationaux. J’ai aussi
présenté mes recherches lors
de différentes conférences na-
tionales et internationales.
Un message aux Mauri-
ciens en général…
Je leur dirai que la techno-
logie existe à Maurice. N’ayez
pas peur du cancer. On peut
le traiter à condition qu’il soit
détecté très tôt. N’hésitez
pas à vous faire examiner. A
cure is within our reach. Nous
faisons tout ce qu’on peut
pour alerter les gens et nous
sommes à Maurice.