ICRAF–WCA Bamako, Mali Note technique n° 2 Installation et gestion des plantations agroforestières Antoine Kalinganire Annonciata Uwamariya Bréhima Koné Mahamane Larwanou Joseph M. Dakouo Ce document a été réalisé grâce à l’appui financier du Centre de recherches pour le développement international (CRDI) Antoine Kalinganire The World Agroforestry Centre ICRAF-WCA/Sahel B.P. 320 Bamako, Mali [email protected] Annonciata Uwamariya Consultante en agroforesterie et en gestion de l’environnement B.P. E570 Bamako, Mali [email protected] Bréhima Koné The World Agroforestry Centre ICRAF-WCA/Sahel B.P. 320 Bamako, Mali [email protected] Mahamane Larwanou Institut National de Recherche Agronomique du Niger (INRAN) B.P. 429 Niamey, Niger [email protected] Joseph M. Dakouo Institut d’Economie Rurale (IER), CRA de Niono, BP 12, Niono, Mali [email protected] Crédit des images : ICRAF Citation correcte : Kalinganire, A., Uwamariya, A., Koné B., Larwanou, M. et Dakouo, J.M. 2007. Installation et gestion de plantations agroforestières. ICRAF Note technique no. 2. Nairobi : World Agroforestry Centre. Publié par le World Agroforestry Centre (ICRAF) Programme Régional de l’Afrique de l’Ouest et du Centre B.P. 320 Bamako, Mali Téléphone : +223 223 5000 Fax : +223 222 8683 Email : [email protected] Internet : www.worldagroforestry.org ©World Agroforestry Centre 2006 ICRAF Note technique no. 2 Le texte de cette publication peut être cité ou reproduit dans son intégralité ou partiellement et sous toute forme pour usage éducatif ou sans but lucratif, sans permission spéciale, à condition de mentionner la source. Aucun usage de cette publication ne peut être fait à des fins de vente ou autres buts commerciaux sans autorisation préalable du World Agroforestry Centre. Les images restent la propriété exclusive de leur source et ne peuvent pas être utilisées pour un autre usage sans autorisation écrite de World Agroforestry Centre. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne sont pas nécessairement celles de World Agroforestry Centre. La désignation géographique utilisée et la présentation du matériel dans cette publication n’impliquent pas l’expression de l’opinion quelconque de World Agroforestry Centre concernant le statut juridique d’un pays, territoire, ville ou zone ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Mise en page : PAO Bougou, +223 676 22 00, E-mail : [email protected], Bamako, Mali Table des matièr es matières Introduction générale ......................................................................................................... 1 I. Haies vives ...................................................................................................................... 2 1.1. Introduction 2 1.2. Espèces à utiliser 3 1.3. Installation 7 1.4. Gestion 11 1.5. Productivité 16 1.6. Autres considérations utiles 18 Documents à consulter 20 II. Bosquets ...................................................................................................................... 21 2.1. Introduction 21 2.2. Choix de l’espèce 22 2.3. Mise en place 23 2.4. Gestion 26 2.5. Productivité 30 2.6. Autres considérations utiles 32 III. Régénération naturelle assistée .................................................................................... 34 3.1. Introduction 34 3.2. Vue d’ensemble de l’état des arbres dans les paysages et régénérations naturelles au Sahel 35 3.3. Conclusions 40 Documents à consulter 41 IV. Banques fourragères .................................................................................................... 42 4.1. Introduction 42 4.2. Choix de l’espèce 43 4.3. Mise en place 48 4.4. Entretien 49 4.5. Productivité 50 4.6. Conseils utiles 51 Documents à consulter 52 Introduction générale Les pratiques traditionnelles de gestion des ressources naturelles en raison des politiques inappropriées mises en place pour remédier à l’accroissement de la pression démographique ne permettent plus de faire face aux besoins croissants des populations. Au centre de ces pratiques, la gestion rationnelle des ressources agroforestières constitue une alternative viable pour optimiser les interactions positives entre composantes ligneuses et non ligneuses de manière à assurer une production de la terre plus durable et plus diversifiée. Les principales composantes des systèmes agroforestiers sont les ligneux, les plantes cultivées, les pâturages et le bétail, ainsi que les facteurs environnementaux qui sont le climat, les sols et le relief. Une pratique agroforestière est un arrangement caractéristique de composantes dans l’espace et dans le temps. À cet effet, dans les régions sèches d’Afrique, le World Agroforestry Centre (ICRAF-WCA) et ses collaborateurs des services nationaux de recherche ont mis au point des modes d’arrangement de ces composantes appelés technologies agroforestières. Dans cette note technique, il sera question de technologie de haie vive, de bosquets, de régénération naturelle assistée et de banques fourragères. 1 I. Haies vives 1.1. Introduction Au Sahel, les agriculteurs ont un besoin constant d’augmenter la production agricole et fourragère aussi bien pour eux-mêmes que pour leurs animaux et la protection de leur exploitation. A cause des conditions édaphiques et climatiques difficiles, particulièrement la courte saison pluvieuse, la plupart des produits agricoles sont saisonniers et parfois insuffisants, ce qui est à l’origine du manque desdits produits pour le reste de l’année. Par ailleurs, les activités agricoles sont confrontées au vandalisme par des animaux domestiques ou sauvages, ce qui dans certains cas peut rendre leur gestion difficile. 2 L’un des objectifs de la pratique de l’agroforesterie dans la région est l’amélioration des conditions de vie des agriculteurs à travers un appui durable. Des technologies capables d’améliorer les méthodes traditionnelles de l’exploitation agricole constituent un atout ; ceci parce que d’une part, les agriculteurs bénéficient des avantages de telles technologies et d’autre part, ces technologies jouent un grand rôle dans le maintien et la protection de l’environnement. Il importe donc de les mettre à la portée des agriculteurs pour leur utilisation potentielle. Les agriculteurs installent des haies vives pour diverses raisons : certains les plantent pour protéger leurs plantations contre les animaux, d’autres pour limiter leurs parcelles ou démarquer leurs exploitations. Par ailleurs, certains sous-produits tels que les fruits, médicaments, légumes, gousses, gomme, fourrage, produits de vannerie ou de teinture, bois etc., pour des usages variés, constituent un bien pour le propriétaire et peuvent ainsi être une source de revenus. Les haies vives sont capables d’absorber de l’eau à travers leur système racinaire et leur couvert végétal et protègent ainsi le sol contre l’érosion pluviale et même éolienne. Les haies vives contribuent aussi à l’amélioration de la fertilité du sol car certaines espèces, particulièrement les légumineuses, ont l’avantage de fixer l’azote atmosphérique qui devient ainsi de l’azote assimilable par les racines des plantes. Un autre point à signaler est l’activité intense des microorganismes ainsi que celle d’autres organismes du sol contribuant au processus de minéralisation qui aide à la décomposition des résidus organiques rendant ainsi disponibles les éléments nutritifs dont les plantes ont besoin. D’autres considérations concernent l’amélioration de la biodiversité, de même que l’aspect environnemental du couvert végétal de la haie vive, contribuant au façonnement du paysage typique du Sahel dans son ensemble. 1.2. Espèces à utiliser 1.2.1. Choix de l’espèce Avant d’installer n’importe quelle plantation, il est important de bien cibler les espèces à utiliser en tenant compte : des objectifs de la haie basés sur les intérêts de l’agriculteur (protection du sol, production spéciale, etc.) ; Le tableau 1 donne une liste des espèces proposées pour être utilisées selon les objectifs de l’agriculteur. 3 Table 1 : Liste des espèces à proposer comme haie vive (Weigel. 2003 ; Yossi et al. 2006) Pays Type de haie vive Espèces proposées Burkina Faso Protectrice Acacia nilotica, Acacia senegal, Adansonia digitata, Bauhinia rufescens, Ziziphus mauritiana Mali Protectrice Ziziphus mauritiana Niger Protectrice Acacia laeta, A. senegal, A. macrostachya, Bauhinia rufescens, Ziziphus mauritiana Sénégal Protectrice Acacia mellifera, A. senegal Burkina Faso et Niger Contrôle de l’érosion Acacia nilotica, Bauhinia rufescens, Piliostigma reticulatum, Ziziphus mauritiana Burkina Faso Coupe-vent Acacia macrostachya, A. nilotica, A. seyal, Azadirachta indica, Bauhinia rufescens, Casuarina equisetifolia, Eucalyptus sp., Leucaena leucocephala, Oxytenanthera abyssinica, Prosopis juliflora, Senna occidentalis, Senna siamea Burkina Faso Productive et protectrice Acacia nilotica, Azadirachta indica, Eucalyptus camaldulensis, Ziziphus mauritiana 4 des conditions du site (tableau 2) qui déterminent la capacité du sol à fournir des éléments nutritifs adéquats et de créer des conditions de croissance pour l’installation et le développement des espèces de plantes ; d’autres, surtout pour leurs qualités, ce qui influence leur adoption à grande échelle ; de la disponibilité du matériel de multiplication et des considérations financières ; dans certains cas, un bon matériel de multiplication n’est pas toujours disponible et parfois l’aspect financier doit être considéré pour produire ou acheter ce matériel. de la préférence de l’agriculteur, certaines espèces sont mieux appréciées par les agriculteurs que Tableau 2 : Espèces proposées selon la pluviosité et les conditions du site (Weigel, 2003). Sol Pluviosité (mm/an) 400-500 500-600 600-800 Sableux Acacia mellifera, Bauhinia rufescens, Prosopis sp. Ziziphus mauritiana _ Sablo-limoneux Acacia senegal, Bauhinia rufescens, Ziziphus mauritania - Acacia nilotica, A. senegal, Bauhinia rufescens, Ziziphus mauritiana Limoneux Acacia nilotica, Bauhinia rufescens, Prosopis juliflora - - 5 1.2.2. Qualités du matériel de multiplication capacité à reconstituer la fertilité du sol ; Le matériel végétatif comme haie vive doit avoir les qualités suivantes : démarcation des parcelles ou exploitations ; protection contre l’érosion pluviale et éolienne ; concurrence des herbes envahissantes ; protection efficace contre les animaux ; installation rapide ; rigidité des tiges et des branches ; bonne productivité ; capacité de rejeter ; adaptabilité de l’espèce aux différents types de sol ; résistance à la sécheresse et aux termites ; longévité de l’espèce ; moins de compétition avec la culture principale ; présence d’épines ; capacité de ramification pour une haie étanche ; production précoce et abondante de graines ; production d’une biomasse consommée par les animaux ; production d’autres produits tels que des fruits et des médicaments. 6 1.3. Installation 1.3.1. Préparation du sol La préparation du sol pour l’installation d’une haie vive consiste à enlever les plantes et autres matériaux pour diminuer la compétition pour la lumière, les éléments nutritifs et l’humidité. L’ampleur de cette opération dépend des conditions du sol en rapport avec le couvert végétal et sa structure. Lorsque la haie vive doit être installée loin d’autres cultures, la préparation du sol peut nécessiter le labour du lopin de terrain qui doit être planté ; mais, au cas où les arbres doivent être plantés près des cultures, une préparation du sol beaucoup plus minutieuse est nécessaire pour faciliter son installation. En général, le creusement des trous de plantation, suivi dans certains cas d’une application de fumure est nécessaire pour assurer une bonne installation du système racinaire. Un écartement de 60 cm × 40 cm peut être utilisé pour les plants des conteneurs en plastique ou alors 60 cm × 80 cm pour un semis direct. Il est aussi possible de creuser des tranchées de 50 cm de profondeur, les remplir de terre avant de procéder à la plantation. Concernant la fertilisation, en général, une haie vive a comme avantage d’utiliser la fumure (s’il y en a) appliquée à la culture adjacente ; autrement dit, une certaine quantité de fumure organique appliquée lors de la préparation du sol aiderait pendant la phase d’installation. 1.3.2. Plantation 1.3.2.1. Période de plantation Pour la plupart des plantes et plus particulièrement en zone sahélienne, la meilleure période de plantation correspond à la saison pluvieuse (avant 7 ou au début), quand il y a suffisamment d’eau pour favoriser une installation rapide des racines ; tout retard dans l’exécution de l’opération peut avoir de graves conséquences dans la bonne réussite d’une haie vive. C’est pour cette raison qu’il convient de planifier la période de plantation pour la saison pluvieuse. Selon la grosseur de la graine, une bonne profondeur doit assurer de bonnes conditions de germination et dans de bons délais. La bonne période de semis correspond à la saison pluvieuse. Le semis direct exige cependant une grande quantité de graines et assez d’eau (de pluie ou d’arrosage) et suffisamment de soins à la parcelle, assurant ainsi une haie vive bien réussie. 1.3.2.2. Techniques de plantation Les plants issus de pépinière sont soit dans des conteneurs, soit des plants à racines nues ayant grandi dans des planches de semis et devant être transplantés sur le terrain. Des précautions doivent être prises en enlevant les plants des planches de pépinière, pendant le transport, avant et après la plantation pour éviter des dégâts et ainsi permettre une bonne installation. Avant la plantation, le fond du conteneur (conteneurs en plastique), a besoin d’être ouvert pour permettre le développement de la racine. Des espèces d’arbres devant passer par la pépinière sont présentées dans le tableau 3. Les haies vives peuvent être installées soit par semis direct soit en utilisant des plants issus de pépinières ou de boutures. Le semis direct est une technique de multiplication très commune à la plupart des espèces pour haie vive. Le tableau 3 donne une liste des espèces à utiliser pour un semis direct. Le semis est fait sur une seule ligne avec 3 à 4 graines par poquet ; l’écartement varie de 20 à 50 cm sur la ligne et il est de 40 cm entre les lignes. 8 Tableau 3 : Liste des meilleures espèces par technique de multiplication pour haie vive (Yossi et al. 2006). Technique de multiplication Espèces Semis directs Acacia nilotica, Acacia senegal, Adansonia digitata, Anacardium occidentale, Balanites aegyptiaca, Bauhinia rufescens, Jatropha curcas, Parkinsonia aculeata, Prosopis juliflora, Ziziphus mauritiana, Ziziphus mucronata Plants issus de pépinière Acacia nilotica, Balanites aegyptiaca, Bauhinia rufescens, Faidherbia albida, Jatropha curcas, Parkinsonia aculeata Bouturage Euphorbia balsamifera, Jatropha curcas 9 Plants agroforestiers élevés en pots plastiques et prêts à être transplantés en champs 10 Pour un semis direct ou un semis en pépinière, le prétraitement de la graine, quand c’est nécessaire, est recommandé avant le semis pour augmenter le taux de germination par une germination rapide et homogène des graines. Le prétraitement de la graine consiste à : bouillir de l’eau, y mettre les graines et les laisser tremper ; bouillir de l’eau, puis y immerger la graine pendant 1 à 5 minutes ; traiter à l’eau chaude ; à utiliser. Ce choix est surtout basé sur l’âge, la taille, la robustesse du plant ou de la bouture. Il est important de récolter les boutures sur les parties de l’arbre en bonne santé, qui développeront rapidement des racines. En général, on utilise des boutures de 50 cm de long ayant 3 à 5 cm de diamètre ; les boutures longues de 1 m donnent de bons taux de survie. Le bouturage fait au mois de mai, juste avant la saison pluvieuse, donne de bons taux de réussite. 1.4. Gestion scarifier les graines ; traiter à l’acide. Certaines espèces (tableau 3) peuvent être multipliées en utilisant des boutures. Le succès d’une haie vive installée à partir de boutures dépend de certains critères déterminant le choix du matériel 1.4.1 Arrosage Pour une haie vive installée en dehors de la saison pluvieuse ou dans le cas d’un semis direct pendant la saison pluvieuse suivi de périodes de sécheresses fréquentes, des arrosages réguliers sont nécessaires. 11 Mais, tenant compte des conditions sèches de la zone, il est préférable d’installer la haie vive pendant la période qui coïncide avec la saison pluvieuse. Au cas où des arrosages sembleraient nécessaires, il convient de bien planifier un approvisionnement en eau en creusant par exemple un forage pour supplémenter l’eau de pluie. En effet en plus du temps utilisé pour l’installation et des dépenses effectuées, ce serait dommage d’échouer dans la mise en place de la haie vive à cause d’une mauvaise planification d’un approvisionnement adéquat en eau. 1.4.2. Désherbage Le désherbage permet l’élimination de la végétation spontanée qui envahit et concurrence les plants. Il assure aussi l’élimination d’autres plantes concurrentes ou des herbes se trouvant à 50-100 cm 12 du plant, favorisant ainsi l’exploitation maximale du sol par la haie vive. S’il y a un moyen de se procurer du paillis, il est possible de couvrir l’endroit ainsi dégagé, ce qui empêche non seulement le développement des herbes et l’érosion mais aussi limite le dessèchement du sol en gardant l’humidité. Le paillis est cependant à éviter s’il y a risque d’attaque des jeunes plants par les termites. Le désherbage est important pendant les trois premières années car une fois que la haie vive est bien installée, le développement des herbes est limité et devient nul dans certains cas. En général, une moyenne de deux désherbages par an est recommandée. Haie vive à base de Bauhinia rufescens 13 1.4.3. Protection contre les animaux Dans la plupart des régions, les animaux errants à la recherche du pâturage, sont néfastes aux haies vives parce que les jeunes plants peuvent être abîmés par ces animaux. Les dégâts causés par les animaux sont nombreux : certains creusent des trous, d’autres se nourrissent de ces plants ou font d’autres dégâts limitant ainsi leur développement. Une protection contre ces animaux, soit avec des arbres morts, des branches d’arbres ou du fil de fer, limitera les dégâts. Cette protection sera enlevée quand la haie vive est bien installée. Certains agriculteurs pulvérisent de la bouse de vache, d’autres des décoctions végétales sur les plants pour éloigner les animaux. La taille d’une haie vive consiste à enlever des parties (vivantes ou mortes) de branches, de racines mais ceci varie suivant les objectifs de la haie vive : pour une haie de protection, la taille a pour but de 14 donner une bonne forme, d’enlever les branches mortes et de permettre le développement de nouveaux rejets et de nouvelles branches pour créer une clôture étanche. L’enlèvement des branches mortes peut aussi réduire les pestes et les infections des pathogènes de la tige. La taille peut assurer l’accès facile aux cultures ; en réduisant l’ombrage, il y a moins de compétition avec la végétation adjacente. La première taille est faite quand les plants ont une taille de 60 à 80 cm. La meilleure période pour effectuer la taille correspond à la période du début ou de la fin de la saison sèche car durant cette période, la plante a suffisamment d’eau. Les niveaux de la taille varient selon les espèces et les conditions climatiques : des hauteurs de 10 cm, 30 cm, 50 cm et 1,30 cm sont proposées. Aussi, il est à noter que la taille pratiquée tout proche du Entretien d’une haie vive à base d’Euphorbia basalmifera dans la région de Ségou 15 niveau du sol peut entraîner la pourriture de la souche, surtout dans des endroits trop humides ou avec risques d’inondation. Pour d’autres buts de la haie vive (production de fruits, ombrage ou autres), la taille peut se faire selon les objectifs de la haie. Il convient d’utiliser des sécateurs ou des machettes propres, ceci pour éviter la contamination de maladies qui peut se produire lors de l’utilisation des outils infectés. Les déchets de taille peuvent être utilisés comme paillis, fourrage, bois de feu ou pour d’autres services. Ils peuvent aussi être incorporés dans le sol pour améliorer sa fertilité. 1.5. Productivité Le succès d’une haie vive dépend du niveau de gestion donnée afin d’atteindre les objectifs. Dans la plupart des cas, les agriculteurs ont besoin de 16 savoir que tout bénéfice espéré proviendra des efforts fournis pour entretenir la plantation. Les résultats montrent que les haies vives sont plus rentables que les haies mortes : en effet, deux ans après leur installation, la haie vive commence à produire de la biomasse. Il y a une augmentation des marges bénéficiaires, au moins pour une certaine période productive, aussi longtemps que l’agriculteur continue à entretenir la haie vive pour beaucoup plus de profits. Le tableau 4 donne certaines estimations (pour le fourrage, biomasse du bois, fruits) démontrant quelques bénéfices de la productivité des haies vives à la ferme en général et dans les parcs agroforestiers dans le Sahel en particulier. D’autres considérations doivent être faites dans l’appréciation de la grande contribution des haies vives en terme d’amélioration de la qualité du sol, aussi bien que de l’aspect environnemental en général. Tableau 4 : Exemples de données comparatives de divers essais de production de haie vive (fourrage, bois, fruit), Yossi et al. 2005. Âge de la haie vive Production principale Fourrage (kg/plant) Bois (kg/plant) 8 ans 1,3 Acacia nilotica ssp. adansonii 3,5 Anogeissus leiocarpus et Guiera senegalensis 8 ans 0,7 Bauhinia rufescens 1,5 Dalbergia melanoxylon et Grewia bicolor 8 ans 0,3 Ziziphus mauritiana Fruit* (kg/mois/an) 3,5 Jatropha curcas * : début de production pas connu. 17 1.6. Autres considérations utiles Une étude de faisabilité économique avec des données convaincantes des haies vives est nécessaire pour aider l’agriculteur dans le processus de prise de décision. La planification de la plantation doit se faire de façon à ne pas interférer avec d’autres activités de l’exploitation. La période doit correspondre au bon moment pour l’installation de la plante. Cependant, il serait préférable d’inclure cette opération dans les activités devant être faites dans l’exploitation. La saison sèche prolongée peut être une bonne occasion pour les agriculteurs de choisir et de sélectionner le bon matériel pour la saison culturale prochaine. Ce matériel comprendrait la bonne semence ou du bon matériel de bouturage qui sera utilisé pour installer la haie vive. 18 Pendant la saison sèche, quand il y a peu d’activités au champ, les agriculteurs ont plus intérêt à assurer l’entretien des haies vives en procédant à l’enlèvement des branches mortes, au paillage, l’arrosage (si possible) ceci pour donner à la haie vive beaucoup plus de chance de survie pendant cette période. Les techniques recommandées pour une bonne installation de la haie vive doivent être faciles pour l’agriculteur afin de permettre leur adoption ; une bonne sensibilisation sur leur utilisation devient alors une nécessité. C’est le rôle des agents de vulgarisation de sensibiliser et de motiver les agriculteurs afin de leur fournir des conseils sur l’adoption de n’importe quelle technologie et dans ce cas, la haie vive. La disponibilité d’un bon matériel de multiplication, soit dans des centres de pépinières, soit chez l’agriculteur, est l’un des moyens les plus efficaces pour garantir le succès d’une telle technologie. Pour diminuer les coûts et avoir accès aux plants, les agriculteurs peuvent se mettre ensemble (en accord avec les autorités locales et les agents de vulgarisation) pour produire leurs propres plants dans des pépinières communautaires car ceci a donné beaucoup de succès dans de nombreux pays en développement. Dans certains pays ou régions du Sahel, la régularisation en matière de genre et de droit foncier surtout en ce qui concerne la plantation des arbres, permettra une bonne prise de décision pour la gestion de l’exploitation en rapport avec les haies vives. 19 Documents à consulter Briscoe, C.B. 1990. Field trials manual for multipurpose tree species. 2nd edition. Manual No.3. Winrock International Institute for Agricultural Development. Pp.31-58. Levasseur, V., Olivier, A., Kaya, B. et Franzel, S. 2002. L’adoption des haies vives d’épineux par les paysans du cercle Ségou au Mali : le signe d’une société en mutation ? In: Bonneville, J., Olivier, A.et Traoré, C.O. (editors). 2ème Atelier Régional sur les Aspects Socio-économiques de 20 l’Agroforesterie au Sahel. Bamako, Mali. Pp.3847. Rocheleau, D., Weber, F., and Field-Juma, A. 1988. Agroforestry in dryland Africa. International Council for Research in Agroforestry. Pp.163-173. Yossi, H., Kaya, B., Traoré, C.O., Niang, A., Butare, I., Levasseur, V. et Sanogo, D. 2006. Les haies vives au Sahel. Etat des connaissances et recommandations pour la recherche et le développement. ICRAF Occasional Paper n° 6 Nairobi : World Agroforestry Centre. II. Bosquets 2.1. Introduction Le manque de bois de feu et de bois de service fait que la majorité de la population du Sahel est dans le besoin constant de ce bien ayant des conséquences sur l’organisation de la famille en particulier et sur la gestion de l’exploitation en général. La population de la région est habituée à acheter du bois de feu à un prix élevé ou à avoir recours à d’autres alternatives. Cette situation est aggravée par des conditions de sécheresse prolongée qui ralentissent le développement des plantes conduisant ainsi à une faible production. En milieu rural, bien que les agriculteurs fournissent des efforts pour faire des stocks de bois pour la saison sèche, dans la plupart des cas, ces réserves insuffisantes s’épuisent vite et les agriculteurs sont ainsi obligés d’utiliser d’autres substituts qui parfois sont chers ou exigent trop de temps. Certains de ces substituts comprennent l’utilisation des branchages d’arbres ou d’autres résidus des plantes, l’achat et l’utilisation du charbon ou du gaz qui pèsent sur le budget familial déjà faible. Une alternative à long terme pourrait être l’installation de bosquet au niveau de la communauté ou du village pour faire face au problème croissant du bois de feu dans la région. En plus du bois de feu, les bosquets peuvent aussi être une source de revenu. Cependant, assurer une production continue du bois de feu exige, en général, une bonne gestion de la plantation en matière de taille et d’entretien. Ceci peut se faire à travers une bonne sélection des espèces, de bonnes techniques de manipulation des plants et au bon moment ainsi qu’une gestion durable du bosquet. 21 Quand cette technologie est adoptée par un ménage ou un village, il ne faut pas beaucoup de temps pour constater des améliorations dans l’organisation au niveau du ménage par exemple car il y a moins de temps consacré à la recherche du bois de feu, même la période de cuisson est raccourcie, suite à l’utilisation de bois ayant un bon pouvoir calorifique. La situation financière du ménage peut aussi s’améliorer, si une partie du bois est vendue au marché. Le microclimat créé par la plantation favorise la prolifération des animaux tels que les oiseaux, ce qui a un grand impact sur la biodiversité de la région et aussi sur la sauvegarde de l’environnement. D’autres bénéfices tels que la protection du sol, le contrôle de l’érosion peuvent ainsi être cités. Il est aussi important d’apprécier l’aspect nouveau de notre paysage pouvant être façonné à travers une motivation continue des 22 agriculteurs voulant apporter des changements à leurs conditions de vie en installant des bosquets sur leurs exploitations. Dans ce manuel, des espèces variées pour un bosquet sont développées et des conseils sont donnés dans le but d’améliorer la motivation pour cette technologie en vue de son adoption. 2.2. Choix de l’espèce Le but principal de la plantation étant de produire du bois de feu, le choix d’une bonne espèce doit tenir compte des critères suivants : croissance rapide ; résistance à la sécheresse et aux termites ; bon pouvoir calorifique ; capacité à résister aux tailles fréquentes et de produire de nouveaux rejets ; adaptation aux conditions climatiques et édaphiques de la région du Sahel. Un nombre limité de telles espèces, Eucalyptus camaldulensis et certaines espèces d’acacias australiennes ont donné de bons résultats en terme de bonne croissance et de production rapide de biomasse (principaux objectifs du bosquet). Malgré leur croissance lente, certaines espèces indigènes peuvent aussi être sélectionnées à cause de leur capacité à s’adapter aux conditions locales. 2.3. Mise en place 2.3.1. Préparation du sol Dans la plupart des cas, les plantations sont installées sur des terrains abandonnés, ce qui exige une préparation soignée avant la plantation. La préparation du sol est faite selon les étapes suivantes : délimitation de l’emplacement avec des piquets ; nettoyage de la végétation avec une ‘daba’ ou une machette en entassant tous les résidus ; ceux-ci peuvent être brûlés par la suite ou laissés sur le sol pour leur décomposition. Dans les régions humides, il est préférable de laisser ces résidus se décomposer parce que la quantité et la qualité de la matière organique obtenue après leur décomposition sont plus importantes que la cendre laissée en brûlant ces résidus. En plus, il y a peu ou pas de pollution au cours du compostage comparativement à celle émanant de l’écobuage ; piquetage des endroits à planter, à l’écartement de 2,00 × 2,5 m, soit une densité de 2 000 plants à l’hectare ; creusement de trous de 30 cm de profondeur et de 20 cm de diamètre. 23 Nettoyage de la végétation suivi du piquetage des endroits à planter 24 Préparation du terrain à reboiser : creusement de trous 25 2.3.2. Plantation 2.4. Gestion Les plants issus de pépinières sont transplantés avec soin sur le site. La transplantation doit être faite le plutôt possible en évitant d’abîmer les plants. Avant de procéder à la plantation, il faut s’assurer que la base du conteneur est bien ouverte, ceci pour éviter la déformation de la racine. Il faut bien tasser la terre autour du plant. Après la transplantation, les plants peuvent être protégés individuellement contre les effets du soleil et les dégâts des animaux. Un arrosage suffisant est nécessaire pour assurer une bonne reprise dès le départ. L’aménagement d’un bosquet exige un désherbage régulier autour du plant pour limiter la compétition avec les plants et permettre sa croissance rapide. Selon les conditions climatiques, 2 à 3 désherbages sont effectués en général pendant les deux premières années. Au cours de la phase de mise en place, les jeunes plants ont besoin d’un apport régulier d’eau ; pendant les périodes sèches ou pour des raisons de manque d’eau suffisante, l’eau des puits ou provenant d’autres sources peut être utilisée. Les animaux sauvages ou domestiques broutant autour des jeunes plants peuvent causer beaucoup de dégâts sur les plants ; la protection individuelle de chaque plant ou de toute la plantation (par des clôtures ou du fil de fer) permet de réduire ou même d’éviter de tels dégâts. 26 Protection individuelle des plants contre les dégâts des animaux 27 Pendant les deux premières années qui suivent la mise en place, le remplacement à temps des plants morts ou des plants malades par des plants sains permettra de créer un bosquet homogène. Par ailleurs, de bons plants ne présentant pas de signes de maladies sont utilisés à cette fin. 28 Plus tard, la taille de certaines branches sera régulièrement faite pour donner une bonne forme aux arbres (dans le cas où la production de bois d’œuvre est l’une des options) ; des produits de cette opération peuvent ainsi être utilisés comme bois de chauffage, tuteurs des cultures, paillis et même pour faire la toiture des cases. Plantation de Pterocarpus erinaceus à Samanko, Bamako, Mali 29 2.5. Productivité Si toutes les conditions sont réunies, la productivité ainsi que la rentabilité d’un bosquet seront considérées comme un investissement à long terme, ce qui expliquerait la motivation des agriculteurs dans la pratique de cette technologie. A partir du moment où le bosquet commence à produire, les coûts relevant de la mise en place, qui dans certains cas peuvent être élevés, seront inférieurs aux bénéfices enregistrés. Cette productivité à long terme devrait motiver les agriculteurs à prévoir dans un avenir proche l’installation d’un bosquet car ce dernier ne met pas beaucoup de temps pour commencer à produire de la biomasse (voir encadré). 30 Encadré : Un certain profit peut être réalisé en maintenant régulièrement un bosquet Un homme âgé de 70 ans ne voulait pas planter les arbres dans son exploitation puisque pour lui, il était vieux et n’allait pas profiter de ces arbres. Alors, l’agent de vulgarisation a mis tous les moyens pour convaincre le vieux et à la fin, il décida de planter quelques arbres. Ceux-ci eurent une bonne croissance et à sa surprise, deux ans après, l’homme commença à couper de ces arbres de petites branches comme tuteurs et même pour clôturer sa parcelle maraîchère. Plus tard, des branches plus grandes et certains des arbres pouvaient être coupés pour être utilisés comme bois de chauffage. Quinze ans plus tard, le vieux mourut mais après avoir joui de certains avantages du bosquet... Bosquet d’Eucalyptus camaldulensis dans la région de Ségou au Mali 31 2.6. Autres considérations utiles La mise en place d’un bosquet exige suffisamment de matériel végétal de bonne qualité, d’où la nécessité de disposer d’assez de semences et de plants (au niveau du village, certaines personnes peuvent produire des plants pour la vente ; des pépinières communautaires peuvent également assurer la production de plants). Dans certaines régions du Sahel, il y a des limitations liées au droit foncier en ce qui concerne la plantation d’un arbre sur n’importe quelle propriété. Certaines restrictions concernent des groupes de personnes, des tribus ou même le genre. En allégeant et en rendant ces restrictions flexibles, on donnera plus d’opportunités pour une meilleure gestion de la terre à travers une bonne utilisation. Ceci encouragera aussi la plantation d’arbres et dans le cas particulier, la mise en place de bosquets dans les exploitations agricoles. 32 Au Sahel, la capacité à produire suffisamment de bois de chauffage pour une famille moyenne (7 personnes), pendant une année, exerce beaucoup de pression sur la terre productive disponible (dans certains cas, pas tellement grande). Dans une telle situation, l’alternative serait d’aménager un bosquet collectif au niveau du village ou de la communauté en tenant compte des coutumes et des possibilités. Aussi, il y a-t-il des difficultés au niveau de l’agriculteur en terme de temps et d’organisation en essayant d’intégrer une activité supplémentaire. Ainsi, il est préférable de planifier et de procéder aux activités liées à la production et à la gestion d’un bosquet en rapport avec le calendrier des activités normales au niveau familial et même villageois. En plus des autres opérations de maintien du bosquet une surveillance constante, des remplacements de manquants, l’installation d’une clôture ainsi que d’autres activités peuvent aider à assurer des taux élevés de survie et de productivité du bosquet. Différentes espèces d’arbres peuvent être plantées ensemble dans un même bosquet tant qu’elles ont les mêmes exigences. Par exemple, certaines espèces d’eucalyptus peuvent grandir ensemble avec des espèces d’acacias, étant toutes des espèces de bois de feu. Si possible, installer la pépinière non loin de l’endroit à planter pour éviter les coûts liés au transport et au risque de dégâts aux plants pouvant se produire pendant le transport. 33 III. Régénération naturelle assistée 3.1. Introduction La population du Sahel utilise la végétation naturelle pour sa survie et ce, depuis longtemps. Cependant, des changements liés aux facteurs climatiques et humains contribuent à la disparition de cette végétation et dans certaines régions, les arbres sont coupés et sont endommagés par les animaux domestiques et/ou sauvages. Les espèces résistantes sont constamment exploitées sans qu’elles aient le temps de repousser. Tous ces facteurs contribuent à leur réduction et dans certains cas, à la disparition de la végétation naturelle. Ce phénomène est courant et il est même plus aggravé par certaines caractéristiques du paysage 34 sahélien, entre autres la population croissante et les sécheresses prolongées. On comprend que cette population qui, pour vivre, dépend de l’arbre pour sa nourriture et beaucoup d’autres produits, soit sujet à certaines difficultés relatives à la disponibilité actuelle de ces produits et même dans l’avenir. Il ne sera plus possible d’obtenir la même quantité ou qualité de fruits, médicaments et autres sousproduits que la population avait l’habitude de se procurer parce que la plupart des espèces ont disparu à cause de la recherche continue de ces produits, du broutage des animaux ou bien suite aux problèmes liés aux facteurs environnementaux. La restauration de la végétation au moyen de la régénération naturelle assistée peut être une des mesures urgentes ayant pour objectif de sauvegarder l’environnement et en même temps la population de la région. Ce manuel met en relief les techniques pouvant aider les agriculteurs de la région à prendre soin de la végétation restante. Ceci contribuera aussi au maintien et à la sauvegarde de l’environnement et du paysage dans la zone sahélienne. 3.2. Vue d’ensemble de l’état des arbres dans les paysages et régénérations naturelles au Sahel 3.2.1. Utilisations Au Sahel, les arbres des parcs agroforestiers jouent un rôle important dans le maintien du bien-être de la population. En effet, celle-ci dépend beaucoup des arbres pour la nourriture, les fruits, le miel, les médicaments, le bois de feu, le charbon, les fibres, l’écorce, le matériel de construction et même pour d’autres buts sociaux et culturaux (les arbres fournissent de l’ombre, très utile, particulièrement pour certaines cérémonies caractéristiques de la zone). Les arbres protègent aussi le sol et hébergent différents types d’oiseaux, mammifères et autres organismes vivants, constituant la biodiversité. 3.2.2. Menaces On remarque des récoltes continues des feuilles, des fruits et autres ne donnant pas suffisamment de temps aux arbres pour reconstituer des réserves pour leur croissance et pour plus de production. Dans certains cas, cette menace se produit sur des arbres de petite taille et pour obtenir une grande quantité du produit recherché, on est obligé de couper un grand nombre de petits arbres, ce qui crée beaucoup de vides dans le paysage et accentue ainsi, la vulnérabilité du sol aux facteurs climatiques (soleil, vent, pluie) et aux effets néfastes des animaux sur le peu de végétation existante. Quand ces effets 35 sont plus prononcés, ce qui est le cas au Sahel, les dégâts faits aux arbres et sans doute au sol sont souvent irréversibles. 3.2.3. Conséquences A long terme, cette menace sur la végétation naturelle a des effets sur le sol et affecte la croissance et la productivité de l’arbre. En effet, les arbres dépendent beaucoup des facteurs climatiques pour leur développement et leur productivité. La dégradation du sol entraîne une croissance lente de la végétation. Certaines espèces ont du mal à 36 reprendre et dans des cas extrêmes, certaines catégories d’espèces disparaissent. Des effets graves sont observés non seulement sur l’environnement mais aussi, cette croissance lente et cette disparition des espèces affectent à leur tour la disponibilité et la variabilité des produits récoltés. En effet, on observe dans la zone sahélienne, des besoins alimentaires constants, une disponibilité sporadique de certains produits provenant des arbres et de la dégradation accrue de la végétation par la population cherchant à survivre. Destruction de la végétation lors de la préparation du terrain pour les cultures sur brûlis au Burkina Faso 37 3.2.4. Mesures La régénération naturelle assistée est un moyen pouvant aider les agriculteurs de la région. Par exemple, pour Adansonia digitata, comme pour d’autres espèces, certaines techniques visant à assurer la survie des plants peuvent donner de bons résultats ; d’autres méthodes concernent le semis direct et l’utilisation de plants élevés en pépinière. Dans tous les cas, la protection des plants est obligatoire, considérant les conditions dans lesquelles la plupart de ces plants se développent. 3.2.4.1. Protection des plants dans leur milieu naturel Les plants ayant poussé naturellement, les plants issus d’un semis direct ou même des marcottes doivent bénéficier des soins leur donnant beaucoup de chance de se développer. La mesure la plus pratique est de protéger ces plants contre les 38 animaux en installant des abris individuels autour des plants ou une clôture pour toute la parcelle (cette protection doit en même temps permettre le passage de suffisamment de lumière sinon les plants seront étiolés avec des feuilles nécrosées). Il convient aussi de désherber ou même de biner régulièrement autour des plants pour améliorer la perméabilité du sol. Le paillage peut aussi aider à conserver l’humidité du sol. Des arrosages s’avèrent nécessaires pour les jeunes plants, particulièrement au cours des périodes sèches de l’année. Au cas où un grand nombre de plants poussent les uns à côté des autres, (ce qui est le cas quand les plants se développent à côté de la plante principale ou dans un endroit fertile), il est important de créer assez d’espace en sélectionnant les bons plants et en éliminant ceux qui sont effilés ou ayant des déformations. Certains des bons plants peuvent être transplantés ailleurs, dans un endroit plus convenable. 3.2.4.2. Semis direct Le semis direct peut être pratiqué pour régénérer les arbres sur une parcelle appropriée. Le succès de cette technique dépend de la qualité de la semence, des conditions du sol (particulièrement l’humidité), ainsi que des soins donnés aux plants en germination. En plus, le semis doit être effectué pendant la saison pluvieuse et il est préférable de labourer l’endroit en avance, de s’assurer de la quantité suffisante des semences, d’eau, d’une bonne protection et d’un ombrage adéquat. 3.2.4.3. Plants issus de pépinière Les plants ayant grandi dans des pots ou dans des sacs en plastique et ayant atteint la taille convenable peuvent être mis en place dans des trous préparés. Ces plants seront arrosés, ombragés et protégés. 3.2.5. Autres considérations de la mauvaise survie des plants Certaines régions du Sahel connaissent des tabous par rapport à la plantation des arbres. Comme exemples de ces tabous, on peut citer l’élimination d’un jeune plant de baobab de moins de deux ans dans certaines régions du Burkina Faso (Bationo, 2003), ou des croyances selon lesquelles les arbres poussent d’eux-mêmes, donc ne nécessitent pas un semis. Tous ces facteurs gênent beaucoup le succès d’une régénération naturelle. Dans d’autres régions, les plants sont confrontés au problème du manque de fertilité du sol, ce qui affecte leur développement, particulièrement pendant le jeune âge. La libre circulation des animaux dans toute la région, surtout pendant la saison sèche, peut 39 décourager les agriculteurs voulant participer aux activités de reconstitution de la végétation dans la région. Des coupes continues des jeunes arbres pour les feuilles, les fruits, l’écorce et autres produits font beaucoup de dégâts aux arbres plantés près des agglomérations. Ces arbres ont un faible taux de survie parce qu’ils sont constamment élagués et sont plus exposés aux dégâts que les arbres beaucoup plus éloignés. 40 3.3. Conclusions Des mesures sont nécessaires pour préserver le reste de la végétation et assurer la disponibilité de nourriture et autres produits pour les populations locales. Certaines des approches visent à développer une Régénération Naturelle Assistée, une technique visant à aider les plants à recoloniser les endroits où la végétation et les espèces sont en diminution, suite aux différents facteurs. Les résultats sont prometteurs ; mais une grande coopération, particulièrement dans le domaine social et culturel et des efforts demeurent indispensables pour lever les tabous liés à la plantation des arbres et la création de nouvelles opportunités pour une croissance plus rentable de ceux-ci. Ce qui, à long terme, permettra de garantir une plus grande productivité et d’appuyer les agriculteurs dans leurs efforts constants à la recherche d’espèces beaucoup plus productives. Documents à consulter Bationo, B.A. 2003. Structure et contraintes socioculturelles à la régénération des parcs à baobab dans le Plateau Central du Burkina Faso. ICRAF/ CRDI. 35p. Bationo, B.A., Compaoré, P. et Niang, A.. Structure et contraintes socioculturelles à la régénération des parcs à baobab dans le Plateau Central du Burkina Faso. 19p. Document non publié. Zarafi, A.M., Abasse, A.T., Bokar, M., Niang, A. et Traoré, C.O. 2002. Analyse de l’adoption de la régénération naturelle assistée dans la région de Maradi au Niger. In : Bonneville, J., Olivier, A.et Traoré, C.O. (editors). 2ème Atelier Régional sur les Aspects Socio-économiques de l’Agroforesterie au Sahel. Bamako, Mali. Pp. 48-54. 41 IV. Banques fourragères produits de substitution mais la disponibilité de ceux-ci n’est pas toujours assurée. 4.1. Introduction Par ailleurs, suite à sa rareté, le fourrage est devenu un produit de marché très recherché dans le Sahel : des tas de fourrage sont transportés sur de longues distances par tous les moyens possibles (bicyclettes, véhicules, charrettes tirées par des animaux ou autres) pour être écoulés sur des marchés lointains. Ainsi, on trouve des tas de fourrage de tailles variables pour la vente et ils peuvent être chers selon des périodes. La commercialisation du fourrage devient alors un moyen de vivre pour certaines personnes qui bénéficient d’un petit revenu mais pour d’autres (presque la majorité des éleveurs), le prix élevé du fourrage constitue un grand problème. Le Sahel est une région pastorale où des effectifs variables de troupeaux de vaches, de moutons, de chèvres, etc., se rencontrent sur les parcelles communautaires et les champs individuels. Certains animaux peuvent être gardés sur l’exploitation où ils sont nourris soit avec du fourrage soit d’autres aliments provenant de l’exploitation ou achetés au marché. Le manque de fourrage dans la région, à la fois aggravé par des conditions de sécheresse et le manque de terre ou l’utilisation limitée de celle-ci. Tout ceci a pour conséquences un manque de nourriture pour les hommes et les animaux particulièrement pendant les périodes de sécheresse. Pour remédier à ce déficit, les agriculteurs ont recours à d’autres 42 L’examen de cette situation conduit à envisager certaines mesures par rapport à l’élevage dans le Sahel qui peuvent conduire à la diminution du nombre effectif d’animaux, au choix du type d’animaux à élever, (animaux moins exigeants en terme d’alimentation) et dans des cas extrêmes, à l’abandon total des activités d’élevage. Ce manuel a trait aux banques fourragères avec comme objectifs d’aider les agriculteurs à produire assez de fourrage pour leurs animaux et de leur donner plus d’opportunités pour augmenter non seulement la production des animaux mais aussi la productivité des cultures par l’amélioration de la fertilité du sol, à travers l’application du fumier dans les champs. La mise en application de cette nouvelle technologie demande des efforts dans toutes les activités relatives à la mise en place et à l’entretien de la plantation. C’est dans ce cadre qu’un tel manuel a été élaboré. Il a pour but de fournir des informations nécessaires pour la bonne compréhension particulièrement de la technologie et de façon pratique de donner des conseils techniques sur la mise en place d’une banque fourragère. Il n’y a aucun doute que tous les efforts combinés, les conseils techniques et la bonne volonté de l’agriculteur engendreront des résultats visant ensemble l’augmentation de la productivité des animaux et celle des cultures (à partir du fumier), qui contribueront certainement au bien être de toute la population du Sahel. 4.2. Choix de l’espèce Tenant compte de l’objectif de cette technique qui est la production de fourrage, la sélection des espèces doit donner la priorité aux espèces connues pour leur capacité à produire du bon fourrage en termes de palatabilité et en quantité suffisante. Les espèces doivent être en mesure de s’adapter aux 43 Banque fourragère de Gliricidia sepium à Samanko, Bamako, Mali 44 conditions difficiles (sol et pluviosité) de la zone. Des essais menés (Franzel et al., 2005), témoignent de certains de ces critères (adaptabilité aux conditions climatiques, productivité, taux de croissance, résistance à la sécheresse, résistance aux termites, taux de survie, etc.), justifiant la capacité de certaines espèces à s’adapter aux conditions locales. Le choix des agriculteurs est important et dans la sélection des espèces pour la diffusion, cette connaissance locale doit être à la base. Le tableau 5 donne des informations en terme de caractéristiques des espèces prioritaires d’arbres/ arbustes pour la production de fourrage au Sahel. Gliricidia sepium semble être l’espèce préférée à cause de ses bonnes qualités. Cependant, l’espèce perd rapidement son feuillage au début de la saison pluvieuse, ce qui peut être un inconvénient. Une attention particulière doit être prise pour récolter ses feuilles au bon moment et ainsi limiter la quantité de feuilles qui tombe sur le sol. 45 Tableau 5 : Caractéristiques de certaines espèces importantes d’arbres/arbustes du Sahel pouvant être utilisées pour une banque fourragère (Adapté de Franzel et al., 2005). Espèces* Caractéristiques Principales causes de mortalité Gliricidia sepium Pas exigeant pour la fertilité du sol, tolérance à la sécheresse, bonne croissance, contenu élevé en protéines, bonne adaptabilité aux sols sableux et argileux Sécheresse, attaque de termites, inondations Pterocarpus lucens et P. erinaceus Bois de qualité, les feuilles restent sur les branches durant le transport, bonne adaptabilité aux sols sableux et argileux ; P. erinaceus tolère des saisons sèches prolongées allant jusqu’à 9 mois Cajanus cajan Les feuilles sont appréciées par les animaux * Famille : Leguminosaceae ; sous-famille : Fabaceae La majorité de toutes ces espèces de la famille des légumineuses sont exotiques ; cependant, certaines espèces locales sont bien connues pour leur capacité à produire du fourrage de bonne qualité pour le bétail. On doit s’intéresser beaucoup à ces espèces parce qu’elles sont plus adaptées aux conditions climatiques du Sahel et leur domestication par tous les moyens constitue un avantage pour les agriculteurs de la zone. 46 Banque fourragère de Pterocarpus erinaceus à Samanko, Bamako, Mali 47 4.3. Mise en place 4.3.1. Préparation du sol La préparation du sol avant l’installation d’une banque fourragère a pour but de fournir des conditions optimales pour le développement des plants nouvellement installés et de mettre à la disposition de leurs racines, les éléments nutritifs du sol. Pour ce faire, plusieurs méthodes sont utilisées. Elles varient suivant le développement des plants : les conditions du sol et les objectifs de la plantation. Le développement du plant dépend de la profondeur du système racinaire des plantes, de la taille de la plante, de la forme des branches, de la capacité à rejeter, etc. Les conditions existantes du terrain déterminent les facteurs environnementaux tels que la fertilité du sol, la pluviosité, la sécheresse, etc., qui ont une influence sur le taux de croissance 48 de la plante. La préparation du sol va donc varier selon l’objectif de la plantation (production de fourrage, bois, jachère, etc.). Aussi, les mêmes critères développés dans ce qui précède, ont une grande influence sur l’écartement et la profondeur des trous de plantation. Ainsi, la préparation du sol pour une banque fourragère doit tenir compte de toutes ces critères. Par exemple, pour une banque fourragère de Pterocarpus erinaceus, les plants sont placés à un écartement de 2 m entre les lignes et 1 m sur la ligne. Les trous de plantation auront 2030 cm × 30 cm. 4.3.2. Plantation Les plants sont installés pendant la saison pluvieuse, de préférence de mi-juin à mi-juillet. Pour un accès plus facile lors de l’entretien des plants, de petites parcelles de 5 lignes de 5 plants chacune sont mises en place. Pour les plants des conteneurs, il faut couper la base du conteneur pour enlever les plants avant la plantation. 4.4. Entretien Le premier objectif d’une banque fourragère est de produire du fourrage, de préférence de façon continue ; cette production ne peut pas être assurée sans un suivi et un entretien des plants pour limiter la compétition des mauvaises herbes et les dégâts des animaux sauvages. L’arrosage, spécialement après la plantation, doit apporter suffisamment d’eau aux plants surtout pendant les périodes sèches, d’où la nécessité d’installer la banque fourragère lorsqu’il y a suffisamment d’eau de pluie, ou d’une autre source telle qu’une rivière ou un forage. Aussi, des apports réguliers de fumure permettent un approvisionnement constant en éléments nutritifs qui améliorent la productivité de la banque fourragère. Pendant les premiers mois qui suivent la mise en place de la plantation, les plants doivent être protégés contre le soleil et les animaux domestiques et même sauvages. Cette protection assure une meilleure et rapide reprise qui, dans certains cas, détermine le succès de la banque fourragère. La taille de la banque fourragère est une autre opération importante qui a l’avantage de mettre à la disposition des animaux des résidus végétaux pouvant être utilisés comme nourriture. La taille donne aussi une bonne forme à la banque fourragère et permet le développement de nouveaux rejets. Les illustrations suivantes montrent la nécessite d’entretenir une banque fourragère pour une productivité à long terme. 49 4.5. Productivité de travail harmonieux en faveur de la productivité de l’exploitation et du bien être du ménage. Des banques fourragères bien aménagées permettent de produire du fourrage de bonne qualité et elles améliorent la productivité des animaux. En plus, la biomasse foliaire ainsi que d’autres résidus de la plante peuvent être laissés ou enfouis dans le sol et améliorent sa fertilité. Le surplus de fourrage peut aussi être vendu pour constituer un revenu. Une banque fourragère très productive contribue à une bonne utilisation du temps car au lieu de courir à la recherche de fourrage, l’agriculteur gère bien son temps qu’il peut utiliser pour d’autres activités. Dans la plupart des cas, ceci peut réduire des tensions au niveau de la famille et créer un climat En terme de productivité, une banque fourragère à Gliricidia sepium bien aménagée peut produire 6,4-9,1 t/ha de fourrage de bonne qualité à la fin de la saison pluvieuse et une autre de 0,52,0 t/ha pendant la saison sèche. Tenant compte des besoins des animaux en matière sèche de 25 gr de protéines digestibles par kilogramme de l’animal, ceci correspond à environ 0,04 ou 0,5 t de matière sèche/ha dont on a besoin pour supplémenter les besoins en protéines par unité de bétail pendant les trois mois critiques de la saison sèche (Niang, non publié). 50 4.6. Conseils utiles Les agriculteurs doivent être sensibilisés sur les bénéfices de l’utilisation des banques fourragères dans leurs exploitations, dans le but d’améliorer la productivité des animaux. Considérant les conditions sèches de la zone sahélienne, il est important de faire des efforts pour entretenir et bien protéger les plantations. Le choix des espèces doit se baser sur les plus productives qui résistent à la sécheresse. Il est nécessaire de poursuivre les recherches pour déterminer les espèces autochtones beaucoup plus productives ayant en même temps la capacité à résister aux conditions climatiques dures par rapport aux espèces exotiques. au bon moment, par exemple avant la floraison, sinon le fourrage serait de moindre qualité. En général, pour la plupart des espèces ligneuses du Sahel, il y a un problème de matériel de multiplication ; la mise à la disposition de ce matériel aux paysans et la bonne compréhension des techniques de propagation et de gestion nécessaires pourraient rendre l’adoption de cette technologie facile. Les éleveurs sahéliens peuvent profiter de l’existence des pâturages collectifs pour s’organiser, mettre en place et entretenir des banques alimentaires leur permettant ainsi de se procurer de fourrage pendant les périodes de pénuries, particulièrement pendant la saison sèche. Pour maximiser la valeur nutritive de la biomasse, des coupes de bois doivent s’effectuer 51 Documents à consulter Niang, A. (Unpublished). Improving the well-being of the rural poor in the dry lands through tree based intensification and diversification. Franzel, S., Hamer, A., Mounkoro, B., Niang, A. and Traoré, C.O. 2005. Fodder banks in Mali. International Centre for Research in Agroforestry, Sahel Program, Bamako, Mali. 45p. 52 53