Présentation du projet
Matériau
Une Cantate, Pour (ou) A tous ceux
perdus en mer(e)…
« Que se passe-t-il quand les acteurs
quittent le personnage ? Peut-être bien
qu’ils chantent… » (D.G. Gabily)
Très vite s’est imposée à moi la métaphore du « radeau-plateau / vaisseau-
théâtre d’une humanité perdue sur l’océan de la vie ». C’est donc le l rouge
qui tisse à la fois le choix des chansons, des textes, leurs résonances, ainsi
que la scénographie et les « gures » que portent les acteurs-chanteurs.
Un des derniers plans du lm « Les Ailes du Désir » de Wim
Wenders : À l’horizon la ville de Berlin, dans le ciel, on voit s’inscrire
« Fortsetzung folgt »… « Nous sommes embarqués »… Et on entend encore
pour la dernière fois la voix du vieil homme Homer, le conteur, « l’aède » du
lm, qui prononce ces mots…
Souvent je pense à cette voix quand nous nous retrouvons avec les acteurs
pour la première rencontre, première répétition … Et j’imagine que tout
équipage de bateau « sait » cela aussi par cœur….
La construction du montage-collage part de la gure centrale et du texte
fondateur Les Mains négatives de Marguerite Duras.
Ce sera l’unique texte non fragmenté, entendu dans son entièreté.
Cette gure c’est « l’auteur-dramaturge-metteur en scène », un Capitaine
Achab, boiteux, qui est dans l’impossibilité de dire, qui n’a plus de mot
pour dire, c’est « Homer qui n’a plus de chant », prêt à renoncer… Et qui ne
retrouvera le « dire » qu’à la n, dans le « cri » des Mains négatives, pour
arriver au chant, a capella d’abord, puis réembarquant sa troupe-équipage.
Le chant qui lui arrive, c’est Les mots d’amour d’Edith Piaf, chanson qui
traverse et hante Savannah Bay de Marguerite Duras, « pièce hommage au
théâtre, à l’actrice, à Madeleine », chanson dont Marguerite Duras disait être
« le chant d’amour le plus violent que je connaisse »… Et c’est aussi avec la
voix de Piaf que débutera le voyage, pas celle chantante, celle d’une interview
avant sa chute en scène, avant son arrêt dénitif, voix fatiguée qui trouve
encore le rire et les mots joie et nécessité de chanter…
Entre ces deux voix, embrassant le silence, les fantômes de
ce vieil homme mutique, que nous appellerons Homer, se
« réveillent »… Les acteurs endossent les gures de sa mémoire, esquisses
de personnages futurs ou réminiscences de personnages joués …. Et ils
chantent…
Il y a aura la gure de la mère, Pythie, chanteuse à textes,
celle de la femme aimée - une Julietta la garçonne, clownesse
funambule, un beau jeune homme ambigu, Querelle, travesti en
diva-cantatrice, la gure de l’enfance, qui ne « sait soit disant pas
encore » chanter, le mousse qui porte les comptines, que nous appellerons À
la claire fontaine, et puis Lucien, gure du chanteur un peu ringard, un peu
trivial, un peu « machino »….
Enn, la gure de Musique, androgyne voyageuse à la Corto Maltese au pays
d’Utopie….
Tous chantent ce qui leur est nécessaire pour tenir encore debout sur le bateau,
acteurs « Gabiers du Monde qui de leurs hunes fouillent la nuit, cherchant
l’amer, le troisième nord, le nord poétique qui équilibre toute boussole… » (L.
Marielle-Tréhouart)
Tous chantent pour leur capitaine boiteux, mutique, an qu’il parvienne à
retrouver désir et nécessité du dire et continuer… E la Navé va… Nous sommes
tous embarqués…
Enn, cette création, reposant sur une architecture de collage-fragments,
travaillant sur des notions d’apparition-disparition, sur des esquisses fugaces,
sur des impulses, des échos, sera une forme assez courte, ne dépassant pas
les 1h30.
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