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O S S I E R T H É M A T I Q U E
La Lettre de L’Hépato-Gastroentérologue - n° 3 - juin 199890
Les patients infectés par ces souches virales mutées présentent
des transaminases élevées soit de façon permanente,soit de
façon intermittente avec des phases de rémission spontanée
pouvant gêner le diagnostic différentiel avec le portage asymp-
tomatique. Dans certains cas, le diagnostic est porté devant une
exacerbation aiguë de la maladie pouvant se présenter sous la
forme d’une cytolyse très importante avec ictère et, éventuelle-
ment, insuffisance hépatocellulaire. L’évolution de cette infec-
tion est caractérisée par le développement d’une maladie hépa-
tique chronique active avec l’apparition d’une cirrhose et d’un
carcinome hépatocellulaire. Dans les séries italiennes, la préva-
lence de la cirrhose est d’environ 40 % chez ces patients.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de signes de
r é p l i c a tion virale malgré la présence d’anticorps anti-HBe.
Compte tenu des fa i bles taux de réplication généralement re n-
contrés dans cette pat h o l ogi e, des techniques sensibles de
détection de l’ADN viral doivent être employées (ADN bra n-
ch é , PCR quantitat i ve). Cep e n d a n t , étant donné la fl u c t u at i o n
spontanée de la réplication vira l e, ces techniques peuvent être
p rises en défaut. Des marq u e u r s indirects de réplication vira l e
d o ivent être utilisés dans ces cas-là, avec notamment la détec-
tion de l’antigène pré-S1 et de l’IgM anti-HBc ultra s e n s i bl e s
dans le sérum. La présence d’antigène HBc intra h é p a t i q u e,d e
l o c a l i s ation généralement cytoplasmique en immu n o m a r q u a-
ge, re n f o rce le diag n o s t i c . Sur le plan moléculaire, le génoty-
p age viral et la détection spécifique des mu t ations peuvent être
réalisés avec des techniques de re ch e r che basées sur la PCR et
l ’ hy b r i d a tion avec des sondes spécifiques des mu t a tions. Il
faut noter que certaines mu t ations sont associées au génotype
D plus fréquemment rencontré dans le bassin méditerra n é e n ,
expliquant donc la très fo rte prévalence de ces infe c t i o n s
v i r ales dans cette régi o n .
Traitement par interféron alpha
Compte tenu du potentiel évolutif de ces hépatites chroniques,
l’intérêt thérapeutique de l’interféron alpha a été évalué dans
des essais cliniques. Les premiers essais comportaient de l’in-
terféron alpha recombinant ou alpha lymphoblastoïde à forte
dose sur des périodes courtes de 6 à 12 mois. Ce type de traite-
ment court est associé à une annulation de la réplication virale
et une amélioration histologique chez la plupart des patients en
cours de traitement (50 à 75 % des cas, en fonction des séries).
Cependant, vu l’absence de verrou immunologique efficace, les
rechutes sont très fréquentes et 15 % seulement des patients pré-
sentent une réponse prolongée après l’arrêt du traitement.
Récemment, une étude contrôlée a été réalisée en Italie :
21 patients ont reçu de l’interféron alpha 2b à la posologie de
6MU 3 fois par semaine pendant 24 mois, alors que 24 autres
patients ne recevaient pas de traitement. Pendant la durée du
traitement, 40 % des patients traités ont normalisé leurs trans-
aminases et négativé l’ADN viral contre 10 % des patients du
groupe contrôle (p = 0,03). Les exacerbations cytolytiques clas-
siquement rencontrées dans cette forme d’hépatite chronique
n’étaient plus observées chez 17 patients pendant le traitement
contre seulement 6 dans le groupe contrôle (p < 0,001).
L’analyse histologique comparative pré- et post-thérapeutique
montrait une diminution significative du score de Knodell chez
les patients traités (le score diminuait de 10 à 5 ; p < 0,001) alors
qu’il restait stable chez des patients non traités (score de
Knodell à 9, sans variation significative). Les réponses prolon-
gées étaient significativement plus fréquentes chez les patients
traités que dans le groupe contrôle. Dix pour cent des patients
traités ont négativé l’antigène HBs et fait une séroconversion
anti-HBs pendant une durée moyenne de suivi de 22 mois après
l’arrêt du traitement. Les transaminases sont restées normales
de façon prolongée chez 33 % des patients traités alors qu’au-
cun des patients du groupe contrôle n’avait une normalisation
prolongée des transaminases (p < 0,001). Une réponse prolon-
gée était observée chez 75 % des patients initialement répon-
deurs à l’interféron. Cette étude indique bien qu’un traitement
prolongé par interféron alpha peut être associé à une réponse
virologique et clinique soutenue dans cette forme particulière
d’hépatite B chronique.
Récemment, notre groupe a analysé les facteurs de réponse à
l’interféron alpha dans cette situation clinique. Notre étude a
montré que le taux d’ADN viral préthérapeutique estimé par les
tests d’ADN branché et les doses d’interféron administrées
n’étaient pas associés à la réponse virologique et clinique. Les
études moléculaires ont montré que les mutants comprenant un
codon stop dans la région pré-C étaient plus résistants à l’inter-
féron alpha que le virus sauvage. D’autre part, les patients infec-
tés par un VHB de génotype A ou un VHB ne comportant pas
de codon stop dans la région pré-C répondaient à l’interféron
dans 75 % des cas contre 40 % des patients infectés par un
génotype D ou un mutant comportant un codon stop de la région
pré-C (p < 0,05). Ces facteurs virologiques moléculaires de
réponse pourraient être particulièrement importants pour adap-
ter nos stratégies thérapeutiques.
Dans notre ex p é ri e n c e, nous avons l’habitude de débuter le tra i-
tement par interféron à des doses re l at ivement fo rt e s , e n t re 5 et
10 M U 3 fois par semaine, en fonction de la surface corp o re l l e
du pat i e n t , pendant une période de 4 à 6 mois. Chez les pat i e n t s
présentant une réponse antiv i rale et bioch i m i q u e, un pro t o c o l e
de doses dégre s s ives est alors appliqué avec passage à 5 M U
3 fois par semaine pour 6 mois, puis 3 M U 3 fois par semaine
pour 6 mois supplémentaires et, si la réponse se maintient, p a s-
s age à 1 M U 3 fois par semaine de façon prolongée sur plusieurs
années. Ce type de protocole a l’ava n t age de maintenir une pre s-
sion antiv i rale et de perm e t t re une tolérance correcte pour obte-
nir une amélioration histologique et l’élimination de l’antigène
HBs chez 10 à 15 % des patients traités pendant au moins
18 mois.
Nouveaux agents antiviraux
Avec le développement de nouvelles molécules antivirales inhi-
bant la transcriptase inverse du VHB et permettant des traite-
ments antiviraux prolongés, le famciclovir et la lamivudine ont