Les effets du taux d`intérêt réel sur l`activité en France

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Les effets
du taux d'intérêt réel
sur l'activité en France
Alexandre Mathis et Lucrezia Reichlin
Département des études de l'OFCE
Cet article présente les résultats d'une étude empirique des
effets de choc exogènes de taux d'intérêt réel sur l'économie
française. Pour ce faire, nous avons utilisé deux modèles autoré
gressifs vectoriels et étudié leur dynamique suite à des perturbat
ions
exogènes. Le premier modèle ne comporte que des variables
réelles et le deuxième est en termes nominaux avec une relation
de cointégration faisant apparaître le taux d'intérêt réel. Nos
résultats suggèrent qu'un choc de taux d'intérêt réel est inflation
niste
et que l'inflation a un impact dépressif sur l'activité écono
mique. Ces résultats sont davantage conformes aux conclusions
théoriques des modèles fondés sur l'hypothèse de marchés de
clientèle qu'à ceux basés sur une structure concurrentielle ou
oligopolistique des marchés.
Les chocs sur le taux d'intérêt réel peuvent-ils avoir un effet durable
sur l'économie ? Et si oui, dans quelles directions ? Il s'agit là d'une
importante question de politique économique à laquelle la théorie
macroéconomique n'apporte pas de réponse claire.
Dans la littérature sur la croissance, la relation entre taux d'intérêt et
natUœ^Lr^pTogres^rechniquë^ét~dê'
croissance
du PIB n'est pas dépourvue d'ambiguïté. Elle dépend de la
leT nature 3es rerrdëmèTTts^ Parailleurs dans le modèle standard statique de macroéconomie, le taux
d'intérêt réel est relié négativement au PIB dans le court terme, puisq
u'il affecte la demande agrégée au travers de la consommation et de
l'investissement. Cet effet n'est cependant que temporaire et en prin
cipe disparaît à long terme.
Plus récemment, plusieurs auteurs ont suggéré que les effets du
taux d'intérêt réel sur l'activité économique pouvaient être non seule
ment négatifs mais également persistants dans le temps. Fitoussi et
Phelps (1988), par exemple, présentent une analyse dans laquelle le
taux d'intérêt réel mondial élevé est la cause de la récession des
années quatre-vingt en Europe. De même, dans cette même revue, un
travail empirique pour la France et les Etats-Unis, sur la relation de long
Observations et diagnostics économiques n° 41 /juillet 1992
195
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
terme entre taux d'intérêt réel et chômage, montre que ces deux
variables sont positivement reliées dans le long terme (Reichlin et
Guillemineau, 1989).
Les effets persistants du taux d'intérêt réel sont parfois expliqués
par le fait que celui-ci est un coût pour l'entreprise et qu'il influence la
valeur présente des profits futurs espérés. En affectant les coûts, le
taux d'intérêt réel peut affecter l'offre et par là produire des effets
durables. Cependant, le canal d'influence dépend de l'hypothèse faite
sur la structure des marchés prévalant dans l'économie.
Les modèles construits à partir d'une hypothèse de concurrence
imparfaite prédisent que, dès lors que le taux d'intérêt réel affecte
négativement la relation entre profits futurs espérés et profit présent, il
peut influencer la fixation des prix par l'entreprise. Dans une hypothèse
de structure de marchés oligopolistiques, une baisse des profits futurs
espérés conduit à une concurrence accrue sur les prix, donc à une
baisse du taux de marge (Rotemberg et Woodford, 1990). Au contraire
avec une hypothèse de concurrence monopolistique ou de marchés de
clientèle (« customer market », Phelps et Winter, 1970), la relation entre
taux d'intérêt réel et taux de marge est positive (Fitoussi et LeCacheux,
1989). Les deux théories prédisent que les marges sont variables au
cours du cycle, mais elles impliquent une relation différente entre taux
d'intérêt réel et prix.
Dans ce qui suit, nous utilisons deux modèles autorégressifs vector
iels pour étudier les effets du taux d'intérêt réel en France au cours
des quarante dernières années. Le premier modèle ne comprend que
des variables réelles : taux d'intérêt réel, salaire réel et productivité du
travail. Le deuxième comporte six variables : taux d'intérêt nominal, taux
d'inflation, taux de salaire nominal, consommation, investissement et
productivité du travail. Ce dernier système possède de plus une relation
de cointégration qui fait apparaître le taux d'intérêt réel.
L'analyse de la dynamique de ces deux systèmes nous permet
d'étudier l'impact sur l'activité économique de chocs exogènes sur le
taux d'intérêt réel. Elle permet également de déterminer quels sont les
résultats des hypothèses théoriques sur les structures de marchés qui
semblent les plus conformes à ce que l'on peut déceler sur les données
françaises des quatre dernières décennies.
196
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
Effets théoriques du taux d'intérêt réel
Pour l'entreprise, le taux d'intérêt réel est d'abord un coût ; celui du
capital, et il entre, à ce titre, dans la fonction de profit de cette
dernière. C'est de là que découle notamment la formulation standard de
l'équation d'investissement comme fonction du taux d'intérêt réel. Lors
que la productivité marginale du capital est décroissante, les entre
prises investissent jusqu'au point où la productivité marginale du capital
égale le taux d'intérêt réel ; à productivité marginale du capital donnée,
plus le taux d'intérêt réel sera bas et plus le taux d'investissement sera
élevé. Le taux d'intérêt réel affecte également l'actualisation des valeurs
futures espérées des profits de l'entreprise : plus il est élevé et plus la
valeur présente de l'espérance des profits futurs est faible.
En ce qui concerne les ménages, le taux d'intérêt réel détermine le
revenu que ces derniers tirent de la possession de titres ou, au cont
raire,
le poids de leur dette. Par ce canal, il affecte la consommation.
L'effet d'une augmentation du taux d'intérêt réel sur la consommation
sera positif s'il se traduit par un accroissement de la richesse nette des
ménages et négatif dans le cas contraire (1).
Dans le long terme, le taux d'intérêt réel est déterminé par la
productivité marginale du capital ; à l'équilibre ils sont égaux, au taux
de dépréciation près. Ici, nous nous intéressons à la dynamique d'ajus
tement qui intervient à la suite d'une augmentation exogène et ponct
uelle du taux d'intérêt réel.
Il est généralement admis qu'un tel choc, ceteris paribus, a un effet
dépressif sur la demande agrégée : en effet l'investissement décroît, car
le coût du capital a augmenté. Une baisse de la consommation intervlënré"galëme"nX plus^am&igue s'il ý~a"uň effet clë richesse positif. Suite
à cette chute de la demande agrégée, une offre excédentaire apparaît
donc sur le marché du travail. Pour rétablir l'équilibre, le taux de salaire
réel va devoir s'ajuster à la baisse. Si l'on suppose que les salaires
nominaux sont rigides et le marché des biens concurrentiel, les salaires
réels vont s'ajuster par le biais d'une augmentation des prix. Le taux
d'intérêt réel va alors tendre à retourner à son niveau initial.
Dans ce monde de concurrence, le prix est égal au coût marginal.
Dès que l'augmentation des coûts provenant de la hausse du taux
(1) Empiriquement, l'effet macroéconomique semble différer selon les pays. En France,
il est généralement reconnu que le taux d'intérêt réel n'a pas d'effet sur la consommation.
En Italie, où les ménages détiennent une dette publique importante, cet effet est positif.
197
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
d'intérêt réel disparaît, les prix retrouvent leur niveau antérieur. Il n'y a
donc pas d'effet permanent sur l'économie.
Si, en revanche, le marché des biens est non concurrentiel, un choc
de taux d'intérêt réel affectera l'offre, et cet effet sera durable. Il
dépendra du mode de fixation des prix qui prévaut dans l'économie.
Tous les modèles non concurrentiels impliquent un taux de marge
contracyclique, c'est-à-dire une relation négative entre la variation du
produit et la variation du taux de marge. En revanche, ils présentent
des relations différentes entre les variations du taux d'intérêt réel et du
taux de marge.
Dans le modèle de Stiglitz (1984), le monopoleur déjà en place limite
les prix pour se défendre face aux entrées futures d'autres entreprises.
Si le taux d'intérêt réel augmente, l'entrée sur son marché devient plus
difficile. Il est donc moins menacé et augmente alors les prix. La
relation entre taux d'intérêt réel et taux de marge est alors positive.
Dans les modèles fondés sur l'hypothèse des « marchés de clien
tèle» (Phelps et Winter, 1970), pratiquer des prix bas équivaut à investir
en vue d'accroître la clientèle — donc la demande future. Dès lors, si
les entreprises actualisent leurs profits futurs à un taux plus élevé, elles
investiront moins et tendront, au contraire, à exploiter davantage leur
clientèle existant en pratiquant des prix plus élevés, au risque même de
voir cette clientèle se réduire à l'avenir. Ces modèles prédisent donc,
comme celui de Stiglitz, une liaison positive entre les taux d'intérêt réel
et les taux de marge.
Une autre approche des marchés de clientèle est proposé par Gottfries (1986) et Greenwald et Stiglitz (1988). Une diminution de la
demande provoque des contraintes de liquidité pour les entreprises.
Ceci augmente le taux d'intérêt qui sert aux entreprises à actualiser
leurs profits futurs. On retrouve alors le même résultat que dans le
modèle de Phelps-Winter.
Un résultat opposé par rapport aux trois modèles précédents se
trouve dans Rotemberg et Woodford (1990). Ces derniers développent
un modèle à partir de Rotemberg et Soloner (1986). Dans un oligopole,
un petit nombre d'entreprises s'entendent pour maintenir leur prix de
vente au dessus du coût marginal. Une hausse du taux d'intérêt réel
ayant pour effet de réduire la demande future adressée à l'oligopole —
donc d'augmenter, en termes relatifs, la demande présente — , les gains
que chaque entreprise peut espérer d'une baisse unilatérale de ses prix
de vente s'en trouvent accrus, tandis que le coût à attendre dans le
futur en est réduit. Les entreprises sont, dès lors, davantage incitées à
baisser leurs prix de vente. Ces modèles prédisent donc une liaison
négative entre le taux d'intérêt réel et les prix, donc les marges.
Les différents effets, à court et long terme, sur la production et les
prix, d'un choc positif sur le taux d'intérêt réel sont résumés dans le
198
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
tableau 1. Pour discriminer entre ces différentes catégories de modèles,
il apparaît naturel de déterminer le sens de la relation entre taux
d'intérêt réel et inflation. C'est sur le signe de cette relation que
l'investigation empirique qui suit tente d'apporter une réponse.
1. Effets théoriques sur les prix et /'output d'un choc positif sur le taux
d'intérêt réel
Court terme
Modèle
Long terme
prix
output
prix
output
Marchés concurrentiels
+
-
0
0
Marchés de concurrence
monopolistique
+
-
+
-
Marchés oligopolistiques
-
+
-
+
Les variables économiques utilisées
et leurs caractéristiques statistiques
Une analyse préliminaire des données (2) montre que le salaire nomin
alet le taux d'intérêt nominal sont intégrés (3> d'ordre un, tandis que
les prix sont intégrés d'ordre deux. Ces résultats (4) ne sont en rien
surprenants. Ceux qui concernent les variables réelles le sont davant
age.En effet, le PIB français apparaît intégré d'ordre deux, c'est-à-dire
;
(2) La définition précise et la source des variables sont données en annexe.
(3) Une variable est intégrée d'ordre un (respectivement deux) si sa différence première
(respectivement d'ordre deux) est stationnaire.
(4) Les tests d'intégration (i.e. de racine unitaire) sont maintenant bien connus les
statistiques de test ne sont pas reportées ici mais sont disponibles auprès des auteurs.
199
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
que son accroissement (ou son taux de croissance, si l'on utilise le
logarithme) n'est pas stationnaire. Les variables consommation et inves
tissement
sont, en revanche, intégrées d'ordre un. Ce résultat sur le PIB
met en lumière une différence par rapport aux données américaines.
Dans King et alii (1991), les auteurs montrent que les variables réelles
américaines — PIB, consommation et investissement — sont intégrées
d'ordre un. Le PIB est cointégré avec la consommation et l'investisse
ment,
c'est-à-dire que les rapports consommation sur PIB et investisse
ment
sur PIB sont stationnâmes dans le temps. Résultats qui manifeste
ment
ne peuvent s'appliquer à la France.
Pour notre analyse à l'aide de modèles autorégressifs vectoriels, il
nous faut utiliser un vecteur de variables stationnâmes ; le fait que le
PIB soit intégré d'ordre deux nous conduirait à prendre l'accroissement
de l'accroissement de ce dernier, ce qui pose évidemment des pro
blèmes
d'interprétation de cette variable. Nous avons donc fait le choix
— peu orthodoxe — d'utiliser comme indicateur de l'activité réelle, la
productivité apparente du travail, c'est-à-dire le rapport PIB sur emploi.
Cette dernière variable est incontestablement intégrée d'ordre un.
Comme l'illustre le graphique 1, la production présente une volatilité
beaucoup plus grande que l'emploi, ce qui suggère l'existence de
phénomène de thésaurisation de la main-d'œuvre et un comportement
procyclique de la productivité apparente du travail. Ceci justifie notre
interprétation de la productivité apparente du travail comme un indica
teurde l'activité réelle.
1. Variations du
PIB et de l'emploi
1965
I'I
I'
!'
'!'
1960
Afin de pouvoir étudier les effets dynamiques d'un choc de taux
d'intérêt réel sur l'économie, nous utilisons deux modèles autorégressifs
vectoriels.
200
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
Un système à trois variables
réelles
Le premier modèle que nous analysons a trois composantes et
contient uniquement des variables réelles. Le vecteur Xt modélisé est :
X, = (rit, Arwt, Ду1,)'
où rit est le taux d'intérêt réel, rwt le logarithme du salaire réel et ylt le
logarithme de la productivité apparente du travail. Д représente l'opéra
teur
de différence première (5).
Ce vecteur Xt, ainsi défini, est stationnaire. Au vu des tests de
cointégration effectués, les deux variables salaire réel et productivité
apparente du travail ne sont pas cointégrées. C'est-à-dire qu'il n'y a
pas de combinaison linéaire entre rwt et yl, qui soit stationnaire (voir le
tableau des résultats des tests de cointégration dans l'annexe 2).
Soit une série stationnaire à к composantes X, représentée par :
X,= =2 0 A, Х,ч + е,
où Aj est une matrice kxk
avec det (A(z)) = 0 pour z 2* 1
où A (z) = Ik - A, z - ... - Ар zp
|
|
i
(1)
e, un bruit-blanc vectoriel E e, es = 0 si t Ф s
= X si t = s
|
e, est le résidu de la régression linéaire de X, sur ses valeurs passées. Le
vecteur^, est le "vëctëlir~de"Sг innovations du processus X7 à^ la date t :
e, = X, - Proj [X, Xt_,...]
Il est donc pertinent de considérer les e, comme des perturbations
exogènes aux Xt.
La représentation moyenne mobile infinie nous est donnée par :
(2)
x,
où
(3)
1 % e,_
i=0
j
i
1
i = 1, 2, ... avec Ф„ = Ik
(5) Д x, = X, — x -1
201
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
Pour obtenir une représentation en terme de bruit-blanc £, à compos
antes orthogonales entre elles, il suffit de réécrire (2) avec £, = Pe, où
PP' = 2
X,= ï
=о
i
(4)
^s* = 2 VH P~' Aj i = 1, 2, ... avec Ýo* = P""1
(5)
j = i
L'équation (4) peut être vue comme la version structurelle de (2). Toute
matrice P vérifiant PP' = 2 peut être utilisée. Sims (1980) a proposé de
prendre la décomposition de Choleski de 2 où P est triangulaire infé
rieure ; d'autres auteurs ont déterminé P sur la base de restrictions
économiques (voir par exemple Blanchard et Quah 1989). Lippi et Reichlin
(1992) ont remarqué que, étant donné ces critères d'identification, les
représentations moyennes mobiles n'étaient pas uniques. Ils ont analysés
les implications de la prise en compte des représentations alternatives à
celle correspondant à la représentation autorégressive. Ici, nous ne consi
dérons pas ce problème.
Lorsque X, n'est pas une série stationnaire, par exemple une série
vectorielle I (1) cointégrée, les représentations (2) et (4) peuvent toujours
être calculées à l'aide respectivement de (3) et (5). Nous pouvons donc
toujours étudier les réponses du système suite à un choc sur une de ses
composantes à l'aide de (4).
La représentation moyenne mobile de cette série vectorielle, donnée
par l'équation (4) de l'encadré 1, nous permettra d'étudier la dynamique
d'un choc exogène de taux d'intérêt réel. Pour orthonormaliser le vec
teur des innovations, nous avons suivi l'approche de Sims (1980) et
supposé que le modèle avait une structure recursive. Dans ce modèle
trivarié, une telle hypothèse est aisément justifiable. En effet, la France
peut être considérée comme un petit pays pour lequel le taux d'intérêt
est exogène : il viendra donc en tête. Une justification de l'exogénéité
du taux d'intérêt réel est donnée par Artus et Kaabi (1991), où il est
montré que celui-ci suit les taux de l'Allemagne et des Etats-Unis. La
seconde variable est le taux de salaire réel qui, sous l'hypothèse de
taux de marge variables, est influencé par le taux d'intérêt réel. Enfin, la
dernière est la productivité du travail qui est influencée par toutes les
variables du système.
Les graphiques 2 à 7 présentent les réponses du système à un choc
exogène (innovation) sur les différentes variables. Deux faits sont à
noter. En premier lieu, un choc de taux d'intérêt réel produit un effet
durable et négatif sur le niveau de la productivité du travail. Dans le
long terme, la variance de cette dernière variable est expliquée à
environ 8 % par le taux d'intérêt (voir tableau 2). En second lieu, un
202
I'
I1
I
35
II
iI
30
II
II
M
25
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1
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Ií
2. Réponses de rw
suite à un choc sur
3. Réponses de y I
suite à un choc sur
4. Réponses de ri
suite à un choc sur
0
5
10
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20
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5
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7. Réponses de rw
suite à un choc sur
'
II
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О
!
6. Réponses de ri
suite à un choc sur
II |"
35
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
choc de taux d'intérêt réel a un effet positif durable sur le niveau
de salaire réel. Le taux réel explique la variance du salaire réel à
environ 9 %.
2. Décomposition de la variance
Retards
ri
rw
yi
A. Taux d'intérêt réel (ri)
1
2
4
10
40
100
96,00
89,66
82,38
80,43
0
2,65
8,57
14,43
15,69
0
1,45
1,87
3,19
3,88
94,06
86,29
84,00
77,30
76,60
0
7,92
10,40
13,50
14,07
B. Salaires nominaux (rw)
1
2
4
10
40
5,94
5,79
5,90
9,20
9,33
С Productivité du travail (yl)
1,85
1,89
2,29
7,49
7,92
1
2
4
10
40
5,35
5,54
5,65
6,25
8,26
92,80
92,57
92,06
86,25
85,82
L'interaction de longue période ejrtrejes ^riables_peirt être résumée
par le graphique suivant :
Diagramme 1
Interaction dynamique de longue période modèle trivarié
yi
-► rw
b indique la réponse de b a un changement positif de a
205
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
Comme on peut le constater, l'effet sur notre indicateur d'activité
est négatif mais l'effet sur le taux de salaire réel est positif. Ce dernier
effet est, en réalité, la combinaison d'un effet sur les salaires nominaux
et sur les prix. Dès lors, le signe de l'effet sur les prix est, a priori,
ambigu. C'est pour clarifier ce point qu'il convient d'étudier un système
de variables nominales.
Un système nominal
Le deuxième modèle est de plus grande dimension et comporte des
variables nominales. L'idée est d'étudier les effets du taux d'intérêt réel
à travers les effets de chocs du taux d'intérêt nominal et de chocs
inflationnistes. Nous avons retenu six variables :
Xt = (Дш,, Д2р,, Д1Ь Awt, Дс,, Ду1,)'
où ni, représente le taux d'intérêt nominal, wt est le logarithme du
salaire nominal ; p, est le logarithme des prix à la consommation ; ct est
le logarithme de la consommation privée ; I, est le logarithme de l'inve
stissement
net privé ; ylt est le logarithme de la productivité apparente
du travail.
Nous avons imposé, comme précédemment, une structure triangul
aire
au modèle pour étudier sa dynamique. Une approche alternative
aurait été d'exploiter les relations de croissance équilibrée, comme dans
King et alii (1991). Malheureusement, les données françaises rejettent
clairement le modèle simple de croissance utilisé dans King et alii.
Comme on l'a vu, le PIB est intégré d'ordre deux, tandis que l'investi
ssementet la consommation le sont d'ordre un. Puisque le modèle de
croissance traditionnel est inapproprié pour la France d'après-guerre, et
que d'autres restrictions unanimement reconnues sont difficiles à trou
ver, il nous a semblé plus justifié d'utiliser une orthonormalisation
statistique (voir l'encadré 1).
La première étape consiste à rechercher les possibles relations de
cointégration entre les variables. Les tests effectués (voir annexe 2)
conduisent tout d'abord à rejeter les hypothèses de la théorie tradition
nelle
de la croissance : à savoir les deux relations de cointégration entre
produit et consommation d'une part, entre produit et investissement
206
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
d'autre part. La seule relation de cointégration qui apparaît est entre le
taux d'intérêt nominal et le taux d'inflation. Celle-ci nous indique que le
taux d'intérêt réel ainsi retrouvé est stationnaire. Dans une deuxième
étape, il convient d'estimer le système multivarié. Ce système est
maintenant un modèle autorégressif vectoriel avec, cette fois, en plus
une contrainte de cointégration, c'est-à-dire un modèle à correction
d'erreur où le terme cointégrant est le taux d'intérêt réel qui résulte de
la relation entre taux nominal et inflation.
Le tableau de l'annexe 2 présente quelques résultats (6) des deux
tests proposés par Johansen (1988).
Soit une série X, à к composantes intégrée d'ordre un (I (1)), c'est-àdire que X, est non stationnaire mais ДХ, est stationnaire.
Le cas particulier qui apparaît dans le texte est celui où il n'y a qu'une
seule relation de cointégration, c'est-à-dire qu'il existe une combinaison
linéaire des composantes de X, :
(1)
zt — а X, où a est un vecteur de dimension к telle que z, soit
une série stationnaire (I (0)).
La représentation VAR (cette fois-ci non stationnaire, à la différence de
l'encadré 1) est donnée par :
(2)
A (L) X, = et
où A (L) est un polynôme matriciel en l'opérateur retard L.
En utilisant l'opérateur différence première Д, (2) peut se réécrire sous
la forme :
(3)
A* (L) ДХ, = - A (1) X,_, + e,
Sous l'hypothèse de cointégration, on a A (1) = 7 a' où y est un
vecteur de dimension k. En utilisant (1), on arrive au modèle à correction
d'erreur :
(4)
A* (L) ДХ, = - y zt_, + e,
Dans le cas décrit dans l-article—z, est le taux d-intérêt réel,
Le tableau 3 donne le coefficient du terme cointégrant et sa significativité pour chaque variable.
Ce terme, qui, rappellons-le, correspond au taux d'intérêt réel, a un
effet significatif seulement sur l'inflation, le taux d'intérêt nominal et la
(6) On peut constater que les deux tests donnent des résultats différents pour le
vecteur à six composantes (partie 4 du tableau). Etant donné que la seule relation interpré
table
économiquement est celle entre taux d'intérêt et inflation, nous avons décidé, au vu
des résultats précédents, de ne retenir qu'un seul vecteur de cointégration.
207
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
3. Terme cointégrant : effet sur les six variables
Coefficient
t - statistics
Inflation
+
0,09
+
2,68
Taux d'intérêt nominal
-
0,03
-
1,74
Productivité du travail
-
0,05
-
1,71
Salaires nominaux
+
0,03
+
0,96
Consommation
-
0,02
-
0,63
Investissement
+
0,06
+
0,74
productivité du travail. Les coefficients concernant la consommation,
l'investissement et le salaire nominal ne sont pas du tout significatifs et
peuvent être considérés comme nuls.
Le coefficient le plus important est celui de l'inflation et son signe
est positif. L'effet sur la productivité du travail confirme le résultat
observé sur le modèle précédent, à savoir un impact négatif du taux
d'intérêt réel sur l'activité économique. L'effet sur le taux d'intérêt
nominal est également négatif. Les effets opposés du taux d'intérêt réel
sur l'inflation et le taux nominal ne doivent pas étonner : le taux
d'intérêt réel est une variable stationnaire, c'est-à-dire avec une
moyenne indépendante du temps ; toute perburbation qui l'écarté trop
de sa moyenne doit donc provoquer un mouvement inverse pour lui
permettre de retourner vers sa valeur moyenne.
Intéressons-nous maintenant aux réponses du système à la suite de
différents chocs exogènes effectués sur les innovations des variables
(graphiques 8 à 17). Les effets des chocs de taux d'intérêt nominal et
d'inflation vont permettent de clarifier le mécanisme à travers lequel le
taux d'intérêt réel affecte l'activité économique.
Il est aisé de voir qu'un choc exogène sur le taux d'intérêt nominal à
un effet positif persistant sur l'inflation et le niveau des salaires nomi
naux. La productivité du travail, la consommation et l'investissement
présentent, par contre, une réaction négative durable. De la même
manière, on constate qu'un choc sur l'inflation modifie négativement les
variables du secteur réel, à savoir la consommation, l'investissement et
la productivité du travail ; le salaire nominal est, en revanche, affecté
positivement par un choc d'inflation. Cependant ce dernier a une
influence négative sur le taux d'intérêt nominal.
208
II
1I
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suite à un choc sur
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I
II
30
II
1
M M
25
I
I
I1
20
II
15
II
M
|I
i
10
|i
|i
|]
5
|
|
0
1[
-1-40 J
||
9. Réponses de I
suite à un choc sur
W^Réponses dew
suite à un choc sur
0
5
10
15
20
25
30
35
209
12. Réponses de y l
suite à un choc sur
ni
25
30
35
ггг
10 гт~т~г
15
20
25
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35
20
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35
II
I
20
II
Г
15
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I
II
II
П
I
45
II
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I
11. Réponses de с
suite à un choc sur
m
°5
-.10 -
-35 H
5
13. Réponses de ni
suite à un choc sur
004°
—
210
5
14. Réponses de I
suite à un choc sur
Ap
10
15
20
25
30
35
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35 T
II
I
30M
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M5
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|
0
1|
0.25 ->
[
15. Réponses de w
suite à un choc sur
Ap
16. Réponses de с
suite à un choc sur
Ap
211
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
1 7. Réponses de y I
suite à un choc sur
Ap
°л 5
A
o.io
\
\
-
Quelques interactions dynamiques
Diagramme
de longue
2 période modèle à six variables
Apt
b indique la réponse de b à un changement positif de a
Nous pouvons maintenant conclure qu'un choc inflationniste réduit
le taux d'intérêt réel. Ce résultat met en lumière le mécanisme grâce
auquel le taux d'intérêt réel retourne vers sa valeur stationnaire : une
augmentation du taux d'intérêt réel a un effet inflationniste ; l'inflation
212
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
corrige alors à la baisse le taux d'intérêt réel ; de plus ce dernier affecte
négativement le taux nominal, ce qui contribue également à faire bais
ser le taux réel.
Tant un choc sur l'inflation qu'un choc sur le taux d'intérêt nominal
ont un effet dépressif sur l'activité économique au travers d'une baisse
de la consommation et de l'investissement. Les effets d'un choc de
taux d'intérêt réel sont persistants, positif sur l'inflation et négatif sur
l'activité réelle.
Conclusion
A partir des deux modèles que nous avons estimés, il apparaît qu'un
choc positif sur le taux d'intérêt réel a un effet négatif sur l'activité
économique. Cet effet peut être décelé directement à partir du modèle
à trois variables. Un choc exogène appliqué directement sur le taux
d'intérêt réel produit une réaction négative et permanente de la product
ivité
du travail.
Avec le modèle à six variables, nous pouvons voir les canaux par
lesquels cet effet se propage. Une perturbation exogène du taux d'inté
rêt
nominal a des conséquences dépressives sur l'activité réelle, soit de
manière directe au travers d'une baisse de la consommation et de
l'investissement, soit indirectement par l'augmentation de l'inflation qui,
e n "retour, af f e с te n ég a t i v em ел ti а со n so mm at i о n^ I 'in v e s t i ss e me n-t-e t-l-a
productivité. De plus, le signe du paramètre devant le terme cointégrant
indique une correlation positive entre le taux d'intérêt réel et l'inflation.
Ceci incite à conclure qu'un choc sur le taux d'intérêt réel peut être
considéré comme un choc inflationniste. De tels résultats sont en
accord avec l'hypothèse de marchés de clientèle, mais en contradiction
avec ce que prédit le modèle oligopolistique de détermination des prix.
213
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
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Shapiro M. et M. Watson, 1988: «Sources of Business Cycle Fluctuations»,
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214
Les effets du taux d'intérêt réel sur l'activité en France
ANNEXE
Définition et sources des données utilisées
Toutes les variables sont trimestrielles et couvrent la période 1950 à fin
1989. A l'exception du taux d'intérêt réel, elles proviennent toutes de la base de
données trimestrielles longues établie par Laroque et alii (1990).
prix de la consommation marchande des ménages (base 100 en 1980) ;
investissement total des entreprises ;
С consommation des ménages en biens et services marchands ;
w salaire brut trimestriel par tête ;
PIB marchand ;
emploi salarié des entreprises non financières ;
productivité apparente du travail y/l ;
m taux d'intérêt nominal à l'émission des obligations de long terme garant
ieset assimilées (source Caisse des Dépôts et consignations) ;
ni corrigé du taux d'inflation observé.
215
Alexandre Mathis, Lucrezia Reichlin
Annexe 2. Tests de cointégration
(Johansen 1988)
(i) Productivité du travail (yl) et salaire réel (rw)
Нэ
r= 0
r<1
test X max
11,4
.62
résultat
r=0
test X trace
12.1
.62
résultat
r= 0
(ii) Taux d'intérêt nominal (ni) et taux d'inflation (Др)
Ho
r =0
rsi
test X max
29,97*
2,44
résultat
r= 1
test X trace
32,41*
2.44
résultat
r= 1
(iii) Consommation [c) et investissement (I)
Ho
r=0
rsi
test X max
14.56
3.40
résultat
r=0
test X trace
17,96
3,40
résultat
r= 0
iv) Consommation (c) et investissement (I) productivité du
travail (yl), taux d'inflation Др), taux d'intérêt nominal (ni),
salaires nominaux (w)
Ho
r=0
r< 1
r<2
r<3
r<4
r<5
test X max
89,29*
33,21
25,32
13,66
10.22
3,88
résultat
r= 1
test X trace
175,58*
86,29*
53,09
27,77
14,11
3,88
résultat
r= 2
(1) : Ho : hypothèse nulle ; r indique le nombre de vecteurs de cointégration ; les tests
sont au seuil 5 % ; * indique le rejet de l'hypothèse nulle.
Source : calculs OFCE.
216
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