Les effets du taux d`intérêt réel sur l`activité en France

Les
effets
du
taux d'intérêt
réel
sur
l'activité
en
France
Alexandre
Mathis
et
Lucrezia
Reichlin
Département
des
études
de
l'OFCE
Cet
article
présente
les
résultats
d'une
étude
empirique
des
effets
de choc
exogènes
de
taux
d'intérêt
réel
sur
l'économie
française.
Pour
ce
faire,
nous
avons
utilisé
deux
modèles
autoré
gressifs
vectoriels
et
étudié
leur
dynamique
suite
à
des
perturbat
ions
exogènes.
Le
premier
modèle
ne
comporte
que
des
variables
réelles
et
le
deuxième
est
en
termes
nominaux
avec
une
relation
de
cointégration
faisant
apparaître
le
taux
d'intérêt
réel.
Nos
résultats
suggèrent
qu'un choc de
taux
d'intérêt
réel
est
inflation
niste
et
que
l'inflation
a
un
impact
dépressif
sur
l'activité
écono
mique.
Ces
résultats
sont
davantage
conformes
aux
conclusions
théoriques
des
modèles
fondés
sur
l'hypothèse
de
marchés
de
clientèle
qu'à
ceux
basés
sur
une
structure
concurrentielle
ou
oligopolistique
des
marchés.
Les
chocs
sur
le
taux
d'intérêt
réel
peuvent-ils
avoir
un
effet
durable
sur
l'économie
?
Et
si
oui,
dans
quelles
directions
?
Il
s'agit
d'une
importante
question
de
politique
économique
à
laquelle
la
théorie
macroéconomique
n'apporte
pas de
réponse
claire.
Dans
la
littérature
sur
la
croissance,
la
relation
entre
taux
d'intérêt
et
croissance
du
PIB
n'est
pas
dépourvue
d'ambiguïté.
Elle
dépend de
la
natUœ^Lr^pTogres^rechniquë^ét~dê'
leT
nature
3es
rerrdëmèTTts^
Par-
ailleurs
dans
le
modèle
standard
statique
de
macroéconomie,
le
taux
d'intérêt
réel
est
relié
négativement
au
PIB
dans
le
court
terme,
puisq
u'il
affecte
la
demande agrégée
au
travers
de
la
consommation
et
de
l'investissement.
Cet
effet
n'est
cependant
que
temporaire
et
en
prin
cipe
disparaît
à
long
terme.
Plus
récemment,
plusieurs
auteurs
ont
suggéré
que
les
effets
du
taux
d'intérêt
réel
sur
l'activité
économique
pouvaient
être
non
seule
ment
négatifs
mais
également
persistants
dans
le
temps.
Fitoussi
et
Phelps
(1988),
par
exemple,
présentent
une
analyse
dans
laquelle
le
taux
d'intérêt
réel
mondial
élevé
est
la
cause
de
la
récession
des
années
quatre-vingt
en
Europe.
De
même,
dans
cette
même
revue,
un
travail
empirique
pour
la
France
et
les
Etats-Unis,
sur
la
relation
de
long
Observations
et
diagnostics
économiques
41
/juillet
1992
195
Alexandre
Mathis,
Lucrezia
Reichlin
terme
entre
taux
d'intérêt
réel
et
chômage,
montre
que
ces
deux
variables
sont
positivement
reliées
dans
le
long
terme
(Reichlin
et
Guillemineau,
1989).
Les
effets
persistants
du
taux
d'intérêt
réel
sont
parfois
expliqués
par
le
fait
que
celui-ci
est
un
coût
pour
l'entreprise
et
qu'il
influence
la
valeur
présente
des
profits
futurs
espérés.
En
affectant
les
coûts,
le
taux
d'intérêt
réel
peut
affecter
l'offre
et
par
produire
des
effets
durables.
Cependant,
le
canal
d'influence
dépend de
l'hypothèse
faite
sur
la
structure
des
marchés
prévalant
dans
l'économie.
Les
modèles
construits
à
partir
d'une
hypothèse
de
concurrence
imparfaite
prédisent
que,
dès
lors
que
le
taux
d'intérêt
réel
affecte
négativement
la
relation
entre
profits
futurs
espérés
et
profit
présent,
il
peut
influencer
la
fixation
des
prix
par
l'entreprise.
Dans
une
hypothèse
de
structure
de
marchés
oligopolistiques,
une
baisse
des
profits
futurs
espérés
conduit
à
une
concurrence
accrue
sur
les
prix,
donc
à
une
baisse
du
taux
de
marge
(Rotemberg
et
Woodford,
1990).
Au
contraire
avec
une
hypothèse
de
concurrence
monopolistique
ou
de
marchés
de
clientèle
customer
market
»,
Phelps
et
Winter,
1970),
la
relation
entre
taux
d'intérêt
réel
et
taux
de
marge
est
positive
(Fitoussi
et
LeCacheux,
1989).
Les
deux
théories
prédisent
que
les
marges
sont
variables
au
cours
du
cycle,
mais
elles
impliquent
une
relation
différente
entre
taux
d'intérêt
réel
et
prix.
Dans
ce
qui
suit,
nous
utilisons
deux
modèles
autorégressifs
vector
iels
pour
étudier
les
effets
du
taux
d'intérêt
réel
en
France
au
cours
des
quarante
dernières
années.
Le
premier
modèle
ne
comprend
que
des
variables
réelles
:
taux
d'intérêt
réel,
salaire
réel
et
productivité
du
travail.
Le
deuxième
comporte
six
variables
:
taux
d'intérêt
nominal,
taux
d'inflation,
taux
de
salaire
nominal,
consommation,
investissement
et
productivité
du
travail.
Ce
dernier
système
possède
de
plus
une
relation
de
cointégration
qui
fait
apparaître
le
taux
d'intérêt
réel.
L'analyse de
la
dynamique
de
ces
deux
systèmes
nous
permet
d'étudier
l'impact
sur
l'activité
économique
de
chocs
exogènes
sur
le
taux
d'intérêt
réel.
Elle
permet
également
de
déterminer
quels
sont
les
résultats
des
hypothèses
théoriques
sur
les
structures
de
marchés
qui
semblent
les
plus
conformes
à
ce
que
l'on
peut
déceler
sur
les
données
françaises
des
quatre
dernières
décennies.
196
Les
effets
du
taux
d'intérêt
réel
sur
l'activité
en
France
Effets
théoriques
du
taux
d'intérêt réel
Pour
l'entreprise,
le
taux
d'intérêt
réel
est
d'abord
un
coût
;
celui
du
capital,
et
il
entre,
à
ce
titre,
dans
la
fonction
de
profit
de
cette
dernière.
C'est
de
que
découle
notamment
la
formulation
standard
de
l'équation
d'investissement
comme
fonction
du
taux
d'intérêt
réel.
Lors
que
la
productivité
marginale
du
capital
est
décroissante,
les
entre
prises
investissent
jusqu'au
point
la
productivité
marginale
du
capital
égale
le
taux
d'intérêt
réel
;
à
productivité
marginale
du
capital
donnée,
plus
le
taux
d'intérêt
réel
sera
bas
et
plus
le
taux
d'investissement
sera
élevé.
Le
taux
d'intérêt
réel
affecte
également
l'actualisation
des
valeurs
futures
espérées
des
profits
de
l'entreprise
:
plus
il
est
élevé
et
plus
la
valeur
présente
de
l'espérance
des
profits
futurs
est
faible.
En
ce
qui
concerne
les
ménages,
le
taux
d'intérêt
réel
détermine
le
revenu
que
ces
derniers
tirent
de
la
possession
de
titres
ou,
au
cont
raire,
le
poids de
leur
dette.
Par
ce
canal,
il
affecte
la
consommation.
L'effet
d'une
augmentation
du
taux
d'intérêt
réel
sur
la
consommation
sera
positif
s'il
se
traduit
par
un
accroissement de
la
richesse
nette
des
ménages
et
négatif
dans
le
cas
contraire
(1).
Dans
le
long
terme,
le
taux
d'intérêt
réel
est
déterminé
par
la
productivité
marginale
du
capital
;
à
l'équilibre
ils
sont
égaux,
au
taux
de
dépréciation
près.
Ici,
nous nous
intéressons
à
la
dynamique
d'ajus
tement
qui
intervient
à
la
suite
d'une
augmentation
exogène
et
ponct
uelle
du
taux
d'intérêt
réel.
Il
est
généralement
admis
qu'un
tel
choc,
ceteris
paribus,
a
un
effet
dépressif
sur
la
demande agrégée
:
en
effet
l'investissement
décroît,
car
le
coût
du
capital
a
augmenté.
Une
baisse
de
la
consommation
inter-
vlënré"galëme"nX
plus^am&igue
s'il
ý~a"uň
effet
clë
richesse
positif.
Suite
à
cette
chute
de
la
demande
agrégée,
une
offre
excédentaire
apparaît
donc
sur
le
marché
du
travail.
Pour
rétablir
l'équilibre,
le
taux
de
salaire
réel
va
devoir
s'ajuster
à
la
baisse.
Si
l'on
suppose
que
les
salaires
nominaux
sont
rigides
et
le
marché
des
biens
concurrentiel,
les
salaires
réels
vont
s'ajuster
par
le
biais
d'une
augmentation
des
prix.
Le
taux
d'intérêt
réel
va
alors
tendre
à
retourner
à
son
niveau
initial.
Dans
ce
monde
de
concurrence,
le
prix
est
égal
au
coût
marginal.
Dès que
l'augmentation
des
coûts
provenant
de
la
hausse
du
taux
(1)
Empiriquement,
l'effet
macroéconomique
semble
différer
selon
les
pays.
En
France,
il
est
généralement
reconnu
que
le
taux
d'intérêt
réel
n'a
pas
d'effet
sur
la
consommation.
En
Italie,
les
ménages
détiennent
une
dette
publique
importante,
cet
effet
est
positif.
197
Alexandre
Mathis,
Lucrezia
Reichlin
d'intérêt
réel
disparaît,
les
prix
retrouvent
leur
niveau
antérieur.
Il
n'y
a
donc
pas
d'effet
permanent
sur
l'économie.
Si,
en
revanche,
le
marché
des
biens
est
non
concurrentiel,
un
choc
de
taux
d'intérêt
réel
affectera
l'offre,
et
cet
effet
sera
durable.
Il
dépendra
du
mode
de
fixation
des
prix
qui
prévaut
dans
l'économie.
Tous
les
modèles
non
concurrentiels
impliquent
un
taux
de
marge
contracyclique,
c'est-à-dire
une
relation
négative
entre
la
variation
du
produit
et
la
variation
du
taux
de
marge.
En
revanche,
ils
présentent
des
relations
différentes
entre
les
variations
du
taux
d'intérêt
réel
et
du
taux
de
marge.
Dans
le
modèle
de
Stiglitz
(1984),
le
monopoleur
déjà
en
place
limite
les
prix
pour
se
défendre
face
aux
entrées
futures
d'autres
entreprises.
Si
le
taux
d'intérêt
réel
augmente,
l'entrée
sur
son
marché
devient
plus
difficile.
Il
est
donc
moins
menacé
et
augmente
alors
les
prix.
La
relation
entre
taux
d'intérêt
réel
et
taux
de
marge
est
alors
positive.
Dans
les
modèles
fondés
sur
l'hypothèse
des
«
marchés
de
clien
tèle
»
(Phelps
et
Winter,
1970),
pratiquer
des
prix
bas
équivaut
à
investir
en
vue
d'accroître
la
clientèle
donc
la
demande
future.
Dès
lors,
si
les
entreprises
actualisent
leurs
profits
futurs
à
un
taux
plus
élevé,
elles
investiront
moins
et
tendront,
au
contraire,
à
exploiter
davantage
leur
clientèle
existant
en
pratiquant
des
prix
plus
élevés,
au
risque
même
de
voir
cette
clientèle
se
réduire
à
l'avenir.
Ces
modèles
prédisent
donc,
comme
celui
de
Stiglitz,
une
liaison
positive
entre
les
taux
d'intérêt
réel
et
les
taux
de
marge.
Une
autre
approche
des
marchés
de
clientèle
est
proposé
par
Got-
tfries
(1986)
et
Greenwald
et
Stiglitz
(1988).
Une
diminution
de
la
demande
provoque
des
contraintes
de
liquidité
pour
les
entreprises.
Ceci
augmente
le
taux
d'intérêt
qui
sert
aux
entreprises
à
actualiser
leurs
profits futurs.
On
retrouve
alors
le
même
résultat
que
dans
le
modèle
de
Phelps-Winter.
Un
résultat
opposé
par
rapport
aux
trois
modèles
précédents
se
trouve
dans
Rotemberg
et
Woodford
(1990).
Ces
derniers
développent
un
modèle
à
partir
de
Rotemberg
et
Soloner
(1986).
Dans
un
oligopole,
un
petit
nombre
d'entreprises
s'entendent
pour
maintenir
leur
prix
de
vente
au
dessus
du
coût
marginal.
Une
hausse
du
taux
d'intérêt
réel
ayant
pour
effet
de
réduire
la
demande
future
adressée
à
l'oligopole
donc
d'augmenter,
en
termes
relatifs,
la
demande
présente
,
les
gains
que
chaque
entreprise
peut
espérer
d'une
baisse
unilatérale
de
ses
prix
de
vente
s'en
trouvent
accrus,
tandis
que
le
coût
à
attendre
dans
le
futur
en
est
réduit.
Les
entreprises
sont,
dès
lors,
davantage
incitées
à
baisser
leurs
prix
de
vente.
Ces
modèles
prédisent
donc
une
liaison
négative
entre
le
taux
d'intérêt
réel
et
les
prix,
donc les
marges.
Les
différents
effets,
à
court
et
long
terme,
sur
la
production
et
les
prix,
d'un
choc
positif
sur
le
taux
d'intérêt
réel
sont
résumés
dans
le
198
Les
effets
du
taux
d'intérêt
réel
sur
l'activité
en
France
tableau
1.
Pour
discriminer
entre
ces
différentes
catégories de
modèles,
il
apparaît
naturel
de
déterminer
le
sens
de
la
relation
entre
taux
d'intérêt
réel
et
inflation.
C'est
sur
le
signe
de
cette
relation
que
l'investigation
empirique
qui
suit
tente
d'apporter
une
réponse.
1.
Effets
théoriques
sur
les
prix
et
/'output
d'un
choc
positif
sur
le
taux
d'intérêt
réel
Modèle
Marchés
concurrentiels
Marchés
de
concurrence
monopolistique
Marchés
oligopolis-
tiques
Court
terme
prix
+
+
-
output
-
-
+
Long
terme
prix
0
+
-
output
0
-
+
Les
variables
économiques
utilisées
et
leurs
caractéristiques
statistiques
Une
analyse
préliminaire
des
données
(2)
montre
que
le
salaire
nomin
al
et
le
taux
d'intérêt
nominal
sont
intégrés
(3>
d'ordre
un,
tandis
que
les
prix
sont
intégrés
d'ordre
deux.
Ces
résultats
(4)
ne
sont
en
rien
surprenants.
Ceux
qui
concernent
les
variables
réelles
le
sont
davant
age.
En
effet,
le
PIB
français
apparaît
intégré
d'ordre
deux,
c'est-à-dire
(2)
La
définition
précise
et
la
source
des
variables
sont
données
en
annexe.
(3)
Une
variable
est
intégrée
d'ordre
un
(respectivement
deux)
si
sa
différence
première
(respectivement
d'ordre
deux)
est
stationnaire.
(4)
Les
tests
d'intégration
(i.e.
de
racine
unitaire)
sont
maintenant
bien
connus
;
les
statistiques
de
test
ne
sont
pas
reportées
ici
mais
sont
disponibles
auprès
des
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