Freins et leviers de l`évolution du modèle alimentaire

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UNIVERSITE TOULOUSE – JEAN JAURES
INSTITUT SUPÉRIEUR DU TOURISME, DE
L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION
MASTER 1 ALIMENTATION
Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE
Freins et leviers de l’évolution du modèle
alimentaire français : cas des aliments exclus
Présenté par :
Coralie De Horta
Année universitaire : 2015 – 2016
Sous la direction de : C. SERRA MALLOL
UNIVERSITE TOULOUSE – JEAN JAURES
INSTITUT SUPÉRIEUR DU TOURISME, DE
L’HÔTELLERIE ET DE L’ALIMENTATION
MASTER 1 ALIMENTATION
Parcours « Sciences Sociales Appliquées à l’Alimentation »
MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE
Freins et leviers de l’évolution du modèle
alimentaire français : cas des aliments exclus
Présenté par :
Coralie De Horta
Année universitaire : 2015 – 2016
Sous la direction de : C. SERRA MALLOL
L’ISTHIA de l’Université Toulouse Jean Jaurès
n’entend donner aucune approbation, ni improbation
dans les projets tuteurés et mémoires de recherche.
Les opinions qui y sont développées doivent être
considérées comme propres à leur auteur(e).
«
Il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore
faut-il qu’il soit bon à penser. »
Claude Lévi-Strauss
«
Les substances nutritives ne sont repoussantes ni au
goût ni à l’odorat. »
Jean Anthelme Brillat-Savarin
«
Le simple fait d’avoir déjà rencontré un aliment semble
bien augmenter la probabilité qu’on l’appréciera, en tout
cas qu’on l’acceptera.»
Claude Fischler
Remerciements
Dans un premier temps, je tiens à remercier tout particulièrement mon maître de mémoire,
Monsieur Serra-Mallol, qui m’a guidée et épaulée tout au long de la construction de ce mémoire par
ses recommandations et précieux conseils.
Dans un second temps, je remercie également les professionnels, dont le corps enseignant,
pour l’aide qu’ils m’ont apporté afin de répondre à mes interrogations, ainsi que d’avoir poussé ma
réflexion pour mener à bien ce mémoire de recherche.
Enfin, je tenais à remercier ma famille et mes amis, qui m’ont apporté au quotidien leur soutien
et leur aide, et cela même dans les moments de doute.
Sommaire
Introduction ........................................................................................................................................... 8
Partie 1.
Conformité et références d’un individu : du social à l’alimentation ................................. 10
Chapitre 1.
Normes sociales et normes alimentaires .................................................................. 11
1.
Objet et fonctions ................................................................................................................. 11
2.
Contraintes et acceptabilité sociale : la socialisation............................................................ 18
3.
Normes alimentaires : construction de l’identité individuelle et collective .......................... 20
Chapitre 2.
L’alimentation en France .......................................................................................... 26
1.
Modèle alimentaire français : construction du comportement alimentaire ......................... 26
2.
La modernité alimentaire ..................................................................................................... 33
3.
Des dimensions symboliques de l’incorporation .................................................................. 37
Partie 2.
Hypothèses des leviers de l’évolution du modèle alimentaire français ............................ 40
Chapitre 1.
Hypothèse 1 : Une acceptabilité dès l’enfance faciliterait celle de l’adulte .............. 41
1.
La construction du goût chez l’enfant .................................................................................. 41
2.
Le dégoût alimentaire........................................................................................................... 44
Chapitre 2.
Hypothèse 2 : Accepter d’abord des aliments d’origine végétale exclus influencerait
l’acceptation de ceux d’origine animale ........................................................................................... 50
1.
Le mangeur et les aliments d’ordre végétal et animal .......................................................... 50
2. L’engouement du végétal : Cas pratique d’aliments hors-normes, l’exemple des fruits et
légumes moches ........................................................................................................................... 51
Partie 3.
Méthodologie probatoire ................................................................................................. 60
Chapitre 1.
Méthodologie de recherche ..................................................................................... 61
1.
Méthode ............................................................................................................................... 61
2.
Enquête qualitative .............................................................................................................. 61
Chapitre 2.
Les outils choisis ....................................................................................................... 65
1.
L’observation ........................................................................................................................ 65
2.
Le focus group ...................................................................................................................... 69
3.
L’entretien individuel semi-directif....................................................................................... 71
Conclusion générale ............................................................................................................................ 74
Bibliographie........................................................................................................................................ 76
Table des matières............................................................................................................................... 98
Introduction
Plus le temps avance, plus notre société est confrontée à la nouveauté, à de nouveaux
aliments. Nous pouvons les traduire comme des aliments différents, des aliments que nous n’avons
pas l’habitude de consommer, qui peuvent ne pas faire partie des normes françaises, qui peuvent
être exclus du modèle alimentaire français (Poulain, 2002). Il est probable que dans une vingtaine
voire une cinquantaine d’années nous ne mangerons plus comme nous le faisons actuellement, par
le fait de pénurie de certains aliments, d’écologie, d’innovation, etc.
Le comportement de l’individu est basé sur des normes sociales (Durkheim, 1894), de ce
fait le changement ou le mouvement vers des aliments non consommés habituellement peut poser
problème, notamment de néophobie (Fischler, 1990). Parmi ces éléments, certains aliments font
l’objet d’un refus par les mangeurs, nous les nommerons aliments différents.
Nous avons donc décidé de diriger mon mémoire vers ce sujet, comment pourrait-on
amener la consommation et l’appréciation des aliments différents dans le modèle alimentaire
français ? Quels pourraient être leur place dans notre société ? Par quels moyens pourraient-ils
amenés à être acceptés. Il est donc question de comment faire évoluer le comportement
alimentaire vis à vis du modèle alimentaire français sachant que celui-ci est intégré à des normes
(Durkheim, 1894).
Par aliments différents nous entendons les aliments dits « moches », les fruits et légumes déformés
par exemple (campagne des gueules cassées1) qui ont pour habitude d’être jetés du fait qu’ils soient
hors-normes, non-conformes pour les industriels et de ce biais rejetés tout autant par les mangeurs.
Je fais également référence à des pratiques alimentaires du futur telles que l’entomophagie (le fait
de consommer des insectes) qui dans nos mœurs françaises n’est pas une pratique courante, voire
quasi-inexistante. Ces deux types d’aliments ont été un choix objectif car d’une part il y a la notion
d’esthétique avec des produits ayant des défauts d’aspect physique et d’autre part la notion de
rejet, de non-mangeable, de dégoût ainsi que la peur du nouveau avec la consommation des
insectes.
L’envie d’aborder ce sujet est venue pour diverses raisons. Premièrement, j’ai tout d’abord
pensé à l’entomophagie que j’avais traitée au cours de ma licence professionnelle dans le cadre
d’un projet innovant, par la création d’un cookie au chocolat et au ténébrion (ver de farine).
1
Collectif les Gueules Cassées. Les Gueules Cassées. [en ligne]. Disponible sur http://www.lesgueulescassees.org/.
(Consulté le 02-12-2015).
8
Au cours de ce sujet, un enjeu majeur en est sorti : les insectes peuvent remplacer la viande
qui viendrait à disparaître au cours des années à venir. Le dossier de la Food and Agriculture
Organization of the United Nation (FAO), « Insectes comestibles, perspectives pour la sécurité
alimentaire et l’alimentation animale », nous montre qu’il y a des enjeux très importants au niveau
écologique, environnemental, économique (FAO, 2014). Cependant, le fait de remplacer la viande
par des insectes, en France, est délicat, les Français ne sont naturellement pas attirés par cette
alimentation différente, ils suivent un modèle alimentaire et appartiennent à un espace social
alimentaire (Poulain, 2002).
L’idée des aliments moches est apparue en faisant mes courses dans une grande surface,
en effet, on y vendait des légumes à l’allure non conventionnelle, aux formes farfelues. Ce concept
commence à connaître une certaine notoriété mais toujours peu mis en avant par les industriels et
par les grandes et moyennes surfaces (GMS) car trop différents et pas « comme les autres ».
C’est ainsi que l’idée de travailler sur la perception et l’acceptation des aliments différents
vis-à-vis d’une société basée sur des normes sociales nous a paru intéressante. Un individu ne
mange pas au hasard, il tient compte du physiologique, du financier, du social et du culturel
(Poulain, 2002).
9
Partie 1. Conformité et références d’un individu : du social
à l’alimentation
L’homme évolue en tant qu’individu dans une société, un groupe social. Pour être accepté
socialement, l’individu a la nécessité de suivre des règles, des valeurs, des codes, des rites. Tout
cela pour s’inscrire dans un principe de normes qui lui permettent alors de construire son identité
autour de celles-ci et de s’affirmer en tant qu’individu (Poulain, 2002).
Les normes sont également inscrites au niveau de l’alimentation. Elles vont permettre d’établir
des pratiques alimentaires qui découleront d’un modèle alimentaire commun à toute une société
ou groupe social. Ce modèle diffère selon les cultures et va permettre à l’individu de construire son
identité de mangeur. Cependant, face à de nouveaux aliments qui sont exclus du modèle
alimentaire français par exemple, la réflexivité du mangeur est remise en question. Comment faire
pour consommer un aliment qui n’est pas compris dans les normes, qui est « hors-normes » ? C’est
ce que nous allons essayer de comprendre dans cette première partie en étudiant comment se
construit le mangeur et dans quel environnement il évolue.
10
Chapitre 1.
1.
Normes sociales et normes alimentaires
Objet et fonctions
1.1
Définition théorique
1.1.1
Conduite et comportement : les normes sociales
Selon Durkheim, si la société fonctionne comme un tout, les individus n’en sont que des
parties. En effet, face à des normes sociales, les individus sont confrontés à des contraintes sociales
car ils ont l’obligation de suivre ces normes collectives (Durkheim, 1894).
Les normes sont des modèles de conduite (l’ensemble des pratiques, des règles et des
comportements) auxquels un individu doit se conformer. Leur comportement est généré par des
« ordres normatifs » qui sont donc un mélange de valeurs, de règles, de rites... (Piras, 2004). Elles
sont présentes au quotidien et doivent servir de références, de cadres.
« Les normes dépendent de valeurs et conditionnent les rôles et les actions individuelles. Les
normes sont transmises par la socialisation. Elles orientent les comportements dans une direction
déterminée. » (Talcott Parsons in Kapp, 2009, p.85).
Si les individus suivent ces normes, c’est qu’il y a présence d’une validité effective de
celles-ci. En effet, deux composantes vont entrer en compte dans la réflexion de suivre ou de ne
pas suivre ces normes : d’une part, la force contraignante qui va à l’encontre des acteurs et qui ne
lui sont pas favorable et d’autre part, la force motivationnelle où les acteurs vont agir en fonction
de leurs propres motivations et de ce qui va être réalisé (de la conception à la réalité existante)
(Piras, 2004, p.139).
Chaque société, chaque groupe social possède ses propres normes et le respect de celles-ci sont
primordiales pour être accepté socialement. Les normes sociales font partie intégrante de l’identité
d’un individu et forment ce que Durkheim appelle un « fait social ». Dans L’éducation morale (1903),
il met en lumière le besoin de satisfaction des individus à se conformer aux normes afin d’appartenir
à un ensemble qui permet aux acteurs de se sentir moins seuls et de faire les choses « comme il
faut » pour un sentiment de bien-être.
11
1.1.2
Se nourrir : les normes alimentaires
Les normes alimentaires sont l’application des normes sociales mises à l’échelle
alimentaire. En effet, celles-ci s’appliquent pour l’alimentation et construisent l’identité du
mangeur (Poulain, 2002). Elles vont venir définir des codes sociaux, des manières de manger, de
cuisiner, de table (op. cit.).
Poulain va définir cette norme sociale comme : « un ensemble de conventions relatives à la
composition structurelle des prises alimentaires – repas et hors repas – et aux conditions et
contextes de leur consommation. » (Poulain, 2002, p.66). Selon chaque groupe social, chaque
société, chaque ethnie, ces normes vont être différentes et vont être porteuses d’une identité
culturelle (op. cit.).
Ces normes sociales relatives aux prises alimentaires vont donc venir structurer les repas :
norme du repas ternaire avec entrée, plat garni, dessert (version simplifiée) ou composé de quatre
catégories avec entrée, plat garni, fromage et dessert (op. cit). C’est, selon Poulain, ce que l’on va
considérer comme un « repas normal » (Poulain, 2002, p.66). La présence des normes est
primordiale dans la structure d’un repas, elles vont venir encadrer l’acte alimentaire et font partie,
d’après Poulain qui s’appuie sur le concept de Condominas (1980), de l’espace social alimentaire
(outil pour l’étude des modèles alimentaires).
Elles vont également venir égayer les choix alimentaires et la réflexivité du mangeur. Les normes
alimentaires sont appliquées par et pour un environnement collectif et social, et diffèrent selon les
cultures et les valeurs de chaque mangeur. Lamine résume cette idée dans Choix et pratiques
alimentaires
des
« mangeurs
bio-intermittents »,
elle
nous
explique
que :
« le mangeur est inscrit dans un environnement collectif et social, et à la fois outillé et limité par son
répertoire culturel. » (Lamine, 2004, p.3).
Cependant, nous notons que les normes alimentaires sont le plus souvent liées à des
habitudes, ancrées dans le patrimoine alimentaire par exemple, ou à des pratiques répétitives que
nous appliquons de manière instinctive, inconsciente tel que le repas en famille le dimanche (Kapp,
2015). De plus, nous remarquons qu’il peut y avoir dissonance cognitive entre les normes que nous
sommes censés appliquer et les pratiques alimentaires que nous avons réellement (Poulain, 2002).
Par exemple, Poulain s’appuie sur une enquête de Fischler de 1990 où il met en lumière une
différence aberrante du nombre de prise de repas. En effet, pour la majorité des sondés ceux-ci
annonçaient qu’ils prenaient 3 repas par jour alors qu’en réalité le nombre de leurs prises
alimentaires était d’une vingtaine par jour (Poulain, 2002, p.66).
12
1.2
Fonction des normes
1.2.1
Normes : outils de régulation des comportements
La norme sociale est présente afin de réguler les comportements des individus, en
indiquant ce qui est bien (actions prescrites) ou mal (actions proscrites), ce qu’il faut et ce qu’il ne
faut pas faire (Becker, 1963). Elle s’appuie sur des règles, des croyances, des rites (prières), des
codes (en campagne on signe d’une croix le pain avant sa consommation par exemple) et des
valeurs auxquelles l’individu doit se conformer de façon consciente ou inconsciente (Kapp, 2015).
Le respect de ces règles, valeurs, etc. va permettre de garder un contrôle social de la société en
respectant l’ordre social (Durkheim, 1894).
Ainsi, les normes vont permettre de « structurer » les rôles et statuts de chaque individu.
Nous parlerons d’ordre social (Padioleau, 1986). De ce fait, au niveau alimentaire, lors des repas
par exemple, le rôle du « papa » et de la « maman » est bien défini. Dans les sociétés traditionnelles,
le « papa » rentre du travail et s’assied devant le journal télévisé après sa dure journée tandis que
la « maman » va venir préparer le repas sans demander de l’aide à son mari. Le repas va ainsi cadrer
et mettre en évidence les rôles de chacun (De Saint Pol, 2012). Cette question de statut, permet de
garder un contrôle social permanent et minimise le risque de déviance dans le but d’une cohésion
sociale (Wodz, 1985).
De plus, le repas s’inscrit dans un système social qui, lui, permet de réguler les comportements des
individus (Douglas, 1975). En 1974, Douglas et Nicod définissent le repas comme « un évènement
structuré définit comme toute circonstance sociale organisée par des règles relatives au temps, à
l’espace et à la séquences d’actions. » (Mäkelä, 2012, p.1143). Les repas sont donc structurés et
cadrés par des normes sous la forme d’un modèle alimentaire propre à chaque culture et
permettent de réguler le comportement des mangeurs (entrée, plat, dessert, fromage, questions
sur le grignotage, etc.) (Poulain, 2002).
1.2.2
La norme est double : contrainte et désir
Durkheim, dans ses derniers ouvrages avant son décès (1914 et 1917), va lier deux notions
à la norme : la contrainte et le désir. Contrainte et désir sont deux termes qui s’opposent mais, pour
lui, sont aussi associés à la norme, au « fait social ». En effet, par exemple, un aliment peut être
accepté par un individu une fois qu’il est désirable. Il n’est plus vu comme une contrainte. Afin de
mieux percevoir cette idée, il convient tout d’abord de définir les « faits sociaux ».
Un « fait social » est définit par Durkheim comme « toute manière de faire, fixée ou non, susceptible
d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure. » (Durkheim, 1894).
13
De plus, la désirabilité est un élément qui appartient au fait moral. Comme le dit Piras, qui
reprend l’idée de Durkheim :
« Pour que la conduite morale soit effective, il faut qu’il y ait un « ressort psychologique » ;
la fin morale est aussi « bonne », elle est un bien vers lequel on tend, parce qu’on s’y reconnaît, elle
est donc « désirable ». (Piras, 2004, p. 143).
Cependant Durkheim souligne également que cette désirabilité est intégrée à l’obligation.
Il émet, ici, l’idée que l’obligation doit être associée à la désirabilité :
« Il y a nécessairement obligation, parce qu’autrement il n’y aurait pas de fait moral ; mais
en même temps il y a « désir du bien », parce qu’autrement il n’y aurait pas de force motivationnelle
pour accomplir le devoir. » (Piras, 2004, p.143-144).
1.2.3
Déviance et anomie : individualité ou outil d’évolution des normes ?
D’après Becker (1963), il existe différents types de déviance. La première étant une
déviance qui s’appuie sur la différence, être plus gros en poids que la « moyenne » par exemple.
Dans ce cas, il n’y a pas effraction de la norme. La deuxième va concerner la question de trouble
qui se trouve dans les normes médicales ou pathologiques (homosexualité). Enfin celle qui va nous
intéresser plus précisément est la déviance sociologique, elle concerne les individus appartenant à
un groupe social qui ne se conforme pas aux normes prescrites par celui-ci. Il définit la déviance
« par le défaut d’obéissance aux normes du groupe. » (Becker, 1985, 1963, p. 31). Becker affirme
que la déviance est un processus et qu’elle « est créée par les réactions des gens à des types
particuliers de comportements et par la désignation de ces comportements comme déviants. »
(Becker, 1985, 1963, p. 41).
Un individu qui fait preuve de déviance et d’anomie, va voir son comportement hors des
normes, il ne suit plus les règles, ne s’y conforme plus. L’individu est « non-conforme ». Il y a alors
perte de la régulation du comportement (Becker, 1963). En ne suivant plus les conformités de la
société, d’un groupe social, l’individu va faire preuve d’individualité et va se dissocier peu à peu du
groupe auquel il appartient. Comme le dit Becker, son « étiquetage social » vis-à-vis de la société
ou de son groupe social va alors changer. Il perd alors son statut social, sa réputation et la place
qu’il avait dans la société, ce qui peut amener au suicide anomique (Durkheim, 1897).
C’est cette perte de statut vis-à-vis des autres qui fait que l’individu va se sentir « traître », la
perception de son groupe social et de la société ainsi que l’image qu’il renvoie va l’éclairer sur la
réalité de la déviance commise (Becker, 1963).
14
En ce qui concerne l’alimentation, le mangeur qui fait preuve de déviance ne va plus suivre
les règles, les valeurs qui constituent la base de la prise alimentaire, de la structure d’un repas. Il
peut décider de ce qu’il veut manger, à quel moment, dans quelles conditions, etc. (Poulain, 2002).
Mais, tout acte de déviance n’est pas obligatoirement négatif, ne pas respecter les normes
alimentaires par exemple, peut amener à changer ses habitudes (façon de manger), à innover
(consommer des aliments différents) et à laisser le mangeur avoir sa propre réflexivité (Becker,
1963).
Aujourd'hui, comme à chaque période de l'histoire des sociétés, les mangeurs suivent le
modèle alimentaire de leur époque. La question que l’on peut se poser est : est-ce que ce modèle
a évolué avec la société ? Est-ce qu’un enfant qui doit se taire lors des repas, les prières selon les
religions à table, est-ce toujours vrai ? Car tout cela fait partie du modèle que l’on décrit, est-ce
toujours d’actualité ? Peut-on alors définir un mangeur comme déviant ?
Le mangeur qui ne respecte pas la structure définie du repas, par exemple, fait alors preuve
d’individualité avec une perte de commensalité mais peut-être est-ce là un outil qui permettrait de
faire évoluer les normes strictes et imposées du repas ? La commensalité est le fait de manger
ensemble et d’ainsi pouvoir partager des valeurs (Poulain, 2002).
1.3
Application des normes, ressources pour l’individu
1.3.1
Les valeurs et croyances
Les normes sont construites sur des valeurs et des croyances. Les valeurs morales, éthiques,
culturelles vont aider l’individu à trouver sa place sociale dans la société. Les croyances vont trouver
lieu principalement dans l’héritage familial et, selon Durkheim, sont un objet fondamental
(processus cognitifs).
D’après Weber, les valeurs influencent les actions réalisées par les individus. Ces valeurs sont
transmises par l’éducation donnée par la structure familiale et les institutions. De plus, il identifie
deux types de valeurs : les valeurs collectives et les valeurs personnelles. Lors de la transmission de
valeurs collectives, il est important de garder pour soi ses valeurs personnelles afin que celles-ci
n’influencent pas sur le jugement de l’individu qui les reçoit. Il faut faire preuve de neutralité
axiologique. Il est important de garder à l’esprit, que chacun a le droit de se faire sa propre opinion.
(Weber, 1919).
D’après Bourdieu, les croyances appartiennent au champ du religieux. Mais pas seulement, la
croyance peut faire référence au fait de croire à une théorie, à une idée, etc..
15
Boudon va également se poser la question des mécanismes qui font qu’un même groupe
social croit en la même chose. Il pense qu’une croyance peut être fondée sur une croyance
scientifique, une croyance de nature forte (efficacité des rites par exemple). Il parle du concept de
théorie de la rationalité ordinaire (TRO), Gérald Bronner dans Les croyances collectives, L’année
sociologique (2010), résume la pensée de Boudon, pour lui la TRO est :
« Une théorie générale de la rationalité, et donc de l’action sociale (il justifie ce passage de
« rationalité » à « action sociale » par le fait que toutes les actions, y compris les plus violentes,
portent sur « les valeurs et les idées » et entrent donc dans le cadre de la TRO). » (Bronner, 2010).
1.3.2
L’environnement : la société, la « communauté », le groupe social
L’environnement pour un individu est la base de la construction de son identité, c’est ici
qu’il évolue, qu’il se construit, qu’il va faire face à des choix. Il va apprendre à vivre en adéquation
avec cet environnement afin qu’il lui soit propice (Poulain, 2002). L’appartenance à la société, à un
groupe social fait partie intégrante de la vie d’un individu dès la naissance. Le besoin d’y appartenir
est important pour se construire une identité autour et avec cet environnement (Erikson, 1972).
Dans notre société moderne, la société collabore autour de diverses activités, les individus
exercent un métier différent qui va être complémentaire à un autre : un agriculteur qui cultive le
blé afin de le vendre à un meunier qui le transformera et vendra sa farine à un boulanger qui pourra
ensuite vendre son pain (Kapp, 2015). C’est ce qu’appelle Durkheim dans De la division du travail
social (1893), la solidarité organique. Existe également la solidarité mécanique où les individus sont
similaires avec une conscience collective et une appartenance commune (Kapp, 2015, p.7).
Cette conscience collective va alors jouer un rôle de pression sociale sur les individus appartenant
à un groupe social.
1.3.3
L’importance de l’environnement alimentaire chez le mangeur
L'environnement alimentaire est constitué de plusieurs conditions. La première étant
l’accès aux aliments selon le pays où il vit (pays en voie de développement, mondialisation, etc.) et
selon sa position sociale. Et, enfin comment l’individu les achète et comment il va les consommer2.
Malgré une liberté, cet environnement va venir limiter les choix du mangeur et faire preuve d’une
certaine régulation.
2
Santé et Services Sociaux Québec. [en ligne]. Disponble sur : http://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/saineshabitudes/vision/environnement-alimentaire. (consulté le 19-03-2016).
16
Concentrons-nous maintenant sur la question de la concordance entre les normes
nationales alimentaires et les normes sociales alimentaires de notre groupe social, de notre groupe
de proximité (normes françaises et normes d’un mangeur végétarien, ou d’un mangeur faisant
partie d’un DOM-TOM par exemple). Dans son livre, L’alimentation dans le vivre ensemble culturel
(2009), Laurence Tibère nous fait part du multiculturalisme et c’est ce dont il est question ici. Elle
nous parle de la notion du « vivre ensemble » et de comment l’alimentation est structurée par
différentes composantes : de l’Europe, de l’Afrique, etc. et comment ce mélange anime la diversité
alimentaire. En effet, elle nous montre que les transformations des modèles alimentaires apportent
une modernité alimentaire et nous guide vers une société « hypermoderne » (Ascher, 2005). Selon
Tibère, il peut donc y avoir concordance entre des normes culturelles différentes pour ainsi voir
apparaître un glissement culturel et social vers une modernité alimentaire.
Les institutions ont un rôle essentiel dans l’environnement alimentaire des mangeurs. Tout
d’abord, elles vont permettre d’assurer une sécurité alimentaire (garantir des produits sains en
quantité suffisante, qui ne sont pas nuisibles à la santé des consommateurs et qui satisfassent leurs
besoins alimentaires) grâce à l’ONU (Organisation des Nations Unies) par le biais de la FAO (Food
and Agriculture Organization3). Selon l’économiste Douglass North, les institutions sont présentes
afin de réduire l’incertitude, l’instabilité de la vie chez les individus. De plus, elles vont construire
des règles d’hygiène de vie alimentaire. Prenons l’exemple du Programme National Nutrition Santé
(PNNS). Il a pour objectif d’améliorer en continu les conditions de santé des populations au moyen
d’une amélioration de la nutrition (programme « manger bouger4 ») au travers de conseils tels que
de manger cinq fruits et légumes par jour et de pratiquer une activité physique régulière qui sont
transmis de manière quotidienne aux mangeurs par des spots publicitaires.
Le contexte familial et l’école jouent, aussi, un rôle fondamental chez les individus au niveau
de l’éducation alimentaire (Ologoudou, 20045). Pour Ologoudou, c’est « dans la famille, que l’enfant
apprend à manger de façon équilibrée et variée. » (Ologoudou, 2004, p.56). Elle est porteuse de la
transmission du savoir-faire culinaire (op. cit.) et l’école fait « prendre conscience à l’enfant de son
corps, de ses sens, des règles de vie et d’hygiène notamment en matière d’alimentation. »
(Ologoudou, 2004, p.63).
3
Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture
Manger, Bouger, Programme National Nutrition Santé. [En ligne]. Disponible sur : http://www.mangerbouger.fr/.
(Consulté le 19-03-2016).
5
Avis et Rapports du Conseil Economique et Social, Le rôle de l’éducation dans l’alimentation, 2004, [en ligne]. Disponible
sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/054000661.pdf. (Consulté le 19-03-2016).
4
17
2.
Contraintes et acceptabilité sociale : la socialisation
2.1
Définition de la socialisation
Muriel Darmon dans La socialisation définit la socialisation comme :
« L’ensemble des processus par lesquels l’individu est construit, on dira aussi formé, modelé,
façonné, fabriqué, conditionné, par la société globale et locale dans laquelle il vit, processus au cours
desquels l’individu acquiert, apprend, intériorise, incorpore, intègre, des façons de faire, de penser
et d’être qui sont situées socialement ». (Darmon, 2010, 2006, p.6)
C’est un processus caractéristique d’un groupe social, d’une société, la « façon dont la
société forme et transforme des individus. » (Darmon, 2010, 2006, p.6). Dès lors que deux individus
interagissent, il y a présence d’un processus de socialisation. Il va transmettre des normes, des
valeurs et contribuera à la construction de l’identité sociale d’un individu (Poulain, 2002).
Pour qu’un groupe social se maintienne, il est important de pérenniser le processus de socialisation
en respectant ses caractéristiques données (Darmon, 2006). Par exemple, pour Halbwachs (1913),
partisan de l’école durkheimienne, le repas est considéré comme une institution qui va permettre
de pérenniser le processus de socialisation et va jouer un rôle important dans la passation des
normes.
Cependant, le processus de socialisation est également présent lorsqu’un individu interagit avec
son environnement social : la famille, l’école, le lieu de travail, etc qui se répartissent en deux
catégories, la socialisation primaire (de la naissance à la fin de l’adolescence) et secondaire (de l’âge
adulte à la mort) (Kapp, 2015).
2.2
Socialisation primaire et secondaire
2.2.1
Le contexte familial : support primaire
La famille est un support primaire à la socialisation. De la naissance jusqu’à l’entrée en
crèche et/ou maternelle, l’enfant est dans un contexte familial où son éducation va se construire
seulement avec les parents, grands-parents, etc. (Erikson, 1972). L’enfant va interagir avec son
entourage (avec d’autres enfants ou adultes par exemple) en jouant, en observant, etc. Cette
interaction va lui permettre de créer ses premières relations et de tirer profit de cette socialisation
afin d’évoluer (Kapp, 2015). Son identité sociale n’est basée que sur ce seul contexte (familial et de
l’entourage) et va devenir la base, l’ancrage à toute forme de socialisation (Kapp, 2015).
18
Durant cette première forme de socialisation, l’enfant acquiert les traditions, coutumes et
normes propres à la famille à laquelle il appartient et qui constitue son unique groupe social. Le
repas va devenir une institution (premières notions de valeurs, de règles, de respect chez l’enfant)
(Poulain, 2002). L’habitus laisse une trace durable sur la socialisation secondaire (Bourdieu, 2000).
2.2.2
Les institutions : pérennisation et processus de socialisation
Une institution est une réalité collective extérieure à l’individu. Selon Durkheim, toute
entité sociale qui possède un certain caractère d’extériorité et de stabilité est considérée comme
une institution. Une fois entré à l’école par exemple, l’enfant va alors grandir, vivre dans un nouvel
environnement, avec des nouvelles règles, certaines concordant avec celles de la maison. Mary
Douglas (2004), suggère que les institutions sont associées à des pensées communes et non à
l’affect, aux pulsions tels que le vécu émotionnel (l’affect et la pulsion freudienne).
A ce stade, l’individu peut faire ses propres choix et choisir lui-même ses modes de socialisation. Il
se détacher des normes familiales pour évoluer vers de nouvelles normes en adhérant à des clubs
de sport, à des partis politiques, etc. Cette évolution vers de nouvelles formes de socialisation va
lui permettre d’acquérir de nouveaux éléments dans la construction de son identité. En effet, les
institutions ont pour rôle de faire respecter les valeurs via des lois, par exemple, qui nous confient
en tant qu’individu des obligations et des interdictions. Il nous montre une logique du for intérieur
car nous avons une légitimité à respecter les normes via les valeurs. Poulain met en forme cette
idée selon une pensée fonctionnaliste :
« Une institution possède une triple fonction. Elle concourt à la socialisation, c’est-à-dire à
l’intériorisation des règles de conduite. Elle permet le contrôle social (…) [et] elle participe à la
régulation sociale, la connaissance des règles rendant plus ou moins prévisibles les comportements
des individus institués. » (Poulain, 2002, p.157).
L’école, le travail, vont permettre aux acteurs sociaux d’évoluer socialement en s’adaptant
aux diverses institutions où chaque comportement à avoir est différent. Grâce à ces institutions, un
nouveau processus de socialisation va voir le jour, un processus qui va être stable, en continu, qui
se pérennise mais qui est, en perpétuelle évolution, en effet, au contact des autres, l’individu
s’adapte, change et construit son identité tout au long de sa vie (Darmon, 2006).
Il faut donc également prendre en compte que l’acteur et son environnement social sont au cœur
du processus de socialisation et au cœur des institutions. Selon Mead, il y a interactionnisme du
« je » et du « moi » qui reflète l’image sociale de l’individu.
19
3.
Normes alimentaires : construction de l’identité individuelle et
collective
3.1
L’alimentation comme support de construction de l’identité
Les sociologues travaillant sur les identités (Mead, Horton Cooley) sont d’accord pour nous
dire que le monde social joue un rôle crucial dans la construction identitaire des individus.
L’alimentation fait partie du monde social et joue son propre rôle dans la construction alimentaire
des mangeurs.
3.1.1
Identité individuelle
L’identité individuelle ou personnelle :
« Renvoie à la perception que l’individu a de lui-même et à l’image qu’il souhaite renvoyer
publiquement. Il s’agit ici, pour lui, de percevoir les normes et les habitudes ayant cours dans son
environnement, puis de réagir en conséquence, en s’y conformant ou en rejetant ces normes. »
(Kapp, 2015, p.48).
L’alimentation est propre à chaque individu. Chaque mangeur va posséder ses propres
goûts, dégoûts et suivre les normes appliquées à son groupe social. De plus, chacun a son propre
patrimoine alimentaire qu’il aura construit par son « héritage » alimentaire et ses expériences
vécues au cours de sa vie (Stengel, 2014). Il y a un mouvement de distinction de l'individu dans son
choix qui « marque l'unicité, la différence, l'individualité au sein du groupe. » (Fischler, 1990, p.84).
Pour Goffman, les institutions peuvent être facteurs de perte d’identité individuelle. En
effet, il considère que les institutions fabriquent des individus « de masse » : dans l’armée, tous ont
des cheveux rasés. Au niveau alimentaire, on peut prendre l’exemple d’un groupe d’enfants qui à
l’école goûte des choux de Bruxelles, si un enfant considère que ce n’est pas bon il y a un effet de
masse qui apparait et la majorité des enfants ne chercheront pas à gouter cet aliment. Aussi, selon
Goffman, il est important de faire partie de plusieurs groupes sociaux afin de prendre un peu de
critères de chaque et ainsi se créer une identité personnelle qui sera propre à chaque individu.
Mead, dans L’esprit, le soi et la société (1934), tient à nous rappeler l’importance du « je »
et du « moi » social. Le « moi » va alors refléter l’image sociale à l’inverse du « je » qui est propre à
l’individu et qui n’est pas montré au monde social auquel il appartient. Le processus des conduites
lors d’interactions sociales (les représentations sociales selon Durkheim) peut être un atout
essentiel dans lequel les individus glaneraient afin de se construire un « soi spécifique » (Markus,
1977).
20
3.1.2
Identité collective
L’alimentation est source d’une identité collective. L’individu se conforme à un mouvement
significatif qui entraine une fusion individuelle et collective, avec les notions d'appartenance et de
connivence (Stengel, 2014). Les normes en évoluant permettent d’avoir une réinvention
permanente de l’identité collective (Poulain, 2002). Il faut également prendre en compte, d’après
Poulain, que les identités culturelles sont collectives puisque communes à un groupe donné et ont
un intérêt dans la construction du mangeur.
En mangeant, « l’homme s’incorpore lui-même, s’intègre dans un espace culturel. » (Poulain, [2002],
2009, p.177). Ce que Poulain veut nous montrer ici, est qu’en se nourrissant et en incorporant des
aliments, le mangeur s’inscrit dans un espace social et culturel. En effet, Poulain nous détaille que
tout ce qui se passe autour de cette incorporation (manières de table, les aliments choisis, la
cuisine) va s’inscrire dans une politique d’appartenance à un univers social et culturel. Il développe
cette idée afin de conclure que « l’acte alimentaire est fondateur de l’identité collective et du même
coup, dans un jeu de d’identification distinction, de l’altérité. » (Poulain, [2002], 2009, p.177). Ainsi
un sentiment d’appartenance à un ensemble, ici une conscience collective est possible et
l’alimentation nous montre qu’elle est source de liens sociaux et, de ce fait, de construction
d’identité (Poulain, 2002). La conscience collective dépasse alors la conscience individuelle.
3.1.3
Identité alimentaire
L’identité alimentaire est donc faite de deux choses distinctes : d’une part d’une identité
individuelle qui concerne le patrimoine alimentaire de chaque mangeur qui construise leur propre
identité alimentaire et d’autre part une identité collective en perpétuelle évolution en fonction des
normes auxquelles elle se réfère (Stengel, 2014).
Comme Fumey le rappelle en 2010, il ne faut pas oublier que les consommateurs ne sont pas
seulement des acheteurs mais aussi des mangeurs. Le mangeur pense, réfléchit, agit de façon
consciente ou inconsciente et prend en compte l’alimentation vis à vis du monde qui l’entoure.
Tarde, après une étude sur Les lois de l’imitation de Durkheim de 1890, met en lumière le
fait que les individus sont reliés socialement les uns aux autres et de cette façon l’imitation est
présente, « ils ne font que se copier et s’imiter. » (Fumey, 2010, p.55). A l’inverse on peut penser
que les goûts sont individuels, personnels à chacun. Certes, des individualités sont à prendre en
compte mais le choix des aliments est tout de même inscrit dans un patrimoine alimentaire. Les
mangeurs vont se diriger naturellement et de façon inconsciente vers des aliments inscrits dans le
modèle alimentaire français. De plus, Poulain en 2002, nous rappelle l’idée de Fischler sur le
mangeur.
21
Fischler pense que toute consommation alimentaire est en fait une incorporation de celleci qui se projette dans le mangeur en traversant l’obstacle du corps afin de devenir le mangeur luimême. Poulain en conclue alors que :
« Dès lors, les pratiques alimentaires cessent d’être lues comme des formes d’expression,
d’affirmation des identités sociales, (…), pour s’inscrire au cœur même du processus de construction
de l’identité. » (Poulain, [2002], 2013, p.174).
3.2
Le changement social
3.2.1
Le processus
Le changement social est un processus de transformation des sociétés qui n’est pas
provisoire mais qui en modifie sa structure historique (Rocher, 19736). Selon Trémoulinas qui
reprend la pensée de Rivière (1978), il peut faire référence au terme « évolution ». Le changement
social est donc relatif au progrès ou à l’évolution.
« Tarde […] a amené l’idée que le changement social suit deux grands principes : l’imitation
et l’invention. En somme les individus reproduisent des comportements qu’ils jugent cohérents ou
socialement acceptables, et inventent de nouvelles pratiques quand ils entrent en désaccord. »
(Kapp, 2015).
De ce fait, le désaccord amènerait du bon au changement social et permettrait de faire
évoluer les sociétés. Il est source d’invention afin d’améliorer un comportement, une règle, une
norme afin de les rendre socialement acceptables.
Selon Trémoulinas dans Sociologie des changements sociaux (2006), le changement social est
principalement apparu après l’époque des Trente Glorieuses (évolution de l’équipement
électroménager). Il va donc définir le changement social, en reprenant le terme de Durkheim,
comme un fait social qui va consister à un changement, à une transformation qui va commander
de façon imposée les individus comme, par exemple, l’urbanisation : « le nombre et la proportion
de citadins augmentent en France de façon continue depuis un siècle : c'est un changement social »,
(Trémoulinas, 2006, p.8).
6
Claude Beauchamp et Madeleine Gauthier. Présentation du texte de Guy Rocher, L'idéologie du changement comme
facteur de mutation sociale, Sociologies [En ligne]. Disponible sur : http://sociologies.revues.org/2313. (Consulté le 3003.2016).
22
3.2.2
Source d’évolution
Il s’agit de comprendre comment la société évolue et quels sont les facteurs qui permettent
de la faire évoluer. Selon divers sociologues, les valeurs peuvent être source d’évolution.
Cependant, il reste à se mettre d’accord, si ce sont les valeurs qui font changer une société, ou
si une société peut faire évoluer les pensées et mentalités ? Est-ce le changement social qui
engendre l’innovation ou est-ce l’innovation qui engendre le changement social ?
Dans L'idéologie du changement comme facteur de mutation sociale, Guy Rocher conçoit le
changement comme une idéologie, comme un facteur de mutation sociale tout en respectant la
stabilité de la société (la propriété, l’autorité et la rationalité). Il définit l’idéologie, à l’inverse de
Marx, comme l’image qu’un groupe social, qu’une société a d’elle-même tout en gardant à l’idée
une certaine perception du monde. Il ajoute que le changement est induit par l’homme qui se remet
continuellement en question. En effet, l’homme se sert de ses expériences passées et de ses
désaccords intérieurs pour constamment moduler son image (Rocher, 1968). De plus, il définit le
changement comme un critère moral qui permet de distinguer ce qui est « bon » de ce qui est
« mauvais » et comme « un des lieux principaux où se créent les valeurs » (Rocher, 1968, tome 3,
p.396).
Mendras et Forsé7 dans Le changement social, tendances et paradigmes (1983), vont tenter de
répondre à la question : comment et pourquoi la société change-t-elle ? Ils constatent que « la
recherche de « causes » générales aboutit à des impasses » (Mendras et Forsé, 1983, p. 10) malgré
ce qu’offrent le marxisme et le fonctionnalisme. Pour essayer de trouver la réponse à cette
interrogation, ils vont utiliser l’interactionnisme où les décisions collectives et individuelles sont
primordiales (Boudon, Simmel). Pour développer la réponse, Mendras met en place une
Observation du Changement Social (OCS) en relation avec le CNRS où des enquêtes de terrain
urbaines et rurales furent faites. Il constate qu’il est important de garder en tête le raisonnement
local – global. Il tient compte du local pour repérer des processus de changement qu’il élargit à une
échelle plus générale.
Caron, en 2010, traite de la dynamique de l’innovation et du changement social. Pour lui,
l’innovation résulte d’une demande de la population et vient modifier les pratiques sociales par les
savoirs techniques. Il nous montre qu’avec l’arrivée des téléviseurs, du téléphone, d’internet, etc.,
l’innovation prend place dans une dynamique sociale où la population créée un « consumérisme de
masse ». La technologie nous tend vers un changement social hypermoderne (Ascher, 2005).
7
Duriez Bruno. Mendras Henri, Forsé Michel. Le changement social, tendances et paradigmes. In Revue française de
sociologie, 1985, 26-4. pp. 726-728. [en ligne]. Disponible sur : http://www.persee.fr/doc/rfsoc_00352969_1985_num_26_4_4001. (Consulté le 20-03-2016).
23
3.3
L’innovation normative
3.3.1
Innovation : un terme précis
« L’innovation est la création d’un nouveau produit ou service, une nouvelle organisation
ou un nouveau procédé. L’innovation se constate par le succès commercial ou sociétal qu’elle
rencontre. En ce sens, elle se distingue de l’invention, qui correspond à une méthode, une technique,
un bien ou un service, utile à la résolution d’un problème donné. » (Ministère de l’Agriculture, de
l’Agroalimentaire et de la Forêt8, 2014, p.4).
Par exemple, l’utilisation de blé dur pour une baguette qui est une innovation produit mais
aussi avec une innovation technologique car le blé dur n’est pas, à la base, panifiable (op.cit.). Les
innovations alimentaires peuvent concerner des innovations technologiques (innovation de produit
ou de procédé) ou des innovations non-technologiques (innovation de marketing, d’organisation,
environnementale ou de service) (op. cit.).
3.3.2
Modification des normes par l’innovation
L’innovation est un processus social qui se déroule au quotidien. L’innovation est composée
d’incertitude (aucune garantie de changement), de transgression des règles établies, d’interactions
sociales et de croyances (Alter, 2010). En transgressant des règles établies, l’innovation peut
apporter une modification des normes (Coulibaly et Hermann, 20159). Selon le Ministère de
l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, « l’acceptation de l’innovation par les
consommateurs est essentielle. (...). L’innovation n’est pas toujours valorisée car le public a la
nostalgie d’un passé idéalisé. » (2014, p.14).
Regardons de plus près l’analyse faite par Coulibaly et Hermann. Ils nous affirment que
l’innovation n’existe que s’il y a une forme d’ « assimilation sociale ». Ils nous transmettent l’idée
qu’un processus d’adaptation s’enclenche s’il y elle existe. En effet, il faut que l’innovation apporte
un changement ou une rupture des pratiques traditionnelles, accoutumées. C’est ainsi qu’elle
pourra transgresser les règles établies. Pour eux, les innovateurs : « affrontent l’ordre, les lois ou les
normes, même s’ils partagent au plus haut point les buts fixés par leur société, leur milieu
professionnel ou leur organisation » (Alter, 2010, p. 24).
8
Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt. L’innovation, au cœur de la filière alimentaire, guide
illustré, 2014, [En ligne]. Disponible sur : http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/documents/pdf/Guide-InnovationHD-Internet_cle871c82.pdf. (Consulté le 20-03-2016).
9 Bernard Coulibaly et Hélène Hermann, « L'appropriation d'une innovation par ses usagers : autour du futur Learning
centre de l'Université de Haute Alsace », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur [En ligne], 312 | 2015, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 20 mars 2016. URL : http://ripes.revues.org/961
24
En apportant des innovations, les entreprises ou industriels de l’agroalimentaire, par
exemple, se voient, selon Alter, contraints d’innover en faisant face à plusieurs types de résistances.
Tout d’abord, une résistante dite objective :
« L’absence de la stabilité de la situation ou d’expérience d’un type de combinaisons [qui]
empêche de mener des raisonnements « rationnels » en matière de gestion, et oblige à travailler
par approximation, par intuition. » (Alter, 2010, p. 19).
Dans un second temps, une résistance de type subjective : « l’entrepreneur doit parvenir à
imaginer des situations par rapport auxquelles il ne dispose pas de repère. » (Alter, 2010, p. 19).
Finalement, une résistance qui va nous intéresser ici et qui va être affilié au monde du social, les
résistances liées à l’ordre social : « les entrepreneurs s’opposent constamment à des partenaires
routiniers, qu’ils soient membres d’une entreprise, banquiers ou experts. » (Alter, 2010, p. 19).
De plus, il faut prendre en compte la pensée d’Everett Rogers (1983), célèbre sociologue et
statisticien américain sur sa théorie de la diffusion des innovations. Il nous soumet que le concept
d’acceptation et d’imprégnation d’une innovation va dépendre de comment les individus, par
exemple les mangeurs, perçoivent les déterminants et les spécificités du mécanisme que
manifestent le bénéfice relatif, de la concordance avec les valeurs du groupe auquel nous
appartenons, de la facilité et de la non-complexité d’utilisation de l’innovation, de l’expérience et
de l’admissibilité et de la perceptibilité de la résultante, des résultats. Pour Rogers, tout ceci nous
montre qu’il faut prendre en compte différents acteurs : « les innovateurs, les premiers adoptants,
la première majorité, la dernière majorité et les traînards. » (Coulibaly et Hermann, 2015, point 13).
Pour finir, penchons-nous sur le modèle d’acceptation de la technologie plus connu sous le
nom de TAP (Technoly Acceptance Model). Ce modèle de Davis datant de 1989 met en lumière la
théorie d’acceptabilité technologique qui se divise en trois caractéristiques changeantes : l’attitude
(avec les croyances), l’influence sociale (norme individuelle avec l’importance de la vision et de
l’opinion du groupe social auquel nous appartenons sur notre comportement individuel) et la
motivation (à se conformer ou non à de nouvelles règles établies). L’utilisation de cette innovation
est aussi un facteur crucial car l’individu l’acceptera plus facilement si celle-ci augmente ses propres
performances et capacités (David, 1989).
25
Chapitre 2.
1.
L’alimentation en France
Modèle alimentaire français : construction du comportement
alimentaire
1.1
L’alimentation comme fait social et culturel
Corbeau et Poulain mettent en avant l’alimentation et l’acte alimentaire comme un fait
social (utilisation du terme durkheimien), elle fait partie intégrante de notre mode de vie, de notre
consommation et répond à nos besoins physiologiques et psychologiques (Poulain, 2002). Les faits
sociaux, selon Durkheim « consistent en des manières d’agir, de penser et de sentir extérieures à
l’individu et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel ils s’imposent à lui. »
(Durkheim, 1894, 97 in Poulain, [2002], 2013, p.150). Ils vont donc engendrer nos manières de
table, les interdits et les obligations alimentaires que notre groupe social, notre culture nous
imposent (Paul-Lévy, 1997). On ne mange pas seulement car le besoin physiologique est présent.
En effet, l’alimentation en tant que fait social va nous permettre de réfléchir, de penser et d’agir
(Corbeau et Poulain, 2002). Durkheim, dans Les règles de la méthode sociologique en 1895, associe
lui aussi l’alimentation aux interdits et obligations alimentaires (religieuses par exemple) et aux
manières de table (ne pas mettre les coudes sur la table). De plus, il lui parait évident que
l’alimentation joue un rôle dans la construction de l’identité sociale (affiliée tout de même au
religieux, au sacré).
Comme le présente Fumey, les pratiques et les choix alimentaires peuvent être générés par
des choix dits culturels que sont les religions et les médecines. Par exemple, les industriels même
les plus connus (Liebig, Schweppes, Kellog) s’appuient sur des savoirs de Laplace et Lavoisier, de
1780, qui se basent sur le cadre énergétique (Fumey, 2010). De nos jours, les consommateurs
choisissent leurs aliments en fonction de la médecine (processus de médicalisation) et de ce que
les industries agro-alimentaires les incitent à manger. Il est également bon de rappeler que
l’alimentation joue un rôle dans la construction du mangeur grâce notamment au contexte primaire
que représente la famille et qui va lui transmettre un patrimoine alimentaire culturel (Stengel,
2014). Le repas est une institution fondamentale de la société (Poulain, 2001) et les pratiques
alimentaires qui en découlent font partie entière des faits sociaux (Halbwachs, 1912).
26
1.2
Définition et construction du modèle alimentaire français
1.2.1
Définition
Le modèle alimentaire contribue à créer et nourrir des liens sociaux, des identités sociales
et facilite la prise de décision alimentaire. Il définit l’acte alimentaire en respectant la culture et
l’intégrité de chaque mangeur (Poulain, 2001). Dans Manger aujourd’hui (2001), Poulain explique
que le modèle vient imposer des règles de conduites alimentaires (manière de table, de manger,
association de tel ou tel aliments, le partage, etc.). Il décrète que :
« L’ensemble de ces règles, qui résulte de l’organisation sociale, des conceptions relatives
au plaisir alimentaire et à la santé, constitue ce que la sociologie de l’alimentation désigne par les
expressions de « modèle alimentaire » ou encore de « système alimentaire ». Les modèles
alimentaires varient d’un espace culturel à l’autre et, au sein d’une même société, évoluent avec le
temps. (…).Les modèles alimentaires sont impliqués dans des processus de différenciation entre
cultures et de distinction à l’intérieur d’une même société ; ainsi participent-ils à la construction des
identités. » (Poulain, [2001], 2008, p.24).
En reprenant l’idée de Fischler, Poulain suggère que les modèles alimentaires représentent
un ensemble de symboles qui permettent au mangeur de construire son identité et d’enclencher le
processus de différenciation sociale en acquérant des connaissances à travers diverses générations
et de les mettre en relation avec ce qu’il va consommer. Le modèle alimentaire français est
composé d’une structure en quatre catégories : entrée, plat garni, fromage et dessert (Fischler et
Masson, 2007). Lévi-Strauss, anthropologue et ethnologue français, met en évidence une forme
synchronique et une forme diachronique de la structure d’un repas. Dans la première forme, toute
la nourriture arrive en même temps (type tapas espagnol) et pour la seconde forme dite
diachronique, qui correspond à notre modèle français, les différents plats sont servis les uns après
les autres en respectant leur ordre social donné (entrée, plat garni, fromage, dessert). L’ensemble
de ces repas formeront la journée alimentaire (Poulain, 2001).
1.2.2
Des facteurs de changement social
« Nous sommes sensibles à la différence entre notre modèle alimentaire et celui des autres,
dans d’autres cultures, autant les variations dans le temps de notre propre modèle nous
échappent. » (Poulain, [2001], 2008 p.24).
Le modèle alimentaire dans sa structure est-il toujours d’actualité ? Il faut, en effet, tenir
compte du fait qu’il existe des changements et des mutations contemporaines.
27
Est-ce que le modèle évolue en fonction des changements sociaux de la société ? (Poulain,
2002). Il est important de noter que notre société, au cours des dernières décennies, a fait face à
divers changements sociaux (Boudon, 1984). Tout d’abord, aux XVe et XVIe siècles, la société
française fait face à une première étape de formalisation où l’on passe de l’artisan (savoir main) à
l’expert pour arriver, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, aux caractères formalisés des ingénieurs et
des industriels qui créent une nouvelle dynamique innovatrice (Caron, 2010). Il nous parait clair que
la révolution industrielle est un des plus gros marqueurs du changement social. Apparaissant à
partir du XVIIIe siècle, l’industrialisation apporte une dynamique moderne à la société grâce à des
nouveaux moyens techniques et communicationnels (textiles, électricité, pétrole, automobile, etc.)
qui entraineront l’accroissement du capitalisme commercial et financier 10. Cependant, c’est au XXe
siècle qu’une crise plus contemporaine jouera un rôle primordial dans le changement des pratiques
sociales. En effet, elle apportera de grandes modifications telles que l’énergie nucléaire, le
développement de l’informatique (avec l’apparition d’Internet au XXIe siècle), de l’automatisation
(robots industriels) ainsi que des biotechnologies (Cardon, 2010).
Poulain, en 2002, rappelle que les crises ont été un facteur de changement sur la réflexivité
alimentaire. En effet, de nos jours, une abondance de nourriture est présente. Le consommateur a
« trop » de choix, Fischler parle de « paradoxe de l’omnivore ». Les crises comme celle de la vache
folle, par exemple, vont donner aux mangeurs une nouvelle réflexivité et un autre regard sur le
monde de l’industrie agroalimentaire (Fischler, 1990) ainsi que des inquiétudes et une peur de ce
qu’ils peuvent consommer (Raoult-Wack, 2001). Il faut garder à l’esprit que :
« L’urbanisation, les mutations des sociétés, les migrations de populations, le
développement du tourisme, la mondialisation du marché alimentaire favorisent des processus de
métissages (Corbeau, 1997), de créolisation (Tibère et Poulain, 2001), sans pour autant faire
disparaître les modèles alimentaires. » (Poulain, [2001], 2008, p.30).
10
Larousse,
Révolution
industrielle,
[en
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/r%C3%A9volution_industrielle/61047. (Consulté le 20-03-2016).
ligne],
28
1.3
Historique et structure du modèle alimentaire français
1.3.1
Les siècles derniers
Selon Poulain, divers travaux menés par des historiens nous montrent que du Moyen-Âge
au XIXe siècle, un modèle alimentaire unique et commun à tout groupe social ou société n’existe
pas. En effet, en ces temps-là, de nombreuses différences étaient présentes telles que la
différenciation sociale entre bourgeoisie, aristocratie et les classes dites populaires qui renvoie à
une alimentation différente (contenu des plats et de ces aliments, structure des repas et nombre
de prises alimentaires, etc.) entre ces catégories sociales (Poulain, 2001).
Dans un de ses ouvrages, Alain Drouard (2005) nous fait part de l’historique de
l’alimentation française. Le Moyen-Âge (du Ve au XVe siècle) est influencée par la cuisine
méditerranéenne (avec le pain, le vin et l’huile) et de la cuisine de l’Europe du Nord (bouillie de
céréales, bière et beurre). Durant le Moyen-Âge, le modèle alimentaire est celui d’une civilisation
rurale car formée essentiellement de paysans vivant à la campagne. L’influence du christianisme
sur l’alimentation est importante à cette époque : deux jours de jeûne hebdomadaire et jeûne
annuel (Carême) de 40 jours. Chez les plus nobles, un repas était pris en fin de matinée et un en fin
d’après-midi.
Drouard nous présente ensuite la période de la Renaissance (XVIe siècle) marqueuse de
changement de l’ordre alimentaire. La culture nouvelle de plantes et les influences étrangères
(Espagne, Turquie, Amérique, Italie etc.) permettent « l’émergence d’une « nouvelle cuisine », de
nouveaux usages de table et d’une nouvelle diététique. » (Drouard, 2005, p.41). Le vin est roi ainsi
que le pain. La Renaissance marque également une nouvelle organisation de l’espace donnée à la
cuisine et la table, on mange désormais sur des tables massives avec nappes et serviettes et avec
les couverts. Les règles de politesse commencent à apparaitre. Tout de même, à cette époque et
comme le dit Poulain, l’alimentation n’est pas encore unifiée à toute la population (diversité sociale
et régionale).
Toujours selon Drouard, les XVIIe et XVIIIe siècles sont des siècles d’innovations avec de nouvelles
cultures et de nouvelles techniques (culture en espaliers). Le pain et la soupe restent essentiels à
l’alimentation pour la majorité de la population. De nouvelles boissons comme le thé, le café et le
chocolat apparaissent (utiliser comme remède de santé). La viande reste toujours très peu
consommée. Egalement l’apparition de sucré voit le jour. C’est à cette période quele service dit « à
la française » nait. Le repas comportait un potage, entrées, secondes entrées, rôts, entremets et
service du dessert. Le repas pris à minuit était à la mode un temps. On ne cherche plus la quantité
mais une harmonie des plats. A la fin du XVIIIe siècle, le café devient la référence du petit-déjeuner
29
des travailleurs, la pratique du déjeuner se met en place, les horaires de repas sont modifiées, le
dîner est pris à 2 ou 3 heures et il devient important de ne pas faire de bruit en mangeant et
d’utiliser correctement les couverts qui deviennent individuels et utilisés par toute la société.
Pour Drouard, au XIXe siècle, il se construit une cuisine dite « ménagère » où celle-ci prépare ellemême le repas à base de plats mijotés. Le souper se fait toujours tard le soir. La viande de cheval
moins coûteuse que le bœuf devient populaire. Le pain et la soupe restent primordiaux. Les ouvriers
ont la possibilité de rentrer manger à la maison avec un temps de pause plus long (Grignon, 1993).
La révolution industrielle et les innovations techniques (appertisation de Nicolas Appert et le froid
industriel) vont faire changer les consommations alimentaires. Cependant les conserves sont
faiblement consommer :
« La peur de la nouveauté et les intoxications provoquées par des conserves défectueuses
expliquent les réticences de la population devant un aliment entouré de mystère. » (Drouard, 2005,
p.111). L’école et l’armée deviendront des institutions qui généraliseront et mettront en confiance
les consommateurs concernant les conserves. La nutrition devient un élément important (les
aliments fournissent de l’énergie), la notion de calorie est lancée. On tente alors de fixer des rations.
1.3.2
De nos jours
Selon Drouard (2005), le modèle de nos jours marque l’évolution de la consommation de
viande au cours du XXe siècle (38 kilos en 1890 et une centaine de kilos en 1980). Le secteur
agroalimentaire devient un des principaux secteurs économiques grâce notamment à l’apparition
de nouvelles techniques de production, de transformation et de commercialisation des produits.
Nous pouvons consommer presque les mêmes produits toute l’année. De nos jours, on peut parler
d’un modèle alimentaire commun puisque toute la société possède une différenciation qui est
moindre comparée aux siècles précédents. Flandrin (1996) construit la structure du repas comme
tel, un repas le matin, un repas en milieu de journée et un repas le soir (avant seulement un vrai
repas).
« Trois repas par jour, des repas structurés et rien entre les repas, telle est la définition
courante du modèle alimentaire français. » (Poulain, 2001, 2008, p.31). Poulain nous signale que
trois mécanismes sont nécessaires pour que notre modèle alimentaire actuel soit inscrit dans les
normes : « le processus de distinction sociale, le mythe égalitaire et la montée de la pensée
hygiéniste. » (Poulain, 2001, 2008, p.35).
Le processus de distinction sociale permet de dissocier les classes sociales (la bourgeoisie
et l’aristocratie) par de nouvelles pratiques constantes afin d’éviter qu’elles soient imitées (Poulain,
2001).
30
Le mythe égalitaire va apporter une place sociale importante à la bourgeoisie par la création
de restaurants où l’accès y est plus facilité. Ainsi, « le modèle gastronomique participe, au-delà des
jeux de différenciation sociale, à la construction de l’identité française. » (Poulain, [2001], 2008,
p.37). Le repas à la française laisse place au repas à la russe, plus égalitaire, qui amènera la structure
du repas français plus tard : entrée, plat garni, fromage et dessert mais restera accessible qu’aux
classes moyennes et supérieures. Cependant, le modèle bourgeois fini par s’imposer et deviendra
commun à toutes les classes sociales (Grignon, 1996). Poulain réutilise le modèle de Halbwachs qui
montre le modèle ouvrier comme le modèle alimentaire. C’est un marqueur de changement avec
l’industrialisation. Les institutions européennes vont jouer un rôle déterminant dans le mythe
égalitaire avec l’école et l’armée (de la bourgeoisie aux paysans) qui diffuseront le modèle
alimentaire national (Poulain, 2001). « Peu à peu, l’idée qu’il existe une bonne manière de se nourrir,
c’est-à-dire qui respecte les lois de fonctionnement du corps, se fait jour. Ce sera le modèle des trois
repas. » (Poulain, 2001, 2008, p.38). De nos jours, et après des changements, Kaufmann (2005)
affirme que certains rites traditionnels ont évolué tels que :
« La sociabilité du repas familial, l’apprentissage et la valorisation du goût hors de la sphère
familiale, la disponibilité et le contrôle rapproché des aspects nutritionnels et sanitaires des
aliments. » (Fumey, 2010, p.41).
Selon Poulain, le modèle alimentaire n’est en réalité qu’une configuration particulière de
l’espace social alimentaire.
1.4
L’espace social alimentaire
1.4.1
Définition et caractéristiques
Poulain qui s’appuie sur le concept de Condominas de l’espace social, il définit l’espace
social alimentaire comme étant :
« L’espace déterminé par l’ensemble de systèmes de relations, caractéristiques du groupe
considéré. Il s’agit d’une acception (…) qui s’appuie sur le sens large du mot « espace » lui-même.
Ainsi pour nous l’habitat ne représente qu’une partie de l’espace social (…). » (Condominas in
Poulain, 2002, p.221).
Poulain, toujours sur l’idée de Condominas, va parler d’espace social alimentaire qui va lui
être un outil pour l’étude des modèles alimentaires.
31
« Il correspond à la zone de liberté laissée au mangeur humain par une double série de
contraintes matérielles : d'une part les contraintes biologiques, liées à son statut d'omnivore, qui
s'imposent à lui de manière relativement souple et, d'autre part, les contraintes écologiques du
biotope dans lequel il est installé qui se transforment en contraintes économiques dans les sociétés
industrialisées et qui tendent à se réduire au fur et à mesure de la maîtrise technologique de la
nature. » (Poulain, [2001], 2008, p.25). L'homme ne peut consommer et incorporer que des
produits culturellement identifiés et valorisés.
1.4.2
Comportement et aliments : l’ordre du mangeable
Selon Mary Douglas, le fait qu’un aliment soit comestible s’affilie à un procédé de
classification qui se compose de logiques, de rationalité et d’imaginaire vis-à-vis d’une culture. Tous
ces critères vont permettre d’établir deux ordres : celui du consommable et du non consommable
(Corbeau, in Dictionnaire des cultures alimentaires, 2012). La culture joue un grand rôle de ce qui
fait part du mangeable (Poulain, 2002). Corbeau met en lumière l’analyse faite par Douglas, elle
nous livre que :
« Le processus qui transforme un produit naturel (d’origine animale ou végétale),
renfermant des nutriments, en aliment susceptible d’être incorporé sans risque (quel que soit le
niveau de ce dernier – vital, physique ou symbolique) s’inscrit dans un système de classification. »
(Corbeau in Dictionnaire des cultures alimentaires, 2012, p.399).
Cette classification s’inscrit dans le mécanisme de la construction sociale mettant en place
des règles d’inclusion et d’exclusion de tel ou tel aliment du fait de sa représentation symbolique
(différente pour chaque culture) et de ses conséquences qu’il pourrait avoir sur le mangeur en le
consommant (principe d’incorporation de Fischler) (Poulain, 2002) en tenant compte, également,
de la mort animale, de la manière de le consommer, de le préparer, de le partager (Poulain, 2007).
« Ce faisant, et pour un groupe social donné, elles participent à l’articulation du naturel et du
culturel. » (Poulain, 2007, p.306). De ce fait, il est important de se demander comment un aliment
obtient le statut d’aliment consommable. Il faut tout d’abord faire la distinction entre aliment
d’origine animale et aliment d’origine végétale, tout en gardant à l’esprit la mise à mort animale
(Poulain, 2007). Marvin Harris (1977), dans une approche fonctionnaliste, trouve un motif adapté
aux interdits alimentaires religieux ou culturels. Concernant les interdits religieux, il les justifie de
manière écologique ou sanitaire et non symbolique ou religieuse. Il pense que la symbolisation et
le religieux sont des phénomènes de rationalisation (Harris, 1977). Cependant, Fischler pense que
tout se joue dans la symbolique. De ce fait, l’importance de la représentation que joue le modèle
alimentaire est importante pour l’individu et la construction de son identité (Gourou, 1953).
32
2.
La modernité alimentaire
2.1
Principes
Tout d’abord, il faut prendre en compte que le mangeur consomme ce qui est acceptable
en tant qu’aliment dans sa culture. Il mange seulement ce qui ne met pas en péril son intégrité, son
identité. Il respecte sa culture en se conformant aux règles et valeurs qu’elle impose (Poulain,
2002).
« La modernité n’est finalement que l’adaptation au temps présent, aux valeurs, aux envies,
aux représentations portées par un monde d’échanges et de communication. 11 »
Flumey, en 2010, nous démontre que la globalisation alimentaire se repose sur des
concepts et non sur des produits forcément standardisés par les industriels. Il pense que la notion
de concept est plus recevable pour définir la pizza, le kebab, etc qui sont des produits « ethnicisés ».
Pour entrer dans une modernité alimentaire, des nouveaux produits doivent être en constante
innovation au niveau marketing, publicitaire, etc. La nouveauté doit être présente en continu. Selon
Latour, (Nous n’avons jamais été modernes, 1991), la modernité se caractérise par de grands
partages : naturel et culturel, humain et non-humain. L’industrialisation a permise l’exportation des
produits alimentaires toute l’année et ainsi de pouvoir consommer des tomates à n’importe quel
saison par exemple. De plus, est-ce que le modèle alimentaire actuel est en accord avec le
multiculturalisme auquel la France fait face ? Les pratiques alimentaires de la société évoluent en
fonction de ces cultures (Tibère, 2009). En effet, de nombreuses cultures telles que la culture arabe,
chinoise, japonaise, méditerranéenne, etc. apportent de nouveaux aliments qui ne sont pas
toujours inscrits dans notre modèle alimentaire français et nous ouvrent ainsi à une autre façon de
manger (Tibère, 2009).
2.2
Une société « hypermoderne» : vers une nouvelle forme de
normalisation
Les pratiques alimentaires par les choix multi-quotidiens qu’elles supposent, leur charge
symbolique, les émotions qu’elles suscitent sont de puissants révélateurs qui font de la société une
société « hypermoderne » avec l’apparition d’une alimentation plus contemporaine composée de
nouvelles régulations et d’une dynamique de choix, avec une réflexivité alimentaire moderne
(Ascher, 2005).
11
Le mangeur Ocha, Education alimentaire et modernité, [en ligne], Disponible sur : http://www.lemangeurocha.com/thematique/education-alimentaire-et-modernite/. (Consulté le 22-03-2016).
33
Selon François Ascher, cette réflexivité du mangeur sur ses propres pratiques et une
diminution de régulation sociale font part à une « troisième modernité ». Le mangeur s’adapte à la
vie urbaine. L’urbain est d’ailleurs défini comme un « groupe social ouvert aux innovations, au
travail comme en dehors. » (Ascher, 2005, p.31). Il définit l’individu comme « éclectique »,
« multidimensionnel ». Le mangeur :
« Revêt des personnalités variées selon les circonstances ; sa rationalité s’exerce de façons
diverses selon les contextes ; il entretient des relations sociales différentes suivant les activités
auxquelles il participe » (Ascher, 2005, p. 14).
Selon Ascher, part son individualité moderne, le mangeur maîtrise de plus en plus son
alimentation et acquiert une autonomie plus importante.
L’acte alimentaire est un acte vital mais aussi un acte de désir, de plaisir (Poulain, 2002) qui participe
au phénomène contemporain de « modernisation réflexive » qui prend en compte le risque comme
élément essentiel de la constitution d’une société (Beck, 1986). Ce risque va permettre de redéfinir
la structure d’une société et aller vers un renouveau.
2.3
Difficultés de modernité des aliments hors-normes : l’exemple
des insectes
2.3.1
Source d’enjeux importants
Tous les enjeux cités ici font partie du dossier de la FAO (2014) et qui a pour titre Insectes
comestibles, Perspectives pour la sécurité alimentaire et l’alimentation animale. La population
mondiale étant en constante augmentation, la recherche d’alimentations alternatives est plus que
jamais d’actualité. En 2013, 2 milliards de personnes consomment régulièrement des insectes sur
la planète et concernent de nombreuses cultures du monde.
« Les insectes fournissent de nombreux services écologiques fondamentaux pour la survie
de l’humanité. Ils jouent aussi un rôle important dans la reproduction végétale par la pollinisation,
améliorent la fertilité des sols par bioconversion des déchets, contrôlent les nuisibles grâce à la lutte
biologique naturelle et fournissent une grande variété de produits de valeur, tels que le miel, la soie,
ou médicinaux comme l’asticothérapie. » (FAO, 2014, p.13).
D’une part, les insectes sont une ressource naturelle même si menacés notamment avec la
surexploitation, la pollution des forêts, les incendies, etc. D’autre part, ils sont un réel bénéfice pour
l’environnement. En effet, ils ont besoin de très peu de kilos d’aliments pour s’accroître.
34
Un grillon n’a besoin que de deux kilos pour accroître sa masse corporelle d’un kilo. Le
criquet, par exemple, a 80% de partie comestible contre seulement 40% pour le bœuf. Les insectes
sont donc un plus pour réduire la contamination de l’environnement notamment avec l’émission
de gaz à effet de serre qui est moindre, ainsi que l’ammoniac, et ont besoin de moins de surface et
d’eau que d’autres animaux. De plus, il est important de signaler que les insectes ont une valeur
nutritionnelle importante pour les humains. Ce « sont une ressource alimentaire saine et
nourrissante, riche en matières grasses, protéines, vitamines, fibres et minéraux. » (FAO, 2014,
p.15).
« Par exemple, les teneurs en oméga-3 insaturés et en six acides gras du ver de farine sont
comparables à celles du poisson (et bien supérieures à celles du bétail ou du porc), et les teneurs en
protéines, vitamines et minéraux du ver de farine sont comparables à celles du poisson et de la
viande. » (FAO, 2014, p.15).
Les insectes sont donc une alternative alimentaire : ils sont riches en protéines, en acide
gras, sont produits avec une faible empreinte carbone et ont une grande efficience de production.
2.3.2
Statut et symbolique de l’insecte
Pour la majorité des individus français, les insectes font parties de l’ordre du nonmangeable et n’ont aucun intérêt à être dégusté. Est-ce que l’insecte peut être considéré comme
un animal à l’image du bœuf, du poulet, etc. ? Du point de vue symbolique, l’insecte a divers statuts
selon la religion. Dans le Dictionnaire des symboles, l’insecte est défini comme tel :
« En Amérique centrale, les petits insectes volants sont fréquemment considérés comme les
âmes des morts visitant la terre. Au Guatemala, où persiste cette croyance, on les associe aux
étoiles. ». (Chevalier et Gheerbrant, p.522). Pour mieux comprendre l’association faite aux étoiles,
elles sont associées au :
« Conflit entre les forces spirituelles, ou de lumière, et les forces matérielles, ou des ténèbres.
Elles percent l’obscurité, elles sont aussi des phares projetés sur la nuit de l’inconscient. […] Au
Guatemala, elles représentent encore de nos jours, dans la croyance populaire, les âmes des morts.
D’elles émanent des insectes, qui descendent visiter la terre. » (Chevalier et Gheerbrant, p.417).
Dans le Judaïsme, le troisième des cinq livres de la Torah (Pentateuque), Le Lévitique 11.147 (Les animaux purs et impurs) énumère la liste des animaux purs et impurs. Précisément dans le
passage sur « La pureté et l'impureté rituelles 11.1-15.33 », il est dit :
35
« Vous considérerez comme abominable tout reptile qui vole et qui marche sur quatre
pattes. En revanche, parmi tous les reptiles qui volent et qui marchent sur quatre pattes, vous
pourrez manger ceux qui ont sur leurs pattes des articulations qui leur permettent de sauter sur la
terre. Voici ceux que vous pourrez manger : les diverses espèces de sauterelles, de criquets, de
grillons et de locustes. (…). Ne vous rendez pas vous-mêmes abominables par tous ces reptiles qui
rampent; ne vous rendez pas impurs par eux, ne vous souillez pas par eux.» (Annexe A, p.81).
Dans la religion islamique, il est dit concernant les criquets :
« Il est permis de manger les criquets. (Sahih Muslim, 21.4801) Les criquets sont le gibier de
la mer; vous pouvez les manger. (Sunaan ibn Majah, 4.3222) Les criquets sont les troupes d’Allah,
vous pouvez les manger. (Sunaan ibn Majah, 4.3219, 3220). »
Nous allons regarder de plus près la symbolique de deux insectes précis : le grillon et le ver.
Le grillon est considéré par les Chinois comme « le triple symbole de la vie, de la mort et de la
résurrection. » (Chevalier et Gheerbrant, p.487.) Le ver, lui, est « symbole de la vie renaissant de la
pourriture et de la mort. » (Chevalier et Gheerbrant, p.1001). De plus, selon Jung, le ver
symboliserait l’aspect destructeur de la libido et non l’aspect fécondant.
2.3.3
Entomophagie : contrainte sociale
« Dans la plupart des pays occidentaux cependant, l’entomophagie est regardée avec
dégoût et la consommation d’insectes est associée aux comportements primitifs. » (FAO, 2014,
p.13). Sachant que l’insecte peut être vu comme un interdit dans certaines cultures ou non affilié à
un modèle alimentaire, il est dit dans le Dictionnaire de symboles concernant l’interdit :
« L’interdit symbolisera la conscience morale. Il équivaut en psychanalyse à la censure. […]
La censure n’est plus imposée par la contrainte sociale, ni par l’habitude, ni par la crainte, ni par un
esprit de soumission rituel. Elle est remplacée par la loi morale, dont le principe est dans la
conscience individuelle. […] L’interdit primitif donne naissance à la conscience morale, l’oriente et
l’aiguillonne ; mais elle ne s’accomplit qu’au niveau de la raison, de la liberté et du don de soi. »
(Chevalier et Gheerbrant, p.522-523).
L’entomophagie est la consommation d’insectes comestibles : grillon, vers de farine,
criquet, etc. Le fait de manger des insectes est une contrainte sociale à part entière puisque cela
reviendrait à manger des aliments qui ne sont pas dans les normes françaises : hors-normes,
« anormaux ». De là est-ce que l’on peut voir ça comme une certaine déviance des règles établies ?
36
Le fait de manger des insectes peut-il être vu comme « dégoûtant » et ainsi dire que la personne
qui en consomme est un être dégoûtant et l’exclure d’un groupe social ou de la société ?
En effet, comme vu précédemment le principe d’incorporation (Fischler, 1990) est à prendre à
compte chez l’omnivore que nous sommes. Nous ne connaissons pas tous la charge symbolique
que les insectes ont, de ce fait, l’incorporer pourrait apporter un danger pour notre corps et notre
identité et nous exclure ainsi de notre groupe social (Fischler, 1990).
3.
Des dimensions symboliques de l’incorporation
3.1
Le paradoxe de l’omnivore et l’incorporation sociale
3.1.1
Le paradoxe de l’omnivore
« L’omnivore a la faculté inappréciable de pouvoir subsister à partir d’une multitude
d’aliments et de régimes différents, c’est-à-dire s’ajuster à des changements dans son
environnement. » (Fischler, 1990, 2001, p.62).
Cependant la variété des aliments va devenir une contrainte et s’ajoute à la notion de
dépendance et de liberté (Fischler, 1990). L’homme a besoin de protéines, de lipides, de glucides,
etc. L’omnivore est donc sujet à la diversification et à l’innovation qui sont vitales pour lui. Le
problème étant qu’il fait également face à une prudence et à une méfiance qui se traduisent par de
l’angoisse et de l’anxiété. Tout aliment inconnu est alors pour lui source de conflit, un éventuel
danger qui peut l’amener à une crise identitaire (Fischler, 1990). Deux tendances s’opposent la
néophilie et la néophobie. C’est l’espace social alimentaire (Poulain, 2002) qui vient structurer et
définir un système alimentaire (composé de normes et de règles) afin de réguler le mangeur et de
lui définir son ordre du mangeable (Poulain, 2002).
3.1.2
La symbolique et le principe d’incorporation
« En mangeant, les participants incorporent les qualités de l’animal consommé. » (Poulain,
2002, p.135). C’est ainsi que l’incorporation joue une angoisse (Fischler, 1990).
« En mangeant, les mangeurs incorporent simultanément des aliments et les
représentations symboliques projetées sur ces derniers et les valeurs mises en scènes par
l’organisation du repas. Ce processus est impliqué dans la construction et dans l’entretien des
identités sociales. Il permet à la fois l’incorporation dans un espace social et la différenciation avec
37
d’autres groupes sociaux relevant d’une culture différente, ou bien entre des groupes de positions
différentes à l’intérieur d’une même culture. » (Poulain, 2002, 2008, p.28-29).
Tout d’abord, « nous mangeons ce que nous devenons » sur 3 plans (Fischler, 1990, 2001, p.66) :
-
Objectif : les acides aminés deviennent nos muscles, notre corps
-
Imaginaire : les qualités symboliques de l’aliment sont projetées sur et dans le mangeur
-
Social : manger tel ou tel aliment incorpore le mangeur dans un groupe social.
Sur le plan psychologique, ce qui est incorporé est transféré dans notre corps et toute la charge
symbolique de l’aliment est intériorisée en nous et vient par appropriation en modifier notre
identité (Fischler, 1990). Pour le mangeur, toute la représentation de l’incorporation maîtrise son
corps et construit son identité qu’elle soit individuelle ou collective (Fischler, 1990). L’incorporation
des aliments lui permet de s’inscrire dans un groupe social. S’il incorpore le mauvais aliment, la
peur « d’incorporation du mauvais objet » (Klein in Fischler, 1990), le mangeur a alors une crainte,
une angoisse que celui-ci vienne « détruire », « contaminer » son identité. Cependant :
« Chaque incorporation implique aussi une chance et un espoir : devenir davantage ce que l’on
est, ou ce que l’on souhaite être. L’aliment construit le mangeur : il est donc naturel que le mangeur
cherche à se construire en mangeant. » (Fischler, 1990, 2001, p.70).
3.2
La peur du nouveau et de l’inconnu : la néophobie alimentaire
La néophobie est une sélectivité alimentaire qui consiste en un refus de goûter certains
aliments ou groupes d’aliments, par peur de manger et d’essayer de nouveaux mets inconnus avec
une angoisse d’incorporation qui se manifeste premièrement chez l’enfant (Fischler, 1990) entre 4
et 7 ans. Selon Fischler (1997), il « correspond à une phase normale du développement. » (Fischler,
1990, p.113).
La néophobie pourrait être notamment estompée par la familiarisation qui serait liée à la
socialisation. Malgré des capacités d'apprentissage, les enfants font face à cette néophobie et
refusent d’apprendre à connaître de nouveaux aliments. Cependant, l’enfant par ses propres choix
apprend la méfiance et doute face à l’inconnu (Fischler, 1990) comme le paradoxe de l’omnivore
qui se régule par la notion de culture.
Cependant, la néophobie ne touche pas seulement les enfants. En effet, selon Poulain, la
néophobie concerne également le mangeur humain qui rejette ce qui lui est inconnu et nouveau et
maintient ses choix alimentaires à des aliments culturellement connus et non inconnus (néophilie).
38
Les individus ne veulent pas se tourner vers la nouveauté, ils sont méfiants et redoutent que ces
aliments exclus de leur modèle alimentaire ne viennent les empoisonner eux ainsi que leur identité
(Poulain in Dictionnaire des cultures alimentaires, 2012). Il est certainement probable que la
néophobie découle de l’angoisse d’incorporation, en incorporant l’aliment inconnu, le mangeur se
risque à consommer la charge symbolique du produit (Fischler, 1990). C’est pour cela qu’il est
important pour lui de consommer des aliments qui sont socialement identifiés (Poulain, 2012). Les
goûts et les dégoûts peuvent aussi jouer un rôle dans cette néophobie.
Conclusion
Comme nous l’avons vu au cours de cette première partie, l’individu s’inscrit dans une
société en respectant ses normes. Sa socialisation, sa place dans la société vont avoir une grande
place dans la construction de son identité individuelle et collective. L’alimentation est un des
facteurs essentiels de cette construction. Elle joue le rôle d’ancrage dès le plus jeune âge et va
permettre de donner au mangeur, un comportement alimentaire par le biais d’un modèle
alimentaire français inscrit dans notre culture.
Cependant, cette construction d’identité ne se fait pas si facilement, d’une part l’angoisse
et l’anxiété face aux aliments est présente mais aussi un concept du rejet du nouveau, représenté
par la néophobie. Le mangeur fait face à un refus catégorique de nouveaux aliments exclus du
modèle alimentaire français et ne veut pas incorporer des aliments qui ne sont pas socialement
identifiés afin de ne pas sortir des normes et ne pas devenir « hors-normes » comme eux. C’est
alors qu’il faut se demander comment est-il possible de rendre un aliment socialement acceptable.
De ce fait, et après réflexion sur les différents auteurs, ma problématique est la suivante :
« Quelles sont aujourd’hui les principaux moyens d’actions du changement du
comportement et des pratiques alimentaires face à la consommation d’aliments exclus du modèle
alimentaire français actuel ? »
39
Partie 2. Hypothèses des leviers de l’évolution du modèle
alimentaire français
En introduction de ce mémoire, après une brève analyse, nous nous posons la question du
processus d’acceptabilité des mangeurs envers des aliments dits « différents ». En effet, nous nous
demandions comment pourrions-nous amener la consommation et l’appréciation des aliments
différents dans le modèle alimentaire français ? Quelle pourrait être leur place dans notre société
? Par quels moyens pourraient-ils amenés à être acceptés ?
De cette question de départ et après un cadre théorique mené en première partie, il serait
intéressant de nous diriger sur les moyens d’actions qui pourraient amener à faire changer les
comportements et les pratiques alimentaires autour d’aliments non ancrés dans le modèle
alimentaire français. De ce fait, nous réfléchirons et nous tenterons d’apporter des hypothèses sur
la question suivante :
« Quelles sont aujourd’hui les principaux moyens d’actions du changement du
comportement et des pratiques alimentaires face à la consommation d’aliments exclus du modèle
alimentaire français actuel ? »
Afin de répondre à cette problématique, nous établirons deux hypothèses qui permettront
d’avoir une réflexion poussée et de comprendre ces moyens d’actions pour ainsi voir, plus tard, par
une méthodologie probatoire, si ces hypothèses peuvent être une réelle réponse à cette
problématique.
Dans un premier temps, notre première hypothèse se concentrera sur le fait de faire
accepter, dès le plus jeune âge, des aliments exclus de notre modèle alimentaire français actuel,
hors de notre culture française. Le moyen d’action, ici, serait une acceptabilité plus forte dès
l’enfance afin de jouer plus tard sur les pratiques alimentaires de l’adulte et ainsi arriver à un
processus d’acceptabilité envers ces aliments.
Dans un second temps, la seconde hypothèse se basera sur la différenciation des aliments
d’origine animale et ceux d’origine végétale. En effet, il serait probable qu’il est plus facile de faire
accepter des aliments exclus de notre modèle alimentaire français d’ordre végétal qu’animal. De ce
fait, si nous commençons à faire accepter d’abord des aliments végétaux, hors des normes de notre
société, pour que le processus d’acceptabilité soit ancré chez le mangeur, alors l’acceptabilité
d’aliments d’origine animale serait plus forte.
40
Chapitre 1.
Hypothèse 1 : Une acceptabilité dès l’enfance
faciliterait celle de l’adulte
Dans ce premier chapitre, nous allons mettre en lumière notre première hypothèse. Pour cela,
nous approfondirons le goût et le dégoût chez l’enfant et l’adulte et en quoi cela peut-il avoir un
impact sur le processus d’acceptabilité, par le biais d’œuvres mais aussi par des exemples plus
concret tels que le durian (fruit) et les insectes.
1.
La construction du goût chez l’enfant
1.1
Définition du goût
Brillat-Savarin défini le goût comme :
« Le goût est celui de nos sens qui nous met en en relation avec les corps sapides, au moyen
de la sensation qu’ils causent dans l’organe destiné à les apprécier. » (Physiologie du goût, 1982,
2009, p.46).
Il ajoute que le goût chez l’homme est :
« L’appareil au moyen duquel il apprécie les saveurs […] et il nous aide à choisir, parmi les
diverses substances que la nature nous présente, celles qui nous sont propres à nous servir
d’aliments. » (Brillat-Savarin, 2009, p.47).
Il reprend la maxime « les substances nutritives ne sont repoussantes ni au goût ni à
l’odorat. ». (Brillat-Savarin, 2009, p.47).
Selon Fischler, le goût résulte de plusieurs informations, il faut tenir compte des récepteurs
(tactiles et thermiques) de notre langue et surtout de notre « nez » qui permet d’obtenir des
informations dites olfactives telles que repérer l’odeur des aliments avant de les consommer, de
les incorporer. Le goût va devenir pour lui une « flaveur » (Fischler, 1990, 2001, p.89). S’il émet
l’idée que la muqueuse olfactive est importante c’est que lorsque nous sommes enrhumés, par
exemple, nous avons l’impression de perdre notre goût, alors qu’en réalité nous avons juste perdu
l’odorat. L’ouïe joue également un rôle important dans la définition du goût, en effet, l’ouïe va
apporter la notion du craquant, par exemple, lorsque l’on va consommer des insectes outre l’aspect
repoussant, le fait de l’avoir en bouche est encore plus répulsif (l’image de l’insecte sur la langue)
et le moment de le croquer et l’idée de sentir l’insecte « croquer sous la dent » peut s’avérer
répugnant.
41
1.2
Le goût chez l’enfant : construction
Dès les premiers moments de la vie, les nourrissons ont des mimiques (réflexe gustofaciale) en réagissant aux stimulations sapides qui sont différentes selon les sensations de base :
salée, sucrée, acide, amère. (Chiva in Communications, 1979). Ces sensations sont la genèse des
conduites alimentaires, en effet dans son texte Comment la personne se construit en mangeant,
Matty Chiva nous montre que ces quatre sensations jouent le rôle d’informations chez l’enfant et
l’association de celles-ci à des aliments leur permet de créer un affectif, une réaction émotionnelle.
En relation avec l’hypothèse proposée, cela soutiendrait le fait que plus un affectif est créer tôt
(dans l’enfance), plus la charge émotionnelle serait forte et perdurerait dans le temps (chez
l’adulte). Egalement l’assimilation goût-aliment ainsi que la réaction émotionnelle permettraient
de venir réguler l’humeur du mangeur et de son système nerveux (Chiva, 1979).
De plus, dans l’enfance, selon Chiva, le lien entre les seuils de préférabilité et du perceptif
n’est pas direct. Le seuil de préférabilité concerne une situation qui va être jugée plus qu’agréable
et entre dans de l’individualité. Le seuil perceptif que l’on doit à Moscovici, montre l’influence de
la minorité sur la majorité. En outre, les enfants sont plus sujets à suivre une minorité de gens
même si la situation est jugée peu agréable car le lien entre perception et préférence est moindre.
Par exemple, si un enfant goûte un aliment jugé « pas bon », un autre va venir le goûter et ainsi de
suite. Egalement, il faut prendre en compte le réflexe gusto-facial, celui-ci est commun pour une
même stimulation d’un enfant à un autre et compris par l’entourage (Steiner, 1973). Tout cela, va
venir s’inscrire sur les conduites alimentaires dans un contexte social et culturel. L’environnement
de ce contexte joue un rôle important par ses contraintes et le modèle alimentaire qu’il propose
(Chiva, 1979). C’est dans cet environnement que se jouent les choix alimentaires et où l’individu se
façonne.
Les conduites alimentaires vont être induites par diverses informations qui se construisent
dès l’enfance par la famille et les institutions et peuvent changer ou non leur comportement
alimentaire. L’équipement sensoriel, l’éducation alimentaire ainsi que ses réactions envers son
environnement vont permettre à l’individu de se constituer la genèse de ses conduites alimentaires
pour aller vers un acte alimentaire autre que physiologique mais codifié et chargé de sens (Chiva,
1979). Consommer dès le plus jeune âge, des insectes par exemple, pourrait éventuellement
devenir charge symbolique importante et s’inscrire dans les conduites alimentaires. Cependant :
« On peut se demander quel est le lien possible entre l’information sensorielle, dès la
naissance, et la notion fondamentalement humaine (et abstraite) du bien et de mal. » (Matty Chiva,
1993, p.118).
42
1.3
Le goût chez l’adulte : évolution
« Plaisant-déplaisant, agréable-désagréable, bon ou mauvais, bien et mal, comment le
glissement se fait-il ? » (Matty Chiva, 1993, p.117-118). Le goût outre que les saveurs désignerait
aussi le plaisir et le déplaisir (Fischler, 1990). Fischler se pose également la question de « quels sont
les mécanismes, qui, à l’intérieur d’une culture donnée, déterminent la transmission, la
reproduction et éventuellement l’évolution de ces choix alimentaires ?
Selon Fischler, différents facteurs interviennent dans la construction du goût : le biologique,
le psychologique, le culturel et le social. Ces facteurs peuvent être transmis de façon intergénérationnelle ou intra-générationnelle mais également par les expériences du mangeur.
1.3.1
L’identité alimentaire
1.3.1.1
« Hérédité » alimentaire
La transmission de l’alimentation se fait par héritage familial qui va servir de base, qui va
nous permettre de construire notre identité de mangeur (Stengel, 2014). Premièrement,
l’ « héritage » peut être transmis de génération en génération de manière génétique avec une
prédisposition à manger épicé par exemple (Fischler, 1990). Deuxièmement, la culture peut devenir
une transmission de cette « héritage » par les traditions, les rites alimentaires ainsi que les
expériences de mangeur des précédentes générations. Cela viendra à rendre l’individu
« imitateur » de ses ancêtres (op. cit.). Si les parents sont des mangeurs curieux et vifs des
innovations culinaires, l’enfant peut avoir une compétence à l’être également et ainsi le
transmettre à son tour à ses enfants. L’éducation alimentaire se fait tout d’abord par la mère (lait
maternelle), puis les deux parents et l’entourage proche. Dans un second temps, les institutions
vont également jouer un grand rôle dans la construction de l’identité alimentaire de l’enfant
(Dupuy, 2013) et vont permettre d’engranger de nouvelles expériences.
1.3.1.2
Expériences de vie du mangeur
En plus de l’héritage familial, les expériences de vie d’un mangeur tel que les voyages, la
curiosité alimentaire, le goût pour le nouveau et pour les cultures différentes des nôtres permettent
de construire notre patrimoine et notre identité alimentaire (Fischler, 1990). Le contact avec
d’autres modèles alimentaires pousse le mangeur à une réflexivité sur le « bien manger » que l’on
appelle la réflexivité du mangeur (Ascher, 2005).
Il y a quelques dizaines d’années, par exemple, la cuisine chinoise ne prenait pas par de nos
coutumes et pourtant, au cours de ces derniers années, il est dans nos traditions d’aller manger
43
« chinois ». Cela amène le mangeur à réfléchir et à décider si oui ou non, manger chinois en
l’occurrence n’est pas une déviance faite au modèle alimentaire français.
De plus, les expériences que l’on a connues quand nous étions petits ont un impact sur
notre consommation en tant qu’adulte (Stengel, 2014). En effet, la curiosité alimentaire nous
pousse dès l’enfance à élargir notre champ du possible, du mangeable. Une expérience faite au
cours de cette année dans le cadre d’un master, montre que les enfants goûtent même s’ils sont
réticents au début12. De voir les autres goûter, leurs donnent envie par effet de masse de le faire
également. Ce sont ce genre d’expériences qui marquent un enfant car sorti du contexte « de la
maison » ont un impact plus important et l’adulte grandissant en eux évolue avec ce type
d’expériences qui forgera un peu plus son identité, sa curiosité alimentaire et son processus
d’acceptabilité (Dupuy, 2013). En effet, Fischler rejoint cette idée, il nous livre sa pensée :
« Le simple fait d’avoir déjà rencontré un aliment semble bien augmenter la probabilité
qu’on l’appréciera, en tout cas qu’on l’acceptera. » (Fischler, 1990, 2001, p.105).
2.
Le dégoût alimentaire
2.1
Les raisons de ce dégoût
« Pourquoi éprouve-t-on de l’aversion pour certains aliments ? » (Rozin in Mille et une
bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.96). Se nourrir, peut être source de plaisir comme
de déplaisir (Chiva, 1979) mais également de peur, de dégoût par des normes d’esthétisation par
exemple. Un produit se doit d’être beau et bon pour être consommé, pour être intégré dans soi
(Rozin, 1995). Selon Rozin, un aliment qui rejette une pensée, une propriété négative ne sera pas
incorporer par le mangeur de peur que le dégoût fait à son égard se reflété dans le mangeur. De
plus, la familiarité joue un rôle important dans le choix d’apprécier tel ou tel aliment, et nous
sommes méfiants à l’égard d’aliments inconnus, de par leur impact mais aussi leur goût qui est dans
notre tête finalement, un dégoût (Rozin, 1995) : Nous ne connaissons pas le statut de l’insecte,
personne de notre famille en consomme, nous nous demandons quel pourrait être leur goût
sachant que seule l’idée de l’avoir en bouche nous dégoûte.
Selon Rozin, il existerait trois types de motivations responsables du rejet de certains
aliments. Le premier est de type « sensoriel-affectif », qui porte donc sur les caractères sensoriels
de l’aliment, c’est-à-dire son goût, son odeur, son apparence esthétique et sa consistance. Le
12
Atelier Terrain, la curiosité alimentaire, master 2 SSAA, 2016
44
second fait référence aux « conséquences anticipées de ce que nous croyons être le résultat de
l’ingestion, et s’articule sur essentiellement sur les effets physiques : nutritifs ou toxiques. » (Rozin
in Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.98). Enfin, le dernier type de
motivation responsable du rejet est lié à la connaissance de l’origine de l’aliment. Le rejet de la
nourriture s’expliquerait alors par le biais de cet ensemble de motivations.
« Les substances dégoûtantes sont rejetées surtout pour des raisons idéelles, du fait de leur
nature ou de leur origine. (…), les substances dégoûtantes sont perçues comme étant mauvaises au
goût (même s’il est rare qu’on les goûte effectivement), et souvent dangereuses. Ce qui est incongru
reste inoffensif, alors que ce qui est dégoûtant est perçu comme nocif. » (Rozin in Mille et une
bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.99).
Rozin va plus loin en faisant par d’un exemple sur les vers :
« Les vers de terre frits sont sans doute très nourrissants, et auraient peut-être « bon goût »
si on les dégustait sans savoir ce que l’on mange, mais le simple fait de le savoir les rend
immédiatement immangeables. » (Rozin in Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles,
1995, p.99).
2.2
Le dégoût chez l’enfant
Dès l’enfance, entre l’âge de cinq à huit ans, le dégoût pour tel ou tel aliment est présent
(Rozin, 1993). Les enfants restent méfiants à l’égard de nouveaux aliments dès les premiers
moments de la diversification alimentaire (passage du sein, aux pots de bébé à une alimentation
plus variée) avec notamment des problèmes de néophobie (Dupuy, 2013). Angyal, psychiatre
américain, émet l’idée que « tous les objets du dégoût, quelle que soit la culture, ont une origine
animale. » (Rozin in Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.101). Ils ne
veulent pas dû au principe d’incorporation (Fischler, 1990), incorporer les caractéristiques de
l’animal.
Cependant, l’enfant par des jeux intuitifs et éducatifs devient plus intéressé par de
nouveaux aliments. Quand les enfants ont la place d’experts, par exemple, ainsi que par l’existence
de l’effet de masse, ils deviennent plus réceptifs à venir désinhiber leur dégoût et développer leur
curiosité alimentaire (Dupuy, 2013).
En effet, selon Nathalie Rigal, à la crèche ou à l’école en observant ses camarades
notamment au restaurant scolaire : même si l’enfant n’aime pas l’aliment, il s’obligera à y goûter
45
pour être conforme au groupe et l’intégrer mais aussi parce qu’en voyant que les autres en
consomment, il devine que cet aliment inconnu pour lui, n’est finalement pas dangereux.
2.3
Le dégoût chez l’adulte
Le dégoût n’est pas seulement présent chez les enfants. En effet, les adultes sont parfois
réticents à goûter ou ne serait-ce qu’à s’intéresser de nouveaux aliments qui ne sont pas inscris
dans les normes françaises et notre modèle alimentaire. De ce fait, Rozin note que chez les
américains par exemple (il pense qu’il en est de même pour différentes cultures), les
comportements sont les mêmes que chez les enfants, ils rejettent toute forme de nouveaux
aliments lorsqu’ils voyagent en Asie. Ils préfèrent rester en « sécurité » et préfère manger dans des
restaurants américains. Il se peut, que ce comportement soit présent principalement si leur
curiosité alimentaire a été moindre en étant enfant. En effet, Fréjaville et Sacco, constatent que la
curiosité est liée à l’angoisse mais qu’elle peut apporter ou la fuite de l’individu, ou le désir de
connaître, d’apprivoiser la nouveauté.
La cuisine étrangère associée au dégoût est expliqué par Rozin ainsi :
« Le rejet fréquent de la cuisine étrangère est sans doute le résultat à la fois de la crainte
(danger) devant la composition d’ aliments inconnus, de la répulsion (dégoût) envers la nature de
ces aliments, et du fait qu’ ils ont été préparés par un « autre » pour le moins étrange et inconnu et
lui sont associés. » (Rozin in Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.104).
2.4
L’exemple du Durian
2.4.1
Analyse de Matty Chiva
Matty Chiva, en 1993, publie L’amateur du Durian. Le durian est un fruit qu’il définit ainsi :
46
« De la taille d’une balle de rugby, le durian est le fruit le plus gros du monde. Son odeur
nous fait fuir, mais elle est le régal des gourmets asiatiques. Ou l’on découvre que la gourmandise
résulte d’un apprentissage. » (Matty Chiva in La gourmandise, Délices d’un péché, 1993, p.90).
La possibilité de manger un produit venu d’ailleurs est la possibilité d’entrer dans cette
culture autre que la nôtre. De nos jours, il est facile de trouver des aliments venu du monde entier
et de les consommer.
« Mais on découvre encore autre chose : un univers d’odeurs inconnu, surprenant, qui ne
ressemble à rien, mais qui comporte aussi de forts accents de terre et de mer, de viscères et d’humus,
de pourriture ou de fermentation, difficiles à identifier, à comprendre et à accepter pour l’Occidental
que nous sommes. » (Matty Chiva in La gourmandise, Délices d’un péché, 1993, p.91).
Considérée comme gourmandise dans les pays d’Extrême-Orient, le durian est entremêlé
d’odeurs nauséabondes telles que le fromage, l’oignon et d’autres odeurs repoussantes pour un
fruit. La pulpe n’entrerait même pas dans les quatre sensations de base (salée, sucrée, acide,
amère) que décrit Chiva (1979). Selon Wallace, il est difficile de s’arrêter d’en manger une fois que
nous avons commencé mais son odeur d’excrément fait qu’en Europe il n’est pas connu. Mais cette
odeur désagréable se rapproche de nos fromages qui en dégoûtent également de nombreuses
cultures.
De plus, il nous fait part de la curiosité : « On peut ainsi, si l’on est curieux, dépasser son
propre cercle et apprendre des gourmandises venues d’ ailleurs » (Matty Chiva in La gourmandise,
Délices d’un péché, 1993, p.96).
2.4.2
Conclusion de l’analyse
Ce que nous démontre dans ce texte Matty Chiva, est l’importance de s’ouvrir à d’autres
cultures, c’est « une manière d’ entrer dans l’ intimité de l’autre, le découvrir dans ce qu’il a de secret
et de vital, engranger des souvenirs de toutes sortes, se délecter ou se faire peur à table. » (Matty
Chiva in La gourmandise, Délices d’un péché, 1993, p.90).
De plus, c’est en grandissant que nous apprenons à apprécier les aliments que nous
consommons. C’est en découvrant un aliment plusieurs fois, que nous arrivons à dépasser la
première impression qu’il nous a faite, pour en découvrir une deuxième puis une troisième et
apprécier toute sa saveur, connaître ses valeurs nutritionnelles, ainsi que la symbolique de celui-ci.
47
D’autre part, l’odeur qu’elle soit agréable ou désagréable est une connaissance ancrée dès
notre plus jeune âge et varie selon les cultures. Ainsi, le consommable ou non-consommable est
défini par un choix culturel.
Ce choix, permet d’imposer ses décisions et de les faire valoir pour se créer une « identité
de groupe, et, au-delà une identité personnelle. » (Matty Chiva in La gourmandise, Délices d’un
péché, 1993, p.95). Manger né d’un apprentissage, il est donc important de le faire le plus tôt
possible, ce que l’on apprend l’emporte sur le biologique (Chiva, 1993).
« L’enfant apprend d’abord, et surtout, par observation et en voulant faire comme les
autres, comme les grands. De ce fait, l’aliment devient un élément majeur dans la construction de
l’identité, personnelle, de groupe, culturelle. » (Matty Chiva in La gourmandise, Délices d’un péché,
1993, p.95).
2.5
L’exemple des insectes
2.5.1
Analyse
« Ainsi, des aliments entrés en contact avec des vers ou des insectes ou bien, comme nous
allons le voir, avec des personnes « indésirables » deviennent à leur tour dégoûtant. » (Rozin in Mille
et une bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.101-102).
« Ainsi, si un cafard a touché de la purée de pommes de terre, la purée se trouve
« cafardisée » ». (Rozin in Mille et une bouches. Cuisines et identités culturelles, 1995, p.102).
Dans les pays Occidentaux, les insectes ne font pas partie de l’ordre du mangeable (Poulain,
2002). En effet, la montée de l’agriculture aurait conduit à une perception négative des insectes qui
aurait été vu comme une menace nuisible pour celle-ci (FAO, 2014). La non-domestication en
général des animaux (ici des insectes) a également mené à une non-consommation (DeFoliart,
1999). De nos jours, l’acceptation ou non de consommer des insectes est une question culturelle
(Mignon, 2002). Pour nous, Français et Occidentaux, retrouver un insecte dans son assiette est acte
de dégoût et nous avons tendance à voir les insectes comme porteurs de maladies (Kellert, 1993).
A la fin de l’année 2011, les étudiants de 46% des universités d’Etats aux Etats-Unis avaient
un cours relatif aux insectes comestibles (Dunkel, 2012). Egalement diverses universités ont des
évènements annuels concernant les insectes et est apprécié de la plupart des étudiants (op. cit.).
48
2.5.2
Conclusion de l’analyse de l’entomophagie
Pour que les insectes soient socialement acceptés, ils doivent faire partie de nos habitudes
alimentaires. Pour ce faire deux facteurs sont à prendre en compte : l’apprentissage et la
disponibilité (FAO, 2014). L’apprentissage dès le plus jeune âge ou des débats éducatifs permettent
de vaincre le dégoût envers leur consommation. En effet :
« En général, l’éducation est le moyen clef pour sensibiliser le public au rôle potentiel des
insectes et pour influencer le choix des consommateurs vers un point de vue plus équilibré et plus
favorable à l’utilisation des insectes dans l’alimentation humaine et animale. » (FAO, 2014, p.156).
La curiosité alimentaire, qui apparait dès l’enfance, va être un facteur facilitant la
consommation d’insectes. Elle apparait notamment grâce aux parents qui transmettent aux enfants
cette envie de nouveauté, d’apprendre de nouvelles choses, une transmission du patrimoine
alimentaire et des choix alimentaires se fait des parents vers l’enfant. Cependant, il y a également
des transmissions horizontales qui s’opèrent, non pas des parents vers l’enfant, mais de l’enfant
vers le parent. En effet, d’après l’étude réalisée13, les enfants vont accroître leur curiosité et ensuite
inciter aux parents et leur raconter leurs expériences, ce qui peut influencer les parents à dépasser
leur dégoût.
Conclusion chapitre 1
Tout au long de cette partie, nous avons constaté que le goût et le dégoût sont acquis dès
l’enfance, dès même la naissance avec des réflexes gusto-facial (Chiva, 1979). Les choix alimentaires
sont influencés par des choix culturels transmis par la famille ainsi que par les institutions et
forment ainsi chez l’enfant son éducation alimentaire, son apprentissage. De plus, nous avons vu
l’importance de la socialisation primaire dans la construction de l’identité sociale.
La curiosité alimentaire, source d’apprentissage de l’enfant, lui permet d’avoir un choix
alimentaire et une réflexivité alimentaire plus large. De plus, cette curiosité amènera la possibilité
d’un processus d’acceptabilité face à de nouveaux aliments plus fort. En effet, si l’enfant fait face
plusieurs fois à un aliment inconnu, il viendrait au fur et à mesure de ses diverses rencontres avec
celui-ci à réussir à l’accepter socialement et à l’intégrer dans son environnement social.
13
Atelier terrain master 2 SSAA, la curiosité alimentaire, 2016
49
Chapitre 2.
Hypothèse 2 : Accepter d’abord des aliments
d’origine végétale exclus influencerait l’acceptation de ceux
d’origine animale
Dans un premier temps, nous allons définir la relation de l’homme envers les aliments
d’origine animale puis végétale puis, dans un second temps, nous allons tenter de montrer que
l’hypothèse pourrait éventuellement être validée en utilisant un exemple, celui de l’engouement
pour les « aliments moches ».
1.
Le mangeur et les aliments d’ordre végétal et animal
Comme vu en première partie, l’espace social alimentaire détermine l’ordre du mangeable,
ce qui est comestible et ce qui ne l’est pas. Les aliments qui peuvent être consommés se divisent
en deux catégories : végétale et animale (Poulain, 2007). Ainsi ils se distinguent deux types de
société, les sociétés « végétalistes » et « animalistes » (Barrau, 1995).
L’homme consomme des aliments d’origine animale qui peuvent être imposés par une mise
à mort animale s’ils ne sont pas prélevés sans en retirer leurs vies tels que le lait, les œufs, etc. Selon
les cultures cette mise à mort animale est ritualisée et lutte ainsi contre l’anxiété du mangeur.
(Poulain, 2007). La vue du sang peut créer un comportement anxieux chez l’individu et il peut
associer également ce sang à son propre sang. L’animal peut basculer du côté humain par
anthropomorphisation (Poulain, 2007). Cependant l’homme qui est omnivore peut décider
d’appartenir à une société végétaliste. Ainsi, son identité est fondée uniquement sur l’univers
végétal (op. cit.). La mise à mort animale est un élément majeur dans l’acceptation d’un aliment.
Pour désinhiber l’anxiété que le mangeur pourrait avoir, des rituels sont pratiqués (op. cit.) :
« Ces dispositifs sociaux permettent de lutter contre l’anxiété qui pourrait provenir du conflit
moral entre le besoin de manger de la viande et le fait de devoir pour cela prendre la vie à des
animaux et leur imposer des souffrances. » (Poulain, 2007, p.309).
Ainsi, nous comprenons mieux le fait éventuel d’une acceptabilité plus forte d’un aliment
végétal qu’animal. En effet, la consommation d’aliments d’ordre animal peut amener à un
comportement anxieux chez le mangeur. La symbolique autour de sa mort et de sa représentation
doit être claire à ses yeux. D’après Poulain, d’après l’idée de Leach : « ce sont les rapports qui
s’établissent entre les animaux et les hommes qui déterminent leur capacité à devenir des
aliments. » (Poulain, 2007, p309-310).
50
2.
L’engouement du végétal : Cas pratique d’aliments hors-normes,
l’exemple des fruits et légumes moches
2.1
De la dimension économique à la dimension sociologique
2.1.1
Définition d’un « aliment moche » et concept
Définition d’un « aliment moche »14 : les aliments moches sont des aliments qui peuvent
être difformes, tachés, avec des défauts. Ce sont donc des aliments qui présentent des défauts
d’aspect sans en altérer leurs goûts, qui sont par leur aspect « hors-normes ».
Derrière cette définition, un concept. En effet, 40% de la nourriture produite dans le monde, par
les industriels, les agriculteurs, etc. est non consommée et de ce fait, jetée. C’est ainsi qu’une
association « Les Gueules Cassées » décide de vendre des aliments dits moches, le concept est né.
Ces aliments souvent rejetés par les industriels par faute de mauvais calibrage ou de nombreuses
souillures, peuvent être désormais vendus et pour moins cher (de 30 à 50% de moins que le prix
d’origine).
2.1.2
Normes esthétiques et culturelles des fruits et légumes
Selon Ascher, si le goût est roi aux royaumes des choix alimentaires, alors la nourriture
participe à une esthétisation : « L’esthétique peut être définie comme la « science du beau dans la
nature et dans l’art. »» (Ascher, 2005, p.213). Selon Kant, le beau ne représenterait pas la
perfection. Cependant, un aliment beau par son aspect visuel peut prendre la forme d’un aliment
bon, source de plaisir alimentaire : « le beau devient ainsi une qualité spécifique des biens de
consommation en général, alimentaires en particulier » (op.cit., p.213). Selon Poulain (2001),
l’esthétisation du plaisir alimentaire peut exprimer les valeurs d’une culture telles que le sacré, le
sens de la vie, etc. « En France, (…), le plaisir est même la première finalité consciente de
l’alimentation » (Poulain, [2001], 2008, p.24).
Pour qu’un fruit ou légume soit considéré par l’industrie agro-alimentaire et donc par les
consommateurs beau et bon à consommer, il doit correspondre à des normes (GEMRCN, 2012)
dont celle du calibrage (taille minimum et maximum) et des normes d’aspect (sans souillure par
exemple). Ces normes vont induire le mangeur à projeter le beau en soi par le principe
d’incorporation (Fischler, 1990). De ce fait si l’aliment est souillé, l’incorporateur peut à son tour se
sentir souillé.
14
Le
Monde,
Alimentation
qu’est-ce
qu’elle
a
ma
gueule ?
http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/01/09/alimentation-qu-est-ce-qu-elle-a-magueule_4844346_3234.html (Consulté le 24-03-2016).
[en
ligne],
51
De plus, Corbeau15 pense qu’il est vrai que les consommateurs ont tendance à choisir, lors
de leurs courses, des fruits et légumes où la préparation va être plus rapide (de même niveau, non
tachés, etc.). Cependant, Corbeau ne pense pas qu’aujourd’hui notre alimentation « soit gérée
essentiellement par l'esthétisme », pour lui « l'imperfection d'un légume disparaîtra à la cuisson ».
Il signale, aussi, que les gens prennent les défauts comme des signes de qualité, des aliments plus
naturels. Cependant, il faut tenir compte que les grandes et moyennes surfaces jouent un maximum
concernant la présentation des produits vendus. Pour les fruits et légumes, par exemple, les
produits sont mis dans des cagettes qui renverraient à l’image du fermier, et ils sont vaporiser par
le magasin afin de les faire briller, de les rendre plus frais et les faire devenir plus attractifs16. De
plus, « des spectres lumineux spéciaux augmentent la perception de la qualité, ménagent la
marchandise, font ressortir la fraîcheur naturelle.17 »
2.1.3
Influence des choix alimentaires
L’individu en tant que mangeur, fait face à un choix alimentaire conséquent. De par la
mondialisation, la modernisation qui peuvent tendre à des évolutions, des changements de la
« panoplie » des aliments et de l’agrandir (Ascher, 2005). « L’individu contemporain ne cesse donc
de penser avant de manger, et d’essayer de rationaliser ses choix alimentaires de façons variées. »
(Ascher, 2005, p.246). Pour de nombreux scientifiques, les choix alimentaires sont influencés par
notre système sensoriel qui est un facteur déterminant de ceux-ci (Chapelot et Louis-Sylvestre,
2004). De plus, la notion de plaisir a une incidence sur les choix de chacun (Poulain, 2002) ainsi que
l’incorporation et son influence sur le corps (Fischler, 1990).
« Au moment de la présentation d’un aliment, ses propriétés sensorielles agissent sur le
comportement pré-ingestif (sélection des aliments, initiation de l’ingestion) : l’aspect de l’aliment
(vision), son odeur (olfaction ortho-nasale), sa texture (vision, toucher, proprioception) » (Issanchou,
Lévy et Nicklaus, 2010, p.84).
De ce fait, de par notre enfance et nos expériences de vie de mangeur, on s’attend à ce que
notre carotte, par exemple, soit « ainsi et pas comme cela visuellement ». Du principe qu’elle ne
respecte pas ces normes, elle n’entre pas dans le domaine du consommable, de l’achetable.
15
Atlantico, Gâchis alimentaire pour qu’un beau aliment soit considéré comme « bon » doit-il nécessairement être
beau ?, 2012, [en ligne]. Disponible sur : http://www.atlantico.fr/decryptage/gachis-alimentaire-pour-qu-aliment-soitconsidere-comme-bon-doit-necessairement-etre-beau-jean-pierre-corbeau-518897.html (Consulté le 26-03-2016).
16
Citizen post, Les techniques secrètes des supermarchés pour nous faire consommer plus, 2013, [en ligne], Disponible
sur : http://citizenpost.fr/2013/10/les-techniques-secretes-supermarches-faire-consommer/ (Consulté le 26-03-2016).
17
Zumtobel, La lumière pour la présentation et la vente, [en ligne]. Disponible sur :
https://www.zumtobel.com/PDB/teaser/fr/AWB_Praesentation.pdf (Consulté le 24-03-2016).
52
2.1.3.1
Les aliments exclus : choix culturels
Selon Poulain, notre modèle alimentaire fait partie de l’espace social alimentaire et prend
part dans la distinction entre les aliments comestibles et non comestibles (l’ordre du mangeable).
Le choix des aliments comestibles se fait par des aspects sociaux et culturels (Poulain, 2002). En
effet, le fait que tel ou tel aliment soit utilisé dans un modèle alimentaire et donc dans une cuisine,
reflète d’une identité culturelle précise : « la cuisine est porteuse d’identité culturelle, individuelle
et collective. » (Raoult-Wack, 2001). De ce fait, si un aliment n’est pas inscrit dans une culture, il ne
sera pas inscrit dans un modèle défini (Poulain, 2002). C’est ainsi que, par exemple, les insectes
sont exclus de notre modèle alimentaire français. Rejetés par les consommateurs par le biais des
industriels, les aliments « moches » sont tout autant exclus de ce modèle alimentaire car ne
correspondant pas aux normes esthétiques de celui-ci. Petit à petit, dû au gaspillage alimentaire,
les industriels surfent sur cette vague en vendant des produits qui auparavant été jetés. Ces
produits viennent prendre place dans les GMS18 (Grandes et Moyennes Surfaces), peu à peu grâce
à des petits prix attractifs qui attirent le mangeur et qui amèneraient à ancrer ces fruits et légumes
dans leur quotidien, leur culture, leur identité.
2.1.3.2
Le gaspillage alimentaire, une crise engendrant le changement ?
Dans la première partie, nous avons exploré que le changement social pouvait s’établir
après des crises alimentaires (crise de la vache folle, Fischler, 1990). L’idée des aliments « moches »
est apparue à cause des chiffres trop élevés du gaspillage alimentaire19 (10 millions de tonnes de
déchets en France, Annexe C, p.92). En France, il est géré par une institution (ministère de
l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt) en tentant de trouver des solutions, notamment
par la loi anti-gaspi20. Selon le gouvernement, cette loi vise à changer les comportements de toute
la chaîne alimentaire, de la « fourche à la fourchette », tous les acteurs sont concernés :
agriculteurs, industriels, consommateurs notamment par le biais de l’éducation à l’alimentation.
Face à cet enjeu, le monde change21.
18
BFM TV, Les labels de « produits moches » s’installent dans les rayons, 09/12/2015, [en ligne]. Disponible sur :
http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/les-labels-de-produits-moches-s-installent-dans-la-distribution-935484.html.
(Consulté le 30-03-2016).
19 Alim’agri, Anti gaspi, [en ligne]. Disponible sur : http://agriculture.gouv.fr/anti-gaspi/anti-gaspi. (Consulté le 26-032016).
20
Alim’agri, L’assemblée opte pour à l’unanimité des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire, 10.12.2015, [en
ligne]. Disponible sur : http://agriculture.gouv.fr/lassemblee-adopte-lunanimite-des-mesures-de-lutte-contre-legaspillage-alimentaire (Consulté le 30-03-2016).
21
Les Echos, « Et pendant ce temps-là, le monde change… », Nicolas Chabanne, 21.03.2016, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.lesechos.fr/la-releve-2016/edition-2016/021778163126-et-pendant-ce-temps-la-le-monde-change1208440.php#xtor=CS1-2 (Consulté le 30-03-2016).
53
Sur le site de l’association des Gueules Cassées, il est possible de s’engager que l’on soit
consommateur, producteur, etc. une lettre de conso permet d’entrer dans cette famille (Annexe D,
p.93) et d’enfin inclure dans notre modèle, des aliments de ce type rejetés à tort.
2.2
Du niveau économique au niveau sociologique
2.2.1
Au niveau économique
Tout d’abord, il existe un réel enjeu économique à la vente de produits hors normes. En
effet, outre l’intérêt pour le gaspillage alimentaire, tous les acteurs sont gagnants économiquement
parlant. Les industriels et agriculteurs vendent des produits qui jetaient auparavant, et qu’ils leurs
causaient des pertes financières et les consommateurs achètent des produits tout aussi bon à un
prix moins cher que des produits conformes 22. Il est important de nous questionner sur pourquoi
ce concept arrive maintenant, pourquoi n’est-il pas arrivé plus tôt. Selon Nicolas Chabanne, il
s’avère que depuis 2011, la DGGCCRF (Dossier du GEMRCN, 2012) a aboli les normes de calibrage,
etc. mais qu’aucun industriel ni agriculteur n’y avait fait cas et continuer de jeter. Ce concept ne
pouvait donc pas exister avant 2011, mais cela a mis deux ans (fondation de l’association des
Gueules Cassées en 2013) avant que quelqu’un ne soumette cette idée, d’arrêter le gaspillage et
de vendre ainsi ces fruits et légumes, légaux à la vente, et finalement qui ne sont plus hors normes
au niveau « papier » mais toujours hors normes dans la tête des consommateurs et des industriels.
Ces produits moins chers deviennent « un oasis dans un immense désert qui ressemble à la crise
économique actuelle » (Nicolas Chabanne).
2.2.2
Au niveau sociologique
« On est tous la « Gueule Cassée » de quelqu’un, on a tous un jour vécu cette sensation
d’être dans l’intimité de ses qualités, de ce qu’on peut apporter, écarté par quelqu’un qui n’avait
pas forcément compris ou vu ces qualités.23» Nicolas Chabanne, fondateur de l’association des
« Gueules Cassées ».
22
Gentiside Découverte, Les fruits et légumes « moches » se rebellent contre le gaspillage alimentaire, 22.07.2014, [en
ligne].
Disponible
sur :
http://www.maxisciences.com/fruit/les-fruits-et-legumes-moches-se-rebellent-contre-le-
gaspillage-alimentaire_art33099.html (Consulté le 30-03-2016).
23
Youtube, Gaspillage alimentaire : la révolution antigaspi en marche, 07.09.2015, [en ligne]. Disponible sur :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=58&v=kZ4jjYRhUzw (Consulté le 30-03-2016).
54
Il est important de faire comprendre au mangeur que ces produits sont bons malgré leur
aspect visuel, aspect important pour qu’il puisse faire son choix de consommer ou non un aliment
(Fischler, 1990). Dans sa réflexion de mangeur, et lorsqu’il fait les courses, le mangeur va sentir,
toucher, palper. Ce comportement va émettre en lui une préférence inconsciente et va guider son
choix, pour un fruit par exemple, par tout ce que le système sensoriel perçoit, nous créons une
émotion liée au toucher et à l’odorat (Chétochine, 2011). Selon Chabanne, la demande des
consommateurs autour de ces aliments hors normes existe et qu’il suffirait de demander à ce que
ces produits soient vendus. De plus, selon lui, le consommateur a besoin de comprendre que ce
produit est aussi bon que les autres, qu’il a un défaut ou une particularité mineure et qu’il est moins
cher. Ces trois aspects affiliés au logo permettront au mangeur que nous sommes d’adhérer à cette
« marque anti gaspi ». Il veut que cela devienne pour le mangeur sa marque, sa société. En
appuyant sur cela, il met l’individu dans un contexte social et économique à grand enjeu, il l’insère
et le fait jouer un rôle. Ainsi le mangeur, en y participant, pense avoir un impact positif qui se
transforme en sensation de bien faire, de bien-être qui selon Durkheim est indispensable dans la
vie d’un individu, en effet celui-ci a toujours ce sentiment de besoin de satisfaire les autres qui
l’entoure afin d’être accepté socialement.
2.2.3
Lien entre économie et sociologie
Ces deux niveaux que sont l’économie et la sociologie sont liés. Comme nous avons pu le
voir dans ce contexte-ci, l’individu est d’autant plus impliqué qu’il a conscience des enjeux
économiques. En effet, depuis longtemps, les deux disciplines cherchent à se rassembler (Steiner,
2001), on parle d’économie sociologique qui relie les profits économiques avec les rapports sociaux,
les relations sociales (Steiner, 2005). Selon Durkheim, les valeurs, les croyances et les idées
construisent le monde social mais aussi le monde économique. Weber, lui, veut mettre à profit des
comportements sociaux types pour une meilleure approche de la société du point de vue
économique et historique. De plus, plus récemment, Granovetter (2000) par exemple, définit une
nouvelle sociologie économique en admettant que les études sociologiques peuvent mettre en
lumière des phénomènes économiques essentiels.
55
2.3
Les aliments moches : un engouement ?
2.3.1
L’association « les Gueules Cassées »24
Cette association a été mise en place par Nicolas Chabanne. Elle a été créé après un constat
aberrant, en effet, 40% de la nourriture produite dans le monde n’est pas consommé et est donc
jetée. Les industriels et agriculteurs contribuent à ce gaspillage principalement à cause de normes
de calibrage et esthétiques. Elle a vu le jour en 2013. Tout d’abord, cela a été fait pour faire plaisir
à un producteur qui vendait des abricots très bon, mais qui procédait à un tri quand ceux-ci avaient
une forme un peu différente, une petite trace de boisage, etc.
Le producteur étant navré de ne pas pouvoir les vendre, l’association a décidé de les
vendre. C’est ainsi que commence cette initiative25 sans que cela ne marche. Cela n’a pas fonctionné
au début car les fruits étaient présentés seulement avec un panneau disant « je suis différent mais
je suis quand même bon », les individus se tournent naturellement vers un fruit joli, « bien fait ».
C’est la création d’un logo qui va tout changer (Annexe E, p.94). Pour les vendre, l’association
rachète les produits qui ne sont pas conformes aux industriels et les mettent dans un propre rayon
avec un propre étiquetage. Intermarché pour prouver qu’il n’y avait pas de différence, on mit à
place un stand avec de la soupe « moche » et du jus de fruits « moche » pour montrer que le goût
était inchangé26.
2.3.2
Les raisons et les buts
2.3.2.1
Enjeux et acteurs
« Cette richesse annuelle ne doit plus s’appeler gaspillage alimentaire mais simplement une
caverne d’Ali Baba, une nouvelle ressource » (Nicolas Chabanne). C’est ainsi que le premier enjeu
apparaît, un enjeu environnemental. En effet, le gaspillage alimentaire est source d’un gâchis de
l’environnement, avec un nombre ahurissant de produits non consommés et jetés qui émettent 3,3
milliards de tonnes de CO2 (gaz à effet de serre) et 250m3 d’eau gaspillée (FAO, 2013). Grâce à
l’association qui évite de jeter pour faute de calibrage non-conforme ou de DLC (Date Limite de
Consommation) bientôt finie, nous pourrions sauver 600 000 tonnes de produits27 et de fait, à ce
24
Les Gueules Cassées, [en ligne]. Disponible sur : http://www.lesgueulescassees.org/ (Consulté le 27-03-2016).
Youtube, Gaspillage alimentaire : la révolution antigaspi en marche, 07.09.2015, [en ligne]. Disponible sur :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=58&v=kZ4jjYRhUzw (Consulté le 27-03-2016).
26
Gentiside Découverte, Les fruits et légumes « moches » se rebellent contre le gaspillage alimentaire, 22.07.2014, [en
ligne]. Disponible sur : http://www.maxisciences.com/fruit/les-fruits-et-legumes-moches-se-rebellent-contre-legaspillage-alimentaire_art33099.html (Consulté le 27-03-2016).
27
Blog les Gueules Cassées, [en ligne]. Disponible sur : http://blog.lesgueulescassees.org/blog/ (Consulté le 27-03-2016).
25
56
que les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’eau eau ne soient en importante
quantité inutilement : « satisfaire les besoins nutritifs croissants dans le monde tout en veillant à
l’impact environnemental de la production agricole28 ». Cet aspect environnemental concerne tous
les acteurs, de la fourche à la fourchette, qui doivent faire des efforts pour améliorer notre
environnement.
Au niveau économique, ce gaspillage engendrerait une perte, dans le monde, de 2 600 milliards de
dollars par an (revue Atlantico). Le concept de vendre ces fruits légumes moins chers réduirait cette
perte.
De plus, il s’avère que cela ne s’applique plus qu’aux fruits et légumes mais devient possible
pour tout type de produits29 (camembert, céréales, etc.) et dans le monde 30. Ainsi, les industriels et
agriculteurs se verraient vendre leurs produits et ne plus perdre d’argent et les consommateurs
achèteraient un produit tout aussi bon mais moins cher.
Au niveau psychosociologique, nous faisons face à des enjeux éthiques et sociaux. En effet,
l’association France Nature Environnement (201331), nous montre que le gaspillage alimentaire est
un scandale vis-à-vis de la sécurité alimentaire par exemple. Toute la population mondiale n’étant
pas assurée de cette sécurité, il devient encore plus impensable de jeter cette quantité de
nourriture (222 millions de tonnes) qui est presque aussi élevée que la production alimentaire de
l’Afrique subsaharienne (230 millions de tonnes) (FAO, 2011). Nous devons également prendre en
compte, la sous-alimentation, qui ne touche pas seulement les pays les moins développés mais
aussi des populations françaises. Pour les aider, des associations caritatives telles que les Resto du
Cœur sont en place et l’idée de jeter tant de nourriture peut peser et mener à une prise de
conscience de toute une société32.
28
Atlantico, Lutte contre le gaspillage alimentaire : tour d’horizon des initiatives, 13.03.2016, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.atlantico.fr/decryptage/lutte-contre-gaspillage-alimentaire-tour-horizon-initiatives-wikiagri-eddy-fougier2623409.html (Consulté le 27-03-2016).
29
Le Figaro, Carrefour lance la marque « Tous AntiGaspi » pour les produits moches, 03.12.2015, [en ligne]. Disponible
sur :
http://www.lefigaro.fr/conso/2015/12/03/05007-20151203ARTFIG00169-carrefour-lance-la-marque-tousantigaspi-pour-les-produits-moches.php (Consulté le 27-03-2016).
30
Le Monde, « Gueules cassées » : les fruits et légumes moches bientôt vendus à l’étranger, 12.10.2015, [en ligne].
Disponible sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/10/12/gueules-cassees-les-fruits-et-legumes-mochesbientot-vendus-a-l-etranger_4788069_3234.html (Consulté le 27-03-2016).
31
FNE, Du gaspillage alimentaire à tous les étages, 2013, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.fne.asso.fr/dechets/gaspillage-alimentaire/dossier-thematique-du-gaspillage-a-tous-lesetages_fne_decembre2013.pdf (Consulté le 27-03-2016).
32
Le Hub Tetra Pak, Gaspillage alimentaire : de la prise de conscience à la mise en œuvre, 30.03.2015, [en ligne].
Disponible sur : http://lehub.tetrapak.fr/prise-de-conscience-du-gaspillage-alimentaire (Consulté le 27-03-2016).
57
2.3.2.2
Motivations et conséquences
Afin de nous aider à mieux comprendre les motivations, intéressons-nous à la rationalité
chez Weber. Pareto (1916) distingue deux types d’actions : les actions logiques et illogiques. Les
actions logiques s’apparentent aux actions dites rationnelles. Dans celles-ci, nous y affilions par
exemple des travaux scientifiques ou économiques (op. cit.), et où les acteurs utilisent des moyens
adaptés avec l’obtention du résultat recherché. Si les actions ne respectent pas ces critères, elles
sont appelées actions non logiques. Pour la plupart, elles se basent sur l’affectif et l’inconscient qui
influent sur le comportement mais aussi sur la méconnaissance de l’expérience (op. cit.). Pourtant
Pareto nous signale que toute action non logique n’induit pas forcément une action illogique,
certaines utilisent des arguments, des raisonnements et mobilisent des moyens mis en œuvre (par
exemple, la prière qui chez certains est un acte de guérison).
Selon Weber (1922), les actions se divisent en action rationnelle de valeurs qui peuvent être
émotionnelles ou traditionnelles (on ne se préoccupe pas des conséquences) ou en action
rationnelle en finalité, qui viennent lier les moyens et l’objectif recherché (comparaison entre
moyen et objectif pour parvenir à une fin donnée).
Le concept de ces légumes « moches », est une motivation pour les industriels et les
consommateurs. En effet, pour les industriels, cela leur permet de valoriser leurs produits qui avant
étaient non-conformes donc jetés, et de les vendre 30% moins cher 33. L’industriel voit d’abord
l’enjeu économique avant de voir l’enjeu environnemental. Ici, il a une action logique, il vend ses
produits à des fins économiques voire environnementales (Wever, 1922). Lors de cette intervention
dans La Quotidienne de France 5, Nicolas Chabanne le confirme, il pense qu’il y a un réel business
derrière ce concept pour les industriels.
Pour le consommateur, le besoin de participer à ce mouvement pourrait être, selon Durkheim, de
se sentir bien psychologiquement en réalisant une bonne action, ici environnementale. Cette
motivation, probablement inconsciente, qui pourrait être liée à une action non logique car
subconsciente (Pareto, 1916), serait affiliée au fait que les mangeurs cherchent « aujourd’hui plus
d’authenticité, de réclamer des aliments fabriqués localement, de vouloir parfois s’affranchir d’une
alimentation industrielle, et de s’interroger sur le gaspillage. 34 ».
33
La Quotidienne, France 5, Alimentation : achèteriez-vous des aliments moches ?, 12.01.2015, [en ligne]. Disponible
sur : https://www.youtube.com/watch?v=F8XqGVaiJgU (Consulté le 27-03-2016).
34
Côté Noble Val, Revue de presse : les légumes et produits moches, 13.01.2016, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.cotenobleval.org/revue-de-presse-les-legumes-et-les-produits-moches/ (Consulté le 27-03-2016).
58
Conclusion chapitre 2
En France, la vente des fruits et légumes moches se développent de plus en plus, nous
faisons face à un réel engouement35. La méthodologie probatoire nous permettra de savoir si ce
phénomène est du réellement au fait que ces aliments soient d’origine végétale ou non. Tout au
long de ce deuxième chapitre, nous avons pu voir que les normes pourraient peut-être se construire
et évoluer autour des aliments différents. De plus, nous pouvons demander comment cela est
possible, comment les normes arrivent-elles à évoluer autour des aliments moches. D’une part par
le fait que les mangeurs les ont acceptés, et d’autre part, à cause des enjeux liés à ceux-ci.
35
RTL, Gros succès des fruits et légumes moches après un an d’existence, 08-06-2015, [en ligne]. Disponible sur :
http://www.rtl.fr/actu/economie/gros-succes-des-fruits-et-legumes-moches-apres-un-an-d-existence-7778640797
(Consulté le 30-03-2016).
59
Partie 3. Méthodologie probatoire
Cette troisième partie nous permettrait de vérifier nos hypothèses précédentes. Ainsi nous
pourrions valider ou, à l’inverse, infirmer celles-ci à l’aide d’une méthodologie probatoire de
recherche qui nous aiguillera. Dans un premier temps, nous allons définir la méthode utilisée et ses
caractéristiques, puis, dans un second temps, nous détaillerons les outils choisis qui pourraient être
mis en place afin d’arriver à une finalité de recherche.
60
Chapitre 1.
1.
Méthodologie de recherche
Méthode
Dans la première partie de ce mémoire, nous avons mis en place un cadre théorique qui
nous a permis, en deuxième partie, de cibler un sujet plus précis, d’en découler une problématique
qui, nous le rappelons, est la suivante : « Quelles sont aujourd’hui les principaux moyens d’actions
du changement du comportement et des pratiques alimentaires face à la consommation d’aliments
exclus du modèle alimentaire français actuel ? » et de formuler deux hypothèses. Pour tenter d’y
répondre, nous nous sommes aidés de lectures bibliographiques, d’articles et également
d’entretiens exploratoires, certes qui permettent d’y voir plus clair dans la formulation et la
validation de nos hypothèses mais qui ne sont pas suffisants pour affirmer ou infirmer celles-ci.
De ce fait, il nous est important d’aller plus loin. Pour mener à bien cette finalité, il faut
maintenant nous diriger vers une démarche méthodologique qui permettra l’affirmation ou non de
nos axes de recherche. Diverses méthodes (Boudon, 1969) sont utilisées par les sociologues dans
leurs travaux de recherche, il est nécessaire d’utiliser la plus cohérente, la plus adaptée à nos
hypothèses. Pour ce faire, nos hypothèses se basant principalement sur le processus d’acceptabilité
chez les enfants et des aliments d’origine végétale, il serait intéressant d’être en relation avec des
enfants mais aussi des adultes. Ainsi, une observation sur des enfants et des adultes vis-à-vis
d’aliments différents pourraient avoir lieu avec l’appui d’un focus group (entretien groupé) enfants
puis adultes, ce qui amènerait une discussion plus facilitée entre les acteurs. Concernant les adultes,
des entretiens semi-directifs individuels approfondis pourraient être menés afin de situer la place
respective de la viande et des végétaux dans l'acceptabilité alimentaire. Ces outils présentés,
rejoignent donc une méthode dite qualitative.
2.
Enquête qualitative
« Le terme recherche qualitative désigne ordinairement la recherche qui produit et analyse
des données descriptives, telles que les paroles écrites ou dites, et le comportement observable des
personnes » (Deslauriers, 1991, p.6).
De plus, Van Maanen (1983) ajoute que cette méthode se base sur une observation des
phénomènes sociaux dans un environnement naturel. Ainsi, l’analyse qualitative s’intéresse et se
concentre sur les mécanismes et les phénomènes sociaux qui reflètent la réalité sociale de la société
(Deslauriers, 1991) et sur ses formes de penser et d’agir (Desanti et Cardon, 2007).
61
Dans notre cas, l’observation, le focus group et les entretiens individuels nous permettront
de percevoir ces phénomènes pour les superposer à des faits sociaux afin de récolter des données
qui guideront nos hypothèses. Tout d’abord, il nous faudra donc récolter des informations sur un
échantillon via un guide d’entretien pour ensuite, analyser et traiter les propos recueillis qui se
transformeront en données.
2.1
L’échantillon
Un échantillon doit être bien conçu afin de mener à des représentations les plus proches
possibles de la société (Firdion, 2010).
« Dire que les résultats obtenus sur un échantillon sont valables pour l’ensemble, revient à
prétendre que les caractéristiques, opinion, etc., des quelques personnes interrogées représentent
approximativement celles de la population sur laquelle porte notre étude ; on parle alors
d’échantillon représentatif. » (Op.cit., 2010, p.71).
Afin de construire un échantillon qui rende possible l’analyse de nos hypothèses, il en faut
premièrement en déterminer la taille. Dans le cadre d’une méthode qualitative il n’est pas
nécessaire de concevoir un grand échantillon, observer 15 à 20 personnes est suffisant. En effet,
l’important n’est pas le nombre mais la façon de les interroger et d’analyser les propos récoltés :
« malgré le petit nombre de personnes interrogées, certaines conclusions suffisamment solides
peuvent en être tirées » (Ghiglione, Matalon, 1978, 2010, p.93).
Pour avoir le plus de profils variés, un échantillonnage de type aléatoire sera fait. Pour notre
étude, l’échantillon se concentrerait sur un groupe d’une quinzaine d’enfants puis sur un groupe
d’une quinzaine d’adultes.
2.2
Le guide d’entretien
Le guide d’entretien s’utilisera dans notre cas lors des focus group et des entretiens
individuels. Généralement, le guide d’entretien se veut semi-directif avec des questions principales
mais où le déroulement peut varier (Deslauriers, 1991). Les thèmes peuvent être abordés par des
questions ouvertes et non fermées dans un ordre imprécis, et ainsi laisser libre cours à la personne
interrogée de parler par la suite de tel ou tel thème sans avoir de cadre restrictif et absolu (Blanchet,
1991). L’interviewer laisse la place à l’interviewé de s’exprimer librement en évitant de s’imposer
et d’intervenir (op. cit.).
62
Auparavant, il peut s’avérer utile de tester son guide d’entrevue afin de l’ajuster au mieux
pour que les questions soient le plus pertinentes possible afin de collecter des données profitables
à analyser (Deslauriers, 1991). Pour ce faire, plusieurs focus group pourraient améliorer les
conditions de collecte de données et permettraient qu’elles soient les plus judicieuses et
adéquates. Il est important d’utiliser un vocabulaire compris de tout le monde en évitant les mots
utilisés en sociologie, par exemple processus d’acceptabilité, modèle alimentaire, espace social
alimentaire, etc. (Ghiglione, Matalon, 1978) et de mettre en confiance la personne interrogée ce
qui lui permettra de se livrer complètement.
2.3
L’analyse
Passées les étapes de l’échantillonnage et des entretiens, nous avons donc récolté des
informations que nous allons transformer en données afin de les analyser et de pouvoir en tirer des
conclusions appliquées à nos hypothèses. En effet, lors des observations, entretiens, focus-group
menés, différents types d’informations ont été collecté et nous nous devons maintenant de les
décrypter en gardant à l’esprit nos axes de recherche.
« L’analyse vise à découvrir la logique sous-jacente à la praxis de la personne et de la collectivité,
à comprendre la structure des influences et à en tirer une interprétation cohérente. » (Deslauriers,
1991, p.79).
Tout d’abord, il sera important de juger le vocabulaire de la personne interrogée (adultes
principalement) afin d’en déterminer son état d’esprit (Mucchielli, 2009). De plus, les propos
engagés de l’interrogé permettront d’en dégager et d’en sortir son rapport au monde, à son
quotidien (Deslauriers, 2009).
Afin d’analyser le plus précisément possible les propos récoltés, nous devons lire et relire les
prises de notes (op. cit.). C’est ainsi qu’apparaît, au fur et mesure, la ou les significations des
données recueillies, comme des détails qu’au début nous pensions secondaires et qui s’avèrent
cruciaux pour analyser le contexte (Morin, 1973). Pour ce faire, nous décomposeront d’abord les
données, et rassembleront celles qui ont un sens commun, puis, nous établirons une synthèse qui
nous permettra d’affiner et de réaliser des catégories de réponses pertinentes (Deslauriers, 1991).
Cette synthèse sera établie de deux façons, inductives et déductives, l’induction où nous passons
d’observations de données à une proposition générale et la déduction où nous déduisons par
raisonnement pour en tirer des conséquences, des conclusions qui précèdent la récupération des
63
données (op. cit.). En sociologie, il est plus commun d’utiliser la déduction mais la méthode
qualitative amène cette manière inductive de traiter un sujet.
Dans le cadre de ce mémoire, nous voulons comprendre les moyens d’actions qui pousseraient
les individus à faire évoluer leurs pratiques alimentaires face à des aliments exclus du modèle
alimentaire français. La méthode qualitative est donc un moyen de répondre à nos questions et de
permettre d’expliquer le fonctionnement du processus d’acceptabilité et ses influences. Ainsi, par
le biais d’observations et d’entretiens, nous pourrons analyser l’application des normes en société,
le comportement alimentaire de l’enfant et de l’adulte ainsi que l’approche sociologique vis-à-vis
d’un aliment d’origine végétale et animale.
64
Chapitre 2.
Les outils choisis
Après avoir défini une méthode d’enquête qualitative, il nous faut définir nos outils. Cette
méthode va s’articuler autour de trois grands outils, l’observation, le focus group et l’entretien
individuel semi-directif. Tout d’abord, pour chaque outil, nous allons définir son but puis nous allons
voir comment l’appliquer dans le cadre de notre étude de recherche.
1.
L’observation
1.1
Définition
L’observation sociologique permet d’analyser le comportement global des acteurs ainsi que
les relations (Chauvin, Jounin, 2010) tout en prenant compte de l’effet de contexte qui peut venir
influencer le comportement. Malgré un échantillon relativement restreint, cette portion de la
société peut être établit comme une totalité (op. cit.). L’enquêteur fait partie de cette portion et
doit est considéré comme un composant de celle-ci. L’observation peut être participante ou non
participante, soit le chargé de recherche s’intègre dans le groupe et participe aux activités soit il se
positionne en observateur simple et direct sans intervenir dans l’échange. De plus, l’observation
peut s’effectuer de manière masquée, nous ne révèlerons pas notre identité de sociologue ou à
découvert, les observés connaitront notre fonction et le cadre de notre étude (op. cit.).
1.2
Mode opératoire
Pour l’intérêt de notre recherche, nous utiliserons une observation participante afin de
pouvoir interagir avec les enfants et adultes mais seulement de façon partielle afin de conserver
notre rôle d’observateur tout en essayant de récolter au plus près des données pertinentes pour
notre recherche. Nous serons donc présents sur les lieux de l’organisation afin d’observer « les
phénomènes sociaux en essayant d’intervenir le moins possible dans leurs manifestations »
(Deslauriers, 1991, p.46). De plus, nous ne définirons pas notre rôle et notre cadre de recherche au
près des participants afin que leurs comportements ne soient pas influencés par notre fonction et
par le but de notre travail.
65
Expliquons maintenant le déroulement de nos observations. Tout d’abord, nous ferons
appel à une dizaine d’enfants puis à une dizaine d’adultes que nous amènerons sur le site de
l’ISTHIA36. Le choix du site d’observation se fera en corrélation avec des moyens financiers
restreints. Les deux observations seront filmées afin de mieux les analyser.
Nous préparerons une salle avec différents aliments, dont des aliments inclus dans le modèle
alimentaire français, et d’autres exclus. Ils seront présentés de façon à ressembler à un apéritif
dinatoire, où les enfants et adultes seront plus libres de les consommer sans avoir à respecter les
manières de table et la structure des repas.
L’observation à deux stades différents de la vie d’un mangeur, enfants puis adultes, va
permettre de comparer les réactions vis-à-vis des aliments d’une part inclus (tomates cerise, pâté
de campagne, escargots, etc.) et d’autre part exclus (aliments moches, insectes). Afin de présenter
les aliments moches, nous aurons une mise en place précise, par exemple si l’on prend le cas des
carottes, nous présenterons dans un bol des bâtonnets de carottes tout en présentant à coté la
carotte « moche » déformée et rejetée par les industriels. Du côté des enfants, l’effet de groupe
ainsi que la situation atypique doivent être pris en compte sur la consommation de certains
aliments. Il faudra être consciencieux et analyser la place de chacun des enfants, nous pourrons
également en faire de même avec les adultes. Après observation des adultes et des enfants, il est
donc important que les observations faites se transforment en analyse. Pour ce faire nous
utiliserons une grille d’observation. Elle se composera en trois thèmes principaux : le
comportement, le langage utilisé et les mouvements. Nous pouvons donc établir dans un premier
temps une trame, puis, une grille d’observation.
Cette observation vis-à-vis de notre étude nous permettra donc de voir comment les
enfants et les adultes réagissent au niveau du comportement par rapport à des aliments exclus du
modèle alimentaire. Egalement, de constater les différences entre le stade de l’enfance et le stade
adulte.
36
Institut Supérieur du Tourisme de l’Hôtellerie et de l’Alimentation, Université Jean Jaurès, Toulouse.
66
1.2.1
Trame d’observation
La trame d’observation sera utilisée à la fois lors de l’observation des enfants mais aussi
celles des adultes.
Thème principal
Objectifs
Observations
Manière dont les enfants et les
Regarder
adultes se comportent, réagissent palpent,
Comportement
s’ils
touchent,
s’ils
goûtent
sentent,
ou
non,
face aux aliments inclus et exclus du
entièrement ou juste des morceaux, s’ils
modèle alimentaire français.
recrachent.
Regarder vers quels aliments ils sont le
plus attirés, s’ils ont des gestes de
dégoût, des mimiques, des réflexes
gusto-facials.
Manière dont les enfants et les
Noter le vocabulaire et les adjectifs
adultes s’expriment, définissent utilisés pour décrire leurs sentiments, les
leurs
ressentis,
décrivent
les
aliments.
Langage
aliments, etc.
Noter si certains mots reviennent dans le
même contexte.
Regarder les interactions entre les
individus.
Noter si tous les participants donnent
leur avis, et regarder si un leader sort du
groupe qui influencerait, par la parole,
les autres participants.
Manière dont les enfants et les
Regarder comment les participants se
adultes gèrent et de déplacent dans place, se déplacent.
l’espace.
Mouvements
Repérer si certains influencent les
mouvements de l’un (entraînement vers
tel aliment par exemple).
Repérer vers quoi ils se dirigent en
premier, en dernier.
67
1.2.2
Grille d’observation
La grille d’observation sera utilisée pour rendre compte du comportement de chaque
participant, qu’ils soient des enfants ou des adultes. Chaque participant aura sa propre grille.
Nom :
Légende pour faciliter la prise de notes :
Prénom :
Insectes = I ; Légumes Moches = LM ; Tomates Cerise = TC ;
Âge :
Pâté de Campagne = PC ; Escargots = ECG…
Thème principal
Observations
Exemple :
mange,
Commentaires
sent,
touche, palpe, à l’air d’aimer,
ne de pas aimer, recrache,
sourit, vomit, regarde, etc. à
Comportement
l’égard de tel ou tel aliment.
« X. touche l’I en faisant
preuve de dégoût et le repose
ensuite sans le mettre à sa
bouche, il fait une mimique
qui marque le dégoût. »
Exemple : avec qui il interagit,
s’il
incite,
s’il
dissuade,
comment il définit tel ou tel
aliment.
Langage
« X. explique à un autre
participant que finalement
c’est bon et que ça croque
sous la langue les I., il lui
assure qu’il peut les goûter. »
Exemple : vers quel aliment il
se
dirige,
positionnement
dans la salle.
Mouvements
« X. est en face des I, il dit à ses
camarades de se rapprocher
et les guident vers lui. »
68
2.
Le focus group
2.1
Définition
Le focus group ou entretien collectif permet de récupérer des informations et de mettre en
lumière les positionnements d’un individu par des interactions (Duchesne, Haegel, 2004). En effet,
lors d’entretien groupé, nous pouvons récolter des données communes ou opposées, notamment
grâce au principe d’interactions entre l’enquêteur et les participants mais aussi entre les
participants (op. cit.). Notamment, ils permettent de collecter et d’assister à des désaccords, les
participants, une fois la confiance établie (durant les premières questions), ont plus de facilité à
s’exprimer et à partager leur avis qu’il soit positif ou négatif vis-à-vis d’un autre participant.
L’analyse de ce focus group va alors permettre de faire un constat entre ce qui est partagé
et ce qui ne l’est pas. « L’entretien collectif permet d’accéder au sens commun, aux modèles
culturels et aux normes ». (op. cit., 2004, p.36). L’objectif premier de l’entretien collectif est de
comprendre les phénomènes sociaux. Ainsi, l’interaction est au cœur du processus du focus group
et c’est elle qui permettra le bon déroulement de celui-ci. L’animateur doit donc savoir gérer les
différences et les personnalités de chaque participant tout en gardant à l’esprit les objectifs
recherchés. L’entretien collectif réunit donc toutes les conditions afin de rendre compte des
besoins, des opinions, des comportements, de chacun, sur un sujet précis.
2.2
Mode opératoire
Le focus group est un entretien qui réunit donc un ensemble de personnes qui par le biais
d’interactions, nous aiguillent sur les objectifs visés. L’échantillon choisit, ici des enfants et des
adultes, est en lien avec le sujet et les thématiques choisies. Notre focus groupe sera composé, s’ils
sont en accord, de la dizaine de personnes que l’on a d’abord observé. En effet, cela permettrait
d’obtenir un retour sur l’expérience qu’a représenté pour eux « l’apéritif dinatoire ». Ces focus
group se réaliseront après analyse des observations participantes, afin de poser et d’aborder des
thématiques pertinentes lors de celui-ci. Les focus group des enfants et des adultes seront bien
entendus séparés.
Afin de réaliser ce focus-group, nous nous appuierons sur un guide d’entretien qui
permettra, en amont, de cibler les thématiques et les questions que nous aborderons lors de
l’entretien collectif. Ces thématiques ne seront pas obligatoirement aborder dans l’ordre défini, les
participants étant maître de la parole, il est préférable de ne pas s’interposer et de changer
brusquement de sujet.
69
Une fois, l’entretien réalisé, qui sera bien entendu filmé, une analyse des propos sera
effectuée afin de faire ressortir les points clés de celui-ci, ainsi que les opinions convergentes ou
divergentes de tous les participants. Penchons-nous sur le déroulement d’un focus group. Il se
réalise sur plusieurs étapes :
-
Introduction : Nous accueillerons les participants en début de matinée ou en début d’aprèsmidi. Une fois l’accueil terminé, nous leur expliquerons le déroulement du focus group et
nous leur transmettront les instructions.
-
Présentation : Les animateurs se présenteront brièvement, puis les participants. Chaque
participant aura son nom inscrit sur un papier afin de faciliter le dialogue entre les
participants et ainsi de construire les interactions plus facilement.
-
Déroulement : Déroulement du guide d’entretien abordé par thématique dans l’ordre
souhaité en fonction du dialogue entre les participants. Chaque thème ne devra pas
dépasser une quinzaine de minutes afin d’éviter des discussions trop longues et de dévier
du sujet visé. Durant le déroulement, une pause avec collation sera réalisée afin de sortir
du contexte de l’entretien.
-
Débriefing : Nous ferons un débriefing rapide avec les participants pour avoir leurs ressentis
et ainsi faire une première analyse. A la suite de ce débriefing, nous libérerons les
participants en les remerciant et en les gratifiant si possible (tasse de l’ISTHIA par exemple).
Etant donné que le guide d’entretien dépendra de l’analyse faite dans un premier temps
lors des observations, nous allons uniquement décrire les thèmes et sous-thèmes qui seront
abordés durant l’entretien collectif. Lors du focus group avec les enfants, le vocabulaire sera
adapté. En page suivante, vous retrouverez un tableau récapitulatif des thèmes et sous-thèmes.
70
Thèmes et sous thèmes du guide d’entretien lors du focus group :
Thèmes
Ressenti de la phase d’observation
Sous-thèmes
Retour sur l’expérience de l’apéritif dinatoire :
Ce qu’ils en ont pensé, ce qu’il leur a plu, déplu.
Les souvenirs et connaissances
Ce qu’ils ont retenu de cette expérience
Les aliments exclus et leurs enjeux
Ce qu’ils en ont pensé, s’ils connaissent les enjeux
derrière ces aliments. Une fois qui les connaissent,
seraient-ils prêts à les consommer plus régulièrement ?
Effet de contexte et effet de groupe
Est-ce qu’ils pensent que l’effet de groupe les a influencé
à consommer ou non tel ou tel aliment
Les raisons de leur refus de manger Discuter autour de la thématique du dégoût, de la
certains aliments (s’il y en a)
culture, différence entre aliment végétal et animal
Pour les adultes : influence de
Est-ce qu’ils pensent que si plus jeunes ils avaient fait
l’enfance
face à ces aliments, leur réaction aurait-elle différente ?
3.
L’entretien individuel semi-directif
3.1
Définition
« L’entrevue de recherche est une interaction limitée et spécialisée, conduite dans un but
spécifique et centrée sur un sujet particulier. » (Deslauriers, 1991, p.33). A noter que lors des
entretiens l’enquêteur et l’enquêté sont à niveau égal (op. cit.), mais que le temps de parole est
plus important chez l’interviewé, en effet le chercheur est présent principalement pour écouter et
récolter des propos. Les entretiens doivent toujours être enregistrés pour ensuite être retranscrits
afin d’être analysés le plus précisément possible (Barbot, 2010). L’enregistrement permettra aussi
d’affiner, au fur et à mesure des entretiens, les questions posées (op.cit.). Pour un bon déroulement
de l’entretien, celui-ci doit se faire dans un lieu calme et paisible, propice à la discussion et
permettra d’enregistrer sans bruit nuisible.
L’entretien peut être directif, semi-directif ou libre. L’entretien directif a un cadre imposé,
les questions proposées à l’interviewé seront posées dans le même ordre que celui du guide
d’entretien. Il est difficile pour l’enquêté d’aller plus loin. L’entretien semi-directif n’est ni ouvert,
ni fermé. Des thématiques ainsi que des sous-thèmes sont établis mais l’ordre de ceux-ci lors de
l’entretien peut être amené à changer ainsi que la formulation des questions.
71
Cela permet à la personne interrogée de s’exprimer plus librement. Pour finir, l’entretien
libre n’a pas de cadre défini et la conversation se passe naturellement. Ce type d’entretien est
compliqué car les chercheurs cherchent à répondre à un sujet et des thématiques précises.
3.2
Mode opératoire
Une fois l’observation et les focus group menés, nous mènerons des entretiens individuels.
Dans le cadre de notre mémoire, nous utiliserons des entretiens semi-directifs. Cela nous semble
le plus judicieux. En effet, nous aborderons ainsi des thèmes prédéfinis tout en laissant place aux
interrogés pour qu’ils s’expriment plus facilement et dans l’ordre qu’ils souhaitent. Pour des
entretiens semi-directifs, il est important de mettre en confiance la personne interrogée.
Dans notre cas, nous souhaitons poursuivre les entretiens individuels avec les adultes que
nous avons suivis lors de la phase d’observation et lors du focus group. Dans l’entretien semidirectif et afin de ne pas influencer notre enquêté, nous ne dévoilerons pas clairement notre
problématique. Lors de la présentation du sujet, nous tâcherons donc de rester vague sur le
pourquoi de notre recherche. Ainsi notre introduction lors des entretiens pourrait être :
« Bonjour, Coralie. Je voudrais d’abord vous remerciez de nous avoir accordé votre temps
lors de l’expérience de l’apéritif dinatoire, lors de l’entretien groupé et aujourd’hui. Nous allons
procéder à un entretien, cette fois-ci, individuel qui me permettra de mieux cibler vos opinions. Mon
étude de recherche porte sur les comportements des individus vis-à-vis des aliments exclus de notre
modèle alimentaire français dont nous avons parlé auparavant. Nous allons donc commencer par
les premières questions, n’hésitez pas à me poser des questions. »
Malgré un entretien semi-directif, il nous est nécessaire d’avoir un guide d’entretien afin
d’établir au préalable les thèmes que nous aborderons. Nous présenterons uniquement les thèmes
et sous-thèmes car le guide d’entretien dépendra également de la phase d’observation et des
propos récoltés lors des focus group. Ces entretiens individuels avec les adultes nous permettront
de répondre à notre deuxième hypothèse. En effet, cela nous situera sur la place respective de la
viande et des végétaux dans l'acceptabilité alimentaire.
72
Thèmes et sous-thèmes du guide d’entretien individuel semi-directif :
Thèmes
Alimentation en générale
Sous-thèmes
Alimentation
particulière
(végétarien,
végétalien, sans gluten, etc.)
Consommation d’aliments d’origine végétale Fréquence de consommation, lien entre
et animale
l’animal et la viande consommée. Si un lien est
fait, y’a-t-il un gène quelconque (mise à mort
animale, vue du sang, etc.)
Consommation d’aliments moches
Prêt à en consommer, à en acheter, à devenir
consomm’acteur
Consommation des insectes
Prêt à en consommer, à en acheter
Enjeux
Discuter
des
environnemental
enjeux
économique
(gaspillage
et
alimentaire,
émission de gaz à effet de serre, etc.)
Est-ce que les enjeux pourraient avoir un effet
sur le fait de consommer
Processus d’acceptabilité
Proposition de consommation d’aliments
exclus à leurs enfants (s’ils en ont), voir s’il peut
y avoir une influence lors de l’enfance sur ces
consommations plus tard à l’âge adulte.
Une fois que nos observations, nos focus group et nos entretiens individuels seront
effectués, nous pourrons affirmer ou d’infirmer nos hypothèses présentées en deuxième partie. En
effet, tout au long de l’utilisation de la méthode qualitative, les données recueillies se
transformeront en analyse et nous permettront de valider ou non nos postulats.
73
Conclusion générale
L’individu se crée une identité sociale construite sur une base de normes, de valeurs, de
croyances, de rites, etc. Ce besoin de se contraindre à la normalisation lui permet de se socialiser
et de faire partie intégrante de la société, d’un groupe social (Durkheim, 1894). Le non-respect de
ces normes amènerait à des comportements dits déviants.
L’alimentation est au cœur de la construction de l’identité chez l’individu, que l’on peut
également nommer le mangeur. En effet, l’alimentation véhicule tout autant de normes, des
normes alimentaires. Elles viennent s’ancrer dans un modèle alimentaire, ici le modèle alimentaire
français, qui lui-même fait partie d’un espace social alimentaire (Poulain, 2002). Le modèle
alimentaire va venir définir les comportements et pratiques alimentaires des français, en
structurant le repas (entrée, plat garni, fromage, dessert), le nombre de prises alimentaires au cours
d’une journée (petit-déjeuner, repas du midi, éventuellement goûter et repas du soir), en
définissant des manières de tables (ne pas mettre les coudes sur la table), etc. Toutes ces normes
alimentaires viennent s’apposer, chez le mangeur, dès les premiers mois de vie. Effectivement, la
socialisation primaire joue un rôle primordial dans l’identité du mangeur. D’une part, par la
transmission d’une « hérédité » alimentaire (Stengel, 2014) et d’autre part, par les institutions qui
sont représentées, au cours des premières années, par l’école.
Cependant, les normes peuvent être sujettes à évolution. En effet, lors de changement
social, nous pouvons assister à des innovations normatives, dans le cas de crise alimentaire par
exemple. Néanmoins, cela reste difficile de faire évoluer les comportements et les pratiques
alimentaires. Nous avons vu, tout au long de ce mémoire, que face à des aliments exclus du modèle
alimentaire français, une transition des normes peut s’avérer compliquée. Nous supposons donc,
pour faciliter l’évolution de ce modèle, que le processus d’acceptabilité était facilité s’il se mettait
en place dès l’enfance. Ainsi, l’enfant grandit avec les expériences d’avoir goûté, consommé à
plusieurs reprises des aliments exclus. De plus, nous pensons que le processus d’acceptabilité est
plus fort pour des aliments d’origine végétale plutôt que d’origine animale. Le succès des fruits et
légumes « moches » peuvent en attester. De grands enjeux se cachent derrière, que ce soit pour
les agriculteurs que pour les industriels. En effet, l’enjeu environnemental y est important,
notamment vis-à-vis du gaspillage alimentaire, mais aussi l’enjeu économique. Pour les agriculteurs
et industriels cela leur permet de vendre des produits qui auparavant été jetés. Cela représente
pour eux, une valorisation, un allègement de leur perte.
74
Cette partie sur les industriels nous a aidés à émettre une réflexion pour le mémoire de
seconde année. Qui plus est, ayant un précédent parcours agroalimentaire, les enjeux autour des
industriels à vendre des produits « moches » m’intéressent tout particulièrement. Quels types
d’entreprise seraient sujets à s’engager ? Quels pourraient être les impacts sur l’entreprise vis-à-vis
de la vente de ces produits? Quel serait la réaction des individus ? Les mangeurs seraient-ils prêts
à acheter et à consommer au quotidien ce type de produits et à faire évoluer pour de bon leurs
normes ?
75
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80
Annexe A : Judaïsme, troisième des cinq livres de la
Torah (Pentateuque), Le Lévitique 11.1-47 (Les animaux
purs et impurs)
« Vous considérerez comme abominable tout reptile qui vole et qui marche sur quatre pattes. En
revanche, parmi tous les reptiles qui volent et qui marchent sur quatre pattes, vous pourrez manger
ceux qui ont sur leurs pattes des articulations qui leur permettent de sauter sur la terre. Voici ceux
que vous pourrez manger : les diverses espèces de sauterelles, de criquets, de grillons et de
locustes. Vous considérerez comme abominables tous les autres reptiles qui volent et qui ont quatre
pattes. Ils vous rendront impurs. Si quelqu'un touche leur cadavre, il sera impur jusqu'au soir, et si
quelqu'un porte leur cadavre, il lavera ses vêtements et sera impur jusqu'au soir. […] Voici, parmi
les animaux qui rampent sur la terre, ceux que vous considérerez comme impurs: la taupe, la souris,
les diverses espèces de lézards, le gecko, la salamandre, la tortue, la limace et le caméléon. […]
Parmi tous les reptiles qui rampent sur la terre, vous ne mangerez aucun de ceux qui se traînent sur
le ventre, ni de ceux qui marchent sur quatre pattes ou sur un grand nombre de pattes, car vous les
considérerez comme abominables. Ne vous rendez pas vous-mêmes abominables par tous ces
reptiles qui rampent; ne vous rendez pas impurs par eux, ne vous souillez pas par eux.»
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Annexe B : retranscription de l’entretien avec une
maître de conférences et sociologue
Du coup la première question c’est quel est le statut de l’alimentation dans l’éducation des
enfants ?
Le statut de l’alimentation dans l’éducation des enfants, oui c’est une question extrêmement large.
De manière générale chez les parents en fait, euh comment eux pensent, quel est la place pour eux,
pour les parents ?
Euh oui oui oui alors ce qu’on, ce qu’on sait, vous enregistrez là oui ?
Oui
Ce qu’on sait et qu’on continue à documenter c’est surtout hum, le hum, la focale en fait des
parents au niveau de l’alimentation qui va se jouer sur des aspects nutritionnels et sanitaires sur la
petite enfance, globalement jusqu’à peu près douze mois.
D’accord
A partir de douze mois en fait ça bascule parce que ce qui compte le plus en fait c’est tout ce qui
concerne en fait les règles de sociabilité et de socialité, ça vous l’avez peut-être vu en fait dans les…
voilà l’étude de SFAE, je sais pas si ça c’est quelque chose que vous avez mobilisé.
Euh non.
Bon, c’est une étude TNS Sofres, en fait qui s’intéresse à l’alimentation donc dans la petite enfance
et qui montrait bien effectivement ce virage en fait à partir de la première année.
Ok.
Et donc basculement vers l’alimentation familiale. Donc effectivement si vous voulez, y’a euh
autour des perceptions faites de l’alimentation des hum, des évolutions en quelque sorte, des
dynamiques de changement qui sont liés à la fois donc à la question de, de la médicalisation de
l’alimentation chez le tout petit…
…D’accord.
Pour la petite enfance et surtout après euh le besoin d’intégration voilà hum dans la table familiale
donc pour différentes raisons, ça peut être des contraintes économiques, ça peut être aussi euh,
euh des envies en fait de transmettre différentes choses, ça peut être des impensés
organisationnels enfin voilà tous, tous ces éléments. Alors après moi pour avoir aussi regardé ces
aspects là sur des enfants un petit plus âgé…
Ouais.
Et des adolescents, ce qu’on voit bien effectivement chez les parents de, de présence, c’est la
question d’affiliation gustative.
D’accord.
Et donc là, l’idée de transmettre, en quelque sorte, un patrimoine euh transmettre oui un modèle
alimentaire, c’est pas des termes qu’ils utilisent mais qu’on reconstruit après…
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…Oui.
Euh qui après est extrêmement présent d’autant plus en fait présent quand il y a euh hum, au fil de
la vie, etcetera, des séparations euh conjugales…
…Oui.
Maritales, etcetera.
Hum hum.
Où là c’était effectivement des choses qui ressortaient encore plus fortement chez, chez les parents,
l’idée que euh l’enfant potentiellement pouvait y échapper quand on est séparé et qui y’a une
partie en fait du temps où il est pas avec, avec soi. Et donc là, effectivement, les parents euh
auraient tendance, on peut pas complétement généralisé, mais à hum, à vouloir absolument
transmettre quelque chose qui est pas de l’ordre en fait de la santé…
…Ok.
Qui est pas de l’ordre de l’alimentation, qui est plutôt de l’ordre des bonnes manières et surtout en
fait de quelque voilà plats emblématiques.
Et c’est, ils s’en rendent compte ? Enfin, est-ce que les parents ont conscience que…
…Non
Qu’ils leurs transmettent du social, ‘fin, l’identité sociale en soit.
Alors oui, je pense que quand on les interroge, si vous voulez c’est pas forcément un processus qui
est tout à fait conscient mais dans la, la manière dont on les interroge en fait…
Oui c’est pas conscient.
On amène une certaine réflexivité, alors surtout moi dans mes pratiques de terrain plus je les revois,
généralement plusieurs fois, donc effectivement ils ont pris le temps, ils ont réfléchi, etcetera. Et
la, la pensée elle se construit aussi pendant la situation d’enquête, vraiment, donc en fait ils
prennent un peu de recul. Alors, ce qu’il faut avoir en tête aussi c’est que par moment comme c’est
euh toutes ces questions de patrimoine, etcetera, des trucs euh qui sont un peu à la mode y’a aussi
euh une intégration en quelque sorte de ces discours ou de ces systèmes de valeurs par euh certains
parents, notamment en haut de l’échelle sociale, et ils auront tendance du coup à vous les servir si
vous voulez.
D’accord.
Euh ce qu’on appelle les artefacts verbaux. Donc là par exemple c’était très très vrai euh chez les
populations plutôt éduquée, alors euh qui plus est, si vous êtes sur des publics euh d’enseignants
dans le secondaire ou dans le primaire, là euh le, le discours hein de revendication du patrimoine
et de la transmission de ce patrimoine, elle, il est vraiment très très fort. Mais c’est parce qu’il est
aussi dans l’aire du temps.
Oui, d’accord.
Donc euh donc voilà c’est.
Ok. Euh, du coup de quelle manière la socialisation primaire influe-t-elle sur l’éducation alimentaire
et après la socialisation secondaire ?
Chez les petits ?
Oui, toujours chez les enfants.
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Alors je sais pas comment vous, vous avez euh envisager la question de la socialisation euh alors
classiquement, je crois que dans la formation on vous la présente euh du type socialisation primaire,
ensuite secondaire et tertiaire. Euh, donc ça c’est effectivement quelque chose qui a longtemps
prévalu et qui sous-tend alors sur la socialisation primaire, ce qu’on appelle le paradigme du
conditionnement, ça vous connaissez, vous êtes au clair là-dessus. Dans un deuxième temps, plutôt
le paradigme de l’interaction. Actuellement, en fait les gens qui travaillent sur la question de la
socialisation, donc soit sur les approches théoriques et également du point de vue de la socioanthropologie de l’enfance, tend à considérer la socialisation comme quelque chose d’hyper
plurielle…
…Oui
Et donc euh si vous voulez, ce qui va laisser en fait des traces à l’enfant euh sera d’autant plus fort
si y’a permanence en fait ou cohérence entre les différents univers de socialisation.
Ok.
Voilà, donc pour le dire autrement, si vous voulez, si les modèles en fait du papa et de la maman,
plus largement de l’entourage l’ont aussi, sont cohérents, donc ça vous avez en tête les travaux
voilà dans les systèmes scolaires quand ça répond en fait au même voilà système de valeur que,
que dans les milieux plutôt euh éduqués, etcétéra, euh donc la effectivement ça va fixer davantage
hein, les choses. A l’inverse, si vous voulez, plus c’est hétérogène, plus l’enfant est confronté à
différents univers, moins ça fixe et également, en fait ce qu’on se dire, c’est que plus peut-être, il
peut se distinguer en fait et s’autonomiser.
Oui, ok.
Donc ça c’est quelque chose, si vous voulez, cette tendance en fait de la pluralité qui est partagée
par tous les enfants, parce que de fait ils naviguent entre différents univers mais plus fortement
encore quand y’a hétérogénéité en fait dans les contenus de la socialisation. Donc ça dépend
vraiment en fait des trajectoires des enfants.
D’accord.
Ca dépend vraiment de tout ça. Après, ce qu’il faut que vous ayez euh en tête et que vous l’avez
enfin que vous avez sans doute abordé c’est toute la question de la socialisation en fait par les
univers médiatiques, par l’univers des marques, etcetera et ça, ça joue aussi à plein. Donc les
enfants, entendent, reçoivent, captent des choses et euh voilà ça permet…
…Oui, ils sont influencés par leur environnement.
Ouais, très très largement hein. Et donc ce qu’il faut regarder c’est plutôt si c’est cohérent si vous
voulez, ou si y’a des dissonances.
Ok.
Hum, hum.
Euh, est-ce que le rôle des parents a un impact plus important dans l’éducation alimentaire que
peuvent avoir les institutions par exemple ? Ou est-ce que vous pensez que…
…Oui alors je pense quand même que les premières expériences, si vous voulez, de socialisation
pour l’enfant, elles sont surtout alimentaires enfin beaucoup alimentaires et avec tout ce qu’il va
avec, donc le travail du soin, la notion affective, etcetera. Donc oui je pense que ça laisse quand
même une trace extrêmement forte, euh au niveau de la place de la famille d’autant à mon sens,
en fait mon hypothèse que j’avais formulé dans d’autres travaux, c’est que c’est une des rares
activités qui encore est commune dans la famille. C’est-à-dire que voilà euh on voit bien qui a des
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choses qui sont en train d’évoluer et que finalement on, on, y’a pas d’activité véritablement
commune même pour les questions de loisirs finalement, donc c’est de plus en plus cloisonné, mais
par contre pour le repas ça reste quand même très très fort.
D’accord.
Donc oui j’ai envie de dire qu’effectivement y’a une influence qui reste très très forte. Après y’a pas
mal de travaux qui avancent sur la question de la socialisation horizontale et euh la socialisation
horizontale elle est extrêmement aussi euh puissante euh par rapport aux mécanismes
d’intégration faites entre camarades.
Ok.
Donc on voit bien là aussi, ça laisse oui, ça laisse des traces, euh mais j’ai envie de dire que les
enfants, en fait assez vite ils captent ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils font avec leurs camarades
et ce qu’ils font en famille quoi, grosso-modo.
Ok.
Euh ouais sur ces aspects euh. Alors peut-être pour la question de l’importance de la socialisation
dans la famille, il y a des choses qui sont en train de commencer à être réfléchi, autour justement
de la place en fait de tout ça, de ces smartphones et tout ça, parce que ce dont on se rend compte
c’est qu’on continue en France à manger ensemble mais ça c’est de plus en plus envahissant.
Oui c’est vrai.
Donc y’a pas mal de psychologues qui commencent à regarder ça. Je pense que nous dans le
domaine de l’anthropologie on va devoir effectivement aussi le, le regarder plus sérieusement et
finalement les gens mangent ensemble mais euh à la limite ils discutent pas, ils se regardent même
plus.
Oui j’ai une amie qui me disait justement enfin au petit-déjeuner son copain il est avec son pc quoi.
Le midi il est avec son pc, elle me dit on est ensemble mais on est pas ensemble quoi.
Tout à fait. Donc effectivement, ça si vous voulez sur les traces ça va laisser d’autres traces sur la
socialisation mais pour ce qui est de la socialisation alimentaire, et euh quand on a un peu l’idéal
de ce dire que quand on est à table on parle de euh de bouffe et qu’on échange là-dessus, qu’on
transmet des choses, (aspire), euh voilà il faut, il faut vraiment…
C’est une utopie.
Utopie, euh ouais non y’a des endroits dans lesquels ça fonctionnent vraiment euh ouais alors JeanPierre Poulain s’amuse toujours en disant, qu’en France, en fait on est le rare pays où tout le monde
est capable de parler de la bouffe, même quand il n’est pas complétement expert etcetera. Donc,
donc je pense que y’a des choses quand même qui restent, mais effectivement ça devient de plus
en plus envahissant et ça modifie euh les interactions si vous voulez, et notamment la transmission
en fait euh des émotions gustatives. Voilà, probablement en fait y’a quelque chose…
…Après ça dépend dans quel contexte on est. Par exemple, moi pendant les repas de famille, en
étant plus jeune surtout, vers 15-16 ans…
…C’est ça.
Quand j’étais avec mes grands-parents j’évitais de le sortir.
Oui voilà. On arrive…
Y’a une certaine forme de respect quand même.
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Tout à fait. Complétement. Donc là aussi on transmet un petit peu ces, voilà, les moments en fait
où on peut et les moments où on peut pas.
Oui voilà.
Par contre, ‘fin, par exemple sur le tout petit enfant ce qu’on voit bien c’est que, par exemple, de
plus en plus de maman sont poussées par la norme euh médicale à allaiter mais elles peuvent
allaiter en fait tout en envoyant des textos ou en consultant des sites internet, etcetera. Donc bon
c’est…
…Elles le font un peu inconsciemment, il faut le faire donc…
…Ouais, dans tous les cas il faut regarder finalement, euh l’acte et euh regarder en fait oui à la fois
les contextes, les, les pluralités d’influence et les traces que ça laisse euh qui sont différentes. On
est pas dans une, un allaitement comment dire euh exclusif et focalisé en fait sur la relation.
Ok. Comment les institutions influent sur les comportements alimentaires ?
Alors, elles influent beaucoup. Euh, elles influent beaucoup pour les, pour les enfants. Alors,
actuellement, vous avez dû le repérer hein, y’a pas mal de travaux qui commencent à émerger sur
la question de la place en fait de la restauration scolaire dans les mécanismes de socialisation. Voilà,
donc on regarde aussi au niveau des crèches par exemple, euh ou les assistantes maternelles, ce
qui, ce qu’elles ont comme effet. Euh, je dirais que le, ces dernières années en fait le principal euh
apport sur la question de l’alimentation ça était la question médicale, la question en fait
nutritionnelle via l’éducation nutritionnelle. Peut-être de manière plus périphérique, en fait, la
question sensorielle même si ça a repris des titres de noblesse là depuis une dizaine d’années et
que c’est pas, voilà c’est plus vieux même que l’éducation nutritionnelle mais bon ça reprend un
peu les titres de noblesse mais je pense que c’est pas homogène en fait dans tous les
établissements, c’est pas euh une voilà, quelque chose qui a été appréhender en fait dans
quasiment tous les établissements à l’exception de la semaine du goût. Euh, voilà qui a laissé, qui
laisse des traces, etcetera. Je dirais ce qui monte aussi de plus en plus, c’est la problématique
environnementale et donc on arrive en fait à concilier les deux notamment par la sensibilisation
faite au gaspillage, voilà euh à la, tout, tout ce qui est…
…Par des ateliers éducatifs et tout ça j’imagine.
Exactement, exactement. Comment on recycle en fait euh, le recyclage, etcetera, etcetera. Donc
euh ouais là je pense que c’est les deux thématiques surtout qui ont vraiment marqué le, le champ
de l’enfance et donc de l’éducation, enfin des systèmes éducatifs.
D’accord.
Ouais.
Euh, quelle est la place, une question plus générale, de l’éducation alimentaire dans la construction
de l’identité du mangeur, qu’elle soit sociale ou culturelle ?
Alors, euh vous êtes toujours sur la dimension d’éducation plus que de socialisation comment vous
le euh ?
Oui, enfin comment, plutôt dans l’identité sociale surtout. Qu’est-ce que l’alimentation peut
apporter ?
Ouais, d’accord. Si vous voulez quand vous mettez la focale en fait sur l’éducation du coup vous
êtes plutôt dans les mécanismes en fait de socialisation, sur des mécanismes explicites ou implicites
ou euh mais pas quelque chose de comment dire pas diffus. C’est-à-dire, dans tous les cas euh une
volonté éducative en quelque sorte. Alors quelle trace ça laisse en fait. C’est ça ?
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Oui sur la construction de l’identité, est-ce que ça a un impact ?
Ah ben oui parce que ça intervient de toute façon dans le mécanisme plus large du processus de
socialisation et de fait y’a, y’a une voilà, on est à la fois sur intégration et appropriation des normes
et valeurs mais aussi euh globalement intégration au groupe, et donc euh l’éducation joue euh
effectivement sur la manière dont les, les enfants en fait vont se créer, se forger une éducation,
euh une identité sociale. Alors ce qu’on, ce qu’on regarde beaucoup c’est aussi par rapport, quand
on reprend les perspectives de Matty Chiva, vous les avez en tête, dans les mécanismes en fait
d’interaction, la façon finalement dont chaque expérience alimentaire va permettre à l’enfant de
mettre un, du sens en fait, ‘fin, c’est la manière dont il sémantise voilà quels sont les mots et les
prises de sens et de signification qu’il va mettre sur ses consommations dans l’interaction. Donc, ça
effectivement on euh voilà ça contribue de fait à construire son identité sociale.
D’accord. Pensez-vous que les goûts acquis dans les premiers moments de la vie ainsi que pendant
l’enfance, ont un impact sur les conduites alimentaires chez l’adulte ? Et s’il y en a un, pourquoi ?
Alors pour le moment en tous les cas, la littérature elle permet pas de prouver si vous voulez si ça
laisserait des traces en fait sur le voilà. Au niveau des adultes, ce qui est regardé c’est plutôt sur la
voilà du moyen, du court et du moyen terme mais c’est même pas encore euh prouvé. Euh donc
non moi je partirais plutôt de l’idée que la socialisation c’est un processus continu qui dure tout au
long de la vie et que finalement alors l’éducation ou la socialisation dans la primo-enfance par
exemple contribue à réduire et restreindre le champ des possibles en quelque sorte, donc le champ
sensoriel mais la socialisation est en continue tout au long de la vie, on peut systématiquement
réussir à élargir et modifier en quelque sorte. Alors on parle toujours de la fameuse mémoire
gustative…
…Oui c’était dans ce sens là.
Bien sût ça ça joue en fait euh ça laisse des traces sans doute et ça laisse des traces surtout dans la
mémoire et la petite histoire que vous racontez. Donc, sur la notion identitaire effectivement ça
joue complètement. Après, pour ce qui est du domaine plutôt stricto-sensoriel, je pense qu’on a
toujours la possibilité d’élargir.
D’accord. Est-ce que les enfants émettent un lien entre aliment et émotion ?
C’est-à-dire consciemment ?
Oui, justement est-ce que s’ils le font, c’est de manière consciente ou plutôt inconsciente ?
Alors je pense que c’est pas forcément conscient parce que même pour les adultes c’est pas
toujours évident.
Mais après en tant qu’adulte, il s’en rende compte non ?
Entre émotion et alimentation c’est ça ? Euh oui alors même tout petit si vous voulez, ils sont tout
à fait capables de décoder assez rapidement euh quand les parents enfin l’entourage l’ont aussi,
quand il est content, pas content de ces prises alimentaires. Ca se fait voilà, les travaux de Matty
Chiva ont montré que ça se faisait en fait dès le stade du nourrisson. Donc oui, je pense que ça, ça
contribue inconsciemment en fait à euh voilà, de manière un peu pensé j’en sais rien mais à leur
socialisation donc. Ils voient bien, par exemple moi ce que j’avais vu dans mes terrains c’était sur
les, des enfants si vous voulez qui, dont les parents sont séparés et qui arrivent à jouer
complètement en fait sur l’affect justement en montrant bien que quand la maman est contrariée
parce que le gamin a fait plein de trucs avec son papa ben ils arrivent à en jouer. Donc, non non je
crois que les enfants ‘fin dès tout petit en fait ils décodent hein, ils décodent tout ça. Euh mais c’est
dans l’interaction si vous voulez donc c’est pas quelque chose sur lesquelles on va forcément mettre
des mots mais pour le coup ça a quand même une efficacité.
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D’accord. L’effet de masse est-il présent dans un groupe d’enfants et pourquoi ?
Alors là pour ça vous pouvez aller voir si vous l’avez pas fait les travaux de Dominique Pasquier sur
la tyrannie de la majorité, je sais pas si vous avez consulté.
Non pas encore. Enfin, j’ai parlé de l’effet de masse mais je ne me suis pas appuyé dessus encore.
Ouais ouais, elle elle parle de tyrannie de la majorité alors en montrant notamment chez les
adolescents surtout euh comment ces influences des camarades ont un effet redoutable finalement
sur la manière dont les enfants vont euh taire certaines préférences, euh voilà se modeler à des
tenues vestimentaires, etcetera, etcetera.
C’est dans quel but ? Le but de se conformer et d’appartenir à un groupe social ?
Ah oui oui dans ces cas-là en fait ce qu’il compte le plus c’est de s’intégrer tout compte fait. Donc
on inhibe en quelque sorte.
Et est-ce que cet effet de masse il est applicable à d’autres groupes sociaux ?
Ah ben on le retrouve dans plein de niveaux. Hein, donc également dans la socialisation
professionnelle chez les adultes, etcetera. Il peut y avoir effectivement des espèces de de
conformisme d’intégration en quelque sorte. Donc ça oui ce sont des choses qui ont déjà été
documenté euh à la fois sur la problématique en fait du suivi des régimes qui est parfois compliqué
en contexte professionnel, ça peut être aussi sur le respect de prescriptions religieuses, etcetera,
on va mettre sous silence en quelque sorte.
Pour les enfants, est-il nécessaire qu’un aliment soit chargé symboliquement ?
Pour les enfants ?
Oui, ou n’ont-ils pas conscience de la symbolique ?
Alors je pense qu’ils ont tout à fait euh là encore c’est, c’est des mécanismes un peu diffus si vous
voulez dans la socialisation mais qui jouent quand même à plein. Dans la petite enfance, pour
l’illustration parce que parfois c’est, c’est plus simple comme ça. On a vu très nettement si vous
voulez une différence entre l’alimentation dites baby-food donc industrielle et l’alimentation faitmaison. Alors sur l’univers salé, si vous voulez, ce que ça laissait en fait comme trace c’est que les
enfants ils captent très vite que sur du baby-food, les parents font juste vérifier que la température
en fait est correcte, qui a pas de brûlure possible et c’est tout, donc il mange pas le plat. Vous verrez
très rarement, en fait, mais vraiment enfin nous on l’a pas observé, un parent qui va…
…Même goûter.
Goûter mais c’est même pas goûter en fait, c’est vraiment maintenir en fait et piller même en
quelque sorte dans ces jeux qu’on peut mettre en place, etcetera donc ça se fait pas. Y’a une
barrière et l’enfant ça, il décode assez rapidement si son alimentation est désirable ou pas. Et dans
ces cas-là, il bascule plus rapidement dans du non-spécifique, c’est-à-dire que ce qu’il voit bien c’est
que l’alimentation qui est mangé après, hein le plus souvent l’alimentation des adultes ou du grandfrère ou de la grande sœur, etcetera, c’est vachement mieux. Voilà et ça c’est pas le cas quand on
fait du fait-maison, parce qu’on sait comment ça était fait, il y a beaucoup plus de goût et dans ces
cas-là les moments en fait où le parent va mettre en bouche, dans sa propre bouche sont beaucoup
plus forts. Donc il faudrait pouvoir faire une anthropologie presque du comptage de la mise en
bouche ou de la non mise en bouche mais là y’a vraiment un truc, et ça les enfants ils décodent très
très vite.
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Oui, d’accord. Du coup, on va passer sur le lien enfant-insecte car je l’utilise les insectes comme
aliment différent. Quel est le rapport des enfants vis-à-vis de la consommation d’insectes ? En plus,
vous y avez travaillé dessus.
Oui, hum hum. Par rapport, à mon expérience, en fait qui est encore hum très très marginale euh
ce qui jouait à plein en fait c’était l’effet de contexte. Vraiment, euh, les dispositifs qui étaient mis
en place sur les insectes, dans la mesure où y’a toute la question de la gestion des risques en fait
allergiques, font qu’on est obligé de demander des autorisations parentales donc euh les enfants
du coup sont informés de ces dispositifs, bien avant notre intervention. Donc ça crée une espèce
d’émulation, etcetera. Donc on est sur la dimension de curiosité, mais curiosité qu’on va construire
avec le groupe et un peu la dimension encore de prise de risques. Donc ils se nourrissent comme
ça, ils nourrissent leur imaginaire en fait là-dessus et donc l’effet du contexte social était
extrêmement fort dans l’enthousiasme qui avait, après c’est pas impossible que quand même que
ça retombe et faudrait pouvoir le tester sur des, des voilà des dimensions beaucoup plus isolées où
on coupe l’enfant en fait de ses camarades et des influences en fait des voilà, de l’émulation de
groupe en quelque sorte. Donc euh, donc à voir alors après en terme de ressenti, euh sur les
produits que nous on a testé, on était sur des produits où très clairement en fait, les enfants se
jetaient davantage sur la saveur pop-corn que sur les autres saveurs. Parce que voilà le côté popcorn c’est quelque chose qu’ils connaissent, ça renvoie au cinéma donc à l’extraordinaire enfin y’a
tout ça je pense qui rentre en ligne de compte puis c’est du sucré donc ça passe peut être un petit
peu mieux. Euh voilà après on a assisté à un vomi, très très net d’un enfant qui avait vraiment voulu
dépassé la barrière et qui c’était laissé complètement et qui avait très envie mais le corps n’a pas
supporté. Donc là on était sur une forme de dégoût cognitif, voilà vécu, qui était important en fait
à repérer.
Et leurs réactions vis-à-vis du visuel ? Mimiques…
Pas trop non, pas trop finalement, pas trop parce que euh alors pour certains comme ils en avaient
parlé avec un peu avec leurs parents donc du coup je pense qu’ils avaient déjà une idée, les parents
peuvent peut-être regarder sur internet, ça facilite hein et donc leur montre des images, etcetera.
Effectivement sur les criquets peut être un peu plus euh mais on a des trucs enfin voilà des réactions
très très différentes. Enfin voilà, je pense que ce qui va jouer beaucoup là sur ces expérimentations
qu’on devrait tester, c’est la dimension ruralité ou non-ruralité où quand y’a pas ruralité c’est
facilité car y’a une expérience quand même de la nature parce que les cas de consommation
d’insectes par les enfants ils sont présents si vous voulez, notamment chez les enfants qui vivent à
la campagne, etcetera. On peut être amené à ingérer des fourmis, des choses comme ça et puis le
tout petit enfant avant qu’il soit éduqué là-dessus.
Oui, il goûte tout.
Donc là y’a peut-être une ligne de partage possible.
D’accord.
Et ensuite il y avait un autre aspect, c’est que les enfants de confession musulmane pour lesquels
les parents n’avaient pas accepté en fait la consommation, là y’a quelque chose aussi à creuser.
Oui, oui.
Par rapport à la problématique de la famille des mollusques auxquels ils sont apparentés.
Oui c’est comme l’allergie serait rapprochée à celle des crustacés.
Exactement.
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Et est-ce que vous avez un avis sur le rapport des adultes vis-à-vis des insectes ? Je ne sais pas si
vous avez pu mener une expérience.
Non on a juste tenté comme ça de manière expérimentale. C’est plus compliqué effectivement.
Euh, l’effet de contexte il est moindre, enfin de contexte si vous voulez, enfin de contexte entre
guillemets mimétiques avec les pairs il est moindre. Après l’effet de contexte peut jouer quand
même, sur la dimension un peu extraordinaire et du coup on a inscrit un peu trop la dimension
apéritive et donc euh extraordinaire véritablement. Pour les adultes ouais non je crois que
spontanément euh c’est plus pour certains en tous les cas c’est plus compliqué après il faut creuser.
Voilà est-ce qu’il y a eu des expériences d’ouverture, de fermeture dans le répertoire alimentaire.
Est-ce qu’il y a des valeurs justement par rapport à la question environnementale qui sont déjà bien
présentes, médicales.
Justement souvent ils ne connaissent pas les enjeux de consommer des insectes.
Alors voilà ça dépend des milieux y’en a qui sont assez, assez bien informés euh et c’est pas sur les
enjeux environnementaux c’est plutôt sur les questions médicales enfin nutritionnelles. Après ça
pose plein de questions en fait là. Ce qu’on testé par exemple les licences 3 sur les entretiens, ce
qu’ils ont fait apparaitre et moi je trouvais, c’est un beau résultat, c’est que les gens par exemple
considèrent sur le volet nutritionnel que quand c’est petit du coup ils vont pas avoir leur stock en
fait de protéines. Même s’ils savent pertinemment qu’ils vont avoir un bol entier, etcetera, quelque
part y’a un cap entre les petites bestioles versus le gros steak voilà. Et donc du coup ils ont le
sentiment que c’est pas complet en quelque sorte. Du coup c’est plus compliqué pour les adultes,
ça fait intervenir certainement beaucoup plus de choses.
Est-ce que la curiosité alimentaire chez les enfants peut avoir un impact plus tard dans le
comportement alimentaire des adultes ?
Oui sans doute, sans doute. Et après moi la curiosité alimentaire, effectivement y’a quelque chose…
De l’ordre de la néophilie.
Oui exactement. Mais indépendamment de ça, ça s’éduque. On éduque ou pas la curiosité.
Oui, c’est selon les parents. Quel lien faites-vous entre diversification alimentaire et processus
d’acceptabilité à l’âge adulte ?
Par rapport à la question de la diversification. Alors ça, effectivement y’a pas mal de travaux qui
regardent ces questions-là donc on a pas un regard complètement arrêté mais qui déjà
considèrerait que moins l’enfant en fait euh a une alimentation diversifiée au cours de sa
diversification alimentaire, plus ils seraient néophobes, ça c’est un premier plan. Alors après de là
à mettre en miroir par rapport à la néophobie chez les adultes c’est pas encore complètement
prouvé scientifiquement. Voilà donc on avance plutôt sur le format hypothèse.
Ok. D’accord. Donc du coup, oui, dans quelle mesure la néophilie ou la néophobie de l’adulte sontelles une conséquence de cela ?
Moi je le verrais vraiment en fait voilà je vous inviterais si vous voulez à élargir ces questions autour
de la question de la socialisation et donc (tousse) se dire que la socialisation c’est de fait la
restriction de la sensorialité mais la restriction de la sensorialité en fait elle est plus ou moins
grande. Voilà et donc effectivement on peut probablement, c’est pas complètement prouvé, que
parce que y’a plein de facteurs qui rentrent en ligne de compte mais probablement que ça, c’est un
paramètre si vous voulez qui aide ou qui n’aide pas.
Euh et dernière question, en quoi peut-on dire qu’un enfant a accepté socialement un aliment, que
celui-ci devient socialement comestibles ? Avec la question de la fréquence, de la quantité…
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Euh oui ça va dépendre, c’est-à-dire que soit l’aliment en fait va être inséré, là il faut reprendre un
peu l’espace social alimentaire si vous voulez voir à quel niveau il est présent ou pas présent, euh
je pense par exemple au statut qu’on pourrait lui donner. Actuellement, c’est quand même très
ciblé sur la dimension extraordinaire et apéritive pour le coup, le petit truc qu’on picore, etcetera.
Après, enfin y’a un problème au niveau du statut de l’insecte, comment on le défini, comme aliment
d’origine animale, végétale. Il peut y avoir une confusion à ce niveau également.
Euh pour le moment je sais pas si c’est bien, je pense qu’à ce niveau-là le euh la notion si vous
voulez, l’articulation qui est faite entre l’animal et la viande on va dire en quelque sorte, elle est
quand même plus facile chez les enfants que chez les adultes. C’est-à-dire que c’est les adultes qui
vont leur construire en quelque sorte, si vous reprenez le truc de Lynch là voilà le répertoire du
comestible et du non comestible. Ou les travaux de Mary Douglas plus classiquement, etcetera.
Donc euh pour eux si vous voulez, en tous les cas pour mes expériences sur le terrain que j’ai mené,
les enfants ne voient pas trop le problème et il n’y a pas de disjonction très très net entre l’insecte,
donc l’animal et ce qu’on va manger. C’est plus marqué chez les adultes voilà. Donc du coup, on
peut tout imaginer si vous voulez, à partir du moment où on arrive à stabiliser euh voilà le fait qui
est pas de disjonction, ça pose probablement moins de problèmes en fait à, à la consommation en
fait c’est moins impropre en quelque sorte.
Y’a pas besoin de le manger une fois, deux fois, trois fois pour que l’enfant se dise que c’est
vraiment…
…En fait il y a plusieurs choses dans votre question. Y’a à la fois si vous voulez, euh pourquoi, pour
qu’ils se disent que c’est un animal ?
Oui, enfin plutôt un aliment comestible, enfin…
…Non ils ont moins de problème de comestibilité sincèrement. Alors en plus bon là ça dépend de
la manière dont ils sont présentés mais quand ils sont présentés en plus dans leurs emballages, on
l’ouvre, etcetera pour eux c’est sécurisant etcetera donc euh y’a du marketing enfin bon. Donc non
non non ça ça pose pas de soucis particulier et c’est pas forcément la répétition euh qui va avoir un
effet sur la comestibilité de cet animal. Par contre, la répétition en fait de la fréquence et donc
l’ancrage en quelque sorte des insectes dans les modèles alimentaires euh voilà ça c’est quelque
chose de différent, c’est-à-dire que l’enfant va soit attribuer euh une dimension en fait un peu
extraordinaire, euh etcetera plutôt festive à cet aliment, en quelque sorte, potentiel, soit
véritablement l’inscrire dans son répertoire en fonction de la fréquence. Donc y’a deux niveaux
pour votre questionnement je pense.
Ok, d’accord. Voilà, merci.
D’accord, écoutez super, j’espère que ça vous a aidé. C’est un super sujet.
91
Annexe C : Le gaspillage alimentaire en France
Source : Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Alim’Agri. Disponible sur :
http://agriculture.gouv.fr/infographie-le-gaspillage-alimentaire-en-france
92
Annexe D : Lettre consommateur
Objet : demande client
Monsieur le directeur, Madame la directrice,
Je suis client(e) de votre magasin et je souhaite vous proposer de participer à une initiative antigaspi
que je trouve très intéressante et que j'aimerais trouver dans votre magasin.
Il s'agit de signaler par l'étiquette ci-dessous les produits proches de leur date de consommation.
Vous serez gagnant en ne jetant plus ces produits et nous pourrons nous, consommateurs, les
repérer plus facilement et réaliser de belles économies.
Sachez également que ces étiquettes financent un programme de soutien aux associations
caritatives qui luttent contre le gaspillage alimentaire.
Vous trouverez toutes les informations utiles sur le site www.lesgueulescassees.org qui permet de
commander les étiquettes.
Le gaspillage alimentaire est devenu une chose insupportable à toutes et à tous, et votre aide pour
nous permettre de limiter ce gâchis en nous offrant un accès à des produits moins chers est capitale.
Sachez que je signalerai localement aux autres consommateurs l’existence de cette démarche dans
votre magasin afin qu’ils soient le plus nombreux possible à en profiter.
En vous remerciant infiniment pour l'écoute que vous voudrez bien apporter à cette demande et
Dans l'attente de votre réponse.
Cordialement,
Nom :
Adresse :
Mail :
Noms et Signatures d’autres clients du magasin :
93
Annexe E : Logo des « Gueules Cassées »
94
Annexe F : Retranscription de l’entretien avec un
consommateur
Bonjour, donc euh première question, suivez-vous une alimentation particulière ?
Alors non, enfin euh je mange de tout.
Ok, et à quelle fréquence mangez-vous des légumes ? Et de la viande ?
Alors les légumes hum je dirais tous les jours mais euh la viande euh je suis pas très viande donc
euh je dirais pas souvent genre euh si j’en mange tous les deux jours c’est déjà bien et puis euh
c’est des viandes enfin que je cuisine pas trop. Je mange du jambon quoi (rire) sinon lardon, steak
haché bien cuit hein euh ça me dégoute sinon et escalope de poulet mais c’est rare ça quand même.
Euh en fait je pense que je mange ouais…je mange de la viande vraiment si on me la cuisine. Genre
tu vois j’adore le bœuf bourguignon mais celui de ma mère (rires) jamais j’irai m’en cuisiner quoi.
Euh d’accord. Quand vous mangez de la viande faites-vous le lien entre l’animal et la viande de cet
animal ? Est-ce que cela vous dérange si vous pensez à l’animal qui a été tué ? Pourquoi ?
(soupir) alors là j’essaie de pas y penser en fait mais ouais, oui forcément tu fais un peu le lien je
pense. Je pense que c’est aussi pour ça que j’ai du mal à en manger, du moins à la cuisiner aussi.
Après je viens d’un monde rural, genre j’ai plein de personnes euh de ma famille ou ouais de mon
entourage qui bossent là-dedans donc je je connais, je sais bien que les animaux sont élevés pour
ça quoi. Enfin genre mon grand-père élevait des lapins.. Quand j’étais petite j’allais les nourrir et
tout avec lui. Y avait notre préféré et ben jamais on l’a tué quoi… et maintenant jamais tu me feras
manger du lapin. J’ai trop de je sais pas trop si je peux dire ça mais ouais j’ai trop de liens ou genre
des souvenirs avec les lapins par exemple.
D’accord. Si je vous dis aliments différents, à quoi pensez-vous ?
Humm je dirais aliments qu’on a pas l’habitude de manger, je sais pas moi d’ailleurs
Consommez-vous des aliments hors culture française ? De type chinoise, indienne… et tout ça
Ouais ! les pates chinoises c’est super pratique ! hop tu mets de l’eau dedans et c’est prêt. (rire)
non mais sinon oui je mange des aliments de différentes origines bon après j’aime pas trop trop
quand c’est super épicé (rires) après tu sais enfin je suis super difficile, j’aime pas grand-chose
quand même (rire)
Seriez-vous intéressé par manger des aliments qui ne sont pas inscrits dans nos normes françaises
?
C’est-à-dire ? Un truc qu’on a pas l’habitude de manger ? Genre quoi ?
Est-ce que vous mangez des insectes ou cela vous dérangerait-il ?
Ah des insectes j’en ai déjà mangé mais euh après euh ouais c’était par curiosité et euh c’était des
trucs grillés et bien salés quoi donc pas vraiment intéressant je dirais euh mais ouais grillé pourquoi
pas euhh mais si c’est genre euh tout gluant ou quoi alors là euh non merci hein (rires)
Connaissez-vous les fruits et légumes « moches ? »
95
Ah ouais y a euh la campagne de pub de Inter ou je sais plus quel supermarché là.. mais après c’est
vrai que genre euh pour les pommes quand euh je les achète euh en magasin comme ça euh j’ai
tendance à euh ouais à vouloir bien les choisir et euh prendre les plus belles quoi.
Hum en fait, ce sont des fruits et légumes qui sont malheureusement rejetés par les industriels la
plupart du temps pour euh faute de mauvais calibrage par exemple ou qui sont déformés. Du coup,
est-ce que cela vous dérangerait d’acheter des fruits et légumes comme ça et de les consommer ?
Euh bah si ils sont moins cher pourquoi pas, genre pour cuisiner ça peut euh être bien. Quand tu
prends une pomme comme tu dis euh moche, quand elle est découpée et euh cuite genre en
compote bah tu vois pas qu’elle était euh ouais abimée ou moche. Après genre les pommes et tout
j’en ai dans le jardin et quand elles sont moches euh ça m’empêche pas de les manger… c’est notre
euh notre propre production donc ouais on va pas gâcher. Ça serait la même optique ouais pour
euh les industriels quoi.
Cela existe en fait. Si votre supermarché en proposait, vous en achèteriez donc sachant qu’en plus
ils sont vendus entre 30 et 50% moins cher ?
Ah bah ouais oui euh du coup. Après je fais pas mes courses chez euh Inter, je vais au leclerc donc
là bas y a pas ça je crois.
Désormais, ils ne sont pas que à intermarché en fait. Savez-vous quel est l’enjeu ou quels sont les
enjeux de ce concept de vendre des produits moches ?
L’anti gaspi je suppose ?
Oui, voilà. C’est surtout l’enjeu du gaspillage alimentaire que vous connaissez donc. Pouvez-vous
me dire quelques mots dessus ?
Euh ouais euh, bah c’est pas bien de gaspiller, c’est des sous foutu en l’air et euh surtout des
denrées… genre tout le monde a pas à manger et nous on euh on fait les difficiles parce que euh le
fruit ou euh le légume est pas beau ou quoi. Je sais pas même pour la conscience c’est pas
terrible. On nous euh apprend à finir nos assiettes pour de pas euh gaspiller mais faudrait euh je
pense nous apprendre déjà euh aussi à ne pas euh gaspiller euh en amont.
Merci, oui c’est un grand enjeu économique et environnemental en fait. On produit des émissions
de gaz à effet de serre, du gaspillage d’eau pour rien et derrière on perd de l’argent. Consommeriezvous des insectes si je vous en proposais à goûter ?
Ouais euh après comme je te l’ai dit tout à l’heure euh pas un truc gluant hein genre un truc grillé
ou quoi.
Oui oui grillé (rire). En achèteriez-vous si votre commerce en proposait ?
Euh on en a acheté pour essayer avec une amie quand j’ai gouté là comme je te disais tout à l’heure
mais euh c’était par simple curiosité et euhh c’était pas donné quand même. Donc non, ouais j’en
achèterais pas je pense. Euh c’était pas un produit coût de cœur quoi
Euh d’accord. Si vous en consommeriez, dans quelle mesure le ferait-vous ? Apéro, repas…
Euh bah je ne sais pas trop, je les avais gouté comme ça genre direct en sortant du magasin mais je
pense que ouais plus en apéro si je devais en remanger. Euh parce que c’est quand même ultra salé
quoi.
Pensez-vous qu’à la place de manger votre viande, vous pourriez manger l’équivalent en insectes,
un bol d’insectes par exemple ?
Euh, non je pense pas vraiment euh un bol entier ? bah non non je ne pourrais pas je pense.
96
Selon vous, combien de personnes consomment des insectes sur terre ?
Oula, euh alors là aucune idée. Euh mais ça à du augmenté quand même non ? genre on en parle
de plus en plus je crois
En réalité 2 millairds de personnes en consommaient en 2013. Savez-vous pourquoi consommer
des insectes est important ?
Euh je sais pas euh parce qu’ils sont plein de protéines euh genre je crois que en cours de bio j’avais
vu euh que c’était autant que le bœuf ou je sais plus trop quoi mais euh surtout euh ça pollue moins
non ?
Car il y a de réel enjeu principalement environnemental, la quantité de viande s’affaiblit de plus en
plus et cela sera plus compliqué quand nous aurons une population mondiale encore plus élevé. En
plus, quand on produit de la viande euh on produit beaucoup d’émission de Co2 et on consomme
beaucoup d’eau alors que pour un insecte cela est moindre en fait. Manger des insectes ça serait
aider notre environnement comme pour les fruits et légumes moches en fait, rien n’est nocif la
dedans. Maintenant est-ce que cela vous dérangerait d’en manger, du moins de temps en temps ?
(rire) euh pourquoi pas oui, je suis assez proche de ces problèmes euh de l’environnement, du euh
bien être animal et tout ça. Euh mais déjà je mange pas beaucoup de viande alors des insectes ça
serait pareil je pense (rires)
D’accord. Vous auriez plus de facilité à manger des légumes moches que des insectes ?
Ah oui je pense (rire).
Merci.
97
Table des matières
Introduction ......................................................................................................................................8
Partie 1.
Conformité et références d’un individu : du social à l’alimentation ............................10
Chapitre 1.
1.
Objet et fonctions ............................................................................................................ 11
1.1
Conduite et comportement : les normes sociales............................................11
1.1.2
Se nourrir : les normes alimentaires ................................................................12
Fonction des normes ...............................................................................................13
1.2.1
Normes : outils de régulation des comportements .........................................13
1.2.2
La norme est double : contrainte et désir ........................................................13
1.2.3
Déviance et anomie : individualité ou outil d’évolution des normes ? ............14
1.3
3.
Définition théorique ................................................................................................11
1.1.1
1.2
2.
Normes sociales et normes alimentaires .............................................................11
Application des normes, ressources pour l’individu ................................................15
1.3.1
Les valeurs et croyances ..................................................................................15
1.3.2
L’environnement : la société, la « communauté », le groupe social ................16
1.3.3
L’importance de l’environnement alimentaire chez le mangeur .....................16
Contraintes et acceptabilité sociale : la socialisation ...................................................... 18
2.1
Définition de la socialisation ....................................................................................18
2.2
Socialisation primaire et secondaire ........................................................................18
2.2.1
Le contexte familial : support primaire ............................................................18
2.2.2
Les institutions : pérennisation et processus de socialisation .........................19
Normes alimentaires : construction de l’identité individuelle et collective ..................... 20
3.1
L’alimentation comme support de construction de l’identité .................................20
3.1.1
Identité individuelle .........................................................................................20
3.1.2
Identité collective ............................................................................................21
3.1.3
Identité alimentaire .........................................................................................21
98
3.2
Le changement social ..............................................................................................22
3.2.1
Le processus ....................................................................................................22
3.2.2
Source d’évolution ...........................................................................................23
3.3
L’innovation normative............................................................................................24
3.3.1
Innovation : un terme précis ............................................................................24
3.3.2
Modification des normes par l’innovation .......................................................24
Chapitre 2.
1.
Modèle alimentaire français : construction du comportement alimentaire.................... 26
1.1
L’alimentation comme fait social et culturel ...........................................................26
1.2
Définition et construction du modèle alimentaire français .....................................27
1.2.1
Définition .........................................................................................................27
1.2.2
Des facteurs de changement social .................................................................27
1.3
3.
Historique et structure du modèle alimentaire français ..........................................29
1.3.1
Les siècles derniers ..........................................................................................29
1.3.2
De nos jours .....................................................................................................30
1.4
2.
L’alimentation en France .....................................................................................26
L’espace social alimentaire ......................................................................................31
1.4.1
Définition et caractéristiques...........................................................................31
1.4.2
Comportement et aliments : l’ordre du mangeable ........................................32
La modernité alimentaire ................................................................................................ 33
2.1
Principes ..................................................................................................................33
2.2
Une société « hypermoderne» : vers une nouvelle forme de normalisation ...........33
2.3
Difficultés de modernité des aliments hors-normes : l’exemple des insectes .........34
2.3.1
Source d’enjeux importants .............................................................................34
2.3.2
Statut et symbolique de l’insecte ....................................................................35
2.3.3
Entomophagie : contrainte sociale ..................................................................36
Des dimensions symboliques de l’incorporation ............................................................. 37
3.1
Le paradoxe de l’omnivore et l’incorporation sociale..............................................37
99
3.1.1
Le paradoxe de l’omnivore ..............................................................................37
3.1.2
La symbolique et le principe d’incorporation ..................................................37
3.2
La peur du nouveau et de l’inconnu : la néophobie alimentaire .............................38
Conclusion ............................................................................................................................... 39
Partie 2.
Hypothèses des leviers de l’évolution du modèle alimentaire français .......................40
Chapitre 1.
1.
Hypothèse 1 : Une acceptabilité dès l’enfance faciliterait celle de l’adulte .........41
La construction du goût chez l’enfant ............................................................................. 41
1.1
Définition du goût....................................................................................................41
1.2
Le goût chez l’enfant : construction.........................................................................42
1.3
Le goût chez l’adulte : évolution ..............................................................................43
1.3.1
L’identité alimentaire ......................................................................................43
1.3.1.1 « Hérédité » alimentaire ...............................................................................43
1.3.1.2 Expériences de vie du mangeur ....................................................................43
2.
Le dégoût alimentaire ..................................................................................................... 44
2.1
Les raisons de ce dégoût ..........................................................................................44
2.2
Le dégoût chez l’enfant ...........................................................................................45
2.3
Le dégoût chez l’adulte ............................................................................................46
2.4
L’exemple du Durian ................................................................................................46
2.4.1
Analyse de Matty Chiva ...................................................................................46
2.4.2
Conclusion de l’analyse....................................................................................47
2.5
L’exemple des insectes ............................................................................................48
2.5.1
Analyse ............................................................................................................48
2.5.2
Conclusion de l’analyse de l’entomophagie .....................................................49
Conclusion chapitre 1 .............................................................................................................. 49
Chapitre 2.
Hypothèse 2 : Accepter d’abord des aliments d’origine végétale exclus
influencerait l’acceptation de ceux d’origine animale .................................................................50
1.
Le mangeur et les aliments d’ordre végétal et animal..................................................... 50
100
2.
L’engouement du végétal : Cas pratique d’aliments hors-normes, l’exemple des fruits et
légumes moches ...................................................................................................................... 51
2.1
De la dimension économique à la dimension sociologique .....................................51
2.1.1
Définition d’un « aliment moche » et concept ................................................51
2.1.2
Normes esthétiques et culturelles des fruits et légumes .................................51
2.1.3
Influence des choix alimentaires .....................................................................52
2.1.3.1 Les aliments exclus : choix culturels .............................................................53
2.1.3.2 Le gaspillage alimentaire, une crise engendrant le changement ? ...............53
2.2
Du niveau économique au niveau sociologique ......................................................54
2.2.1
Au niveau économique ....................................................................................54
2.2.2
Au niveau sociologique ....................................................................................54
2.2.3
Lien entre économie et sociologie ...................................................................55
2.3
Les aliments moches : un engouement ?.................................................................56
2.3.1
L’association « les Gueules Cassées » ..............................................................56
2.3.2
Les raisons et les buts ......................................................................................56
2.3.2.1 Enjeux et acteurs ..........................................................................................56
2.3.2.2 Motivations et conséquences .......................................................................58
Conclusion chapitre 2 .............................................................................................................. 59
Partie 3.
Méthodologie probatoire ............................................................................................60
Chapitre 1.
Méthodologie de recherche ................................................................................61
1.
Méthode .......................................................................................................................... 61
2.
Enquête qualitative ......................................................................................................... 61
2.1
L’échantillon ............................................................................................................62
2.2
Le guide d’entretien ................................................................................................62
2.3
L’analyse ..................................................................................................................63
Chapitre 2.
1.
Les outils choisis ..................................................................................................65
L’observation ................................................................................................................... 65
101
2.
3.
1.1
Définition .................................................................................................................65
1.2
Mode opératoire .....................................................................................................65
1.2.1
Trame d’observation........................................................................................67
1.2.2
Grille d’observation .........................................................................................68
Le focus group ................................................................................................................. 69
2.1
Définition .................................................................................................................69
2.2
Mode opératoire .....................................................................................................69
L’entretien individuel semi-directif ................................................................................. 71
3.1
Définition .................................................................................................................71
3.2
Mode opératoire .....................................................................................................72
Conclusion générale ........................................................................................................................74
Bibliographie ...................................................................................................................................76
Annexe A : Judaïsme, troisième des cinq livres de la Torah (Pentateuque), Le Lévitique 11.1-47 (Les
animaux purs et impurs) .................................................................................................................81
Annexe B : retranscription de l’entretien avec une maître de conférences et sociologue ..............82
Annexe C : Le gaspillage alimentaire en France ..............................................................................92
Annexe D : Lettre consommateur ...................................................................................................93
Annexe E : Logo des « Gueules Cassées » .......................................................................................94
Annexe F : Retranscription de l’entretien avec un consommateur .................................................95
102
Résumé
L’individu en tant qu’entité sociale se normalise. En effet, afin d’appartenir à un groupe
social, à une société, il se contraint inconsciemment à respecter des normes, des valeurs, des rites,
des règles, qui lui permettent de se façonner une conduite et des pratiques alimentaires conformes
à un modèle, ici français. Ces conduites s’inscrivent chez le mangeur depuis sa naissance par
transmission familiale ainsi que par les institutions. La construction de l’identité sociale est
principalement établie grâce à la socialisation primaire et continue tout au long des expériences de
vie du mangeur.
Aujourd’hui, notre monde, notre société évolue, nous faisons face à une modernité alimentaire qui
engendre un changement social et des innovations. La réflexivité du mangeur change, il s’ouvre à
d’autres cultures de par le multiculturalisme présent en France. Cependant, des aliments restent
toujours exclus du modèle alimentaire français, nous tenterons donc de comprendre comment
nous pourrions faire évoluer les comportements alimentaires vis-à-vis de ces aliments, avec une
focale sur le processus d’acceptabilité.
Mots clés : norme, pratiques alimentaires, modèle alimentaire français, socialisation, évolution,
aliments exclus, acceptation.
Summary
The individual as a social identity normalizes himself. Indeed, in order to belong to a social
group, a society, he is unconsciously forced to comply with standards, values, rites, rules, that allow
him to shape dietary practices consistent with a model, in our case the French model. These
behaviours have existed in the eater since birth by familial transmission as well as by institutions.
Social identity construction is mainly established through primary socialization and continues
throughout the life experiences of the eater.
Today, our world, our society is changing, we are facing a food modernity that creates social change
and innovation. The eater reflexivity changes, he opens to other cultures through multiculturalism
which is present in France. However, some foods are still excluded from the French food model, so
we will try to understand how we could change our eating habits with respect to these foods, with
a focus on the acceptability process.
Key words : standard, eating practices, French food model, socialization, evolution, excluded food,
acceptance.
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