
Quelles solutions à la crise financière ?
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Introduction
par James Galbraith
Pour commencer, je voudrais vous rappeler brièvement comment nous est venue l’idée
de ce colloque. Tout a démarré au début de l’année 2008, par un échange que j’ai eu avec
Aurore Lalucq, et auquel Pierre Calame a été étroitement associé. Nous pensions que
personne n’avait encore pleinement pris la mesure des difficultés du secteur financier, qui
avaient commencé à se manifester très clairement en août-septembre 2007, ni de leurs
conséquences pour l’économie américaine et plus généralement pour l’économie mondiale. Il
nous semblait utile de réunir pendant quelques jours un groupe d’économistes pour examiner
la situation et, dans la mesure du possible, développer une réflexion commune et parvenir à
une meilleure compréhension des problèmes qui allaient probablement se poser. Nous
n’avons pas eu de difficultés à convaincre quelques personnalités parmi les plus éminentes et
les plus compétentes de nous consacrer quelques jours. Nous les avons réunies à Paris, en juin
2008, grâce au soutien de la Fondation Charles-Léopold Mayer et de l’Initiative Internationale
pour Repenser l’Economie.
A la suite de cette rencontre, j’ai rédigé un long rapport qui a dans un premier temps
été diffusé dans certains cercles politiques aux Etats-Unis, avant d’être publié dans Challenge
Magazine. Ce rapport a été rédigé à un moment où la crise financière ne faisait pas encore la
une des journaux du monde entier, où elle n’était pas la question centrale de la campagne
présidentielle américaine. Nous y affirmions néanmoins qu’elle avait de grandes chances
d’être au cœur des préoccupations de la future administration.
De notre point de vue, le système financier des Etats-Unis, et plus largement celui du
monde occidental, se trouvait dans une situation que nous n’avions encore jamais connue au
cours de notre carrière : il rencontrait une série de difficultés qui ne pourraient être rapidement
surmontées ni par les processus ordinaires d’ajustement du marché, ni par des interventions
régulatrices mineures. Et nous pensions que les conséquences de ce phénomène allaient
rapidement devenir le problème économique du moment. Je dois l’avouer, nous n’avions pas
prévu que les choses iraient aussi vite. Je pensais pouvoir conserver ma réputation de prophète
si je publiais mon texte en novembre 2008, et que les événements ne se produisaient qu’après
l’élection. Mais la crise s’est brusquement accélérée, et des problèmes insurmontables sont
apparus dès la mi-septembre.
Nous faisions face à toute une série de phénomènes en gestation depuis près d’une
décennie : l’érosion programmée des normes de régulation et de supervision dans le
financement de l’immobilier ; la pratique croissante de la titrisation des subprimes et de tous
les prêts Alt-A1, réunis sous l’appellation de ortgage-backed securities (titres garantis par des
crédits immobiliers) ; la multiplication des obligations de type CDO (collateralized debt
obligations), que l’on avait pris l’habitude de sécuriser au moyen de contrats d’échange de
risque de défaut (credit default swaps). Tout cela avait créé une situation de « blocage des
marchés », pour reprendre l’expression de John Eatwell : le système financier avait perdu sa
capacité à évaluer les actifs échangés, mais également sa confiance dans la valeur des
portefeuilles, ainsi que la volonté de jouer le rôle de moteur de l’économie.
Qu’avons-nous vu depuis ? La disparition des banques d’investissement, soit parce
qu’elles ont connu une fusion, soit, comme dans le cas de Lehman Brothers, parce qu’elles
ont fait faillite. Après avoir essayé de gérer les problèmes au cas par cas, l’administration
1Les prêts Alt-A se situent entre les plus risqués (« subprimes ») et ceux considérés comme plus sûrs
(« primes »).