Pertinence du diagnostic virologique des infections

La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2003
213
MISE AU POINT
infection respiratoire communautaire est la patholo-
gie infectieuse la plus fréquemment rencontrée en
médecine de ville (1, 2). Les manifestations cliniques
de ces infections sont très variées, allant du simple rhume à la
pneumopathie hypoxémiante, en passant par l’otite moyenne
aiguë. Les virus sont les principaux agents étiologiques de ces
infections respiratoires communautaires (3-6). Elles sont obser-
vées toute l’année avec un pic durant la période hivernale
(3, 4, 7). Les virus respiratoires sont les virus influenza, le virus
respiratoire syncytial, les Adénovirus, les Rhinovirus, les Coro-
navirus, les virus para-influenza, et les métapneumovirus. Ils
sont responsables de pathologies respiratoires aiguës, souvent
de durée courte (4 à 7 jours), atteignant toutes les tranches
d’âges et survenant dans toutes les régions du globe (1). La cir-
culation de ces virus, et donc leur épidémiologie, dépendent de
la saison et des latitudes (1, 8).
Parmi les virus respiratoires, le virus influenza est responsable
de la plus grande morbi-mortalité ; c’est aussi celui pour lequel
nous avons le plus de données épidémiologiques. Ce virus fait
l’objet d’une surveillance étroite, tant au niveau national (réseau
de surveillance des GROG) qu’au niveau international (réseaux
EISS et OMS) (1, 7). Cette surveillance est nécessaire pour
détecter et caractériser les virus circulants, vérifier l’adéqua-
tion de la composition vaccinale en cours et choisir les variants
qui devront être inclus dans les compositions vaccinales à venir.
C’est aussi grâce aux réseaux de surveillance internationaux
qu’il a été possible de constater, durant l’hiver 2001-2002,
l’apparition d’un virus réassortant humain A (H1N2) (9).
En France, le réseau des médecins des Groupes régionaux d’ob-
servation de la grippe (GROG) assure depuis 1987 la sur-
veillance des infections grippales communautaires. Les géné-
ralistes et les pédiatres des GROG réalisent des prélèvements
chez des patients présentant une infection respiratoire aiguë et
adressent ces prélèvements, accompagnés d’une fiche de ren-
seignements cliniques, aux laboratoires de virologie. Ainsi, le
réseau GROG assure la collecte d’informations cliniques et
virologiques qui permettent d’annoncer et de caractériser avec
Pertinence du diagnostic virologique des infections
respiratoires communautaires
Relevance of virological diagnosis in communautary-acquired
respiratory tract infections
A. Mosnier*, B. Lina**
* Coordination nationale des GROG, Open Rome, 67, rue du Poteau, 75018
Paris.
** Centre national de référence pour les virus
influenza,
région Sud, hospices
civils de Lyon, UMR 5537, Domaine Rockefeller, F-69373 Lyon Cedex 08.
RÉSUMÉ.
Les infections virales respiratoires communautaires font partie du quotidien de tous les praticiens de ville. Il s’agit d’infections
aiguës des voies aériennes supérieures ou inférieures, quelquefois compliquées par une surinfection bactérienne et évoluant souvent sous
forme d’épidémies. De nombreux virus peuvent être responsables de ces infections, et il est impossible d’en faire le diagnostic étiologique
exclusivement sur la clinique. Ce diagnostic nécessite la réalisation d’un prélèvement au niveau de la muqueuse nasale ou pharyngée (écou-
villon, lavage ou aspiration) qui sera analysé dans un laboratoire de virologie spécialisé. Du fait de la lourdeur et de la lenteur des techniques
virologiques, ce diagnostic est peu approprié à la pratique de ville, et ces infections virales sont donc rarement documentées. Pourtant, le
diagnostic étiologique des infections respiratoires communautaires est utile, nécessaire et pertinent, en particulier dans la perspective d’un
bon usage des antibiotiques et du développement d’antiviraux spécifiques. Grâce aux réseaux de surveillance de la grippe, des données
épidémiologiques de terrain, étayées par des analyses virologiques, sont déjà disponibles. Elles fournissent des informations en temps réel sur
la circulation des virus et sur la situation épidémiologique de terrain. En complément, la commercialisation de tests virologiques rapides
accessibles aux praticiens pourrait leur permettre de réaliser un diagnostic étiologique précis chez certains des patients consultant pour une
infection respiratoire aiguë, et de connaître ainsi au mieux la situation épidémiologique locale.
Mots-clés :
Culture cellulaire - Épidémiologie - PCR - Tests diagnostiques rapides - Traitement - Virus respiratoires.
ABSTRACT.
Respiratory tract infections are frequent diseases in outpatients. These are acute infections of the upper or lower respiratory tract,
rapidly evolving, responsible for large epidemic, with frequent bacterial super-infections. Numerous viruses are responsible for these infec-
tions, and it remains impossible to identify the causative agents by simple analysis of the clinical symptoms. This diagnosis has to be carried
out by analysis in a virology lab of nasal/pharyngeal swabs or washes collected from the patients. This diagnosis is rarely carried out in out-
patients due to the lack of rapid and easy-to-handle techniques. In the frame of the development of new antiviral agents, and the need for good
practices in the management of antibiotics, the accurate diagnosis of acute respiratory tract infections in outpatients is both useful and rele-
vant. Surveillance networks already implemented for influenza surveillance provide real-time epidemiological and virological data available
for general practice. The development and future commercialisation of near patient tests should be of help to allow the accurate
diagnosis of acute respiratory tract infection in outpatients.
Key-words:
Cell culture - Epidemiology - Near patient tests - PCR - Respiratory viruses.
L
précision l’arrivée des virus grippaux sur le territoire français,
de décrire l’épidémie et de mesurer l’impact médico-écono-
mique de la grippe chaque hiver (7, 10).
Depuis 1990, le diagnostic des infections respiratoires aiguës
effectué sur ces prélèvements de ville par le Centre national de
référence pour les virus influenza (région Sud) pour la région
Rhône-Alpes combine la détection des virus grippaux à celle
d’autres virus respiratoires (VRS, virus para-influenza, Adéno-
virus, Rhinovirus et Entérovirus), de Chlamydia pneumoniae et
de Mycoplasma pneumoniae (7). L’élargissement de l’éventail
du diagnostic au-delà de la simple détection de la grippe a paru
essentiel pour assurer un diagnostic étiologique aussi complet
que possible des infections aiguës des voies aériennes supérieures
et ne pas sur- ou sous-estimer l’impact de la grippe (11, 12). Ce
diagnostic précis peut aussi permettre de corriger les erreurs d’ap-
préciation parfois importantes faites par le public quant à l’effi-
cacité du vaccin antigrippal. En effet, même en période épidé-
mique, le diagnostic de grippe peut être porté en excès chez un
patient vacciné devant une symptomatologie respiratoire aiguë
qui peut être la conséquence d’une infection par un autre patho-
gène respiratoire, voire de phénomènes allergiques (12).
LES VIRUS RESPIRATOIRES ET LEUR POUVOIR PATHOGÈNE
Au cours des infections respiratoires communautaires, diffé-
rents virus peuvent être impliqués. Les trois les plus fréquem-
ment rencontrés sont les Rhinovirus, les virus influenza (A et
B) et le virus respiratoire syncytial (sérotypes A et B).
La morbidité liée aux infections grippales ou à VRS est nette-
ment plus importante que celle associée aux infections à Rhino-
virus. Les virus influenza et le VRS sont responsables d’infec-
tions hautes et basses essentiellement rencontrées en fin
d’automne et durant l’hiver, parfois compliquées de surinfections
bactériennes (pneumopathies, otites, sinusites). Le VRS est par-
ticulièrement en cause dans les infections respiratoires basses
des petits enfants (bronchiolite), et peut aussi être responsable
d’infections chez l’adulte et la personne âgée. D’autres virus res-
piratoires sont également impliqués dans des pathologies respi-
ratoires (Adénovirus, virus para-influenza 1, 2 et 3, Coronavirus,
métapneumovirus et parfois Entérovirus). À la différence des
virus influenza, dont l’épidémiologie reste imprévisible, la chro-
nologie de la circulation des autres virus est connue. Ainsi, cer-
tains sont rencontrés plutôt durant l’automne et le printemps (Rhi-
novirus et Coronavirus), pendant l’été (virus para-influenza 3 et
Entérovirus), ou durant toute l’année, avec des petites bouffées
épidémiques localisées et transitoires (Adénovirus).
Enfin, cliniquement, certains, tels que les Rhinovirus ou les Coro-
navirus, ne donnent pratiquement que des infections bénignes
des voies aériennes supérieures, alors que le para-influenza 3 et
les Adénovirus peuvent être responsables d’infections des voies
aériennes inférieures accompagnées de signes généraux parfois
importants. Toutefois, en l’absence d’analyse virologique, il est
impossible pour le praticien de ville de faire un diagnostic étio-
logique précis des infections respiratoires, aucun de ces virus ne
donnant de tableau clinique pathognomonique (10, 13).
CONDUITE DU DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE
DES INFECTIONS VIRALES RESPIRATOIRES
Techniques de prélèvement
Les infections virales respiratoires sont des infections aiguës
d’évolution courte et rapide. Le site primaire de réplication de
la plupart des virus respiratoires est l’épithélium cilié des voies
aériennes supérieures, quelles que soient les manifestations cli-
niques observées chez le patient infecté. L’excrétion virale se
fait essentiellement au niveau de la muqueuse nasale et ne dure
que 4 à 7 jours, avec un pic au deuxième jour (figure 1). Dès
lors, pour être utile, un prélèvement à visée diagnostique doit
être réalisé, de préférence au niveau de la muqueuse nasale,
dans les deux ou trois premiers jours de la maladie. Plus le pré-
lèvement sera réalisé précocement, plus la chance d’obtenir un
résultat positif sera élevée. La technique la plus simple pour
effectuer ce prélèvement consiste à réaliser un écouvillonnage
nasal à l’aide d’un écouvillon réservé aux analyses virologiques,
c’est-à-dire associé à un milieu de transport ou de survie. En
pratique, l’écouvillon est introduit dans la narine sur une lon-
gueur de 1,5 à 2 cm, horizontalement, sur un plan parallèle au
plan du palais. Une rotation lente est alors appliquée sur l’écou-
villon, puis il est retiré et placé dans son milieu de survie ou de
transport. Plutôt qu’un écouvillonnage nasal, les Anglo-Saxons
utilisent un système dit d’aspiration nasale (14). Pour cela,
un dispositif est placé dans la narine du patient, permettant
l’injection intranasale de 2 à 3 ml de sérum physiologique.
Ce liquide est ensuite aspiré et collecté dans un tube du
dispositif.
Pour certains virus respiratoires, il sera utile d’effectuer un
écouvillonnage de gorge. C’est le cas pour les virus dont la
réplication se situe essentiellement au niveau des amygdales et
du pharynx (Adénovirus, Entérovirus). Ainsi, devant un tableau
respiratoire sans écoulement nasal clair franc (trachéite ou bron-
chite isolée), certains préconisent de combiner systématique-
ment le prélèvement nasal à un prélèvement pharyngé au niveau
des piliers de l’amygdale et du fond de la gorge. Les deux écou-
villons seront envoyés au laboratoire.
214
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2003
MISE AU POINT
0
0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144
1
2
3
4
5
Nombre de virus (log)
par ml de sécrétion nasale
Durée (heures)
Date d'infection
Figure 1. Cinétique d’excrétion du virus influenza chez l’adulte
(d’après 21).
Les virus sont responsables de 90 % des épisodes de bronchite
aiguë. Chez les patients atteints de bronchite chronique, les
infections aiguës se partagent entre infections d’origine virale
et bactérienne (50 %) (5). Au cours d’une bronchite, le prélè-
vement le plus souvent réalisé est un crachat, dont l’analyse n’a
aucun intérêt pour le diagnostic virologique (15). En effet, ces
prélèvements sont souvent purement salivaires, pauvres en cel-
lules épithéliales, et ne peuvent donc pas être informatifs (16).
Au cours des épisodes de bronchite aiguë d’origine virale, le
patient présente une toux sèche, irritative et non productive.
Lorsque la bronchite est accompagnée d’une toux grasse, cela
peut être le signe d’une surinfection bactérienne. Chez les
patients atteints de bronchite aiguë non productive, le diagnostic
virologique sera possible sur un prélèvement de nez et de gorge.
L’objectif de l’ensemble de ces techniques est de prélever des
cellules épithéliales infectées en nombre suffisant pour per-
mettre la réalisation du diagnostic ; les prélèvements paucicel-
lulaires sont à l’origine de faux négatifs.
Le délai d’acheminement des échantillons au laboratoire condi-
tionne aussi le résultat. Afin d’avoir les meilleures chances de
diagnostic, les prélèvements doivent arriver le plus rapidement
possible. Qu’il s’agisse d’un prélèvement de nez ou de gorge,
la détection des virus est excellente lorsque les écouvillons sont
placés dans des milieux de transport adaptés. Ces prélèvements
peuvent attendre 48 à 72 heures à température ambiante avant
d’être traités par le laboratoire de virologie, cela sans réduction
des possibilités de détection de la plupart des virus respiratoires.
Ainsi, les prélèvements effectués en ville par les médecins des
GROG sont adressés aux laboratoires de virologie par la poste,
dans des conteneurs spécifiques. Pour les liquides de lavage
nasal, il n’y a pas de milieu de transport possible. Toutefois, il
est possible de mélanger le liquide collecté avec un milieu de
survie simple, ce qui permet de conserver l’échantillon à 4 °C
pendant quelques heures avant de l’envoyer au laboratoire dans
un délai maximum de 8 heures.
Techniques de détection des virus respiratoires
(tableau I)
Le diagnostic virologique au laboratoire est généralement réa-
lisé en combinant des techniques de détection antigénique
rapide et de mise en culture sur lignée cellulaire.
Les premières mettent en évidence des protéines virales direc-
tement dans le prélèvement, généralement par ELISA ou par
immunofluorescence (IF). Ces techniques rapides (2 heures en
moyenne) ont souvent une sensibilité correcte, parfois bonne
(17-19), et permettent au laboratoire de donner une première
réponse le jour même du prélèvement. C’est sur la base de ces
techniques que se développent les doctor-tests, tests simplifiés
et rapides (en général moins de 15 minutes), réalisables par un
médecin dans son cabinet (voir plus loin).
Il existe aussi des tests unitaires rapides utilisables au labora-
toire (environ 10 à 20 minutes). Le principe de ces tests est habi-
tuellement un ELISA sur membrane. Ils n’existent que pour la
détection des virus de la grippe [par exemple Flu A-B Directi-
gen, Beckton Dickinson (20), ou le VRS (Directigen)]. Ils per-
mettent la différenciation entre influenza A et influenza B, mais
pas le sous-typage des virus de type A (20). Leur évaluation par
rapport aux techniques classiques les place à équivalence avec
certains tests ELISA conventionnels.
Pour obtenir une bonne sensibilité, ces tests de diagnostic direct
sont en général couplés à la culture (7). La culture des virus
demande un environnement technique important dont ne dis-
posent pas la grande majorité des laboratoires privés. En effet,
la culture virale nécessite l’utilisation de hottes à flux laminaire
de classe II (ou postes de sécurité microbiologique), de micro-
scopes inversés, de centrifugeuses à plaques et d’étuves à CO2.
Outre l’aspect purement technique, le second facteur qui limite
l’utilisation de la culture est la nécessité d’avoir un personnel
ayant la connaissance et la maîtrise de ces techniques délicates.
La culture des virus respiratoires nécessite l’entretien de diffé-
rentes lignées, car il n’existe pas de lignée cellulaire permet-
tant l’isolement de l’ensemble de ces virus. Certaines cellules
sont plus sensibles pour certains virus respiratoires (par
exemple : MDCK pour virus influenza ; HEp2 pour VRS ou
Adénovirus). Ces cultures sont réalisées dans des plaques et
centrifugées, ou bien dans des tubes, ces derniers étant mis sur
des rollers afin d’améliorer la sensibilité de la culture (17). Les
prélèvements respiratoires sont habituellement incubés à 34 °C.
Les méthodes diagnostiques utilisables pour la détection ou la
culture des virus dépendent du pathogène recherché. Ainsi, une
détection antigénique par ELISA et/ou IF est utilisable pour
VRS, influenzaA et B et para-influenza 1, 2 et 3. Pour les Enté-
rovirus, les Rhinovirus, les Adénovirus respiratoires et les Coro-
navirus, il n’existe pas d’anticorps adaptés à leur détection.
Hormis les Coronavirus, les virus respiratoires sont bien isolés
en culture cellulaire. Ainsi, dans un laboratoire expérimenté, la
culture reste la technique de référence pour la détection des
virus respiratoires. En utilisant un panel de lignées cellulaires,
il est possible d’organiser la détection concomitante de plu-
sieurs virus dans un prélèvement. Ainsi, le CNR des virus
influenza (région Sud) assure un diagnostic assez élargi sur des
prélèvements réalisés en pratique communautaire (figure 2).
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2003
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MISE AU POINT
Tableau I. Liste des techniques utilisables pour le diagnostic des
infections à virus respiratoires.
Virus Diagnostic direct PCR Culture
IF ELISA TDR
Influenza A +++++
Influenza B +++++
VRS A + + + + +
VRS B + + + + +
Rhinovirus - - - + +
Adénovirus - - - + +
Para-influenza 1 + +* - + +
Para-influenza 2 + +* - + +
Para-influenza 3 + +* - + +
Para-influenza 4+ + + +
Coronavirus** - - - + -
Entérovirus + - - + +
Métapneumovirus - - - + ±
* Les différents types peuvent être détectés par une réaction unique couplant
les AC anti-1+2+3.
** Hors souches Urbani et TOR.
Le défaut de cet algorithme est le délai de réponse. Les infec-
tions virales respiratoires sont des infections aiguës, d’appari-
tion et d’évolution rapides, pour lesquelles seul un diagnostic
rapide permet un diagnostic étiologique et un traitement spéci-
fique en temps réel. Pour cette gestion du patient consultant pour
une infection respiratoire aiguë, le besoin d’un diagnostic rapide
a été renforcé par la commercialisation de produits spécifique-
ment à activité antigrippale, l’efficacité de ces produits étant
directement liée à la précocité de leur administration [effet maxi-
mal en cas d’administration moins de 36 heures après le début
des symptômes (21)]. Leur spécificité antigrippale ainsi que leur
prix font qu’ils ne doivent être administrés qu’à bon escient, au
mieux chez des patients pour lesquels un diagnostic étiologique
a pu être réalisé. Or, le délai de réponse de la culture pour les
virus respiratoires est d’environ quatre jours.
Cette constatation simple, combinée au fait que certains virus
ne sont pas facilement isolables en lignée cellulaire, que la cul-
ture des virus nécessite un investissement important en per-
sonnel et que l’absence de diagnostic en temps réel entraîne un
désintérêt des cliniciens, a conduit au développement des tests
moléculaires de type PCR.
La PCR est une méthode de diagnostic rapide (de 4 à 24 heures)
et sensible. Comparée à la culture, elle est d’une sensibilité
supérieure, et permet la détection de pathogènes dont la culture
est longue et fastidieuse, voire impossible (exemple : certains
Coronavirus). L’avantage de cette technique est que le résultat
positif ou négatif est obtenu rapidement (22). Comme pour la
culture des virus, la réalisation de la PCR se fait avec un envi-
ronnement technique important et du personnel qualifié. En
effet, le diagnostic par PCR nécessite la maîtrise des processus
d’extraction des acides nucléiques (ARN ou ADN), ainsi que
des techniques d’amplification. Des procédures déjà publiées
décrivent des PCR permettant de détecter un pathogène précis
(PCR simple) ou plusieurs pathogènes [PCR multiplex] (18,
19, 22). Les avantages et inconvénients de la PCR par rapport
à la culture des virus sont un sujet de discussions passionnées.
Certains prêchent pour le tout-moléculaire (22), d’autres pour
le tout-culture (23), les plus modérés préférant l’utilisation com-
binée des deux techniques. En fait, ces deux techniques sont
complémentaires. Cependant, l’utilisation intensive de la PCR
permet aux laboratoires bien structurés et capables d’absorber
la demande de donner des réponses rapides (en 4 à 8 heures),
utiles pour la prise en charge des patients. Cette rapidité de
réponse entraîne une modification de la perception de l’utilité
du diagnostic virologique par les cliniciens, les rendant plus
enclins à demander des analyses virologiques du fait de la valeur
ajoutée à cette prise en charge (24). Les techniques dites “mul-
tiplex”, permettant la détection simultanée et rapide de deux à
dix pathogènes respiratoires différents, seront potentiellement
très utiles (18). Ces techniques d’avenir nécessitent encore de
la mise au point, afin d’avoir une sensibilité équivalente à celle
obtenue globalement avec les PCR simples. Actuellement, les
techniques PCR ont une meilleure sensibilité que la culture pour
la détection des virus respiratoires. Toutefois, le gain de sensi-
bilité est différent selon les virus : il est indiscutable pour les
Coronavirus et les Rhinovirus, moins évident pour les virus
influenza (19, 25). Par ailleurs, le retour en temps réel, vers les
praticiens, des résultats de prélèvements effectués à titre dia-
gnostique, pour des pathologies aussi courantes, nécessiterait
une adaptation du mode de transmission des résultats.
LES TESTS DE DIAGNOSTIC RAPIDE UNITAIRES (TDR)
Ces tests sont destinés aux médecins se trouvant au chevet du
patient. Ils sont appelés doctor tests ou near patient tests, et
reposent généralement sur le principe d’une immuno-chroma-
tographie sur bandelette après traitement des échantillons par
un détergent libérant les protéines virales contenues dans le pré-
216
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 6 - novembre-décembre 2003
MISE AU POINT
Prélèvement
Milieu de transport
3 aliquots
2 mn x 400 g
Cellules + PBS
IF
Centrifugation
+ antibiotiques
Incubation
Cultures sur cellules
30 mn
Cellules + milieu
ELFA
VIDAS IC ELISA
IC ELISA
(surnageant)
ECP
Identification
GR A
GR B
PARA
VRS
+ 1 congelé (- 80 °C)
+ 1 PCR
3 ml
(Nez-gorge)
Figure 2. Algorithme utilisé
pour la détection des virus
respiratoires (CNR région
Sud). Cet algorithme ne
tient pas compte des tech-
niques moléculaires qui
peuvent être utilisées occa-
sionnellement pour aug-
menter la sensibilité des
tests ou pour confirmer un
diagnostic direct positif/
culture négatif (7).
lèvement [exemple : test QuickVue, QUIDEL (20)]. Ces TDR,
dont le délai de réponse est en moyenne de 10 à 20 minutes,
s’appliquent indifféremment sur des écouvillonnages, aspira-
tions ou lavages de nez. Ils ne sont commercialisés que pour les
virus influenza. Le délai de réponse de ces TDR en fait des outils
intéressants pour la mise en route du traitement antiviral anti-
grippal spécifique “en temps réel”. Toutefois, comparés à la cul-
ture, ils manquent encore de sensibilité, ne différencient pas les
types de virus influenza et ne permettent pas le diagnostic
d’autres viroses (12, 20). Par ailleurs, leur réalisation nécessite
une formation préalable et un temps de réalisation difficilement
compatibles avec la pratique de la médecine de ville.
FAUT-IL FAIRE LE DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE
DES INFECTIONS RESPIRATOIRES COMMUNAUTAIRES ?
La réponse à cette question peut varier selon le contexte.
Pour le Centre national de référence (CNR) des virus
influenza et des virus respiratoires, il est indispensable de faire
un diagnostic précis des infections respiratoires communautaires,
afin de caractériser le plus précisément possible les virus en cir-
culation et leur impact médical réel (mortalité et morbidité),
d’éviter ainsi de faire des interprétations erronées concernant leur
circulation, et de participer aux choix vaccinaux (vaccin anti-
grippal). Pour le CNR, le diagnostic virologique des infections
respiratoires communautaires est donc pertinent. Ce diagnostic
permet la surveillance de la circulation des virus influenza comme
celle des autres virus respiratoires qui circulent avant ou en même
temps, et qui peuvent compliquer la surveillance de la grippe en
l’absence de données virologiques précises (figure 3) (11, 12,
26). Les outils de la surveillance virologique doivent être préfé-
rentiellement la culture avec identification des souches virales
isolées (23). Seule la caractérisation des virus respiratoires
permet le suivi précis de la circulation des souches épidémiques,
la détection éventuelle de nouveaux variants, voire de souches
potentiellement pandémiques.
Du point de vue du médecin hospitalier qui voit arriver en
urgence un patient pour un tableau infectieux grave lié à une
possible infection virale, le diagnostic virologique est indis-
pensable (25). À la différence du CNR, ce clinicien a besoin
d’un diagnostic positif ou négatif rapide pour une décision thé-
rapeutique instaurant un traitement adapté et évitant les pres-
criptions inutiles. Pour cela, ce médecin devra envoyer des pré-
lèvements au laboratoire de virologie qui réalisera de préférence
un diagnostic direct ou un diagnostic par PCR et, éventuelle-
ment, une mise en culture (22). Le critère principal pour justi-
fier le choix de la technique utilisée par le laboratoire sera la
rapidité de la réponse positive ou négative. Seuls quelques labo-
ratoires hospitaliers ont la capacité technique de réaliser la cul-
ture des virus respiratoires ; en revanche, après un choix rai-
sonné des amorces et des procédures à utiliser, la plupart des
laboratoires de CHU et de CHG auront la capacité technique
d’appliquer la PCR. Auront-ils le personnel pour le faire ?
Du point de vue du praticien de ville qui reçoit lors de sa
consultation des patients présentant une infection virale pro-
bable, mais chez lesquels il redoute une infection bactérienne
nécessitant l’administration d’antibiotiques, la seule solution
spécifique serait la réalisation au cabinet de tests de diagnos-
tic rapide (20). Actuellement, seuls existent des tests pour le
diagnostic de grippe, de sensibilité souvent insuffisante, et dont
aucun n’est commercialisé en France. Dans un avenir proche,
on pourra aussi faire le diagnostic d’infection à VRS ou à
Rhinovirus. Le résultat du test permettrait d’argumenter un
traitement adapté (ex. : antiviraux spécifiques) et d’éviter la
prescription inutile d’antibiotiques en l’absence de signes de
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MISE AU POINT
100
120
80
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40
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50
40
30
20
10
0
Nombre de prélèvements
Nombre de prélèvements positifs
Grippe A
2001 Semaines 2002
Grippe B Virus respiratoire syncytial Adénovirus
Rhinovirus Entérovirus Nombre de prélèvements
Para-influenza
Figure 3. Circulation des
principaux virus respira-
toires dans la région
Rhône-Alpes, hiver 2001-
2002. (Données GROG).
1 / 7 100%

Pertinence du diagnostic virologique des infections

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