DANS LES FONDS SOUS-MARINS
Vingt-cinq heures à
250
mètres
Holmès-Lebel
La plongée pose à l'organisme hu-
main des problèmes considérables.
L'homme n'a d'ailleurs guère franchi
jusqu'ici le cap des 250 mètres en
scaphandre autonome. Les gaz que
recèle le sang humain en effet subis-
sent à grande profondeur d'impor-
tantes modifications. En septembre
1947, le premier maître, Maurice Far-
gues, à la recherche d'un record du
monde, descend à uhe profondeur de
120 mètres, Il est soudain saisi par
un sentiment nouveau, une sorte d'eu-
phorie, qu'on appelle aujourd'hui
« l'ivresse des profondeurs » et qui
paraît présenter les m'élites caracté-
ristiques que cette euphorie dont les
cosmonautes ont fait état. En tout cas
Maurice Fargues n'est pas remonté.
Il a lâché son embout respiratoire et
il est mort noyé.
La ventilation des poumons
_Quelques années plus tard, en dé-
cembre 1953, un Américain de Miami
fait la même et malheureuse expé-
rience. On décide alors de fixer la
limite de sécurité des plongeurs
sous-marins à une profondeur de
80 mètres. Mais aussitôt les médecins
s'attaquent au problème. Et un certain
nombre d'observations et de déduc-
tions permettent alors de reculer cette
limite. Première observation : la pres-
sion ne risque pas de faire périr le
plongeur par « écrasement ». Car
lorsque l'organisme tout entier est
soumis à la même pression, un équi
libre s'y réalise. La pression à l'inté-
rieur du corps est alors la même que
celle du milieu environnant. Première
déduction: le problème est donc cir-
conscrit à celui de la solubilité des
gaz contenus dans le sang. Le mélange
d'oxygène et d'azote respiré par
l'homme dans son milieu naturel de-
vient en profondeur un mélange
toxique. L'oxygène de l'air est trans-
porté dans le sang par fixation sur
l'hémoglobine. Or une trop forte pro-
portion d'oxygène bloque, paradoxale-
ment, le phénomène d'oxygénation de
l'organisme. -S'il se trouve en trop
grande quantité dans le sang, il ne
peut plus se répandre dans les tissus
et c'est l'asphyxie. Il en va de même
pour l'azote. Présent en trop grande
quantité, il agit comme un narcotique
et procure au plongeur cette euphorie,
cette impression d'ivresse qui causa
tant de morts parmi les plongeurs.
Peu à peu les physiologistes compri-
rent qu'il fallait modifier la compo-
sition de
e
l'air » fourni aux plon-
geurs. On réduisit le taux d'oxygène
dans le mélange, de sorte qu'il ne
dépassa jamais une pression de 1,7 kg.
Puis, on décida également de rem-
placer l'azote toxique par de l'hélium
ou de l'hydrogène. En 1956, l'Anglais
Wookey, alimenté avec un mélange
d'oxygène et d'hélium, atteignit une
profondeur de 183 mètres.
Le professeur Buhlmann, de Zu-
rich, expliqua alors l'ivresse des pro-
fondeurs comme vulgaire asphyxie par
blocage des alvéoles pulmonaires
immobilisées par des gaz trop denses.
Ceux-ci provoquaient l'accumulation
dans le sang d'une trop grande quan-
tité de gaz carbonique toxique.
Le mélange oxygène-azote blo-
quant la ventilation par sa masse, il
convenait ,d'user de gaz plus légers et
de combattre la narcose par un effort
de ventilation supplémentaire. En
effet, nombre de nageurs parviennent
aujourd'hui à combattre les troubles
de la profondeur en accélérant la ven-
tilation de leurs poumons.
Le secret de l'hélium
En descendant vers les fonds ma-
rins, l'organisme se charge d'une
grande quantité de gaz. De la même
manière, ces gaz cherchent à se libérer
au fur et à mesure que le plongeur
remonte et que la pression se rap-
proche de la normale.
Or une remontée trop rapide ne
permet pas l'élimination régulière du
mélange gazeux, et l'on se trouve
alors dans le même cas que celui de
la bouteille de champagne dont on
enlève brusquement le bouchon. Des
bulles se forment dans les vaisseaux
sanguins qui peuvent obstruer ceux-ci
jusqu'à provoquer ce que l'on ap-
pelle
a
l'embolie gazeuse'». Les cel-
lules nerveuses sont alors sous-
oxygénées, et comme la moelle épi-
nière est particulièrement mal irri-
guée, elle se trouve la première à
souffrir, ce qui se traduit souvent par
une paralysie des membres inférieurs.
Il faut donc imposer, au plongeur
qui
r
remonte vers la surface, de
longues stations successives appelées
« paliers de décompression ». Ces ar-
rêts permettent l'élimination progres-
sive des gaz. Or si de tels délais peu-
vent être catastrophiques en cas d'in-
cident, ils sont également un sérieux
Page 18 20 juillet 1966