Chapitre 1. Médiation politique et capitalismes dans la VoC et l’ATR
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s’imposent comme des cadres par rapport auxquels la population et les groupes concernés adaptent
leurs comportements » (Delorme et André, 1983, pp.672-674).
Ces armistices provisoires permettent la réalisation de l’accumulation34. Mais ceux-ci
prennent des modalités différentes selon la forme que revêt l’institution résolutive des conflits
ouverts. En effet, en conceptualisant les formes institutionnelles comme un ensemble de
compromis institutionnalisés, l’ATR réaffirme la pertinence du concept de régulation par
rapport au fonctionnalisme de la macro-économie conventionnelle et de l’Etat capitaliste.
«L'existence d'un lien fonctionnel, dans lequel le politique –et donc la politique économique
–est en position subordonnée permet de réduire la variété des configurations nationales à
l'unité : à chaque état du système économique correspond ou devrait correspondre une (et
une seule) politique économique, celle qui est fonctionnelle à la réalisation de l'optimum
économique » (Théret et Palombarini, 2001, p.1). Parce que l’intervention de l’Etat dans
l’économie est déterminée par l’existence de compromis institutionnalisés entre groupes
socio-économiques, cette interprétation positive du politique fait par l’ATR tranche avec cette
vision normative en macro-économie qui attribue implicitement aux économistes le rôle de
définition des politiques publiques (Amable et Palombarini, 2005)35
Elle rompt également avec le fonctionnalisme néo-marxiste qui fait du politique une structure
appartenant à la superstructure sociale s’édifiant sur l’économique. Elle donne ainsi un sens
aux crises régulières qui affectent les régimes de croissance de chaque économie nationale
capitaliste. « La raison de la non-automaticité de la viabilité de ces régimes est simple : la
plupart, si ce n'est la totalité, des dépenses publiques et des systèmes fiscaux résultent d'une
série de compromis institutionnalisés a priori indépendants les uns des autres, et qui ne visent
en rien à stabiliser l'accumulation. C'est, le plus souvent, un résultat non intentionnel qui ne
s'observe qu'ex post » (Boyer, 2004b, p.37). Ainsi, la notion de compromis institutionnalisé
sert de base théorique à une prise en compte plus affirmée de l’autonomie relative du
politique par rapport à un lien fonctionnel qui unirait le politique et l’économique, et, se
faisant, à une prise de distance vis-à-vis de sa conceptualisation néo-marxiste qui insiste sur le
rôle de l’Etat dans la reproduction du mode de production capitaliste (Palombarini, 2001).
.
34 Ainsi, le régime de croissance fordiste des Trente Glorieuses est le résultat d’un compromis institutionnalisé
particulier entre le capital et le travail (Boyer, 1998a). Il correspond à l’acception par les syndicats de la
modernisation des structures productives en échange d’un partage des gains de productivité ainsi réalisés et
d’une augmentation du salaire réel.
35 La macro-économie est depuis Keynes largement tournée vers la détermination des politiques économiques
(ou l’absence de politique économique) à mener. Par analogie à la physique, un critère standard de scientificité a
finit par devenir le pouvoir de prédiction de la théorie en question. De ce fait, la volonté première des macro-
économistes est davantage de fabriquer des théories à fonction de technologie économique, c’est-à-dire
directement applicables (cf le modèle IS-LM) que d’augmenter la masse et la qualité des connaissances sur le
monde (Mingat et alii, 1985).