Chapitre 6 – La subduction, ses causes, et ses conséquences magmatiques Une création de lithosphère océanique a lieu en permanence au niveau des dorsales océaniques. Ce mécanisme d'accrétion est lié à une expansion des fonds océaniques qui, au fil du temps, s'éloignent de la dorsale. Déplacement relatif des plaques lithosphériques en cm.an-1 Les forages sous-marins révèlent que l'âge des fonds océaniques n'excède jamais 200 millions d'années (voir act. 1.4) alors que l'on connaît des roches continentales âgées de plus de 4 milliards d'années; il faut donc admettre que la lithosphère océanique disparaît en s'enfonçant dans le manteau. Cette disparition se réalise au niveau de zones de convergence, dites zones de subduction (sub : sous ; ducere : conduire). Ces régions présentent des caractéristiques communes et des spécificités. I. Les zones de subduction, des zones actives Les zones de subduction, comme celles situées sur le pourtour du Pacifique (Japon, côte ouest de l'Amérique du sud...), dans la région des Antilles, ou au sud de l'Italie (p.202), sont marquées par une activité géologique intense : - une activité sismique remarquable (les 3/4 de l'énergie sismique globale sont dissipés dans ces zones), voir répartition des séismes des 7 derniers jours : http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/map/ ; - une activité magmatique importante. La disparition de la lithosphère océanique au niveau des zones de subduction se produit : - soit sous une lithosphère continentale; c'est le cas des Andes. On parle de subduction océan-continent ; il en résulte une marge continentale active (doc 1.a); - soit sous une autre lithosphère océanique (cas des Antilles). Ce type de zone de subduction océan-océan est bordée d'une guirlande d'îles portant de nombreux volcans actifs : un arc insulaire actif (doc 1.b). Chapitre 6 – La subduction 1/6 Doc. 2 ci-contre. Les foyers sismiques liés au phénomène de subduction se répartissent en profondeur sur une surface inclinée, dite plan de Benioff, qui part à l'aplomb de la fosse et s'enfonce sous le continent ou l'arc insulaire avec une inclinaison variable (de 10 à 80° selon les zones). L'existence de foyers sismiques entre 100 et 700 km de profondeur tend à démontrer l'existence d'une plaque lithosphérique froide et cassante qui s'enfonce dans l'asthénosphère ductile. La tomographie sismique confirme la plongée de la lithosphère océanique par la présence d'une langue qui s'enfonce obliquement et qui présente des vitesses sismiques plus élevées, signe de l'existence d'un matériel plus froid (= la lithosphère). Le plan de Benioff matérialise le toit de la plaque plongeante. n pla d o eni B e ff II. La densité, moteur de la subduction Doc. 2-3 pp. 174-175 ; activité 17. Au fur et à mesure qu'elle s'éloigne de la dorsale, la lithosphère océanique se refroidit. L'asthénosphère sousjacente accompagne la lithosphère dans son mouvement de divergence. En s'éloignant de la dorsale, les péridotites de l'asthénosphère se refroidissent aussi ; quand leur température passe en-dessous de 1300°C, elles deviennent rigides : elles sont devenues de la lithosphère. La croûte océanique se déplace solidairement avec une semelle de manteau lithosphérique qui devient donc de plus en plus épaisse en s'éloignant de la dorsale. Or la densité du manteau lithosphérique (3,3) est plus élevée que celle de la croûte océanique (2,9) ; la densité globale de la lithosphère océanique augmente donc en s'éloignant de la dorsale. La lithosphère océanique s'affaisse petit à petit (son altitude diminue) : il y a subsidence thermique. Quand la densité globale de la lithosphère océanique dépasse celle de l'asthénosphère (3,25), la subduction peut alors se produire spontanément. Cela se produit à partir d'un âge de 50 Ma environ. C'est le principal moteur de la subduction. Voir également activité 17. Certains panneaux de lithosphère subduite atteignent la limite entre manteaux supérieur et inférieur. D'autres s'enfonceraient même dans le manteau inférieur jusqu'à atteindre la limite noyau-manteau. Accrétion, subduction et mouvements de convection dans le manteau Accrétion océanique au niveau des dorsales et destruction de lithosphère océanique au niveau des zones de subduction sont deux phénomènes qui se compensent. Chapitre 6 – La subduction 2/6 III. Un magmatisme lié au métamorphisme de la lithosphère océanique 1. Des laves visqueuses et explosives Le volcanisme des zones de subduction est de type andésitique, c'est-à-dire qu'il produit des laves riches en silice donc très visqueuses - voir doc. 4 p. 191 - (beaucoup plus que les basaltes qui se forment au niveau des dorsales océaniques ou des points chauds) : des andésites, voire des rhyolites. Ces laves donnent lieu à un volcanisme explosif : alors que dans le cas d'une lave fluide, les gaz contenus dans la lave s'échappent au fur et à mesure sous forme de nombreuses bulles éclatant une par une, dans le cas des laves andésitiques et rhyolitiques, très visqueuses, les gaz restent emprisonnés, jusqu'à ce qu'ils s'échappent brutalement en entraînant une masse énorme de fragments de lave incandescents. Souvent, le mélange gaz + particules incandescentes, trop lourd pour s'élever dans les airs, dévale les pentes du volcan à une vitesse pouvant aller jusqu'à 600 km / h , formant une nuée ardente particulièrement dangereuse. Types d'éruptions le plus souvent rencontrés dans les zones de subduction La plus grande partie du magma n'atteint pas la surface mais cristallise en profondeur, il forme des roches plutoniques (granodiorites), de même composition chimique que les andésites. Seule la texture change : à quelques kilomètres (ou dizaines de kilomètres) sous la surface, le magma refroidit lentement, de gros cristaux ont le temps de se former, et on obtient une texture grenue (au lieu d'une texture microlithique). Classification des principales roches des zones de subduction - Feldspaths Composition - Quartz Feldspaths (orthose (Plagioclases) Minéralogique avec ou sans - Pyroxène et/ou plagioclases) Amphiboles Texture - Biotite (mica noir) Microlithique Refroidissement rapide (quelques A l'œil nu : existence de quelques gros cristaux RHYOLITE ANDESITE heures ou jours) visibles (phénocristaux), sur un fond uniforme → Roche volcanique Au microscope : grands cristaux et petits cristaux (microlithes) visibles dans une pâte non cristallisée apparaissant noire en lumière polarisée analysée (structure microlithique) Grenue GRANITE DIORITE Refroidissement lent (plusieurs milliers ou dizaines de milliers Cristaux visibles à l'œil nu. d'années) L'ensemble de la roche est entièrement cristallisé → Roche plutonique Vitesse de refroidissement (La formation d'un cristal Magma riche en Magma moyennement prend beaucoup silice (entre 65 et riche en silice (entre de temps.) 75%) 50 et 60 %) Chimie du magma Chapitre 6 – La subduction 3/6 2. Origine des magmas Si l'on fait correspondre sur un même graphique les axes volcaniques de nombreuses subductions de géométries variées, on constate que le plan de Benioff se trouve toujours à une profondeur d'une centaine de kilomètres sous l'axe volcanique (doc. 1 p. 194, graphique en haut à droite). On peut ainsi supposer que la genèse des magmas se réalise à cette profondeur et que les roches affectées par la fusion sont soit celles de la croûte océanique soit les péridotites du manteau sus-jacent. Des études géochimiques permettent de conclure que ce sont les péridotites du manteau immédiatement situées au-dessus de la lithosphère océanique en subduction qui fondent partiellement. 3. Conditions de fusion des péridotites Voir graphiques fournis en accompagnement, ou diaporama. Le géotherme des zones de subduction ne permet pas la fusion des péridotites sèches. En revanche, un apport d'eau abaisse la température de fusion partielle des péridotites; ainsi entre 80 et 130 km de profondeur, la température de 1000 °C suffit pour provoquer la fusion partielle d'une péridotite, en présence d'eau. Cette eau provient du métamorphisme des roches de la croûte océanique en subduction : voir point suivant. 4. Origine de l'eau permettant la fusion partielle des péridotites a. Hydrothermalisme près de la dorsale Au niveau d'une dorsale, la croûte océanique qui vient de se former est fracturée. Elle est le siège d'une importante circulation d'eau de mer. Les gabbros de la croûte sont encore à une température comprise entre 600 et 900 °C. Dans ce "climat", les minéraux du gabbro (pyroxène et feldspath plagioclase) ne sont pas stables et réagissent entre eux pour donner un minéral hydraté, la hornblende (réaction 1 dans le diagramme Pression-Température, voir doc. 2 p. 195). On aboutit à un métagabbro à hornblende. b. Vieillissement de la croûte océanique Au fur et à mesure qu'elle s'écarte de la dorsale et qu'elle refroidit, il se forme des minéraux encore plus hydratés : chlorite et actinote (réaction 2). On aboutit à un métagabbro à chlorite et actinote ; chlorite et actinote sont des minéraux verts, on parle du faciès schistes verts. Chapitre 6 – La subduction 4/6 Ces transformations minéralogiques à l'état solide (métamorphisme) aboutissent à une hydratation des minéraux de la croûte océanique (incorporation d'eau sous forme de radicaux -OH). 3 2 c. Métamorphisme HP-BT lors de la subduction 1 Lors de la subduction, la croûte océanique est entraînée en profondeur ; elle subit alors un 4 métamorphisme haute pression basse température (HP-BT) : vers ……… km de profondeur, le métagabbro à chlorite-actinote subit la réaction 3 et devient un métagabbro à glaucophane (la glaucophane est une amphibole moins riche en eau que chlorite et actinote ; elle est bleue, on parle du faciès schistes bleus). Diagramme de phase pour une roche de composition gabbroïque (données expérimentales obtenues avec cellule à enclume de diamant, doc. 1 p. 172) Puis vers ……… km de profondeur, ce métagabbro subit la réaction 4 et devient une éclogite contenant grenat et pyroxène jadéite, qui sont des minéraux anhydres ( = sans eau). Ce métamorphisme HP-BT aboutit donc à une déshydratation des minéraux de la croûte océanique et à une importante libération d'eau. Cette eau hydrate les péridotites de la plaque sus-jacente et favorise leur fusion partielle (≈10 %), donnant un magma de nature basaltique. Le magma, moins dense que la roche qui l'entoure, remonte vers la surface, en se faufilant dans des fractures préexistantes. Il migre à travers le manteau lithosphérique puis à travers la croûte, et est stocké Déshydratation de la plaque plongeante et fusion partielle des péridotites temporairement dans des réservoirs à différentes profondeurs. La plus grande partie se solidifie finalement en profondeur, formant des roches magmatiques plutoniques de type granodiorite, une petite partie atteint la surface, formant des roches magmatiques volcaniques riches en silice, de type andésite. Ces roches contiennent des minéraux hydroxylés c'est-à-dire contenant des radicaux -OH (………………………………………………………), voir doc. 3 p. 193. Cela confirme que le magma à partir duquel elles se sont formées contenait de l'eau. 5. Pourquoi des laves riches en silice ? Composition chimique d'une péridotite, d'un basalte et d'une andésite SiO2 Al2O3 FeO + MgO Na2O + K2O CaO 44 2,1 50,5 0,36 1,9 Magma basaltique 49,2 15,4 16 4,8 9,6 Andésite 57,6 17,3 10,7 4,7 7,2 Péridotite Chapitre 6 – La subduction 5/6 Comparez la teneur en silice d'une péridotite, d'un magma basaltique et d'une andésite. ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Quels problèmes posent ces constatations ? ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Le document 3 p. 197 indique la température de cristallisation (les flèches indiquent alors l'ordre de cristallisation) ou au contraire de fusion de différents minéraux. Le doc. 3 p. 193 (droite) indique leur teneur en silice. Y a-t-il un lien approximatif entre la température de fusion d'un minéral et sa teneur en silice (du type plus …. plus/moins …) ? ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Une péridotite portée à 1000°C (en présence d'eau) va fondre partiellement (aux alentours de 10%). Indiquer quel(s) minéral(ux) va ou vont fondre à cette température. Effet sur la teneur en silice ? ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Lorsqu'un magma de nature basaltique refroidit, l'ordre de cristallisation des minéraux est celui indiqué dans le document 3 p. 197. Il faut imaginer qu'à chaque étape, ce qui reste du magma s'échappe et remonte plus haut dans le manteau puis la croûte, dans d'autres réservoirs. Quel sera l'effet de cette cristallisation fractionnée sur la teneur en silice du magma restant ? ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………… Conclusion du chapitre ● Les zones de subduction sont des zones de convergence (mouvement de deux plaques lithosphériques l'une vers l'autre), où de la lithosphère océanique est détruite par enfoncement dans l'asthénosphère. Elles sont le siège d'une sismicité et d'un magmatisme intenses (arc volcanique). ● L'évolution de la lithosphère océanique est un des moteurs de la subduction : au fur et à mesure qu'elle s'éloigne de la dorsale, elle se refroidit, s'épaissit et devient plus dense. Lorsque sa densité devient supérieure à celle de l'asthénosphère, sa subduction devient possible (elle « coule »). ● Le magmatisme est lié au métamorphisme de la croûte océanique : les magmas produits au niveau des zones de subduction proviennent de la fusion partielle des péridotites du manteau immédiatement situées au-dessus de la lithosphère océanique en subduction. Cette fusion partielle est permise par un apport en eau. Cette eau est issue du métamorphisme des roches de la croûte océanique en subduction, métamorphisme HP-BT qui mène à la déshydratation de cette croûte. L'eau ainsi libérée hydrate les péridotites situées juste au-dessus ; cet apport d'eau abaisse la température de fusion partielle des péridotites; ainsi entre 80 et 130 km de profondeur, la température de 1000 °C suffit pour provoquer la fusion partielle d'une péridotite. Les magmas chauds ainsi produits, moins denses, montent. Certains arrivent en surface où, parce qu'ils sont riches en silice donnent des laves visqueuses à l'origine d'un volcanisme explosif, et forment des roches volcaniques de type andésite. Mais la plus grande partie de ces magmas cristallise en profondeur, donnant des roches plutoniques de type granodiorite. Andésites et granodiorites sont typiques de la croûte continentale. Les zones de subduction sont ainsi le lieu où de la croûte continentale est créée ; on parle d'accrétion continentale. Chapitre 6 – La subduction 6/6