Résumé
Ce travail propose une interprétation de la pensée anticoloniale du psychiatre et
philosophe politique martiniquais Frantz Fanon. Il se proposera de la comprendre comme une
philosophie sociale de l’existence. Il s’agira, pour l’analyser, de replacer Fanon dans son
époque, en contextualisant son œuvre par rapport à l’histoire du colonialisme moderne,
notamment en Afrique, mais aussi de relire Fanon à la lumière de la pensée contemporaine
aux fins de déceler ce qui, dans son œuvre, demeure actuel. Cette recherche se déploiera en
deux temps.
La première partie explorera les irréductibles spécificités du modèle colonial de
domination, dont la philosophie politique et sociale n’a pas suffisamment tenu compte
jusqu’ici. Elle aura donc pour objectif de dévoiler les fondements racistes du colonialisme en
en explorant les conséquences dans plusieurs domaines : droit et politique, notamment, mais
aussi économie et psychiatrie. Le concept de « prise de vies », qui sera opposé à celui de
« prises de terres » élaboré par Carl Schmitt, servira de fil conducteur à cette recherche. Il
s’agira de soutenir que la disqualification de certains groupes humains seule rendit possible
l’accaparement des territoires ultramarins. Ce sont les modalités de cette disqualification
qu’explicitera ce premier moment.
La seconde partie portera sur les modèles de résistance à cette domination, et plus
particulièrement l’action révolutionnaire, dont Fanon propose une formulation inédite. Elle
vise ainsi à montrer que Fanon développe, en réponse à la déshumanisation coloniale, ce
qu’on pourrait nommer une politique spéculative. Une pensée dont les objets sont moins des
concepts ou des idées que des rapports de force réels, historiquement localisés. Ainsi la
conception fanonienne de la violence, qui permet à la fois de se garder des valorisations
indues et de penser le changement historique. On verra comment c’est par la répétition
transformatrice de ce qui est que peut surgir la nouveauté dans l’histoire. Répétition dans la
différence, fut-elle violente, qui constitue le cœur même de la pensée fanonienne. Ainsi la
répétition africaine des nations européennes ; ainsi le panafricanisme qui seront finalement
abordés.
Il s’agira donc de dessiner les contours de l’« ontologie » existentielle et politique de
Frantz Fanon.
Mots-clefs : Frantz Fanon – Colonialisme – Racisme – Violence – Philosophie sociale et
politique.