LA CONSCIENCE NATIONALE ROUMAINE
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1718 l’Olténie, le tiers occidental de la Valachie, mais sont
contraints de le rétrocéder en 1739 et le pays recouvre son intégra-
lité. En revanche, la Moldavie perd en 1775 le Nord de son terri-
toire au profit des Autrichiens qui le baptisent Bucovine, et en
1812 la moitié orientale du pays située entre les rivières Prut et
Dniestr, au profit des Russes qui désigneront cette région sous le
nom de Bessarabie.
Cela étant, l’internationalisation du problème des principautés a
eu pour effet immédiat de fissurer l’isolement, la coupure de
l’Europe imposé par le régime phanariote et de limiter les abus de
la Porte. À terme, elle mènera à la remise en question de l’emprise
ottomane. La présence des officiers autrichiens et russes pendant
les longues périodes d’occupation (1769-1774, 1787-1792, 1806-
1812 et 1828-1834) contribue à la diffusion des modes et des idées
européennes, y compris celles de la Révolution française, ainsi que
du français comme langue de communication. L’influence crois-
sante de l’Europe apparaît aussi à la lecture des catalogues des
bibliothèques préservées des boyards et du haut clergé des premiè-
res décennies du XIXe siècle: le livre occidental et particulièrement
français, domine largement (classiques gréco-latins, philosophes et
penseurs politiques des XVIIe-XVIIIe siècles, avec en bonne place les
encyclopédistes, écrits historiques sur la Révolution française et le
premier Empire). En 1774, la Russie obtenait le droit d’intervenir
auprès du sultan en faveur des principautés. On assiste ensuite à
l’ouverture, à court intervalle, de consulats à Bucarest et à Iai :
russes en 1782, autrichiens en 1783, prussiens en 1785, français en
1796, anglais en 1801.
En 1821 éclate en Valachie un soulèvement antiphanariote qui
prendra les allures d’une révolution (avec un programme social
assez confus), dirigé par Tudor Vladimirescu, un petit boyard qui
avait gagné le grade de lieutenant dans l’armée russe en conduisant
une unité de volontaires pendant la guerre de 1806-1812. Ce mou-
vement croise celui mené par Alexandre Ypsilanti, fils d’un ancien
prince phanariote et général du tsar, à la tête de la Hétairie (société
secrète grecque constituée à Odessa en 1814), qui tente de susciter,
à partir des pays roumains, l’insurrection des chrétiens des Balkans
et surtout des Grecs. Désavoués par le tsar dont ils attendaient le
soutien, et devant l’imminence de l’intervention des armées otto-
manes, les options des deux chefs divergent. Vladimirescu entame
des négociations avec la Porte. Il est accusé de trahison par Ypsi-
lanti qui le fait assassiner et essaye de rallier à sa cause les troupes
des révoltés valaques. Mais privées de leur chef, celles-ci se disper-