Neurofeedback: un Traitement Non-Invasif du Trouble du Déficit de
l’Attention avec ou sans Hyperactivité.
Marco CONGEDOa, Alexandre BOUCHETb
a) GIPSA-lab
1
, Grenoble University and CNRS, Grenoble, France.
b) CLARTE
2
, Laval, France
CLARTE a développé un serious-game destiné aux enfants atteints de troubles de déficit de
l'attention/hyperactivité (TDAH).
Le TDAH est un des troubles psychiatriques les plus courants chez l’enfant (3 à 7%) qui se caractérise par des
symptômes apparaissant avant l’âge de 5 ans. Les enfants atteints de TDAH présentent dans différentes situations de
vie (école, famille, loisirs) : un déficit d’attention et une grande distractibilité: incapacité à se concentrer plus de
quelques minutes sur une che ; hyperactivité qui se manifeste par une agitation motrice non contrôlée et incessante ;
impulsivité verbale et motrice.
Avec l'aide de partenaires du projet OpenViBE2 (INRIA, INSERM, GIPSA-lab, CEA-List) et de partenaires externes
(CHU de Rennes), CLARTE a développé une plate-forme basée EEG pour le traitement des troubles de déficit de
l'attention/hyperactivité. Cette plateforme à vocation thérapeutique, se base sur des techniques de Neurofeedback
associées à des dispositifs de réalité virtuelle afin de permettre une immersion des patients dans des environnements
virtuels (EV) écologiques pleinement contrôlables et paramétrables.
À l'avenir, le Neurofeedback en réalité virtuelle pourrait devenir un outil efficace de plus, ou peut-être même de
substitution, aux traitements traditionnels et médicaments utilisés pour les TDAH aujourd'hui.
Qu’est-ce que le neurofeedback
Le retour neuronal, ou neurofeedback, est une technique utilisée dans la médecine comportementale comme
complément d’une psychothérapie. Un appareil électronique acquiert le signal électroencéphalographique (EEG) à
partir d’électrodes placées sur le scalp. Il extrait ensuite de l’EEG des informations sur l’activité électrique du cerveau et
les convertit en un objet visuel ou auditif qui varie dynamiquement avec le signal physiologique. Par exemple, on fait
varier la longueur d’une jauge visuelle de façon continue en fonction de la puissance de l’EEG dans une bande de
fréquence spécifique (Figure 1). Le processus doit être temps réel, c’est-à-dire que l’objet (la jauge visuelle) doit
représenter l’activité cérébrale ciblée avec un délai faible (inférieur à 500 millisecondes). Généralement, après 20 à 40
sessions de trente minutes environ, espacées de deux ou trois jours, le participant a acquis une certaine perception des
changements du signal et est capable de contrôler qualitativement ce signal, ce qui à son tour détermine une
1
www.gipsa-lab.grenoble-inp.fr/
2
www.clarte.asso.fr
modification de l’activité cérébrale elle-même. La recherche dans ce domaine a marré au début des années 70 et
s’est aussitôt concentrée sur le traitement du trouble du déficit de l’attention, sans ou avec hyperactivité.
Figure 1: On peut voir le neurofeedback comme une boucle fermée. L’enregistrement de l’EEG de scalp (le disque vert dans la figure) est
amplifié et numérisé à l’aide d’une électronique dédiée. Une caractéristique spécifique du signal EEG est extraite par un algorithme qui élabore un
signal que l’on appelle le signal physiologique. Par exemple, on peut estimer sur une fenêtre glissante la puissance du signal dans la bande de
fréquence « Alpha » (8-12 Hz). Un objet visuel ou auditif change en suivant l’évolution du signal physiologique, formant ainsi un signal de retour
que l’on présente au sujet. Par exemple, la hauteur d’un son (signal de retour) peut varier en fonction de l’amplitude de l’activité cérébrale (signal
physiologique). Finalement, la boucle est fermée par le cerveau du sujet lui-même, où, selon un processus de contrôle inconnu (représenté en
figure par un point d’interrogation jaune), le participant essaie de contrôler le signal de retour dans la direction souhaitée, par exemple, faire
baisser la hauteur du son.
Le neurofeedback présente deux propriétés très intéressantes : il est complètement non invasif, et il implique une forte
motivation du patient. De ce fait, le neurofeedback est une solution attractive surtout pour des enfants et des
adolescents dont l’équilibre des neurotransmetteurs aussi bien que l’anatomie cérébrale est encore en évolution. Dans
certain cas, même sévères, le neurofeedback s’est relevé très efficace, dans d’autres, inutile, mais jamais pernicieux. Les
facteurs qui déterminent le succès du neurofeedback sont un diagnostic correct, un choix approprié du protocole (choix
du signal physiologique et du signal de retour, nombre de sessions etc.) et la motivation du participant. Finalement, une
fois l’apprentissage en place, il est important d’aider le participant à transposer la capacité de contrôle de l’activité
cérébrale acquise au cours des séances d’entraînement dans les activités de tous les jours où l’attention et la
concentration sont importantes.
Un système logiciel pour le neurofeedback dans le traitement du TDAH
Le trouble du déficit de l'attention avec ou sens hyperactivité est un trouble caractéripar des problèmes de
concentration, accompagné ou non d’une hyperactivité/impulsivité. Le plus souvent, les signes du trouble deviennent
évidents avec la scolarisation, sous forme, entre autres, de difficultés à rester en place, à maintenir l’attention et la
concentration pour le temps nécessaire à accomplir une tâche, difficultés à attendre son tour. Fréquemment, ce
trouble entraîne des difficultés scolaires importantes bien que l’intelligence soit normale ou même supérieure à la
normale.
Dans un consortium de plusieurs partenaires académiques et industriels constituant le projet OpenViBE (2005-
2009) financé par l’Agence Nationale de la Recherche et dédié à la recherche sur les interfaces cerveau-machines,
l’INRIA, coordinateur du projet, a développé un environnement logiciel, appelé OpenViBE. Cet environnement est
capable de gérer l’acquisition des données EEG et le traitement des données en ligne afin d’en extraire des
caractéristiques pertinentes. Ce logiciel OpenViBE est open-source et complètement gratuit
3
. CLARTE, dans le cadre du
projet OpenViBE2 (2010-2013), a développé une plate-forme logicielle de neurofeedback de nouvelle génération,
utilisant des dispositifs de réalité virtuelle pour une immersion des patients dans des environnements virtuels
écologiques pleinement contrôlables et paramétrables. Ce dispositif a été conçu notamment pour favoriser la
transposition de l’apprentissage que nous avons mentionné. Il s’agit d’une application 3D temps-réel qui assure la
transformation du signal physiologique fourni par le logiciel OpenVibe, en un ensemble de signaux de retour visuels et
auditifs (les différents scénarii de neurofeedback) disponibles lorsque le patient est immergé dans l’environnement
virtuel et équipé du dispositif EEG. L’environnement virtuel emblématique de cette plateforme est une salle de classe
au réalisme important (Figure 2), à l’intérieur de laquelle un ensemble d’objets virtuels interactifs peuvent être le
support à de nombreux scenarii de neurofeedback.
Figure 2 - La salle de classe virtuelle vue par l'utilisateur du système
Dans l'un des scénarii, l'enfant TDAH est invité à suivre une vidéo instructive sur un écran virtuel dans la classe,
dont la qualité (flou d’image et niveau sonore) est directement dépendante du signal physiologique mesuré. Ainsi, s’il
souhaite continuer à regarder cette vidéo dans de bonnes conditions, il doit maintenir son activité cérébrale dans les
conditions indiquées par le thérapeute. Dans un autre exemple, l’enfant doit écouter les consignes du professeur virtuel
tout en maintenant son signal physiologique dans les critères fixés par le thérapeute. Si cette condition n’est pas
satisfaite, une agitation apparaît dans la salle de classe par une augmentation des mouvements et des bruits produits
par les autres élèves virtuels, ainsi qu’une lévitation des objets présents sur son bureau et dans la salle.
3
http://openvibe.inria.fr/
Au cours de ces phases d’entraînement, le thérapeute est en mesure de tester la stabilité de l'attention du
patient en déclenchant depuis un écran de contrôle additionnel des événements virtuels perturbateurs tels que les
aboiements d'un chien, le passage d’un camion dans la rue, etc. Cette plateforme logicielle intègre aussi une méthode
de mesure continue de l'attention, développée par l'INSERM, qui permet de suivre les progrès réalisés par les enfants
au cours de plusieurs séances d’entraînement. Aussi, cette plateforme logicielle, qui se veut générique, peut être
utilisée par le thérapeute sur des dispositifs de réalité virtuelle légers tels qu’un écran stéréoscopique, ou des dispositifs
haut de gamme tels qu’une salle de réalité virtuelle multi-écrans immersive (Figure 3).
Figure 3 - Patient à l'intérieur du système immersif (SAS3 - CLARTE), équipé d'un casque EEG (EMOTIV EPOC) et de lunettes stéréoscopiques.
Les perspectives de poursuite des travaux concernent la conduite d’une étude clinique française sur la
performance et l’acceptabilité de ces nouvelles méthodes thérapeutiques utilisant le neurofeedback en association
avec les technologies de réalité virtuelle.
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