Université Médicale Virtuelle Francophone Polycopié national de cancérologie Tumeurs de l’estomac (150) F.Guillemin (Nancy), R.Bugat (Toulouse) Mai 2006 (mise à jour mai 2006) 1. Introduction La symptomatologie du cancer de l’estomac ne devient suggestive que lorsque la lésion est déjà évoluée. Il convient donc de prescrire une endoscopie même pour des symptômes vagues et relativement banals. 2. Epidémiologie Dans certains pays comme le Japon, la fréquence élevée de la maladie justifie un dépistage de masse (transit baryté, puis endoscopie). En France, le cancer de l’estomac a vu son incidence décroître ces dernières décennies, probablement en rapport avec le mode de conservation des aliments par le froid et une alimentation plus riche en légumes et fruits frais. Les cancers de l’estomac représentent 6 à 7% des causes de décès par cancer. Il n’y a pas de dépistage de masse ; on devra donc porter un diagnostic précoce. Au début du XXe siècle, la localisation distale était prédominante, actuellement, c’est la localisation proximale qui est le plus souvent rencontrée. Le cancer de l’estomac touche deux fois plus souvent les hommes que les femmes. L’âge moyen de survenue se situe entre 45 et 65 ans. 3. Facteurs de risque Les facteurs prédisposant connus sont l’Anémie de Biermer, la gastrite atrophique, la métaplasie intestinale, la maladie de Ménétrier, la gastrectomie sub-totale, les polypes gastriques. L’ulcère gastrique, longtemps considéré comme faisant le lit du cancer, est probablement une éventualité rare. La dysplasie est un état précancéreux de découverte fortuite, précédant la forme superficielle du cancer. L’infection à hélicobacter pylori, associée à un ulcère, est une cause reconnue de cancer de l’estomac et justifie un traitement antibiotique qui peut être remarquablement efficace. 4. Clinique Le développement du cancer de l’estomac se fait de manière insidieuse. Le diagnostic n’est cliniquement évoqué que devant des signes non spécifiques témoignant d’une maladie avancée : anorexie, dégoûts des viandes, amaigrissement, asthénie, pâleur et teint paille, tumeur palpable, ascite. Pour porter un diagnostic précoce, on attachera une grande importance à une dyspepsie d’apparition récente et qui a tendance à s’accentuer. Des symptômes fonctionnels comme une pesanteur épigastrique, un inconfort prandial ou post-prandial, une baisse de l’appétit, une 1 Université Médicale Virtuelle Francophone Polycopié national de cancérologie tendance aux éructations avec parfois pyrosis, une digestion lente, devront être pris en compte. Les phénomènes douloureux à type de crampes épigastriques post-prandiales dont on ne retrouve pas la périodicité classique de la maladie ulcéreuse doivent alerter autant qu’une symptomatologie typique d’ulcère. Le siège du cancer peut avoir une traduction particulière. • Une dysphagie progressive avec régurgitations et hoquet évoque une localisation oesocardiale. • Un syndrome de sténose pylorique évoque une localisation antro-pylorique (50% des cas). Le cancer peut se révéler par une complication : • Hémorragique, révélée par une anémie hypochrome ou plus rarement par une hématémèse ou un melæna. • Péritonite par perforation en péritoine libre ou cloisonné. Le cancer peut se révéler par son extension régionale ou métastatique : • Hépatomégalie (foie marronné) • Ascite, nodule de carcinose péritonéale perçu dans le cul-de-sac de Douglas, au TR • Tumeur de Krükenberg (métastase ovarienne) • Tumeur épigastrique, ganglion de Troisier, ganglion axillaire gauche Les syndromes paranéoplasiques sont rares. On citera l’Acanthosis nigricans et les syndromes ichtyosiformes, la diarrhée ou le syndrome carcinoïde des tumeurs neuro-endocrines. 5. Diagnostic positif L’examen clef du diagnostic est l’endoscopie. L’aspect macroscopique peut être ulcéreux, végétant, le plus souvent ulcéro-végétant. Le caractère irrégulier de la lésion, le saignement spontané ou au contact sont des signes très évocateurs. Une infiltration donne une rigidité plus ou moins étendue de la paroi, une muqueuse irrégulière aux plis épais. En pratique, tout aspect anormal de la muqueuse doit être biopsié. Les biopsies doivent être nombreuses, profondes, dirigées sur l’anomalie principale et à distance. L’anatomie pathologique décrira le plus fréquemment un adénocarcinome (95% des cas), on en précisera le type et le grade. Le stade dans la classification TNM constitue le principal facteur pronostique. Certains paramètres susceptibles d’affecter le pronostic peuvent être enregistrés : l’ACE, l’expression de p53, la ploïdie, la phase S. Les lymphomes sont rares, mais ils sont devenus relativement plus fréquents et ont un traitement chimiothérapique. Les lymphomes MALT (mucosa-associated lymphoid tissue) guérissent par antibiothérapie dirigée contre H. Pylori. Des biopsies négatives ne doivent pas être prises en compte dès que l’on suspecte un cancer ; l’examen doit être recommencé. 2 Université Médicale Virtuelle Francophone Polycopié national de cancérologie 6. Bilan d’extension Une fois posé le diagnostic de cancer de l’estomac, l’écho-endoscopie permet d’apprécier : • l’infiltration pariétale : épithélium, lamina propria, sous-muqueuse, musculeuse, sousséreuse, séreuse • l’extension par contiguïté : mésos, épiploon, côlon, pancréas, rate, voies biliaires... • l’atteinte ganglionnaire proximale et à distance (coeliaque, para-aortique, pédicule hépatique). Au cours de cet examen, on peut pratiquer une cytoponction sur une adénomégalie. Cependant, le scanner est plus performant pour l’imagerie des ganglions distaux. La tomodensitométrie abdomino-pelvienne apporte des informations sur l’extension locorégionale et métastatique. L’échographie hépatique et la radiographie pulmonaire recherchent systématiquement des métastases. Les autres localisations métastatiques ne sont recherchées que sur signe d’appel. Le transit baryté peut donner une information topographique utile au chirurgien. L’ascite très évocatrice d’une atteinte péritonéale est souvent absente. Quand elle existe une paracentèse permet une étude cytopathologique. La laparoscopie permet une exploration précise de la cavité abdominale pour identifier des nodules tumoraux et faire un lavage péritonéal pour une étude cytopathologique. Une atteinte péritonéale contrindique l’exérèse chirurgicale. De petites métastases hépatiques superficielles passées inaperçues au scanner peuvent être visualisées. Le dosage du marqueur CA-19.9 n’est pas utile au diagnostic. Il permet seulement de suivre l’efficacité du traitement s’il était élevé avant traitement. Les prélèvements bactériologiques à la recherche d’Hélicobacter pylori seront systématiques. Il n’y a plus de place pour l’épreuve thérapeutique antiulcéreuse. En tout état de cause, les traitements symptomatiques doivent être courts et en cas d’efficacité incomplète doivent inciter à réaliser une endoscopie. 3