Une perspective de la mobiquité au service
de la gestion avant / pendant / après des
séismes
Prototypage autour du projet SISMAPP
Anne-Marie Lesas 1, 2
1. Université de Nice – Sophia-Antipolis, MBDS,
1645, route des Lucioles, Sophia Antipolis, 06410 Biot, France
2. Aix Marseille Université, LSIS UMR 7296,
13397 Marseille, France
amlesas@yahoo.fr
RESUME. Les smartphones modernes embarquent des technologies sophistiquées qui peuvent
contribuer à la gestion des séismes. Depuis 2013, nous étudions l’utilisation des technologies
mobiquitaires dans la gestion avant / pendant / après des séismes autour du projet SISMAPP
étudié au Master MBDS du département Informatique de l’Université de Nice Sophia-
Antipolis. Nous introduisons dans cet article nos travaux de prototypage sur l’utilisation des
capteurs embarqués, l’implémentation d’un réseau mail en pair-à-pair, la localisation des
victimes, la propagation d’alertes et la collecte de données massives destinées à la recherche
sismologique et la découverte de modèles de prédictibilité...
ABSTRACT. Modern smartphones embed sophisticated technologies that can contribute to
earthquakes monitoring. Since 2013, we study mobiquitous technologies applied to the before
/ during / after earthquakes management in the context of SISMAPP project studied at MBDS
Master of Computer Science at University of Nice Sophia-Antipolis. We discuss in this
paper our prototyping work on embedded sensors, peer-to-peer mesh network
implementation, locating victims, alert spreading and big data collection for seismic research
and the discovery of predictive models…
MOTS-CLES : Collecte de données massives, Réseaux de capteurs, Systèmes d’Information
mobiquitaires
KEYWORDS: Big Data collection, Mobiquitous Information Systems, Sensor networks
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!
Introduction
Avec l’arrivée d’Internet et du haut débit, les services numériques se sont
étendus de la plateforme du professionnel vers la plateforme du particulier avec le
déploiement sur le web ouvrant l’accès aux services depuis des ordinateurs
personnels ; PC de bureau, puis ordinateurs portables et maintenant téléphones et
appareils mobiles. Nous sommes entrés dans l’ère de la mobiquité (ubiquité
d’Internet et mobilité) et du concept d'ATAWAD (AnyTime, AnyWhere,
AnyDevice)1 qui permet au particulier daccéder aux services numériques n’importe
quand, n’importe où et avec n’importe quel périphérique.
Aujourd’hui, les appareils mobiles dotés de systèmes intelligents embarquent
toute sortes de composantes électroniques et de capteurs ce qui a amor une
nouvelle volution numérique : avec la possibilité de savoir qui, où, quand, à quel
propos et quoi (les 5 « W » : Who, Where, When, Whereabout, What), l’identité du
porteur (avec ses habitudes et ses préférences), l’espace et le temps (« ici et
maintenant »), l’événement déclenc (mouvement, immobilité, connexion,
déconnexion...) et le résultat obtenu ; le particulier équipé d’un smartphone est
devenu le fournisseur d’une source d’informations exploitables en temps réel ou à
postériori.
Près de 1.5 milliard de smartphones se sont commercialisés en 2015 (source
IDC) et le smartphone est devenu l’ordinateur le plus déployé au monde : sa forte
intrication dans le quotidien de l’utilisateur, sa connectivité et les technologies
sophistiquées qu’il embarque en font un outil utilisable dans le domaine de la
sismologie. Le smartphone fait l’objet de l’intérêt des scientifiques et l’on trouve de
nombreuses références qui démontrent la pertinence de son exploitation dans le
cadre de la surveillance sismique participative avec l’utilisation de sa connectivité et
de ses capteurs embarqués (Faulkner M. et al., 2011) (Olson M. et al., 2011) (Kong
Q., 2012) (Dolui K. et al., 2013) (Naito S. et al., 2013) (Reilly J. et al., 2013)
(Minson S. et al., 2015).
Depuis 2013, les étudiants du Master MBDS spécialisé dans les systèmes
d’information mobiquitaires à l’Université de Nice Sophia-Antipolis mettent en
pratique les enseignements technologiques autour du projet SISMAPP de
prototypage d’une plateforme de services dédiés à la gestion avant / pendant / après
des séismes (Lesas et al., 2014). Avec la participation du Centre de Sismologie
Euro-Méditerranéen (CSEM) et du laboratoire GéoAzur, nos travaux ont consisté à
la réalisation de briques fonctionnelles « preuves de concept » en application des
technologies ubiquitaires mobiles dans la gestion des séismes.
Dans cet article, je présente le prototypage réalisé autour du projet SISMAPP
motivé dans la section 1 et dont je synttise la mise en œuvre dans la section 2.
Puis je conclurai cet article en introduisant nos travaux futurs qui s’orienteront plus
particulièrement vers le monitoring et l’interprétation des données.
1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Mobiquité
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1. Motivations pour nos travaux
Les réseaux de recherche en géosciences et les dispositifs de surveillance et de
prévention des risques sismiques ont permis d’établir une évaluation et une
localisation fine des aléas sismiques. Cependant, les sismologues ne sont pas encore
en mesure d’anticiper la survenue d’un tremblement de terre et chaque année les
séismes engendrent des dizaines de milliers de victimes et la destruction des
infrastructures avec les répercussions catastrophiques que cela peut entraîner sur
l’environnement, on l’a vu lors séisme de la côte Pacifique du T hoku au Japon en
2011 et ses conséquences avec le tsunami qui a provoqué la destruction de la
centrale nucléaire de Fukushima.
La contribution à l’effort de recherche en sismologie est une cause humanitaire
d’intérêt général qui concerne toutes les populations et toute la planète ; basés dans
une des régions les plus exposées à l’aléa sismique en France, lUNS est dautant
plus concernée par le problème. Notre travail n’a pas pour ambition particulière de
se marquer par rapport à un état de l’art dont l’intérêt tient par ailleurs dans ses
applications pratiques ; notre objectif initial était de mettre à profit nos compétences
dans la conception de systèmes d’information mobiquitaires et dans la réalisation
d’outils informatiques afin de contribuer aux progrès dans la gestion des séismes.
Le travail de prototypage universitaire que nous avons réalisé dans une première
approche se veut une démonstration de notre savoir-faire afin de sensibiliser la
communauté scientifique (régionale ou nationale) pour une mobilisation autour
d’une plateforme dédiée, car nous savons que c’est en faisant converger les
compétences pluridisciplinaires vers un objectif commun que nous renniserons
notre travail.
Ainsi, nous esrons apporter notre contribution à la réalisation d’un système de
collecte (en provenance d’appareils mobiles, d’Internet, de réseaux de capteurs et de
surveillance sismique...) et de traitement de données massives référentielles
hétérogènes (données sismiques, mesures de capteurs, nombre de connexions /
déconnexions et de recherches sur Internet et les réseaux sociaux...) et participatives
(témoignages textuels, vocaux, visuels...) dans l’objectif d’établir des modèles de
prédictibili et d’identifier les indicateurs à observer pour le déclenchement
d’alertes ciblées (par exemple, public et localités concernée).
2. Synthèse de nos travaux
Tout en néficiant de l’expertise des ophysiciens sismologues du CSEM et du
laboratoire GéoAzur, nous avons travaillé sur trois thématiques initiales :
Lanalyse des signaux en provenance des capteurs inertiels fixes ou mobiles
(embarqués dans le smartphone) pour détecter des séismes,
La connectivité des appareils mobiles (i.e. Wi-Fi, Bluetooth) et / ou des
capteurs fixes communicants pour la propager des alertes précoces (en temps réel,
dans les prémices d’un séisme) et / ou suppléer à la perte du réseau cellulaire en cas
40
!
de destruction des infrastructures télécom pour communiquer lors d’un isme (i.e.
par réseau maillé et/ou en pair-à-pair)
L’utilisation de la géolocalisation pour la localisation des victimes et le recueil
de données destinées au filtrage des notifications d’alerte selon la localité et à
l’analyse comportementale.
2.1. Analyse des signaux en provenance des capteurs inertiels
Le travail s’appuie sur l’analyse et le traitement des signaux en provenance du
capteur pour détecter un mouvement « anormal » dont lorigine est potentiellement
sismique : cette détection peut donner lieu à des alertes précoces automatiques et /
ou à la collecte des mesures afin d’alimenter les référentiels (une utilisation permet
par exemple de déterminer l’intensid’un séisme et son épicentres en fonction de
de la localisation du signal et de son horodatage).
2.1.1. Capteurs accéléromètres du smartphone
Nous avons tout d’abord étudié l’utilisation des capteurs accéléromètres
embarqués dans le smartphone dans son utilisation normale lorsque l’utilisateur est
en mouvement : le prototypage (sur Android et Windows Phone) a démontré que
même si nous sommes capables d’identifier une activité particulière de l’utilisateur
(i.e. changement de direction, marche, course, état stationnaire, secousse du mobile)
en comparant les signaux à un référentiel préétabli, il est en revanche difficile de
différentier des mouvements vibratoires provoqués par une activité « normale » de
l’utilisateur d’un mouvement d’origine sismique, et ce malgré l’implémentation d’un
protocole de corroboration automatique des signaux avec des appareils situés en
proximité (cf. § 2.2). Une solution envisagée (et que nous avons prototypée) consiste
à demander une confirmation à l’utilisateur qui déclenche alors une alerte, mais nos
tests ont montré que dans le métro ou dans les mouvements de foule, le système se
déclenche de façon intempestive et ne présente donc aucun intérêt.
Nous avons alors adopté une approche plus traditionnelle (Reilly J. et al., 2013)
et nous avons implémenté (sur Android) un algorithme présenté par ailleurs (Lesas
AM., 2016) dont le déclenchement est condition par la position immobile de
l’appareil quand il est en charge. L’analyse des signaux en provenance des capteurs
s’exécute sur une période glissante selon des paramètres configurables dans
l’application : la tection donne lieu à une notification d’alerte transmise à
l’utilisateur et à un serveur distant (lorsque le réseau est opérationnel) et à la collecte
des mesures sur une période chevauchant l’événement (avant et après) dune durée
déterminée par les paramètres de la configuration. Les mesures collectées sont
associées à un horodatage et une localisation et sont stockées localement et
transmise (si le réseau est opérationnel) au serveur distant.
Les enregistrements du séisme de Napa en 2014 avec l’application « MyShake »
confortent la pertinence de notre implémentation, mais bien que les résultats de nos
tests préliminaires nous permettent de penser que cette dernière solution est très
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prometteuse, nous espérons confirmer son bon fonctionnement par le déploiement
d’un pilote expérimental en laboratoire spécialisé ou en conditions elles dans une
région fortement sismique.
2.1.2. Capteurs sismique fixe (USB O-NAVI)
Le même algorithme décrit précédemment (cf. § 2.1.1) est implémenté (en Java)
sur un PC de bureau fixe auquel est connec un capteur sismique USB O-NAVI
procuré par le CSEM dont l’usage premier était destiné au réseau QCN
(http://qcn.emsc-csem.org/sensor), mais nous avons souhai détourner son
utilisation première pour tester la propagation des alertes sur les appareils mobiles
connectés aux réseaux Wi-Fi disponibles et montrer que le smartphone peut
recevoir des alertes précoces en provenance de capteurs fixes environnants.
En effet, nos recherches et nos expériences montrent qu’il est difficile d’éliminer
les faux positifs en temps réel car la corrélation des signaux impose une connectivité
avec un serveur distant dont la latence et l’indisponibilité supprime le caractère
immédiat de l’alerte. Nous en concluons que le déclenchement d’alertes précoces
fiables doit provenir de capteurs de proximité qui utilisent une connectivité
indépendante des réseaux cellulaires : une solution envisagée est basée sur des
capteurs de haute performance positionnés à des emplacement choisis pour leur
faible exposition aux faux positifs et capables de communiquer avec les appareils
mobiles de proximité, par exemple, le capteur peut intégrer connectivité Bluetooth
ou Wi-Fi (i.e. microcontrôleurs Arduino ou Raspberry Pi...).
2.2. Utilisation de la connectivité en réseau maillé et pair-à-pair
Nous avons étudié l’utilisation de la connectivité de proximité avec le Wi-Fi et le
Bluetooth (portée ~50 mètres) dans deux cas d’utilisation:
Communication en tâche de fond par lapplication sans intervention de
l’utilisateur,
Utilisation à la demande contrôlée par l’utilisateur.
Dans le premier cas, nous avons développé un protocole « DYFI » Did You
Feel It ») dans lapplication mobile (Android) destiné à corroborer une alerte entre
des appareils de proximité : le protocole qui fonctionne en tâche de fond sans
intervention de l’utilisateur permet d’établir un réseau en pair-à-pair et de
communiquer avec des appareils équipés de notre application qui sont connectés au
réseau dédié. Quatre niveaux d’alerte sont gérés par le système :
1°) la première phase du protocole correspond au niveau d’alerte 0 et à un état
normal ; aucune anomalie n’esttectée,
2°) lorsqu’une anomalie est détectée par le processus d’analyse des signaux en
provenance de l’accéléromètre d’un appareil, le système passe à la deuxième phase
et au 1er niveau dalerte ; le système se connecte au réseau dédié afin de propager
l’alerte de niveau 1 aux autres appareils équipés de l’application. Si le réseau dédié
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